Je dois bien vous avouer que je n’avais pas spécialement envie d’écrire un article sur Obi-Wan Kenobi. La série m’a d’ailleurs suffisamment laissé de marbre dans l’ensemble pour que je ne regarde les deux derniers épisodes que pas mal de temps après leur mise en ligne sur Disney+. Mais au terme de ce visionnage, il y a des choses qui me chiffonnent et sur lesquelles j’ai envie de poser quelques mots. Parce qu’aussi imparfaite qu’elle puisse être, Obi-Wan Kenobi a toutefois su trouver un semblant de petite et fragile richesse là où je ne m’y attendais pas. Mais malgré cela, la mini-série en dit long – une fois de plus – sur la manière dont Disney exploite ses gargantuesques licences.

Si l’on voulait en faire la genèse, il faut ramener l’idée d’un projet Obi-Wan Kenobi à l’époque où Disney a acquis Lucasfilm. Voilà qui nous pousse à faire un bond en arrière de 10 ans tout pile, le rachat ayant été conclu entre la firme de Mickey et George Lucas en 2012. A grands coups de 4,05 milliards de dollars, l’entreprise de divertissement fait l’acquisition de la plus grosse licence SF de l’histoire du cinéma : Star Wars. Là où la chose se révélait un tant soit peu enthousiasmante, c’est qu’elle augurait d’une relance de la série sur grand écran, un peu moins de 10 ans après une Prélogie qui, sans enterrer définitivement la possibilité de nouveaux films, donnait quand même sacrément l’impression que la messe avait été dite. Permettant de boucler la boucle autour de la famille Skywalker, et même si George Lucas a affirmé à de multiples reprises qu’il avait des idées pour une nouvelle trilogie se déroulant après les événements du Retour du Jedi, rien ne permettait d’assurer un come back de la franchise au cinéma. Seulement voilà, en 2012, les choses ont changé. Trois ans après la sortie de La Revanche des Sith et la « conclusion » de la saga, un autre phénomène s’est emparé de l’industrie cinématographique : Marvel.
Evidemment, les films estampillés du sceau de l’éditeur de comics avaient déjà pris le chemin des salles obscures auparavant (Blade, Spider-Man, X-Men…) mais en 2008, je ne vous apprends rien, l’affaire prend un nouveau tournant avec la sortie de Iron Man et, par conséquent, le lancement d’un MCU dont les dernières nouvelles nous annoncent d’ailleurs encore toute une salve de films répartis entre cette année et 2025. Or, entre 2008 et 2012, c’est déjà toute la Phase 1 de ce MCU qui est initiée et achevée. Quatre ans après Iron Man premier du nom, ce sont pas moins de cinq autres films qui sont venus enrichir la cash machine avec comme point d’orgue un Avengers certes bancal mais qui aura eu le mérite de concrétiser un vieux fantasme des lecteurs et lectrices de comics : voir quelques uns des super-héros les plus emblématiques de Marvel partager l’affiche d’une super-production à 220 millions de dollars. Bref, l’engouement alors déjà certain autour du MCU ne pouvait que donner des idées à Disney (qui a racheté Marvel Studios et donc pris les rênes de cette franchise en 2009). Dans tous les cas, les choses s’enchaînent. Alors que la Phase 1 s’achève côté Marvel, l’entreprise fait donc l’acquisition de Lucasfilm à la fin de la même année.
Dans la foulée (passons outre la chronologie et accélérons la cadence si vous le voulez bien), la machine s’emballe. Entre 2012 et aujourd’hui, Lucasfilm multiplie les annonces : séries, nouvelle trilogie pour donner suite à l’histoire des Skywalker, spin-offs au cinéma, puis encore de nouvelles trilogie, etc… On l’aura bien compris avec le temps : si Star Wars était déjà en soi un univers partagé, Disney compte bien mener la barque de cette licence de la même manière qu’avec Marvel. Mais comme je le disais, l’idée de développer l’univers de Star Wars au-delà des seules trilogies n’est pas totalement neuve : en plus de ces dernières, il fallait aussi déjà compter avec les séries, comics, jeux vidéo et autres romans qui ont pullulé avant le rachat par Disney et qui n’ont d’ailleurs plus été considérés comme faisant partie du canon officiel une fois le chèque signé. Là encore, c’était un signal quant à la volonté de la firme de reprendre la main à 100 % sur son nouveau jouet et de le modeler à sa façon. A bord de ce train de la hype, les projets sont au moins aussi nombreux que les rumeurs, notamment en ce qui concerne les fameux spin-offs, dont on comprend très tôt qu’ils seront centrés sur des personnages ou événements emblématiques de la saga : Rogue One nous raconte comment les plans de l’Etoile Noire ont été volés juste avant le début d’Un Nouvel Espoir, Solo nous dévoile la jeunesse du contrebandier Han Solo et à côté de cela, on évoque çà et là des films centrés sur Yoda, Obi-Wan Kenobi, Boba Fett… Rien de tout cela n’est surprenant puisque chacun de ces projets – qu’il soit avéré ou non – est à l’exact croisement entre des attentes de fans trop avides et un studio qui compte bien rentabiliser son récent investissement. Les choses tournent cependant assez mal en un sens puisque Rogue One n’est pas véritablement le succès attendu, et Solo encore moins (il sera le film le moins rentable de toute l’histoire de Star Wars). Kathleen Kennedy, propulsée présidente de Lucasfilm quelques mois avant le rachat par Disney, en prendra acte et affirmera que tous les projets de spin-offs au cinéma sont mis en pause, sinon annulés. En passant le statut de Star Wars de « saga événementielle car ponctuelle » à celui de « blockbusters bi-annuels » (six mois seulement entre Star Wars VIII et Solo…), tout en livrant des films plus ou moins bien calibrés, le tout au milieu d’une trilogie qui divise, il n’est pas impossible que Lucasfilm se soit tiré une balle dans le pied. Ce même pied que Star Wars n’aura donc pas su mettre sur la même scène qu’un MCU trop gros pour partager l’espace.
Tout le monde est en tous cas aujourd’hui à peu près d’accord pour dire que Disney et Lucasfilm main dans la main ont mal négocié le retour de Star Wars. Aussi, l’annonce de Kathleen Kennedy concernant l’envie de lever le pied, au moins quant aux productions pour le grand écran, pouvait être considérée comme une bonne nouvelle. Elle l’était d’autant plus qu’en dépit d’un très grand succès au box office, celle que l’on appelle désormais la Postlogie (épisodes VII, VIII et IX) aura trop divisé le public et la critique pour qu’un enchaînement déraisonné de sorties puisse être vu comme une bonne chose. La pause paraissait être la solution pour reprendre son souffle mais c’était sans compter sur la nouvelle carte que Disney s’apprêtait à abattre : Disney+.
Avec sa plateforme de streaming maison, Disney a dû combler deux nécessités à la fois : devoir enrichir le catalogue de cette dernière et faire fructifier ses licences au-delà des seuls créneaux purement cinématographiques. Là encore, Marvel s’en est donné à cœur-joie. Omniprésente, la saga super-héroïque a saisi cette opportunité non seulement pour faire intervenir des personnages populaires mais pour lesquels aucun film n’a pu être prévu, mais aussi pour introduire auprès du public des héros et héroïnes moins connu(e)s et/ou moins populaires justement mais dont l’apparition dans les films du MCU est à prévoir. Moon Knight, Loki, WandaVision, Faucon & Le Soldat de l’Hiver, prochainement Echo ou Daredevil: Born Again ont ainsi été conçues dans cette optique. Sans surprise, Star Wars a aussi emprunté ce chemin, même si la chose s’est faite avec un nombre de productions plus réduite. On aura même cru un temps que, tirant les leçons des écueils rencontrés par sa stratégie sur grands écrans, Lucasfilm avait décidé de faire gaffe. Qu’on aime ou non la série en question, The Mandalorian aura en effet marqué le coup en essayant de développer l’univers de la saga au-delà de la seule famille Skywalker en se basant sur un chasseur de primes qui n’était même pas Boba Fett ! L’espoir fut cependant de courte durée puisqu’après n’avoir réalisé de ponts nets qu’avec d’autres séries de la licence (animées celles-ci), Star Wars est retombé dans ses travers en cherchant à toutes fins à raccrocher les wagons avec la « saga Skywalker » et le canon principal de la fresque. Un élément qui trouvera sa concrétisation dans le dénouement de la saison 2 de The Mandalorian par exemple mais aussi dans la mise en chantier de plusieurs autres projets dont les noms gravitent plus ou moins directement autour des péripéties des Skywalker, quelle qu’en soit la génération concernée : The Book of Boba Fett, Ahsoka ou encore, pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, Obi-Wan Kenobi. Evidemment, on pourrait aussi chercher à nous faire mentir en citant la série Andor (préquelle centrée sur le personnage éponyme apparu dans Rogue One) ou les séries animées The Bad Batch et Tales of the Jedi. Du reste, ces projets n’ont en aucun cas la même force de frappe que ceux qui se penchent sur des personnages emblématiques de la saga. Cela, Disney en a bien conscience et, malheureusement en un sens, c’est ce qui amène encore et toujours le public.
Il n’est en conséquence pas surprenant de voir arriver en particulier Boba Fett et Obi-Wan Kenobi sur nos petits écrans, Lucasfilm et Disney ayant sans doute vu dans cette nouvelle manne une aubaine pour recycler des projets mis à l’arrêt après l’échec de Solo. Si rien ne nous permet cependant d’affirmer que The Book of Boba Fett a bien découlé d’un éventuel pré-projet de film autour du taiseux personnage, il est clair que c’est en revanche le cas pour les aventures de Kenobi. Dans un entretien accordé à The Direct en Juin dernier, le scénariste Stuart Beattie confirme avoir d’abord travaillé sur un scénario de film centré sur Obi-Wan, lequel fut ensuite réadapté au format série après l’échec de Solo. L’on apprend également que c’est même toute une trilogie qui était envisagée à l’époque ! Le script de Beattie fut en tous cas repris en main par les scénaristes de la série, réemployant principalement ses idées dans les épisodes 1 à 3 puis 6. En cela, Obi-Wan Kenobi est un des résultats de ce « transfert d’intérêt » qui s’est opéré du grand vers le petit écran. Mais c’est aussi un symptôme de la manière dont Disney a décidé de gérer ses licences : en misant tout sur un fan service débridé et sur une exploitation qui ira jusqu’à ramasser les miettes d’un projet pour en créer un nouveau et nous faire croire que c’est du pain béni. Nulle remise en question n’était donc sincèrement présente dans les propos de Kathleen Kennedy lorsqu’elle affirmait mettre en pause les projets de spin-offs et nous avons été bien naïfs de croire qu’il y en avait. Il n’y avait là qu’une temporisation, une recherche du chemin détourné qui permettra quand même de proposer ces récits quoi qu’il en soit.

Obi-Wan Kenobi confirme l’intention de Lucasfilm et Disney de ne pas enterrer définitivement ses projets annexes autour des trilogies principales Star Wars.
Et l’une des marottes de cette stratégie, c’est de combler les trous. Des trous qui, d’ailleurs, étaient déjà parfaitement comblés avant que Disney ne vienne considérer tout ce qui avait été fait avant son arrivée comme caduc, à quelques exceptions près comme la série animée The Clone Wars, pour ne citer que celles-ci. Tout le reste du fameux univers étendu qui a été une des richesses de Star Wars depuis sa création a donc été démis de ses fonctions, se rassemblant sous la bannière des « légendes », façon polie de dire à ces innombrables œuvres qu’elles ne comptent plus, même si divers éléments plus ou moins discrets de cet univers étendu ont été recyclés dans les productions Disney… Dans ce sens-là, chaque film ou série sorti depuis que l’entreprise a mis son grain de sel dans la machine a donc cherché à remplir du « vide ». Solo nous raconte la jeunesse d’un personnage, Rogue One un événement jusqu’ici seulement évoqué dans l’Episode IV, The Book of Boba Fett nous narre la survie dudit Boba après sa chute dans la gueule du Sarlacc dans l’Episode VI, et ainsi de suite…
Il n’y a finalement qu’avec The Mandalorian jusqu’ici que Star Wars a cherché à faire preuve d’inventivité en laissant le tandem Jon Favreau/Dave Filoni nous mettre en scène un personnage totalement inédit, qui plus est dans une période qui se déroule après l’Episode VI, ce qui change de l’entre-deux-trilogies. Comme je le disais plus haut, la série ne saura résister à la tentation de se connecter avec le corps principal de la saga mais l’intention de base était bienvenue. Du reste, les aventures de Mando demeurent une exception notable et Obi-Wan Kenobi en est une preuve supplémentaire. Dans leur envie de tout raconter, de tout dire et de tout montrer, Disney et Lucasfilm s’attaquent en effet à un élément qui a longtemps été source d’inspiration pour l’imaginaire des fans : les années d’ermite du fameux Maître Jedi après la chute de l’Ordre dans La Revanche des Sith. Une période séparant deux trilogies qui a certes déjà été évoquée çà et là (en particulier dans Star Wars: Rebels) mais qui était toutefois grandement restée en jachère. Il faut dire aussi que, sur le papier, cette ère ne se prête guère à une quelconque narration a priori : en effet Obi-Wan n’est-il pas censé simplement rester là, caché sur Tatooine afin de surveiller le jeune Luke Skywalker et empêcher la découverte du garçon par l’Empire et en particulier par Dark Vador ?
On entame alors le visionnage avec plein de questions et un gros doute : que peut bien avoir cette série à raconter ? Que peut-elle venir nous dire qui n’ait déjà été dit dans les épisodes III et IV de la saga ciné notamment, ou même via les rares apparitions de Kenobi dans les séries animées ? Comment va-t-elle mettre ça en scène ? A titre personnel, je suis allé dans cette série avec un semblant d’optimisme malgré tout, porté principalement par le seul plaisir de retrouver la version d’Ewan McGregor du personnage (qui était sans doute une des meilleures choses de la Prélogie). J’y vais aussi en ne m’attendant pas à un chef-d’œuvre mais en partant du principe que j’étais prêt à ce que cette poignée d’épisodes vienne tordre un peu le canon général de la saga, afin de réussir quand même à raconter quelque chose qui tienne en haleine. On espère cependant que les choix qui viendront adapter le canon à Obi-Wan Kenobi – alors que ce devrait être l’inverse, mais passons – ne seront pas trop brutaux et ne viendront donc pas immédiatement briser la suspension d’incrédulité à laquelle je suis pourtant prêt à consentir. Je me dis tout ça parce que je sais pertinemment que raconter les journées en solitaire d’un ermite vieillissant, c’est tout bonnement impossible. Pas dans Star Wars, encore moins chez Disney. Il y aura donc nécessairement des compromis à faire.

Pour faire court : cette série repose sur des promesses qu’elle ne peut pas tenir d’un simple point de vue narratif mais qu’elle va quand même tenir au forceps !
Ce à quoi je ne m’attendais pas en revanche, c’est que le scénario – en tant qu’histoire véritablement, avec ses tenants et aboutissants et tout le reste – ne soit fait que de ces compromis. Le compromis non seulement de voir Obi-Wan sortir de son isolement mais aussi celui de le voir rencontrer des personnages qu’il ne devrait absolument pas rencontrer dans des circonstances parfaitement farfelues. C’est bien simple, le scénario de cette série se divise en deux temps. Le premier est celui d’un sauvetage qui amène Kenobi à carrément quitter Tatooine (dont il n’est pas censé bouger !) et qui concerne en plus un personnage dont la seule apparition nous hurle fan service au visage, sans politesse. Mais encore, sur celui-ci, je suis prêt à passer des trucs, soyons cléments. En revanche, tout le second temps de la série est malvenu. Il amène Obi-Wan à se confronter à des situations qui ne devraient en aucun cas avoir lieu et qui contredisent non seulement ce que le reste de la saga a pu déjà dire mais également le bon sens et la logique qui devrait guider le personnage, notamment en toute fin de saison, lorsque ce brave Obi-Wan lâche pour la deuxième fois un fameux « Je ferai ce que je dois faire »…pour finalement ne pas le faire. Une contradiction majeure et insensée illustrant à la perfection la façon dont la série s’est retrouvée dépassée par son envie de bouffer à tous les râteliers. Alors certes, cela nous donne une merveilleuse séquence de duel (seul vrai effort de mise en scène dans une série bien pauvre sur le plan artistique) mais ça n’a aucun autre sens que celui de donner aux fans les plus irréfléchis ce qu’ils sont venus chercher. Les autres, soucieux du respect d’un lore établi et respecté, rouleront des yeux devant pareilles incohérences. Il m’est difficile de vous évoquer tout cela sans spoiler, aussi j’espère que vous me pardonnerez cette manière de tourner un peu autour du pot et que vous comprendrez quand même ce que j’essaie de vous dire (je n’en doute pas).
Le fait demeure que, comme l’on pouvait le craindre, Obi-Wan Kenobi souffre de sa volonté à satisfaire tout le monde : le public qui veut du fan service sans intérêt, celui qui veut simplement qu’on étende les choses sans trop tirer sur la trame générale de la saga, celui encore qui découvre Star Wars avec cette ère Disney+… On sent de toute façon nettement avec ces nouvelles productions la volonté de vendre des personnages iconiques à ce public récent qui, peut-être, n’est pas encore acquis aux protagonistes de la première trilogie, voire même de la deuxième. C’est ici encore et toujours le même schéma qui se dessine, celui qui a pour ambition majeure de ne laisser personne sur le carreau et d’intégrer les néo-fans dans la danse en leur exposant des évidences avec autant de délicatesse qu’un pachyderme et sans même chercher à titiller leur curiosité, à les inviter à découvrir les choses par eux-mêmes en allant ensuite se plonger dans les films qu’ils n’auraient pas encore vus pour y trouver des réponses qu’on ne leur aurait pas pré-digérées.
Au milieu de ce besoin viscéral de servir une soupe dont une partie du public habitué de Star Wars se passerait bien, Disney tente toutefois de proposer quelque chose de neuf. Cet essai de nouveauté se centralisera ici autour du personnage de Reva Sevander, Inquisitrice de l’Empire incarnée par Moses Ingram. Je passe volontiers sur l’interprétation que cette dernière fait du personnage, la comédienne se révélant assez anecdotique dans le rôle… Du reste, cela n’est rien à côté de la fadeur du personnage, dont les motivations sont au mieux banales (la méchante qui veut capturer le gentil pour se faire bien voir du plus grand méchant), au pire complètement tirées par les cheveux.
Une capillotraction qui se révèle de toute façon être à l’image des multiples retournements de veste du protagoniste.Si le scénario de la série tache d’en faire un personnage plein de surprises et d’ambitions et intérêts inattendus, la chose ne prend cependant pas. On comprend bien sûr lors des deux derniers épisodes ce qu’Obi-Wan Kenobi tente de faire avec cette Inquisitrice, on saisit les envies de livrer un parcours de rédemption et de vengeance, mais on peine énormément à y croire. Sans doute cela vient-il du fait que Reva Sevander elle-même ne donne le sentiment de prendre conscience de tout cela qu’en toute fin d’arc. Dès lors, son chemin de croix se fait en toute hâte et perd fatalement à la fois en sincérité et en naturel. La faute en reviendra cependant toujours à un scénario qui, perdu dans sa volonté de tirer dans tous les sens (fan service, nouveaux personnages, intrigue propre à la série…), ouvre trop de portes pour ces 6 épisodes et s’empêche par conséquent de toutes les fermer sans les claquer trop violemment par manque de temps. Ajoutons très rapidement à cela qu’en plus de ces errances, le scénario souffre de nombreuses lacunes et de situations qu’on qualifierait volontiers de grotesques (la fuite dans la base sous l’eau, l’interrogatoire mené par Sevander, la fameuse barrière de flammes…).

J’ai sincèrement vu des personnages de fanfics pourtant pas terribles autrement mieux composés que celui-ci…
En conséquence de tout cela, cette série est scénaristiquement vaine. Le récit qu’elle apporte n’a pas grand intérêt en tant que suite de péripéties et se révèle trop bancal pour être honnête. Ceci dit, Obi-Wan Kenobi arrive tout de même à présenter un intérêt, ailleurs. On se foutra pas mal de cette histoire de sauvetage somme toute assez saugrenue mais on lui reconnaîtra une chose : nous remettre le Obi-Wan d’Ewan McGregor sur le devant de la scène. Je ne vais pas faire semblant, d’autant que j’ai déjà évoqué la chose plus haut, mais je suis un fervent défenseur de cette incarnation du personnage. Si le travail réalisé en son temps par Sir Alec Guinness a posé des bases indiscutables pour ce dernier, McGregor a su utiliser ces dernières pour finir d’ériger le monument qu’est devenu le personnage. Son retour ici me ravit donc totalement et même en étant finalement globalement déçu par cette saison, le seul souvenir de son interprétation continue de m’enchanter.

La série aurait eu tout à gagner à plus de nous parler d’Obi-Wan en tant qu’homme et de ses émotions. Elle s’y essaie mais sans vraiment s’y intéresser…
J’apprécie alors de le voir de nouveau transpercer l’écran mais, plus encore peut-être, de voir la série saisir l’occasion pour mettre des mots et des émotions sur ce qu’a pu ressentir cet Obi-Wan esseulé après les tragiques événements de La Revanche des Sith. On pourrait certes penser que la saga cinéma avait déjà dit le nécessaire sur la question mais je n’en démords pas : cela fait du bien de prendre le temps de s’attarder sur le sujet, ce qui est d’ailleurs peut-être la seule chose que cette série a su faire à peu près convenablement en définitive. Evidemment, le mérite en revient pour beaucoup à ce que fait Ewan McGregor de ce matériau. Toujours impeccable dans le rôle, il offre un supplément d’âme aux séquences qui visent à développer ces thématiques de l’échec, du deuil, de la culpabilité… Ressortent de tout cela des choses qui touchent et émeuvent, parfois de manière criante, parfois avec un peu plus de discrétion. La série nourrit tout ce travail à grands coups d’échos et de mises en résonance, notamment dans la relation (frêle et finalement un peu trop forcée) qui se noue entre le Maître Jedi vieillissant et celle qu’il doit sauver. Si un flashback beaucoup plus démonstratif (et peut-être finalement moins fin) viendra contribuer à l’effort, je ressors de la série avec le sentiment qu’on a encore peaufiné le personnage de Kenobi en tant qu’homme avant d’être un Jedi. Ce n’est peut-être pas la meilleure façon de le faire, ce n’était même peut-être pas nécessaire, mais c’était plaisant.
Je ne m’aveugle cependant pas et il m’est impossible de ne pas voir les limites de l’exercice. Car au-delà de ce que je mentionnais juste au-dessus, la série nourrit également ce travail par la pure et simple confrontation qui se déroule en fin de saison. Or, cet ultime grand duel aura beau faire preuve d’un panache réjouissant, il est un coup de torsion de plus vis-à-vis du canon de Star Wars et c’est sans doute celui de trop. Cette fois-ci, Obi-Wan Kenobi ne s’embarrasse même pas de faire un compromis : elle prend une décision unilatérale lourde d’incohérence. En voulant à toutes fins mettre en scène cette bataille, que j’ai d’ailleurs déjà mentionnée plus haut, la série se pose en contradiction totale avec Un Nouvel Espoir et s’oblige en cela à faire prendre une décision à Obi-Wan qui va à contre-courant de tout ce qu’il aurait dû faire en cet instant. On se doute bien sûr qu’on essaiera de nous vendre ce choix sous couvert d’émotions, de prise de conscience ou de sentiments certes complexes mais, non, rien n’y fait et la chose paraîtra systématiquement en décalage complet. Car en plus de verser dans le fan service bas du front (encore et toujours lui) et en plus de se poser en opposition avec ce qui est explicitement dit dans le premier film de la saga, cette séquence pourrait même aller jusqu’à décrédibiliser son héros. Comment Obi-Wan pourrait-il faire ce choix final et se retirer sans aller plus loin que cela ? Alors qu’il vient lui-même de verbaliser son acceptation de la mort définitive de celui qui fut son apprenti, consumé par son alter ego obscur, comment peut-il renoncer ?

Obi-Wan est seul tout du long cette période post-Guerre des Clones, pourquoi ne pas insister sur cela plutôt que d’inventer un scénario prétexte ? Il y avait d’ailleurs un élément qui aurait pu être utile pour cela, pour réaliser cette introspection, un fan service utile pour le coup. Hélas, la série n’y songe qu’à la toute fin du tout dernier épisode…
Ce n’est pas logique, c’est écrit en dépit du bon sens et ce seul passage, ce seul et unique moment où il s’en va plutôt que d’accomplir ce pour quoi il est venu, cette seconde là est l’une des meilleures illustrations de tout ce que Disney fait de mal avec Star Wars. Après avoir effacé l’univers étendu, la firme développe le sien sans logique, sans cohérence, sans autre souci que de donner à voir des séquences voulues comme cultes mais qui passent leur temps dans la contradiction, le compromis forcé et l’indigence narrative. Alors oui, je garde le souvenir de cet Obi-Wan que j’aime malgré tout parce que son interprète a su en faire quelque chose de fort au milieu de la saga. Mais cette façon de faire passer des priorités purement orientées vers la satisfaction d’une frange donnée du public, peu soucieux de la qualité d’écriture et d’une quelconque idée de bonne tenue de la saga en tant que tout, cette stratégie purement mercantile et financière, elle me dégoûte. C’est une honte et Disney a réussi à éteindre toute once d’enthousiasme que je pouvais avoir pour Star Wars. Si la première trilogie et même la deuxième, allez, demeureront des piliers de ma culture personnelle, tout le reste n’est plus que du vent. La façon dont le passage de Star Wars VIII à IX a été fait était déjà symptomatique, j’aurais dû me méfier à ce moment-là. Sont venus ensuite Boba Fett et désormais Obi-Wan Kenobi et personnellement, en tant que public et en tant que fan, je n’en peux plus.
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C’est malheureux finalement parce que si j’avais écrit cet article juste après le visionnage du dernier épisode de la saison, sans doute aurait-il été un peu plus enthousiaste. Mais depuis, le recul aidant, je ne peux que me rendre compte de tout ce qui ne va pas avec Obi-Wan Kenobi. Je n’irai pas dire que la série est strictement et à 100 % mauvaise. Elle présente quelques qualités, notamment thématiques, qui m’ont parlé bien qu’elles ne soient jamais constantes. J’ai pris plaisir à retrouver ce personnage malgré tout. Mais en dehors de cela, ou plutôt autour de cela, il n’y a rien. Rien qu’un enrobage grossier et malhabile qui n’apporte rien, ni au média, ni à la saga. Obi-Wan Kenobi sert la soupe sans même chercher à comprendre ce qu’on a mis dedans. Elle remplit un cahier des charges pré-conçu et transposable d’un projet à l’autre, d’autant plus navrant qu’il concentre moins son ambition sur la création de nouveaux personnages, environnements ou récits que sur l’exploitation à outrance de ce qui existe déjà. Disney a voulu faire le malin en effaçant l’univers étendu originel et en créant le sien mais, à la différence de ces fans devenus créateurs et créatrices en leur temps, Mickey n’a aucune imagination. Star Wars ne m’appartient pas et ne m’a jamais appartenu, je n’ai pas à décider de ce qu’il faudrait faire avec la saga. Malgré cela, ils ont quand même réussi à me le prendre et à en faire n’importe quoi. Ce n’est même plus une question de « touche pas à mon Star Wars« , on n’est pas là pour tomber dans le cliché du « nerd » (même si j’exècre ce terme) qui refuse qu’on touche à l’objet de sa fascination. C’est juste qu’en tant que publics, on nous prend pour des débiles. On nous pond des récits vides de sens et de logique, sans aucune identité ou presque, incapables de simplement respecter non seulement le matériau d’origine mais également des principes de base en matière de continuité narrative et d’écriture. Ils sont en train de dévoyer Star Wars non seulement en tant que saga mais aussi en tant qu’œuvre culturelle.
Merde.
