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La Planète des Singes, film de science-fiction de Franklin J. Schaffner. Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Linda Harrison…
La note du Koala : 5/5
A ne pas confondre avec La Planète des Singes (Tim Burton, 2001).
Ce film est suivi par Le Secret de la Planète des Singes (Ted Post, 1970).
Le pitch : Taylor (C. Heston), Landon (R. Gunner) et Dodge (J. Burton), trois astronautes, s’écrasent sur une planète inconnue en l’an 3978. La croyant d’abord inhabitée, ils y découvrent très vite un groupe d’humains primitifs, sans langage. Mais ceux-ci sont la cible d’une battue organisée par des singes biens plus évolués. Commence alors une lutte pour la survie qui emmènera Taylor, avec l’aide de Zira (K. Hunter) et Cornélius (R. McDowall), deux chimpanzés scientifiques, vers une incroyable et effroyable vérité.
La critique : Première étape de cette rétrospective, La Planète des Singes de Franklin J. Schaffner. Librement adapté du roman éponyme de Pierre Boulle, ce film pose la première pierre de ce qui s’avère être (à mon sens) l’une des sagas de science-fiction les plus cultes mais aussi les plus importantes de l’histoire du cinéma.
L’année 1968 restera définitivement dans les mémoires comme celle du renouveau complet de la SF car c’est là que sortent successivement 2001 : L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick et La Planète des Singes. D’un côté, nous avons un film qui aborde un univers futuriste et complexe et, de l’autre, une épopée cauchemardesque mettant en scène l’une des plus grandes craintes de l’homme : être déchu de son titre d’espèce dominante. Dès lors, ce premier opus de ce qui s’avèrera être une saga au cours des six années suivantes nous dépeint un monde terrifiant pour nous autres les humains, où les singes sont plus évolués que nous et montent à cheval pour mieux nous chasser, nous capturer et nous disséquer. On ne pourra que constater le sensible éloignement du scénario de ce film vis-à-vis de l’oeuvre originale de Pierre Boulle (éloignement qui se confirme grandement avec la scène finale) mais, une fois cet état de fait accepté par ceux qui auront lu le livre, cette Planète des Singes se veut être une approche très intéressante de l’idée initiale du romancier. Scénaristiquement parlant, il n’y a pas grand-chose à redire tant La Planète des Singes de Schaffner est composée selon un rythme idéal qui permet d’alterner scènes d’action et scènes plus posées laissant une plus large place au dialogue et, par dessus tout, au développement des thématiques que le film aborde et à la réflexion autour de celles-ci. Car c’est bien cela qui permet à cet épisode de la franchise de marquer les esprits : ses thèmes. Le récit de Pierre Boulle ne manquait pas de développer différentes pistes de réflexion mais ce film-là vient s’inscrire dans une optique relativement différente puisqu’elle va pour l’essentiel reprendre les angoisses qui occupent les esprits en cette fin des années 1960 et, tout particulièrement, la peur du nucléaire mais également la ségrégation. J’éviterai cependant d’en parler plus longtemps dans cet article et conserve tout ce que j’ai à dire à ce sujet pour les ultimes pages de cette rétrospective. Retenez cependant l’essentiel : La Planète des Singes de 1968 se veut être l’écho des réflexions qui émergent à l’époque.

La scène du tribunal permet d’aborder différents thèmes essentiels du film et notamment celui de l’influence de la religion.
En tant qu’objet filmique à proprement parler, on ne peut nier que La Planète des Singes a pris un certain coup de vieux. Les effets spéciaux notamment, s’ils ne passent pas aussi mal que ceux du premier film Star Trek, ont pris un sacré coup dans l’aile avec le temps. On ne peut en revanche pas en dire autant des maquillages inouïs de John Chambers. Je suis un grand fan du travail qu’il a réalisé sur ce film (et sur ses suites) alors je manque peut-être d’objectivité sur la question mais il me semble correct de dire que, pour l’époque tout du moins, ces maquillages sont exceptionnels. Alors évidemment, on n’est pas au niveau de ressemblance que la motion capture a permis dans les plus récents La Planète des Singes : Les Origines et La Planète des Singes : L’Affrontement, mais tout de même ! Sans compter que les acteurs qui campent des singes, et en particulier Kim Hunter et Roddy McDowall, ont su reprendre à leur compte des mimiques simiesques qui ne sont pas sans faire leur effet. Reste en tous cas que la mise en scène, bien que très marquée par le style de cette fin des 60’s, offre une vision des choses qui colle avec l’ambiance que Schaffner souhaite apporter à son film. Jouant sur divers effets de caméras et sur une volonté de laisser durer la découverte d’un élément nouveau déterminant, le cinéaste crée une tension permanente dont l’intensité est soulignée par la musique quasi-psychédélique Jerry Goldsmith. La Planète des Singes jouit alors d’une atmosphère pesante et même oppressante qui ne fait que renforcer la portée des thèmes que le film aborde.

C’est une équipe de pas moins de 80 personnes qui travaillait sur les maquillages. Il fallait bien ça !
Concernant le casting, que dire déjà du grand Charlton Heston tant l’expression « grand Charlton Heston » se suffit à elle-même ? Un statut de légende du cinéma américain, d’icone, ça se travaille, ça s’acquiert à force de performances toutes plus éclatantes les unes que les autres. Et on ne peut nier que son interprétation du colonel Taylor est de celles-là. Il compose ici un personnage à la fois cynique et impuissant qui ne peut strictement rien faire face à la situation dans laquelle il se retrouve. C’est d’ailleurs quelque chose d’intéressant à observer dans La Planète des Singes : quoi qu’il fasse, Taylor est/a perdu. Heston propose donc une approche du personnage toute en rudesse et même en brutalité, nécessaire pour ne pas rendre ce protagoniste hors-propos. Il lui faut être brutal car c’est bien la chose qui lui reste dans cet univers simiesques. On pourra même dire que l’on retrouve dans ce Taylor un peu du Robert Thorn de Soleil Vert. A ses côtés, Kim Hunter et Roddy McDowall ne se trouvent en aucun cas handicapés par le lourd maquillage qu’ils portent et leur jeu se veut assez fin. On appréciera notamment le travail que j’évoquais plus haut sur les mimiques et la gestuelle générale de leurs personnages chimpanzés. Le verbe « singer » n’aura jamais été aussi approprié car les deux comédiens imitent presque à la perfection et sans caricature grossière la façon dont les singes se déplacent notamment, tout en leur apportant très logiquement une dimension humaine nécessaire pour coller à leur statut d’espèce évoluée. Je ne reviendrais cependant pas trop sur Linda Harrison, dont le personnage manque cruellement de consistance et terminerai ce paragraphe par un mot au sujet de Maurice Evans, qui incarne le cruel et réactionnaire docteur Zaïus. L’acteur joue ici beaucoup plus en réserve afin de donner à son orang-outan une forme d’aura qui émane de son rang dans la société des singes. Il le rend obscur, imposant et finalement détestable, ce qui est bien l’objectif.
On ne pouvait donc pas réellement rêver mieux comme première étape de la saga La Planète des Singes. Franklin J. Schaffner livre en 1968 un film ambitieux et lourd de sens qui mêle habilement science-fiction et thèmes de société alors d’actualité (certains le sont encore aujourd’hui d’ailleurs). Il s’agit là d’une oeuvre maîtrisée au rythme calculé dont on ressort avec l’impression que tout ceci pourrait bien nous tomber sur le coin du nez d’ici quelque temps.
Le « Oh, au fait ! » :
Nominé dans deux catégories aux Oscars 1969 (Meilleure musique et Meilleurs costumes), La Planète des Singes ne remporta aucune de ces récompenses mais repartit tout de même avec un Oscar d’Honneur pour John Chambers, chef maquilleur sur le tournage, pour le résultat de son travail. Rappelons que l’Oscar du Meilleur maquillage n’a fait son apparition qu’en 1982, soit 13 ans après que Chambers ait reçu sa récompense.
Aucune suite n’était d’abord prévue pour ce film. Finalement, le succès et les réclamations du public donnèrent naissance à 4 suites : Le Secret de la Planète des Singes (1970), Les Evadés de la Planète des Singes (1971), La Conquête de la Planète des Singes (1972) et enfin La Bataille de la Planète des Singes (1973), dont nous parlerons dans les semaines à venir.
Le maquillage des acteurs qui incarnaient des singes étant particulièrement long, ces derniers devaient le conserver durant les pauses, ce qui a donné lieu à quelques fameux clichés, comme celui-ci, celui-ci ou encore celui-ci. Roddy McDowall allait même encore plus loin : il aimait tant son maquillage qu’il le conservait même après le tournage pour rentrer chez lui, ce qui ne manquait pas de surprendre les conducteurs qu’il croisait sur la route.
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Merci beaucoup pour ce retour sur ce grand film. Tu fais bien d’évoquer à plusieurs reprises le livre de Pierre Boule, même si je ne l’ai pas lu. Tu en parlera plus longuement dans le dernier article du dossier, pour expliquer la différence entre la fin du film et celle du livre? En tout cas il est vrai que les maquillages étaient vraiment impressionnant pour l’époque. Vivement samedi prochain pour lire la suite 😉
Merci pour ce retour enthousiaste ! \o/
J’estime qu’évoquer Pierre Boulle est essentiel tant le bouquin est bon. D’ailleurs, je vais te sortir les mêmes arguments qu’à DigiScal : 192 pages, il se lit super vite et il ne coûte que 4,20€ chez Pocket. 😉
Quant à ce qui est d’en parler dans l’ultime partie du dossier, je ne sais pas encore. J’en ai bien envie mais je ne sais pas encore trop sous quel angle aborder cela. Et puis il faudrait que je le relise avant toute chose. Cela dit, j’ai tout mon temps. Comme je le disais, la partie sur les thèmes arrivera plus tardivement que le reste.
Et ouais, les maquillages c’est vraiment un truc que j’adore dans ce film. Je serais tellement fan de pouvoir faire comme Roddy McDowall en voiture. :3
Les photos des pauses pendant le tournage sont incroyables, je les aime beaucoup. En ce qui concerne le livre tu as raison, il faut que je le lise, d’autant plus qu’il est présent dans la bibliothèque de mon boulot, donc en une semaine ça peut être plié (mais faut d’abord que j’avance sur les bouquin de The Witcher).
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