Détective Pikachu, film d’action (pour enfants) de Rob Letterman. Avec Ryan Reynolds (voix), Justice Smith, Kathryn Newton, Bill Nighy…
Le pitch : Tim Goodman (J. Smith) a beau vivre dans le merveilleux monde des Pokémon, il n’est pas spécialement un grand amateur de ces bestioles. Mais lorsque la police de Ryme City l’appelle pour lui apprendre la disparition de son père, lui-même policier, le jeune Tim ne se doute pas de ce qui l’attend. Dans l’appartement de son père, il rencontre un Pikachu avec un certaine particularité : il parle. Ou tout du moins, Tim est le seul à le comprendre. Il s’agit du Pikachu de son père et la petite souris électrique compte bien mener l’enquête avec Tim pour retrouver son maître.
La critique : Ça fait 20 ans que je l’attends. Je connais et aime Pokémon depuis que les toutes premières versions ont foulé le sol français en 1999. Longtemps passionné, je me suis certes un peu détaché de la licence ces dernières années pour diverses raisons mais je ne peux nier l’affect qui me lie à elle et qui, a priori, devrait m’y lier encore bien longtemps. Pokémon est une série de jeux qui a bercé mon enfance, accompagné mon adolescence et me poursuit encore aujourd’hui. Et il y a plus ou moins 20 ans, le licence a fait ses premiers pas au cinéma avec ce fameux film centré sur Mewtwo que tous les garçons et toutes les filles de mon âge ont encore en mémoire. Mais si le nombre de longs métrages d’animation n’a cessé de croître (malgré des sorties plus confidentielles en France par la suite, la Pokémania s’estompant), le fantasme absolu restait bien évidemment le film en live action. Il y eut bien des tentatives de fans mais jamais rien de concluant. Aussi, l’arrivée de Détective Pikachu cette année sonne un peu comme l’aboutissement de 20 ans d’attente.
Détective Pikachu, pour celles et ceux qui connaissent un tant soit peu la licence, c’est un choix a priori étrange pour porter les Pokémon sur grand écran. Si vous l’ignorez, il s’agit à l’origine d’un spin off de la série principale dans lequel un jeune garçon et son Pikachu parlant mènent l’enquête. Alors que tous les fans ou presque rêvent plus ou moins de voir transposé à l’écran ce qu’ils ont vécu en tant que joueurs dans les différentes versions de la série canonique, le choix de ce petit jeu sorti sur 3DS pourrait surprendre. Et pourtant, l’idée est en réalité on ne peut plus judicieuse. Il faut dire avant toute chose que le passif des jeux vidéo adaptés au cinéma est plus que houleux, comme à peu près tout le monde le sait. Super Mario Bros était une infâmie, les Resident Evil n’en ont presque que le nom au final et je vous passe ce que l’on peut dire des portages cinés de Mortal Kombat ou Street Fighter. Régulièrement mauvais, quand ils ne sont pas tout simplement nanardesques, les films adaptés de jeux vidéo ont toujours fait déchanter les fans et si les récentes adaptations de Tomb Raider ou de Warcraft pouvaient laisser espérer des lendemains qui chantent, on se souviendra hélas plus souvent des œuvres de Uwe Boll que du reste…
Tout cela pour finalement se poser une question : s’il est apparemment si difficile d’adapter un jeu phare d’une licence au cinéma, pourquoi ne pas donner sa chance à un petit spin off un tantinet plus confidentiel ? Sur le papier, la tentative est louable. En s’éloignant du canon de la franchise dont il est tiré, le film alors proposé évite automatiquement bien des écueils, posés çà et là par une armada de fans aux très hautes espérances. Détective Pikachu (le jeu) n’a clairement pas eu le même public que les multiples versions de la série principale. En s’affranchissant ainsi de cette dernière, ce projet de film s’affranchit aussi et surtout du risque que représente naturellement le choix de s’attaquer à un jeu majeur. Car Pokémon n’est peut-être que Pokémon pour certain(e)s mais c’est un sujet sacro-saint pour bien d’autres, à l’instar de n’importe quelle licence.
Mais n’allons pas affirmer bêtement que le choix de porter Détective Pikachu à l’écran n’est porté que par la volonté d’éviter de s’attirer de trop grosses foudres en cas d’échec. Il y a aussi à prendre en compte un facteur fort qui est la seule présence d’un Pikachu parlant dans le film. Evidémment, c’est rare dans l’univers Pokémon. L’on pensera notamment au Miaouss de la Team Rocket dans la série animée ou encore à Mewtwo (également doué de la parole dans ce film) mais cela reste donc très ponctuel au regard de la licence dans son ensemble. Je ne révélerai évidemment en rien le pourquoi du comment de cette capacité à se faire comprendre chez cette souris jaune mais le fait est qu’il s’agit là d’un argument de taille en matière de marketing. Evidemment, le côté mignon et/ou badass des bestioles aurait déjà été un excellent moyen d’attirer les foules mais le Pikachu parlant, ça, c’est une idée qui va encore un peu plus loin et cela pour différentes raisons conjointes. La première c’est que ça va permettre de développer sa personnalité au-delà de son seul caractère mignon et joli et tout le tralala. Pikachu est un argument de vente en soi mais s’il est capable de parler, ça veut dire qu’il est capable de séduire, de faire rire, de participer à l’intrigue activement… Il est alors censé se créer une empathie du spectateur à l’égard de la petite bestiole.
Reste alors à lui trouver une voix, LA voix, celle qui fera mouche pour attirer le chaland. Et c’est à l’incontournable Ryan Reynolds que la lourde tâche est revenue. Reynolds, définitivement affranchi des rom-coms dans lesquelles il a longtemps versé, c’est une gageure. L’acteur attire désormais beaucoup de monde dans les salles, qu’il s’agisse de jouer les rigolos de service (Deadpool se posant en référence en la matière) ou pour des rôles un peu plus fins. Reynolds, c’est aussi avant tout la promesse d’un ton particulier, celui d’un humour parfois cynique mais qui, en l’occurrence, devrait afficher une forme de décalage. Tout cela pour dire qu’avec ces éléments, Détective Pikachu ne cache pas son ambition d’amener à lui un public aussi large que possible : les fans (de la première heure ou non), les enfants, leurs parents, ceux qui veulent rire, ceux qui veulent juste voir des Pokémon à l’écran, etc…
Détective Pikachu semble donc avoir la ferme intention de mettre le public dans sa poche avec ces quelques points de base et je dois bien admettre que tout ceci m’a, de prime abord, convaincu au-delà de ma seule affection pour la licence. Le genre d’idées qui te laisse dire « Allez, pourquoi pas, c’est pas idiot », en gros. Et il s’avère que le film est plein d’idées louables. Il en fallait de toute évidence pour réussir à s’imposer aux yeux de toutes et tous. Adapter la licence en créant son propre univers, c’était un pari à relever. Ça l’était parce qu’il serait pourtant bien commode de placer directement dans un film des régions comme Kanto et Johto (sans doute les plus emblématiques des jeux, sans renier les autres), des villes comme Bourg-Palette, Safrania, Céladopole ou je ne sais quoi, ou encore des personnages tels que le bon vieux Professeur Chen ou les différent(e)s champion(ne)s d’arène que nous (joueurs et joueuses) connaissons bien. Mais en allant chercher du côté de ce spin off vidéoludique, les studios s’offrent une plus large part de liberté. On criera moins au scandale si Ryme City et Tim Goodman ne ressemblent pas trop à leurs homologues in game que si le Prof Chen voyait le moindre détail de sa personne modifié. Par conséquent, grâce à cet éloignement vis-à-vis de la série canonique, Détective Pikachu a limite carte blanche pour poser son ambiance et ses idées propres mais il restait un point sur lequel il ne fallait surtout pas se planter.

Maintenant que je le vois, je me demande comment il aurait pu être différent ce bon Psykokwak. Il est très bien comme ça !
Car si l’on tapera toujours moins fort sur un film tiré d’un spin off que sur l’adaptation d’un jeu de premier plan, ce film-ci reste évidemment estampillé Pokémon et il aurait été dramatique que les bestioles en question soient ratées. Je me souviens, quand les premières images et bandes annonces sont arrivées, en avoir vu beaucoup se plaindre de plein de choses concernant l’aspect des Pokémon. J’en ai même vus, parmi les plus fous, se plaindre des plumes de Psykokwak. Un canard donc. Enfin bref, passé ce flot d’inepties, il y en avait autant pour trouver que Pikachu était trop poilu ou que Ludicolo était chelou. Sur ce dernier point, oui, mais Ludicolo a TOUJOURS été un Pokémon chelou. Ce que je pense, à titre très personnel, c’est qu’on a beau eu espérer un film live action avec ces petits monstres, on n’a jamais vraiment su (en tant que public) ce à quoi on voulait que ça ressemble. C’est toujours risqué de s’attaquer à des personnages dont l’apparence est bien imprimée dans l’inconscient collectif pour leur donner de nouveaux atours. Or, à mon sens, Détective Pikachu s’en sort avec les honneurs sur cette question. J’ai trouvé ces versions « réalistes » des Pokémon tout à fait correctes, pour ne pas dire excellentes. Pikachu y est adorablement mignon, Dracaufeu nous rappelle qu’il est avant tout un dragon, etc… Les équipes en charge du design et du rendu final des bestioles à l’écran peuvent être fières d’avoir réussi à les transposer ainsi au cinéma. J’y ai trouvé de bien jolies bestioles, toutes en naturel, à tel point que quand je suis rentré chez moi j’ai presque regretté de ne pas vivre dans ce monde-là. Et c’est ici toute la force de ce film : arriver à nous proposer cet univers avec autant de conviction que possible et toute la magie un peu enfantine qu’il implique. Cela, Détective Pikachu le fait admirablement bien et c’était sans doute son plus gros défi.
Cela étant, puisqu’on parle d’enfance, il ne faut pas nier que Détective Pikachu s’adresse avant toute chose aux plus jeunes. Si le film tâche d’amener à lui un public aussi large que possible comme je le disais, son cœur de cible reste (assez logiquement) les gosses. Le scénario s’en veut un témoignage assez parlant, ce dernier étant d’une simplicité qu’on ne peut que souligner, où l’attendu le dispute parfois à l’ennui. Son récit rappelle que Détective Pikachu est avant toute chose un film d’aventure/action pour enfants et, sur ce point, il n’y a pas à douter que les petites et petits apprécieront la chose, le film allant même jusqu’à leur offrir un « grand frisson » par moments. Ici, je pense notamment à la séquence avec les Amphinobi dans le laboratoire. Si ce passage n’est pas non plus l’horreur absolue, nul doute que les plus jeunes y verront un moment de tension assez costaud.
C’est dans des moments comme cela d’ailleurs que les plus grands trouveront de quoi se satisfaire. Au-delà du seul sursaut que la scène provoquera certainement chez la plupart des jeunes spectateurs et spectatrices, les plus âgés apprécieront sans doute le côté référencé de la chose, qui ne manque pas d’évoquer des œuvres de SF à dimension horrifique telles que Alien de Ridley Scott. Tout le film repose d’ailleurs sur pas mal de clins d’œil et autres références, notamment dans la façon dont il compose son imagerie « à la film noir ». Si l’on ajoute à cela les facéties de Ryan Reynolds et l’humour plus ou moins caustique qui se cache parfois derrière certaines répliques (qui feront rire les enfants pour d’autres raisons), c’est sûrement dans le deuxième degré de lecture que les plus grands iront chercher leur intérêt. Je ne compte pas ici le lot des fans de Pokémon qui seront déjà séduits par la simple présence de leurs monstres favoris sur grand écran, bien sûr. Mais pour le public qui n’est ni fan, ni enfant, il y aura je pense deux options : ou l’on appréciera les quelques éléments que je viens d’évoquer et cela sera suffisant pour passer un bon moment ; ou l’on s’ennuiera sans doute un peu.

Les personnages vivent évidemment bien des péripéties et je ne doute pas que les enfants seront happés par la chose.
Côté cast pour finir, que dire ? Même s’il n’apparaît techniquement pas à l’écran, c’est évidemment Ryan Reynolds la star de ce film et le comédien offre une performance à l’image de sa carrière actuelle : au top. Alors non, on ne va pas exagérer pour autant, ce n’est pas le plus grand rôle de sa carrière mais on sent d’un bout à l’autre du film que Reynolds y a mis tout ce qu’il pouvait. On reconnaît dans les mimiques de Pikachu un style qui lui est bien propre et qui ajoute encore à l’amusante caractérisation du personnage. Son travail de doublage est également à souligner tant il constitue une des grandes qualités de Détective Pikachu. Honnêtement, ça n’aurait pas été Ryan Reynolds, il est possible que le film en aurait pâti en quelque sorte. L’acteur, non content d’amener son public avec lui, distille un peu de son propre univers ici, le marque un peu de sa patte et contribue grandement à l’ambiance générale qui en ressort.
Concernant le reste de la distribution, je n’ai pas grand-chose à dire en revanche. Justice Smith s’en tire honorablement mais peine à réellement imposer son personnage, lequel devient presque malgré lui secondaire derrière toute l’aura de Pikachu. Après tout, le film s’appelle Détective Pikachu et non Détective Tim Goodman, aussi cela peut sembler normal avec le recul. Pour autant, je misais sur un juste équilibre entre les deux personnages et, par conséquent, entre les deux acteurs. Reste qu’autant Pikachu que Reynolds « volent » la vedette à Justice Smith et son Tim Goodman, ce dernier devenant presque plus un prétexte qu’autre chose pour faire avancer le récit. Je suis même à ça de penser que si l’on n’avait eu que Pikachu en guise de héros, ça n’aurait fait quasiment aucune différence. Enfin bref, on notera à côté de cela, la présence de Kathryn Newton dans un rôle où elle tâche de tirer son épingle du jeu mais est toujours bien vite rattrapée par le statut de personnage secondaire dans lequel elle semble terriblement engoncée. Il n’en demeure pas moins une interprétation somme toute satisfaisante au regard de l’ensemble du film. Une mention enfin pour Bill Nighy, acteur que j’adore et que je n’attendais absolument pas dans ce film, et encore moins dans ce rôle. Le comédien britannique s’avérerait presque être l’autre caution « acteur qui connaît son taf » aux côtés de Reynolds. Et si ce rôle ne marquera clairement sa carrière, ni les mémoires, je suis toujours content de le retrouver dans un film. Bill Nighy, c’est toujours un atout.
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Détective Pikachu réussit donc à poser les bases d’un univers tout à fait tangible, tant pour les fans que pour les néophytes, et à composer un film d’action et d’aventures plaisant pour les plus jeunes. S’il ne trouve cependant pas un équilibre idéal pour satisfaire tout le monde, il n’en demeure pas moins un divertissement très sympathique qui, certainement, ne manquera pas de séduire une bonne partie du public. J’insiste sur la question de la nécessité de parler à un public plus âgé parce qu’il ne faut pas oublier que les enfants qui ont découvert Pokémon à la fin des années 1990 ont désormais 30 ans ou presque. Leur servir « juste » un film pour enfants eut été un gros problème à mon sens pour un film qui cherche également à attirer ce public originel dans les salles. Rob Letterman tâche alors de répondre à cet impératif mais peine à y apporter une solution pleinement satisfaisante. Malgré cela, Détective Pikachu a pour lui d’arriver à emmener dans son sillage celles et ceux qui n’ont pas joué aux jeux (ou si peu) ou qui ne s’y intéressent pas plus que ça. Personne ne passera un mauvais moment devant Détective Pikachu mais si vous avez plus de 10 ans et que vous n’y allez pas pour accompagner un enfant ou un fan des débuts, peut-être vous recommandera-t-on plutôt d’aller voir un autre film, et ce malgré les qualités intrinsèques de celui-ci. Ces dernières n’en sont finalement peut-être qu’aux yeux de ces deux franges du public que je viens de citer mais peut-être n’est-ce déjà pas si mal.
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