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Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, film fantastique d’Alfonso Cuarón. Avec Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grint, Gary Oldman…
La note du Koala : 4,5/5
Ce film est la suite de Harry Potter et la Chambre des Secrets (Chris Columbus, 2002).
Il est suivi par Harry Potter et la Coupe de Feu (Mike Newell, 2005).
Le pitch : Harry Potter (D. Radcliffe) retourne à Poudlard pour sa troisième année mais un nouveau danger le menace : Sirius Black (G. Oldman), meurtrier partisan de Voldemort s’est évadé de la prison pour sorcier d’Azkaban pour retrouver le jeune garçon. Une ambiance lourde pèse alors sur le château tandis que les effrayants Détraqueurs – gardiens d’Azkaban – sont envoyés pour y arrêter Black. Ces événements vont être d’une importance capitale pour Harry, dont le passé va peu à peu s’éclaircir.
La critique : Après avoir initié avec un brio certain la licence au cinéma, Chris Columbus cède sa place de réalisateur au Mexicain Alfonso Cuarón. A l’époque principalement connu pour son film Y Tu Mamá También sorti en 2001 (avec Gael Garcia Bernal et Diego Luna notamment), le cinéaste va réellement se faire un nom avec le troisième volet de Harry Potter. Et pourtant, ce passage de flambeau aurait pu (en a ?) désarçonné plus d’un par sa façon parfois radicale de s’orienter vers de nouveaux horizons que ceux établis par Chris Columbus.
Si le réalisateur de Harry Potter à l’Ecole des Sorciers et de La Chambre des Secrets, dont nous avons parlé au cours des semaines passées, n’officie plus en grand chef derrière la caméra, son ombre plane néanmoins toujours autour de cette nouvelle suite puisqu’il en est l’un des producteurs. Qu’est-ce que cela peut, au prime abord, laisser entendre ? Déjà les spectateurs peuvent légitimement s’attendre à trouver dans Le Prisonnier d’Azkaban une suite dans la lignée de ses prédécesseurs, reprenant l’esprit que Columbus avait insufflé dans la série sous tous ses aspects (mise en scène, charte graphique, etc.). L’idée d’une continuité est donc celle qui s’impose immédiatement lorsque l’on apprend que l’homme derrière les deux premiers volets continue de veiller au grain. Ce serait cependant mal connaître le cinéma que de se laisser aller à penser qu’un changement de réalisateur peut se faire sans impacts notables. Ainsi, avant de voir le film pour la première fois, on se doute quand même bien qu’Alfonso Cuarón va apporter ses propres ingrédients à la recette de Columbus pour la modifier, en bien ou en mal. Et finalement, quel chamboulement que celui observé ici ! Le cinéaste mexicain, qui a avoué ne rien connaître des films ou même des romans avant d’accepter le projet, s’est totalement approprié ce troisième épisode et en a proposé une (re)lecture qui dénote assez avec les travaux de son prédécesseur. Mais n’allons pas trop vite en besogne et reconnaissons à Alfonso Cuarón l’effort fait pour s’inscrire dans la continuité en s’appuyant tout de même sur les solides fondations de Harry Potter à l’Ecole des Sorciers et sa suite directe. Ainsi l’on retrouve une construction assez similaire à celle établie par Chris Columbus et une mécanique de déroulement des péripéties qui ne déroge pas à ce qui semble alors être devenu la règle pour la licence Harry Potter. En cela, Cuarón n’oublie pas de continuer à fédérer les fans autour de son projet. Mais mieux encore que cela, il va les souder définitivement. Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, c’est un peu le Star Wars V de la série à sorciers de Warner Bros, c’est l’épisode qui se place au-dessus des précédents et peut-être même de la plupart de ceux qui suivront, celui qui s’impose comme une référence admise par un public quasiment unanime.

Peu connu du grand public à l’époque, on ne présente désormais plus Alfonso Cuarón qui a depuis réalisé les deux immenses succès qu’ont été Les Fils de l’Homme et Gravity.
En attendant, les transformations opérées dans cet épisode de la série sont observables à plusieurs niveaux, dont certains particulièrement flagrants. Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban va en effet se distinguer de ses deux prédécesseurs par son choix de retravailler quasiment tout l’univers visuel des films. Cela passe par exemple par l’abandon relatif des tenues de sorcier. Cela n’a peut-être l’air de rien dit comme ça mais l’impact de cette option se fait néanmoins ressentir. C’est presque une concrétisation matérielle/vestimentaire du fait que Poudlard n’est plus que l’écrin (magnifique) dans lequel se déroule les aventures. Alors que le château avait un rôle à jouer dans les deux précédents films, ce n’est désormais plus lui l’attraction principale et, dans ce cas, à quoi bon nous rappeler sans cesse que Poudlard est une école par ses uniformes ? Non, dans cet épisode (et nous verrons par la suite comment ce changement se fera à nouveau dans le sens inverse plus tard dans la saga) ce sont les personnages et uniquement eux qui forment le récit. Là où la Chambre des Secrets ou d’autres lieux de l’école comme sa bibliothèque (et sa réserve) constituaient des pivots essentiels des intrigues, il n’y a là plus rien qui fasse de ce fantastique château un pilier du scénario. Pour ainsi dire, on n’aurait pas été à Poudlard que l’intrigue aurait pu être strictement la même. En revanche, le village de Préaulard jouit au contraire de ce traitement et est particulièrement mis en valeur. Si l’on ne passera pas par la boutique de chez Zonko, on y découvre toutefois Honeydukes et évidement l’incontournable pub des Trois Balais de Madame Rosemerta, sans oublier la Cabane Hurlante qui est très certainement le seul lieu d’importance capitale dans le déroulé des événements (bien que cette importance soit moindre par rapport aux nombreuses allusions que glissait J.K. Rowling dans son roman). Mais attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : Poudlard reste un élément essentiel du film malgré tout. Et si le château ne joue plus de rôle dans la façon dont les péripéties se succèdent, comme je le disais juste avant, il reste le lieu de l’action. En cela Alfonso Cuarón, qui a visiblement très bien compris l’importance que revêt Poudlard, offre à cette école une mise en image qui rappellera encore le travail mené par Chris Columbus auparavant, poursuivant ainsi un peu plus l’effort de continuité. Majestueux, le château reste encore et toujours un pilier du fantastique développé dans le film. Mais il est cependant intéressant de voir comment la mise en image du lieu a changé. Ce n’est pas tant l’intérieur – exception faite de la Grosse Dame qui ressemble désormais plus à Marianne James qu’à autre chose (c’est d’ailleurs elle qui lui prête sa voix en français) – mais l’extérieur qui apporte son lot de changement. On ne pourra s’empêcher de trouver le château différent, sans doute parce que Cuarón privilégie de nouvelles prises de vues que celles utilisées à foison dans les deux premiers films et fera le choix de nous révéler de nouveaux lieux du monument, mais aussi le domaine tout entier. En fait, Le Prisonnier d’Azkaban va jusqu’à rompre le lien sur ce plan-là. Le saule-cogneur n’est plus au même endroit, le domaine tout entier n’a plus du tout la même topographie, la cabane de Hagrid reste la même mais ce qui l’environne n’a plus rien à voir… Bref, ceux qui ont vu les deux premiers films ne pourront que noter ce changement finalement assez brutal qui me saute d’autant plus aux yeux que je me suis fait les trois premiers films en très peu de temps ces dernières semaines.

Transfiguré, le château de Poudlard se cantonne désormais à son seul rôle de lieu de l’action et de rappel constant au fantastique.
Mais surtout, Alfonso Cuarón poursuit avec Le Prisonnier d’Azkaban ce que Chris Columbus avait esquissé sur La Chambre des Secrets, à savoir qu’il continue ce travail qui consiste à dresser progressivement tous les aspects les plus obscurs de la saga. Car, encore une fois, Harry Potter s’adresse à tout le monde, y compris aux plus grands qui apprécient d’y trouver un contexte sombre et même menaçant. Pour cela, Cuarón oriente son travail de deux manières différentes. Cela passe d’abord par les éternels choix de coupe faits tout au long du scénario. Ainsi, les lecteurs attentifs remarqueront que le film ôte l’intégralité des passages se déroulant sur le Chemin de Traverse au début de l’histoire, supprime les grosses disputes qui éclatent entre Harry, Ron et Hermione, ou encore oublie le rôle que joue le chat Pattenrond à plusieurs reprises dans le livre. Mais au fond, cela n’est pas si mal car ces coupures permettent – à l’instar de ce qui avait été fait dans le film précédent – de mettre l’accent sur les plus gros nœuds de l’intrigue et sur le développent des côtés les plus obscurs du background. Le Sinistros, la trahison envers les parents de Harry et leur assassinat, Sirius Black, les Détraqueurs ou ne serait-ce que la chanson de la chorale lors de l’arrivée à Poudlard (Something Wicked This Way Comes, tout un programme)… Tout ceci constitue le lot d’éléments que Cuarón souhaitait visiblement mettre en avant dans son film. Une stratégie renforcée par la mise en scène du cinéaste, lequel confère au Prisonnier d’Azkaban une atmosphère particulièrement lourde, bien qu’empreinte d’une certaine légèreté lorsqu’il s’agit de faire peur à Malefoy par exemple. Mais on n’oubliera pas tous les effets accumulés par le réalisateur pour coller à l’ambiance de son scénario, notamment le choix de privilégier des couleurs froides (le gris et le noir sont omniprésents tout au long du film), de faire composer par John Williams une bande originale plus pesante qu’à l’accoutumée ou de régulièrement employer des fondus au noir en ouverture et en fermeture de certains séquences. Des choix non seulement esthétiques mais aussi très bien pensés quand on les observe en ayant en tête tout ce que j’évoquais précédemment. En cela, Alfonso Cuarón forge bien plus encore que Columbus le background de la licence et arrive par la même occasion à faire évoluer cette dernière en la faisant passer de l’enfance à l’adolescence. Moins naïve que dans Harry Potter à l’Ecole des Sorciers et Harry Potter et la Chambre des Secrets, la série s’oriente peu à peu vers un contenu plus mature, plus réfléchi et cela passe par ce pivot qu’est selon moi Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, dans lequel non seulement l’histoire mais aussi les personnages entament une évolution dont la continuité et les répercussions se feront sentir sur les films suivants. Il est d’ailleurs à noter que dans cette optique-là, la version cinéma des romans colle finalement assez bien à ces derniers.
On a déjà pas mal parlé de ce troisième film mais il reste encore à évoquer le casting avant de conclure. Et quelle distribution que celle de ce troisième film. Je reviendrai tout d’abord en quelques mots sur le trio de tête pour simplement évoquer qu’il y a encore une fois clairement du mieux, même si Daniel Radcliffe me semble toujours autant avoir du mal avec les grosses émotions (sa colère sous la neige après la révélation quant à son lien avec Sirius Black n’est pas géniale…). Rupert Grint est tout à fait à l’aise, continuant dans les aspects que j’évoquais dans les deux articles précédents et la plus grosse évolution vient très certainement d’Emma Watson, qui passe clairement un cran au-dessus par rapport à ses précédentes interprétations d’Hermione. Dans les trois cas, on a également ce sentiment que l’enfance des deux premiers volets s’est dissipée pour laisser progressivement place à quelque chose de plus mature encore en gestation cependant. Mais passons à trois acteurs éminemment importants dans ce film avec tout d’abord l’arrivée de Michael Gambon dans le rôle de Dumbledore, en replacement du regretté Richard Harris. Clairement, le directeur de Poudlard n’est plus le même et cette transformation se fait – je dois bien vous le dire – à mon plus grand plaisir. Comme je l’évoquais auparavant, j’ai de Dumbledore l’image d’un vieux sage néanmoins dynamique et pas dénué d’un sens de l’humour certain. Si Richard Harris collait globalement bien à cette description, Michael Gambon fait à mon sens mieux que cela : il l’incarne. Son Dumbledore paraît rajeuni, plus vif et même plus puissant (bien que ce point-ci devra attendre encore quelques films avant de prendre toute son ampleur). En se réappropriant le rôle et en le revisitant après les excellente performances de Harris, Michael Gambon beurre les tartines de mon plaisir. David Thewlis ensuite est le deuxième comédien sur lequel je souhaite revenir. Il incarne ici le professeur Remus Lupin, personnage hautement sympathique dans les romans et jouissant jusqu’alors d’une cote de popularité certaine que Thewlis n’a pas manqué de renforcer. Avec sa silhouette fine et élancée, il donne à Lupin cet air chétif et maladif que je lui imaginais tant. Mais surtout, le jeu de David Thewlis est excellent et fait naître chez le spectateur une empathie certaine pour ce protagoniste dont le moindre regard fait preuve d’une bienveillance ahurissante. Du phrasé jusqu’à ces simples échanges de regard avec ses partenaires, David Thewlis a fait de Lupin le personnage cinématographique que la création littéraire de J.K. Rowling méritait. Un mot enfin sur Gary Oldman, que l’on ne pouvait bien évidemment pas ne pas évoquer ici. L’acteur à la filmographie biface (entre nous, il a fait d’immenses choses mais aussi quelques bons nanars…) incarne le fameux prisonnier d’Azkaban, Sirius Black. Et si on le voit finalement peu, le personnage n’entrant réellement en scène que vers la fin du film, on ne peut nier qu’il est excellent ! Black est un personnage que l’emprisonnement à Azkaban a rendu à moitié fou (à moitié ?) et Oldman arrive parfaitement à illustrer cela par une véhémence certaine qui frôle parfois la théâtralité. Là encore, on aura aussi noté l’effort fait sur l’apparence physique. Amaigri, sale, les cheveux filasses, Oldman incarne le fugitif parfait et l’on irait même jusqu’à imaginer l’odeur… Chaque geste, chaque expression, chaque mot est lancé avec la justesse qui convient et permet à Sirius Black de se hisser (en très peu de scènes finalement) à la hauteur des personnages les mieux incarnés dans la saga jusqu’alors (et entre nous, il restera dans le haut du panier jusqu’au bout). L’acteur s’ajoute ainsi à cette liste de trois comédiens nouveaux venus dans la saga Harry Potter et qui me laissent penser que Le Prisonnier d’Azkaban bénéficie très certainement de la meilleure distribution de toute la licence. Car quand on ajoute ces trois-là à des interprètes tels qu’Alan Rickman, Maggie Smith, Robbie Coltrane ou même Timothy Spall, il y a de quoi être ravi. Au sujet de Spall d’ailleurs, qui joue le personnage de Peter Pettigrow, j’en parlerais dans un prochain article de la rétrospective.

David Thewlis a su saisir le champ libre qui lui était offert et a composé un Remus Lupin de grande classe.
Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban monte donc encore d’un cran par rapport à ses prédécesseurs et constitue un film essentiel dans la saga, tant sur le fond que sur la forme. Apportant une nouvelle façon d’aborder l’univers créé par J.K. Rowling, il est également un pivot incontournable dans la mise en place des événements qui suivront. Alfonso Cuarón a donc réalisé une excellente adaptation, malgré les nécessaires coupes.
Le « Oh, au fait ! » :
Comme je le disais, Alfonso Cuarón ne connaissait rien à Harry Potter avant d’accepter le projet, tant et si bien qu’il l’a d’abord refusé. Mais il est à noter qu’il n’a pas été le premier choix de la production. Alors que Chris Columbus ne souhaitait pas réaliser ce troisième film pour raisons familiales, Guillermo Del Toro et Marc Forster furent approchés mais refusèrent la proposition. Une short list fut alors établie sur laquelle figuraient les noms de Kenneth Branagh, Callie Khouri et Alfonso Cuarón.
Il s’agit de la dernière participation du compositeur John Williams à la saga.
La boutique de friandises Honeydukes prend place dans les décors qui servirent à mettre en image la librairie Fleury & Bott dans Harry Potter et le Chambre des Secrets et qui réutilisait déjà les décors utilisés pour la boutique d’Ollivander dans le premier film. Rien ne se perd.
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Très bel article, qui revient avec brio sur l’impact de Cuaron sur la saga. Le virage est d’ailleurs d’autant plus notable que cet opus est sorti 2 ans après la Chambre des Secrets, rompant la série de sortie annuelle, et offrant aussi des acteurs plus mûrs. Il y a une véritable cassure entre les 2 premiers opus et celui-ci, qui entame vraiment la montée crescendo vers les thèmes plus sombres.
Bon, maintenant qu’on a passé les épisodes consensus, hâte de lire la suite 😀
Merci amigo ! Et merci pour cette assiduité, ça me fait bien plaisir. 🙂
Je vois qu’on a le même point de vue sur les trois premiers films finalement, à quelques détails près sans doute.
Comme tu dis, on va maintenant attaquer le gros de la rétrospective avec les films qui ont bien plus divisé ! Je posterai l’article sur le 4ème film samedi prochain et je ferai une pause d’une ou deux semaines ensuite.
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