[Rétrospective] La Conquête de la Planète des Singes, Jack Lee Thompson, 1972

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La Conquête de la Planète des Singes, film de science-fiction de Jack Lee Thompson. Avec Roddy McDowall, Hari Rhodes, Natalie Trundy, Don Murray… La note du Koala : 3,5/5 https://i0.wp.com/www.culture-sf.com/dossiers/la-planete-des-singes/images/la-conquete-de-la-planete-des-singes-POSTER.jpg Ce film est la suite des Evadés de la Planète des Singes (Don Taylor, 1971).
Il est suivi par La Bataille de la Planète des Singes (Jack Lee Thompson, 1973).

Le pitch : En 1991, chats et chiens ont disparu de la surface de la Terre, victimes d’une épidémie. Les singes les ont alors remplacés en tant qu’animaux de compagnie mais les hommes en ont aussi vite fait leurs esclaves. Victimes de mauvais traitements, notamment pendant leur phase de conditionnement qui doit les préparer à leur future vie au service des hommes, et vendus aux enchères comme on vendait les esclaves autrefois, les singes ne sont finalement plus que des objets. Mais le fils de Zira et Cornélius, renommé César (R. McDowall), après avoir perdu celui qui l’a recueilli quand ses parents sont morts va, grâce à sa plus grande intelligence, prendre conscience de la situation et devenir le leader de la révolution des singes.

La critique : La fin du film précédent était sans appel : la suite  devait être celle où tout bascule, où le monde des hommes devient la planète des singes. De multiples questions se posent alors chez les spectateur : comment, pourquoi, qui ? Si l’on envisage déjà à la fin des Evadés de la Planète des Singes la tournure que vont prendre les choses, on n’a aussi qu’une hâte : le voir de nos propres yeux.

J’ai toujours vu et vois encore aujourd’hui La Conquête de la Planète des Singes comme le climax de la saga. C’est dans cet épisode-ci que tout arrive, que tout est renversé. Habilement, Les Evadés de la Planète des Singes en avait déjà fait un de renversement : celui du point de vue du spectateur. En nous plaçant du côté des singes, le film de Don Taylor avait fait en sorte que l’affect pour Zira et Cornélius déjà pré-établi par les deux premiers opus de la saga se renforce à mesure que nous suivons les péripéties dramatiques de ces deux chimpanzés sur la Terre de nos contemporains. Comment pourrions-nous alors ne pas avoir d’affect pour leur fils, seul et unique survivant ? Et c’est dans cet état d’esprit que l’on entame La Conquête des Singes, en portant sur ce petit singe devenu grand (et renommé César) le regard attentionné que l’on porte généralement sur les orphelins. La Conquête va donc pouvoir très aisément se lancer dans le cœur de son propre sujet sans que cela ne heurte personne, quitte à faire dans les gros traits. Car si je considère qu’il s’agit là de l’un des trois meilleurs opus de la saga, il n’en demeure pas moins qu’on peut facilement le trouver caricatural. Ainsi, les singes apparaissent comme de pauvres êtres réduits à l’esclavage et pour lesquels notre empathie n’est que renforcée par l’aspect très extrême des humains, capables du pire pour maintenir leur domination. Mais après-tout, n’est-ce pas par la caricature que l’on arrive presque le mieux à désigner ce qui ne va pas ? Aussi, le travail qui consiste à dire « Regardez comme les humains sont les gros méchants de ce film » travaille très bien un temps mais…reste qu’il finit par s’essouffler. Fort heureusement, c’est à ce moment précis que le scénario choisit d’aborder la question de la révolution. Car oui, plus qu’une conquête, c’est une révolution qui se déroule sous nos yeux, la conquête n’étant que la prochaine étape, celle qui se déroulera sans que nous puissions la voir entre ce film et le suivant. Véritable 1789 des singes, cette révolte que mène César est aussi forte qu’elle est courte. Dans ses logiques, ses procédés et enfin ses tenants et ses aboutissants, cette révolution a tout des insurrections que l’humanité a pu connaître en France, aux Etats-Unis ou ailleurs. Elle est forte, violente, déchaînée. Mais elle est, hélas, trop courte. Le film ne dure en effet que 88 petites minutes et souffre en cela de quelques malheureux raccourcis. Ainsi, il suffira du passage d’un plan à l’autre, d’une séquence à l’autre, pour que César passe du statut de singe qui prend conscience qu’il doit lancer l’insurrection de son espèce à celui de meneur de la révolte. On ne sait pas trop comment, ni pourquoi mais l’on voit bientôt les gorilles renverser les poubelles qu’ils sont censés remplir et les chimpanzés brûler les repas de leurs maîtres, sous le regard bienveillant et (déjà) obscur de César. On n’a rien vu du moment où il les incite à agir ainsi, où il leur fait comprendre que leur servitude doit toucher à son terme et c’est dommage, cela donnant un aspect très téléphoné aux événements…

La maltraitance dont font l'objet les singes est exacerbée afin de donner plus d'impact à leur soulèvement.

La maltraitance dont font l’objet les singes est exacerbée afin de donner plus d’impact à leur soulèvement.

Cependant, il ne faut pas non plus dire ce qui n’est pas : le scénario a beau être raccourci, il n’en demeure pas moins bon, en particulier dans sa division en deux temps : le temps du constat puis le temps de la révolte. C’est un peu le principe d’action-réaction qui est mis en scène ici, l’action étant la servitude (et l’horrible conditionnement) des singes et la réaction étant leur révolte. On appréciera également le fait que le scénariste Paul Dehn évite l’écueil qui aurait consisté à faire évoluer les singes trop vite. Ici, seul César est intelligent, conscient et doué de parole. Aucun autre simien n’est évolué et ils ne réalisent la gravité de leur sort que lorsqu’un des leurs, plus intelligents, leur montre ce qu’il en est. Mais une fois encore, c’est dans ses thèmes que La Conquête de la Planète des Singes apporte des choses réellement intéressantes. Poursuivant encore une fois la lancée initiée par Les Evadés de la Planète des Singes, qui déjà nous posait la question de savoir si notre civilisation vaut réellement mieux que les autres (quelles qu’elles soient), ce film-ci approfondit encore le sujet. Certes, cela est d’abord fait de manière caricaturale en nous montrant l’esclavage des singes et la violence de leurs maîtres humains. Mais il faut voir au-delà de cela et ne pas s’arrêter au fait que tout ceci est censé se passer dans le futur. En réalité, ce que l’on cherche ici, c’est nous renvoyer à notre passé esclavagiste. Mais encore une fois, je me garde le gros de la question pour le dossier thématique final. Reste qu’en nous mettant face à la possible répétition de nos inhumaines erreurs passées, La Conquête nous rappelle violemment que non, notre civilisation n’est peut-être pas la meilleure et que, oui, elle pourrait très bien être renversée par une autre à laquelle nous causerions le plus grand tort. Ce film veut nous rappeler que si nous nous comportons en tyrans, nous subirons le même sort que tous les tyrans passés (et je ne crois pas qu’il soit nécessaire de vous dire comment ont fini César, Louis XVI ou Napoléon…). Et cette réflexion, c’est César qui la synthétise avec son monologue final. Racisme, esclavagisme, tyrannie… Tout passe dans cette saillie qui se voudrait presque philosophique. Sans compter que la mise en scène est idéale pour accentuer ce propos mais également toute son ambiguïté. César est ainsi debout devant ses congénères, les flammes dévorant la ville derrière lui et son message, aussi libérateur qu’il l’est, n’en demeure pas moins inquiétant par sa violence. Question finale : toute révolution est-elle bonne à faire ?

La scène du monologue révolutionnaire de César est sans doute l'une de celles qui m'ont le plus marqué.

La scène du monologue révolutionnaire de César est sans doute l’une de celles qui m’ont le plus marqué.

En ce qui concerne les acteurs, il n’y a pas grand chose à dire de plus que pour les trois films précédents. Roddy McDowall survit à son personnage de Cornélius et interprète désormais le fils de celui-ci, César. Il est donc normal de retrouver en César ces traits simiesques si bien exécutés par McDowall. On notera tout de même l’effort exécuté pour la filiation entre les deux personnages ne deviennent pas pour autant mimétisme. Avec César, McDowall joue plus sur le registre d’une jeunesse impétueuse et sensible qui porte un œil neuf sur le monde qui l’entoure. César se veut alors plus dynamique que son père. Une autre actrice est de retour sous les traits d’un singe. Il s’agit de Natalie Trundy, qui interprétait le rôle du docteur Stéphanie Branton dans le film précédent mais aussi une des humaines mutantes (Albina) du Secret de la Planète des Singes. On remarquera qu’elle ne réalise pas la même performance que Kim Hunter en singe mais cela est avant tout dû au fait que son personnage est ici un singe non-évolué. Impossible évidemment de lui donner tout ce que Zira pouvait avoir obtenu de Kim Hunter. De plus, si Lisa (c’est son nom) semble promis à un rôle plus important par la suite, elle reste ici plus en retrait. A leurs côtés, Ricardo Montalban revient sous les traits du directeur de cirque Armando, père adoptif de César. L’acteur mexicain (qui est le Khan de Star Trek II) a ici une plus grande latitude pour développer son personnage et lui donne alors une dimension autre que celle aperçue dans Les Evadés auparavant. Il se veut le contre-poids de César, celui qui rééquilibre la balance afin d’empêcher (consciemment ou non) ce dernier de mener sa révolte, plus pour le protéger qu’autre chose. Ainsi, là où McDowall donne le dynamisme à César, Montalban donne à Armando la tendresse et le calme qu’il convient de conserver afin de se préserver des hommes. Un mot enfin sur Hari Rhodes, qui incarne MacDonald, l’assistant de l’impitoyable gouverneur Breck (joué quant à lui par Don Murray). Rhodes joue de son imposante stature pour conférer à ce personnage tout ce qui le caractérise : un homme fort, au service du pouvoir mais nourri de convictions qui semblent le guider sans cesse. MacDonald doit paraître inébranlable et c’est exactement l’impression que donne Hari Rhodes.

Finalement, avec La Conquête de la Planète des Singes la transition est assurée entre deux mondes (celui des hommes puis celui des singes) et surtout entre deux films. On lui reprochera, comme je l’ai dit plus haut, d’être toutefois trop court, rendant ainsi inexistants certains passages qui auraient pourtant été les bievenus. Il apporte certes les éléments nécessaires pour comprendre comment tout a basculé mais il aurait gagné en grandeur en apportant plus de détails, en travaillant plus la bataille que mènent les singes face à leurs oppresseurs et surtout son origine. Reste en tous cas un film noir, bien plus que les autres, aux thèmes graves qui sonnent comme un avertissement : méfiez-vous, vous qui êtes sur le piédestal, car vous pourriez être déchus.

Le « Oh, au fait ! » :
Jack Lee Thomspon succède à Don Taylor en tant que réalisateur sur ce film. Thompson était l’un des premiers choix envisager pour réaliser le premier film en 1968.

A l’origine, la fin du film était beaucoup plus violente mais, après une projection-test qui avait vu certaines personnes quitter la salle devant la conclusion proposée, celle-ci fut modifiée afin d’offrir un discours plus pacifiste. La versions non-censurée est cependant disponible dans les bonus de l’édition Blu-Ray du film mais aussi dans une qualité pas top sur internet.

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