Clair Obscur a tout du jeu-phénomène, surtout vu de France. Sorti de nulle part, annoncé chez Xbox au milieu d’autres titres aux ambitions audacieuses, le titre de Sandfall a marqué les esprits dès le départ. J-RPG occidental, pardonnez l’oxymore, réalisé par un studio français, le jeu a su jouer les bonnes cartes dès sa première annonce. Entre son désir de se montrer à la hauteur des plus féroces concurrents du genre et cette envie de dévoiler un visage très frenchy dans l’âme, Clair Obscur : Expédition 33 est sans nul doute l’un des titres phares de cette année 2025. Mais s’il se révèle de grande qualité sur bien des points, certains le proclamant GOTY – alors même que 3 ou 4 autres jeux depuis 4 mois ont déjà eu droit à ce drôle d’insigne honneur – il est aussi devenu malgré lui le centre d’un questionnement aussi vain que pertinent pourtant : a-t-on tendance à trop vendre la peau de l’ours dans le monde du jeu vidéo ?


Ce qui est intéressant, au regard des qualités qui sont celles du jeu (lequel n’en manque pas, nous y reviendrons), c’est d’observer avec le recul toute la trajectoire de ce dernier, sa genèse et la manière dont il s’est peu à peu installé dans les discussions et l’actualité.

Clair Obscur est de ces jeux qui sortent du bois sans prévenir et font mouche d’emblée. Au cours de la conférence Xbox du Summer Game Fest 2024, personne n’avait vu venir le jeu de Sandfall. Balancé entre du contenu pour Fallout 76 et le nouveau trailer de South of Midnight dans une conférence qui tâchait de sortir les gros bras (DOOM : The Dark Ages, Perfect Dark, State of Decay 3 ou encore Metal Gear Solid Delta étaient notamment de la partie), Clair Obscur faisait largement figure d’outsider. Inattendu et totalement inconnu du grand public en dépit d’un développement démarré courant 2019-2020 sous le nom de Projet W, il a surtout su marquer les esprits, notamment en France. En effet, Sandfall est un studio français basé à Montpellier et, avec sa Tour Eiffel à l’allure fondue et son Arc de Triomphe brisé en deux, le jeu ne cachait rien de son inspiration française.

Pour tout cela mais également pour la direction artistique vue dans cette première bande annonce ainsi que pour la musique que cette dernière laissait entendre, Clair Obscur a instantanément capté l’attention du public et de la presse. Très rapidement, s’est alors développé tout un narratif autour du jeu, axé sur plusieurs points bien précis.

L’équipe de Sandfall Interactive

Parmi ceux-ci, le fait que Guillaume Broche, cofondateur et directeur créatif de Sandfall, est un ancien d’Ubisoft, quittant le navire sous prétexte de s’y ennuyer et de vouloir faire quelque chose de différent. Des motifs pour lesquels on ne le blâmera certainement pas. Broche nous expliquera en interview que ce projet, sur lequel il s’était lancé dans son coin initialement, n’aurait sans doute jamais vu le jour chez Ubisoft avant une vingtaine d’années, le temps pour lui de se faire véritablement un nom dans la boite. Dans le contexte de crise que traverse le studio, qui fait l’objet de nombreuses accusations et critiques concernant sa gestion des ressources humaines, la qualité de ses jeux ou encore son inaction face au harcèlement moral et sexuel, inutile de préciser que ce point de détail a fait son bonhomme de chemin et a permis à Clair Obscur (malgré lui finalement) de trouver une chambre d’écho de ce côté.

Mais surtout, ce qui a sans doute le plus fait parler et couler d’encre, c’est tout ce qui a pu être dit et écrit autour de l’histoire de « ce jeu bien de chez nous développé par une petite équipe ». En effet, la machine s’est très vite mise en place autour d’un narratif public visant à souligner notamment l’aspect « made in France » du jeu, qui ira jusqu’à une déclaration d’Emmanuel Macron à son sujet. Le président de la République a en effet salué le succès du titre lorsque ce dernier a atteint le million de ventes après une semaine de disponibilité en affirmant sur ces réseaux sociaux que le studio faisait « rayonner l’audace et la créativité à la française ». Mais avant cela encore, en amont de la sortie du jeu, de nombreuses interventions tournaient autour de cet aspect très Français qui émane du jeu. A noter d’ailleurs – pour l’anecdote – qu’initialement, Expédition 33 devait se dérouler dans une Londres steampunk, comme le rappelle Eurogamer grâce à des images du prototype du jeu.

La vidéo, postée en 2020 sur Reddit en vue de rechercher le cast vocal, se distingue par son approche steampunk mais présente déjà des éléments de jeu que l’on retrouve dans la version finale.

D’autre part, s’est ajoutée l’idée très largement répandue que le titre a été développé par une équipe d’une trentaine de personnes seulement. Une information reprise partout, en partie fausse, mais qui aura su participer à cette grande campagne médiatique autour de Clair Obscur. En effet, le fait de souligner sans cesse que ce jeu, pourtant d’une belle ampleur et témoignant d’un grand travail sur le fond comme sur la forme, n’est le fruit que d’une trentaine de personnes a permis de créer non seulement un intérêt pour ce dernier mais aussi une forme d’empathie, de respect si l’on veut. Un sentiment général qui a permis au titre de gagner la course médiatique en étant régulièrement présenté comme un projet-passion, élément essentiel de tout ce narratif qui a permis de livrer une version très romanticisée du développement, en accord avec l’univers artistique mis en scène finalement.

A cela s’ajoute également cet accent qui fut mis sur le recrutement du compositeur Lorien Testard via son Soundcloud ou de la scénariste Jennifer Svedberg-Yen via ses publications sur Reddit*. Mais se contenter de parler de la trentaine de personnes qui forment finalement la core team de développement du jeu, c’est aussi oublier tous les partenaires et sous-traitants qui ont été engagés dans le processus. On pense notamment, comme permet de le rappeler Mobygames.com, aux équipes polonaises de QLOC, aux Serbes de Ebb Software (les mêmes qui ont donné vie à Scorn en 2022), aux Québécois de HUWIZ ou encore aux équipes coréennes qui ont travaillé sur l’animation de gameplay

*Guillaume Broche, dans un entretien pour la BBC,
précise que ce mode de recrutement est à lier à la période
dans laquelle il s’est déroulé, à savoir la pandémie de covid.
Il insiste également sur le fait qu’il y a une part de « chance

énorme » dans la réussite de cette démarche.

Là où l’on nous parle d’une équipe d’une trentaine d’employés, Mobygames.com dénombre 412 personnes présentes au générique du jeu, parmi lesquelles les équipes d’entreprises engagées en sous-traitance.

L’idée derrière ce préambule n’est pas de pointer Clair Obscur et Sandfall du doigt, d’en faire de vilains menteurs ou d’affirmer (comme on aura pu le lire bêtement chez certains au moment de découvrir tout cela) qu’il y a eu tromperie sur la marchandise. Non, l’intérêt de ce rappel que je me permets ici, il se trouve à mon sens surtout dans la nécessité de savoir ce dont on parle. Les désamours et désaveux lus çà et là sur internet au moment de comprendre que, non, Clair Obscur n’est strictement pas le bébé que de 30 personnes et que, oui, il a nécessité un budget vraisemblablement conséquent, ont témoigné d’une chose : une grande partie du public ne sait rien de rien du développement de jeux vidéo. Une méconnaissance qu’on trouvera toujours un peu dommage, d’autant qu’elle entretient des a priori concernant ce travail qui peuvent desservir les équipes de développement.
Mon intention avec cette ouverture est donc de remettre un contexte, celui d’un jeu surprenant dès son annonce et autour duquel tout un fresque a été développée – parfois malgré lui -, contribuant à l’exacerbation des attentes le concernant. Et tout cela, pour ma part, n’enlève rien aux qualités finales du jeu, ni ne viendra renforcer les critiques qu’on pourra également lui faire. Car en définitive, le chemin suivi par Clair Obscur de ses débuts jusqu’à sa sortie n’est autre que le même emprunté par de très très nombreux autres projets qui, malheureusement parfois, n’ont pas réussi à en voir le bout et n’ont donc jamais atteint le public.

Si je précise cela enfin, c’est aussi parce que j’ai trouvé le jeu très bon par bien des aspects et qu’il me semblait important de rappeler qu’un jeu d’une telle envergure, affichant une telle ambition, ne peut décemment pas se passer de sous-traitance. Cela aurait impliqué que tout soit fait en interne chez Sandfall : la QA, la motion capture, le doublage, la localisation, etc. Or, difficile de s’imaginer une équipe de trente personnes s’affairer sur l’ensemble de ces aspects pour un jeu aussi consistant. Et si cela semblera bien logique finalement, cette remise en perspective des choses aura eu une influence sur la manière dont on aura parlé de Clair Obscur après sa sortie.

Car si le jeu a très vite été présenté comme un sérieux prétendant au titre de jeu de l’année, une partie d’internet le consacrant même GOTY très peu de temps après sa sortie, plusieurs phénomènes ont émergé autour du succès de Clair Obscur. L’un fut cette espèce de désaveu étonnant dont il a fait preuve chez une partie (minime heureusement) des joueurs et joueuses une fois que cette frange du public a constaté que la belle histoire du petit studio aux moyens chiches était finalement plus un conte médiatique qu’autre chose. L’autre fut plus large et occupa un temps les conversations sur les réseaux sociaux : Clair Obscur a-t-il été trop vite vendu comme le GOTY 2025 ? Et, plus largement encore, a-t-on trop tendance à désigner des « jeux de l’année » dès qu’un titre un peu au-dessus du lot sort ? Mais avant ça, une question, primordiale : Clair Obscur mérite-t-il d’être un potentiel GOTY, justement ?

Au-delà de son allure générale, de sa direction artistique et de ses choix esthétiques qui nous crient la France de la Belle Epoque au visage, ce qui a rapidement intrigué concernant Clair Obscur, c’est évidemment son game design. C’est que, dès sa présentation, le jeu a affiché ses intentions sans détours : se réapproprier le RPG japonais et en proposer une incarnation nouvelle. Dans la bande annonce de présentation, cet aspect nous revenait sous deux formes, l’une esthétique et l’autre ludique. Concernant cette dernière, ce qui sautait aux yeux résidait dans ces combats au tour par tour qui donnaient le sentiment de vouloir décloisonner un peu cette mécanique en y incorporant des contres et des esquives que l’on aura pu repérer au cours de la vidéo.

Les principaux protagonistes de l’aventure durant le 1er acte : Lune, Maelle, Gustave et Sciel

Et c’est bien ce que Sandfall nous a livré en fin de compte. Avec un certain nombre d’inspirations en tête, le studio a tâché de composer un J-RPG qui cherche à tutoyer les grandes œuvres et licences du genre, même si, au fond, Clair Obscur ne révolutionne pas l’affaire. En réalité, Expédition 33 va surtout se réapproprier une façon de faire et des mécaniques et features courantes dans le genre. Ainsi le tour par tour, classique ; ainsi la narration ; ainsi le camp de base qui permet de nouer des relations entre les différents personnages et d’améliorer les compétences et armes de ces derniers ; ainsi enfin le design des menus de combat qui rappellent Persona sans détour. Plus qu’il ne réinvente, Clair Obscur convoque un grand nombre d’aspects piochés çà et là dans une démarche qui, on le sent toujours plus à mesure que l’on progresse dans le jeu, relève autant de l’envie de se fonder sur des éléments acquis et solides que sur un désir d’hommage à rendre aux influences concernées. De Final Fantasy à Persona en passant NieR, bien des éléments nous rappellent aux grandes heures du J-RPG dans celui-ci. Et si les menus de combat rappellent Persona 5, comment ne pas relier les pictos (bonus passifs à attribuer aux personnages) à des choses comme les matérias de FF VII ou les compétences de FF IX ? Un lien que l’on fera ici tant dans la forme que dans la manière de mettre les choses entre les mains des joueurs et joueuses, qui pourront se livrer à énormément d’expérimentations afin de composer leur build parfait.

Les pictos sont des bonus passifs que l’on peut attribuer aux différents membres de notre équipe. Si chaque personnage ne peut en porter que trois, les pictos maîtrisés à partir d’un certain niveau peuvent cependant être activés de manière définitive pour chacun en distribuant des points de lumina. Capture d’écran : Gamosaurus.com

Là où Expédition 33 réussit son coup concernant cet aspect par ailleurs, c’est dans sa simplicité d’application. Je parle ici essentiellement en tant que joueur qui, je ne m’en cache pas, peut parfois (souvent) avoir du mal avec la complexité trop grande de certaines mécaniques de RPG, notamment japonais. A m’enfoncer dans les menus et sous-menus, à devoir penser à une multitude de choses (compétences actives, passives, armes, bonus d’armes, éléments…), j’en viens régulièrement à voir ces jeux me tomber des mains malgré leurs éventuelles qualités. Or, avec Clair Obscur je n’ai jamais ressenti cela. Au contraire, je me suis littéralement amusé à farfouiller dans toutes ces choses afin de composer mon équipe parfaite selon mes goûts et mon style de jeu.

Passer par le menus des pictos, faire un tour dans celui des luminas, choisir comment dépenser mes ressources pour savoir quelles armes améliorer ou non… Tout cela ne m’a jamais semblé rébarbatif et ce en dépit pourtant de menus pas toujours très lisibles (la taille de police, bon sang !) et d’un apprentissage in game de cette gestion qui se veut somme toute assez chiche. Deux points corrigibles afin de renforcer la qualité de l’expérience de jeu mais qui ne m’ont donc pas gêné, ni empêché de me plonger dans la gestion de mon équipe. Un constat qui laisse imaginer que derrière l’apparente complexité de ce pan de jeu se cache en réalité un système de qualité et simple d’accès, y compris pour des néophytes ou « petits amateurs » tel que je prétends l’être sur ce genre de jeux.

N’est-ce pas là d’ailleurs ce qui viendra guider l’ensemble de la philosophie de jeu de Clair Obscur en définitive, cette accessibilité ? Attention toutefois à ne pas confondre ici accessibilité et simplicité. En effet, si le jeu me donne le sentiment d’être prompt à accueillir tous types de joueurs et joueuses (inhabitué.e.s au genre ou plus chevronné.e.s), il ne le fait à mon sens jamais au détriment d’une certaine forme d’exigence.

Le Maître des Lampes constituera la première grosse difficulté du jeu.

C’est que Expédition 33, malgré l’appui qu’il prend sur un certain nombre de références du genre, n’en demeure pas moins un très bon jeu à mon sens. Riche dans ses mécaniques de combat par exemple, il offre un résultat d’exécution très satisfaisant.
Exigeant sans jamais se montrer strictement punitif, sa logique d’apprentissage par l’échec n’est jamais un frein et rend la victoire d’autant plus appréciable. Si l’influence de Dark Souls se ressent dans une certaine mesure (ce que Guillaume Broche, directeur créatif de Sandfall a admis en interview), elle s’observe surtout dans la façon dont le jeu nous donne le sentiment d’avoir affaire à des ennemis implacables, jusque dans le moindre petit mob, certains pouvant se montrer particulièrement coriaces. Evidemment, c’est lorsque nous affronterons des boss, pour certains titanesques, que ce rapport nous viendra immédiatement en tête, de par sa nature de combat à la David contre Goliath et en raison de cette exigence que je mentionnais plus haut. Et l’on échouera, c’est une certitude.

Mais là où Clair Obscur se distingue de cette autre inspiration, c’est dans la façon dont le jeu évite de frustrer, ce que Dark Souls fait plus qu’à son compte (et n’y voyez pas là un reproche à l’encontre des jeux FromSoftware, c’est leur essence voilà tout). Toujours dans cet esprit d’accessibilité, Expédition 33 va plutôt encourager ses joueurs et joueuses à reprendre le chemin du combat et à tenter de nouveau, encore et encore, jusqu’à triompher. C’est ici quelque chose que l’on doit pour beaucoup non seulement à cet état d’esprit donc mais aussi à la nature-même du tour par tour et aux spécificités propres à Clair Obscur dans ce domaine.

La présence d’une chronologie permettant de connaître l’ordre de passage des combattants aidera à cette temporisation bienvenue.

En effet, pour ce qui me concerne, le tour par tour a pour lui de permettre une temporisation naturelle des combats et donc de mieux gérer le stress que ne le permet Dark Souls ou tout autre action-RPG. Je parle évidemment surtout en mon nom ici mais le fait est que, face à la ténacité dont peuvent faire preuve les ennemis dans ce jeu, le choix du tour par tour a certainement été salvateur, m’offrant une plus grande marge de manœuvre pour établir et appliquer ma stratégie. C’est que ces combats nécessitent par ailleurs une attention constante que la temporisation permet de mieux soutenir. Cette attention, elle se porte en chaque instant, que ce soit notre tour ou celui de l’adversaire. Car la particularité des affrontements dans Clair Obscur reposera pour beaucoup sur un système de QTE vif, rapide et essentiel dans le sens où il fera le sel de ces échauffourées mais aussi parce qu’il répond à tout un système de contres et d’esquives qu’il convient de maîtriser si l’on espère s’en sortir.

Ce système, sans qu’il soit l’apanage d’Expédition 33, est à mon sens l’un des atouts majeurs du jeu et de sa proposition. Il en est un car tout en offrant aux joueurs et joueuses cette espèce de confort propre au tour par tour, il y ajoute une surcouche de dynamisme tout à fait bienvenue. Mêlant en cela une approche de RPG plus classique et d’action-RPG, il confère à l’ensemble une vivacité très agréable.

Des QTE bien utilisés, ça change !

L’affaire repose pour l’essentiel sur plusieurs aspects. L’un sera le fait de répondre convenable à des QTE lors de notre tour afin d’augmenter les dégâts de certaines attaques. Dans certains cas, l’échec d’une phase de QTE entraînera par ailleurs la fin d’un combo potentiel et gâchera en conséquence le résultat de l’attaque concernée. Un autre aspect sera le contre, qui est sans doute la mécanique la plus importante du système de combat ici mis en place. Comme tout contre qui se respecte, celui-ci permet de parer une attaque ennemie et de renvoyer un coup en retour. Le contre peut être immédiat dans le cas où l’attaque de l’adversaire ne compte qu’un coup, ou à retardement si ce dernier exécute un combo. Il conviendra alors de parer chaque assaut afin que le contre en bonne et due forme ne soit exécuté par notre personnage en fin de combo. Il peut également être individuel ou collectif selon la portée de l’attaque que nous subissons (rappelons que le jeu nous fait jouer trois personnages à la fois en combat). Le contre présente toutefois une fenêtre d’exécution très réduite, laquelle relève même totalement du « dernier moment », et répond de cette idée d’exigence que j’évoquais déjà plus haut.

Un dernier ingrédient sera enfin l’esquive, essentielle à son tour. Elle l’est car, en offrant une fenêtre d’exécution plus grande que le contre (mais néanmoins étroite elle aussi), elle permet de mieux se familiariser avec les attaques ennemies sans prendre le risque de se prendre la totalité des coups sur la figure. Le contre demeurera cependant la technique à maîtriser par excellence car il permet non seulement de causer des dégâts à l’ennemi mais aussi, en cas de réussite, de récupérer des points d’action nécessaires pour lancer nos propres attaques. Des PA qui, selon la tournure du combat, peuvent rapidement se révéler aussi rares que précieux.

Pour tout dire, j’ai trouvé ce système particulièrement bon. A la fois réussi, impeccablement mis en place dans le jeu et pertinent en ce sens qu’il vient joliment dynamiser le tour par tour, il m’a fait ressentir une profonde satisfaction. Il est d’autant plus louable je pense qu’il s’enrichit progressivement de variations et subtilités qui viennent ponctuellement renouveler l’intérêt des combats. Ainsi en va-t-il lorsque le jeu ajoute un nouveau type d’esquive avec les sauts, lesquels permettent par ailleurs de donner un coup à l’adversaire. Il en sera de même avec les contres gradients, spécifiques à certaines attaques plus imposantes que nous découvrons lors de l’acte 2. En fait, le jeu effectue ainsi des petites mises à jour de son système, invitant là encore les joueurs et joueuses à une vigilance constante afin de toujours savoir sur quel pied danser et savoir formuler la réponse adéquate. Clair Obscur enrichit alors son expérience petit à petit mais sans jamais la rendre trop ardue pour autant.

Pédagogue dans l’âme, le titre fait le choix d’une courbe de difficulté très progressive qui préférera maintenir le challenge à tout instant mais sans jamais le rendre insurmontable. Je crois aussi que ce qui rend l’affaire aussi plaisante, c’est qu’à bien y regarder, on pourra facilement appréhender les combats de Clair Obscur comme un jeu de rythme où l’on apprend les patterns des différents ennemis, le plus souvent par l’échec rendu nécessaire (sauf si vous avez d’excellents réflexes). Il devient alors vraiment agréable de se frotter à chaque type de monstre, d’en observer les techniques, d’en retenir les intitulés afin de peu à peu intégrer ces informations et rendre le combat très automatique. Pas dans le sens où l’on s’ennuiera à terme mais bien dans le sens où, manette en mains, nous acquérons des automatismes qui seront en fin de compte notre principal atout pour venir à bout des nombreux affrontements qui se dresseront en travers de notre chemin. Et tout ceci de se faire avec un naturel presque déconcertant.

Chaque personnage dispose de sa propre spécialité. Celle de Gustave par exemple sera la Surcharge : en cumulant les contres et esquives avec succès, la jauge de Surcharge se remplit et permettra de lancer une attaque dévastatrice.

Un mot enfin concernant nos personnages et la manière dont le jeu nous amène à composer des équipes. Comme tout bon RPG qui se respecte, chaque personnage a ses propres spécificités et donc son lot d’attaques et de compétences que l’on jaugera beaucoup les unes par rapport aux autres afin de composer la meilleure équipe possible. Ou tout du moins celle qui nous correspond le mieux. Ainsi Maelle sera essentiellement une épéiste tandis que Lune s’appuiera sur des compétences élémentaires, entre autres. Loin de moi l’envie de trop entrer dans les détails, considérant qu’il est bien plus plaisant de découvrir tout cela par soi-même en jeu, mais ce qu’il faut garder à l’esprit c’est que les mécaniques propres à chaque protagoniste sont variées dans une très bonne mesure (ni trop, ni pas assez), ce qui ne vient nuire ni à leur intérêt, ni à l’envie de les tester les unes après les autres.

Si l’on finira fatalement par se former un trio type qui réponde plus que le reste à notre propre façon de jouer, on s’amuse quand même pas mal à prendre le temps de chercher, d’observer, d’expérimenter jusqu’à trouver ce qui nous conviendra le mieux. C’est d’autant plus plaisant que, comme pour un certain nombre d’autres éléments du jeu, l’expérimentation ne se révèle pas rébarbative. La compréhension grosso modo des principaux tenants et aboutissants de tel ou tel personnage arrive assez rapidement et permet de tout aussi vite cerner la façon dont on pourra les utiliser en combat.

De la même manière, l’appréhension des différentes synergies à développer entre les personnages nous vient assez naturellement grâce à une interface assez claire sur la question, les descriptifs expliquant très nettement ce que telle ou telle attaque pourra causer en plus de ses dégâts de base si l’adversaire est brûle, gelé ou sous tout autre statut négatif en amont. Des synergies qui contribuent totalement au dynamisme des combats, lesquels se révèlent encore une fois tout à fait prenants, et qui le font de la meilleure des manière à mon sens : en étant facile d’accès pour tout type de joueurs et joueuses.

Le champ est alors laissé libre par cette facilité à comprendre (sinon maîtriser) tous ces éléments pour travailler notre seconde équipe (de un à deux personnages seulement celle-ci, selon votre progression dans le récit), sorte de « deuxième vie » que l’on enverra sur le champ de bataille une fois le trio principal tombé sous les assauts adverses. Une « équipe B » à ne surtout pas laisser de côté tant elle pourra se montrer apte à nous sauver les miches in extremis tandis que le gros du boulot aura été abattu par « l’équipe A ».

On est un peu ici dans la même logique que Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France, lorsqu’il nous parle de « finisseurs » pour désigner le banc des remplaçants, si vous me permettez cette analogie. Un rôle qui n’est pas à prendre à la légère, qui ne consiste pas seulement à prendre la place d’un éventuel blessé mais bien de venir finir le travail avec l’art et la manière. En ce qui me concerne, je sais que mon tandem Maelle/Monoco s’est montré à la hauteur de cette aspiration plus qu’à son compte. Et si j’ai su prendre le temps de travailler mes personnages ainsi, c’est aussi parce que la gestion de ces derniers n’est pas désagréable en soi, même si certains éléments d’interfaces auraient peut-être pu gagner en ergonomie.

Chaque personnage pourra proposer jusqu’à 5 compétences en même temps. Toutes s’obtiennent grâce à des arbres de compétences qui son propres à chacun.

Par ailleurs, le jeu se montre d’une générosité adéquate en ce qui concerne la distribution des points d’expérience et de compétences. Adéquate car ni trop stricte, ni trop laxiste, permettant en cela d’avancer sereinement, sans pour autant avoir débloqué tout l’arbre de compétences en cinq heures de jeu. Cette juste mesure fait en sorte que le jeu n’incite pas à farmer outre mesure. Au contraire, il fait plutôt le choix de laisser une porte ouverte pour s’y adonner mais sans jamais nous y contraindre. Rédhibitoire pour moi comme pour tant d’autres personnes, le farming forcé est ici évité avec une certaine élégance, lui préférant plutôt une invitation à en faire un peu, si l’on veut, de temps en temps. Une politesse qu’on lui rendra de temps en temps en se laissant tenter à la faveur d’une zone où l’on se sent suffisamment à l’aise pour enchaîner les combats mais sans jamais se sentir piégé dans la démarche.

Peut-on vraiment parler de nouveauté ? Pas vraiment. Comme je l’évoquais plus haut, les mécaniques que met en place Expédition 33 sont le fruit d’un héritage conséquent et assumé venu tout droit des principales influences qui ont su infuser dans l’esprit des équipes de Sandfall. On ne blâmera cependant personne pour cela (un jeu qui invente tout, c’est loin d’être simple à imaginer), d’autant plus qu’à côté de cela, c’est surtout l’ingéniosité qui va primer. Je veux bien admettre que Clair Obscur n’est pas parfait mais il fait à mon sens preuve d’intelligence et de finesse dans sa manière de mettre tout cela en place, de digérer ces influences et d’en remanier les points les plus essentiels afin de composer sa propre partition.

Si une multitude d’éléments pris individuellement viendra de temps à autre rappeler tel ou tel autre jeu, c’est surtout la cohérence du tout qu’il convient d’avoir en tête et c’est très clairement elle qui rend l’expérience si plaisante ici. Clair Obscur, par cette capacité à ne pas juste singer ce qui a pu être fait précédemment, se révèle alors très efficace et nourrit un sentiment de satisfaction constant. C’est ici que le jeu fait preuve de ce French flair. En rugby, l’expression est employée de longue date pour désigner la façon dont le XV de France arrive à surprendre ses adversaires en réalisant des actions inattendues, surprenantes, jouant habilement avec les habitudes pour partir là où l’on n’attend pas l’équipe. C’est exactement ce que fait Clair Obscur selon moi : tout en restant dans le cadre d’un certain nombre de normes et de codes propres au genre, de règles du jeu finalement, il réussit à régulièrement faire ce pas de côté afin de nous emmener sur des sentiers plus étonnants, plus intéressants même. Mieux encore, le tout s’offre le luxe de prendre place dans un écrin de toute beauté où, toutefois, nous trouverons peut-être quelque chose à redire concernant certains points d’écriture.

On ne va pas y aller par quatre chemins. De toute façon, internet tout entier vous l’a déjà dit : Clair Obscur est magnifique. Visuellement, musicalement, tout ou presque est somptueux. Du chara design aux décors, je dois bien admettre que j’ai été instantanément sous le charme et que ça ne m’a pas lâché de bout en bout.

Alors bien sûr, on pourra toujours nuancer la chose et reconnaître par exemple que, si bon soit-il, le design des personnages manque sans doute de variété. Après tout, tant Verso que Gustave ou Renoir sont des hommes blancs aux cheveux longs et à la pilosité faciale bien présente. A tel point qu’à la croisée des actes 1 et 2, je me suis demandé si je n’avais pas affaire à trois variantes du même personnage… On pourra aussi relativiser sur la question des décors en reconnaissant que s’ils sont certes très beaux, l’usage à quasi-outrance de l’architecture haussmanienne dans l’ensemble du monde explorable apporte finalement une espèce d’homogénéité qui encombre un peu la capacité des différents biomes à véritablement se démarquer les uns des autres, si ce n’est pas leurs caractéristiques les plus évidentes (la forêt, la zone sous l’eau, la région enneigée…). Peut-être aurait-on aimé qu’à la manière d’un Pokémon X/Y, Expédition 33 ne se nourrisse pas que d’une vision parisienne des choses et tâche de véhiculer une image plus contrastée de cette France qui, pourtant, semble tellement l’inspirer.

Ceci étant, je comprends (ou crois comprendre) pourquoi Sandfall a autant bâti son jeu autour de caractères qui, en fin de compte, renvoient pour l’essentiel à une vision de la France de la Belle Epoque très parisiano-centrée. C’est qu’à bien y regarder, Clair Obscur repose en matière artistique sur un double standard avec d’un côté cette représentation de la France et, de l’autre, une manière de mettre en scène qui va plutôt rejoindre une façon de faire très japonaise, en accord avec les inspirations dont le titre se revendique, avec des environnements voulus enchanteurs et quelques clichés tels que ces pétales qui virevoltent régulièrement et qui ne sont pas sans évoquer les pétales des sakuras, régulièrement évoqués dans les productions japonaises ou se déroulant au Japon.

Dès le début, Sophie est un exemple d’archétype, renvoyant à une vision fantasmée de la France, à l’instar de tout ce que l’on peut voir dans le jeu et qui évoque ce pays.

Dans cette démarche, il convient de prendre en compte un aspect très important : l’ambition internationale de Clair Obscur. S’il se revendique finalement très frenchy, le titre de Sandfall n’est clairement pas là que pour satisfaire un public français. Sa seule présence au milieu des quelques rouleaux compresseurs de Xbox lors du Summer Game Fest 2024 en atteste. Pour cela, le titre va donc mobiliser une imagerie qui va parler au plus grand nombre, séduire le public international et qui va donc, comme pour beaucoup d’autres œuvres, essentiellement miser sur une vision très « Paris romantique ».

D’où des emblèmes fortement mis en avant (Tour Eiffel, Arc de Triomphe), d’où aussi un style hérité d’une époque qui coïncide avec un imaginaire collectif autour de la France (la Belle Epoque avec le charme et l’élégance inhérents), d’où enfin l’appui pris avec fermeté sur l’architecture haussmannienne, sans doute la plus représentative de Paris à l’international (et donc de la France dans un imaginaire collectif mondial). Alors oui, pour un.e Français.e qui connaît bien son pays et qui aurait aimé voir autre chose que Paris à chaque regard, l’affaire paraîtra un peu dommage bien que le choix soit justifiée dans l’univers du jeu par le fait que c’est la ville de Lumière, ersatz de Paris, qui s’est retrouvée écartelée et dispersée sur le continent. Mais au fond, cette idée ne manque pas de cohérence.

Bien sûr qu’il y a une part d’autodérision dans cette démarche. Sandfall jouera ce jeu jusqu’à sortir un « Baguette trailer » par exemple.

Se noue alors dans cette démarche une forme de « réciprocité des clichés ». Car d’un côté, l’on a ce jeu fabriqué en France qui va complètement se réapproprier des clichés propres à son pays d’origine pour les mettre en scène et volontiers les accentuer. Cela semblera même parfois assez caricatural et je serais curieux de savoir dans quelle mesure les équipes ont cherché à jouer avec ces éléments, à les rendre plus grossiers (sans que le terme ne soit ici péjoratif) afin d’en rire un peu tout en servant l’idée de faire reconnaître à l’international. Ce dernier point est important de toute façon lorsque l’on veut capter un public en dehors de son aire d’origine. En mettant en place des éléments familiers, de véritables repères culturels certes éculés mais toutefois majeurs, on s’assure une forme d’appropriation par un public large, lequel retrouve ses propres connaissances et ses propres a priori dans une œuvre données. Des connaissances et a priori qui sont alors validés en quelque sorte et qui le seront d’autant plus que le titre en question est originaire de la région du monde concernée.

De l’autre côté de cette réciprocité se trouvent alors les autres clichés, plus « japonisants » et directement liés à la teneur du titre qui se veut totalement être un J-RPG dans l’âme. Là aussi, on pourra toujours trouver ça un peu dommage parce que ce sont des choses qui sont déjà vues et revues dans les productions occidentales, notamment ces dernières années avec Ghost of Tsushima et Assassin’s Creed: Shadows qui, l’un comme l’autre, tâchaient de se réapproprier une certaine vision du Japon. Une vision très mondiale (donc fantasmée) de l’archipel et de sa culture, que l’on retrouve ici sous diverses coutures et qui se fait donc en écho de la vision internationale de la France que le jeu propose également. Là encore, la mobilisation de ces ingrédients se veut essentielle afin de relier directement le titre et son ambiance au genre dont il se réclame.

L’esthétique des combats tout particulièrement convoque bon nombre de références au jeu vidéo japonais.

La réciprocité se noue alors ici, dans cet échange de bons procédés entre une gamme de clichés et une autre. Clair Obscur réussit se faisant à composer un jeu de miroir entre deux visions données qui vont être mises en scène en simultané, qui vont essayer de se fondre l’une dans l’autre afin de livrer un tout qui sorte un tant soit peu de l’ordinaire, qui surprenne même. Surtout, elle permet de mobiliser différents horizons d’attente chez les joueurs et les joueuses quant aux a priori que nous formulons sans même nous en rendre compte quand on nous évoque la France et le Japon. Des horizons d’attente divers et variés, polymorphes et changeants d’une personne à l’autre et qui vont se croiser et se recroiser sans cesse dans la tableau que nous offre Sandfall. De mon seul point de vue, le travail mené ici est très intéressant et s’il laissera fatalement une partie du public sur le côté compte tenu de ses intentions, je pense que c’est un boulot remarquable qui est réalisé en termes de réinvestissement de l’imaginaire collectif.

Là où je vais faire preuve d’un peu moins d’enthousiasme, c’est au sujet du scénario. Mais comprenons-nous bien d’abord : j’ai globalement beaucoup aimé l’histoire racontée dans Expédition 33. Plus encore que cela, c’est son sujet et ses thématiques qui m’ont énormément parlé. Mais, sur le long terme, j’ai trouvé que le récit se noyait trop dans une forme de posture, de style un peu éculé (sinon pompeux parfois), fait de mystères un peu forcés.

En préambule, Sophie permettra d’amorcer l’ensemble des thèmes forts du jeu.

Mais reprenons les choses dans l’ordre. Comme je le disais, les thèmes abordés dans Clair Obscur sont sans conteste ce qui m’aura le plus touché dans son récit, à un niveau très personnel, proche de l’intime. Le fait que les personnages mis en scène ont globalement le même âge que moi, leur position assez fataliste malgré tout face à la situation qui les préoccupe et au caractère inéluctable de la catastrophe, tout cela me renvoie directement à des choses que je peux me dire concernant notre propre situation, notre avenir en tant que société et qu’espèce, ou ne serait-ce que le mien, en tant qu’individu pris dans le naufrage. Le pont s’effectue évidemment très tôt dans le jeu entre la mort annoncée par le compte à rebours tenu par la Peintresse et les dangers et risques auxquels nous nous heurtons en ce qui concerne le réchauffement climatique.

Un dialogue optionnel, en tout début de jeu, m’a par exemple à ce titre touché en plein cœur. Un échange entre Sophie et une autre jeune femme, toutes deux se sachant condamnées par le gommage à venir et qui doit les emporter, et dont le sujet concerne le fait d’avoir ou non des enfants. Sophie y défend alors son point de vue, son choix de ne pas en avoir pour ne pas les projeter dans un avenir qui lui paraît vain, impossible à tenir et dans lequel l’enfant en question ne pourra peut-être même jamais devenir grand. Ce questionnement là, c’est le même que nous nous sommes posé avec ma compagne et c’est une des raisons qui nous a poussés à renoncer à l’idée d’avoir des enfants. Nous ne sommes évidemment pas les seuls mais voir ainsi Sophie développer cet argumentaire en jeu, me prenant en cela au dépourvu, ça a été un choc pour moi.

Clair Obscur développe ainsi, autour de la question centrale qu’est la quasi-impossibilité d’échapper à ce funeste destin que la Peintresse dessine pour la population de Lumière, un nombre certain de thématiques et de problématiques : le deuil, la perte des autres, l’inéluctabilité… Le récit tout entier gravite autour de ces sujets et j’ai trouvé que c’était fait avec une certaine pertinence, doublée d’une poésie qui aura permis de traiter tout cela avec une douceur bienvenue. J’ai trouvé, çà et là dans des dialogues, des mots qui m’ont tout bonnement réconforté parfois, ce qui n’est pas une mince victoire.

Cette tendresse, inutile de préciser que l’excellente bande originale composée par Lorien Testard y a contribué de toutes ses forces. On pourra sans doute toujours trouver à y redire, d’aucuns la trouvant trop « tire larmes », d’autres n’y voyant qu’un rappel des compositions de Keiichi Okabe pour NieR Automata sans jamais réussir à égaler son modèle (mais quel modèle aussi !), etc. A titre personnel, si je peux entendre ce genre de remarques, je dois quand même bien reconnaître que j’ai été embarqué par cette musique. Rares sont les jeux où je reste sur l’écran d’accueil pour en écouter la musique de bout en bout et Clair Obscur a réussi cela, de la même manière qu’il a réussi à me proposer des séquences musicales prenantes, touchantes, parfois surprenantes (je pense au thème de Monoco, en décalage par rapport au reste) mais qui ont toujours très bien accompagné mes séances de jeu. Aussi, plutôt que de m’étendre trop longuement sur la musique, dont d’autres parleront bien mieux que moi (et pourquoi pas Lorien Testard lui-même au micro de Marion Bargiacchi), je préfère vous laisser avec un morceau à écouter :

Du reste, au-delà de cela, je trouve tout de même que le récit en fait parfois un peu trop. Multipliant les mystères, eux-mêmes appuyés par des non-dits un peu patauds, il noie souvent son strict squelette narratif et la colonne vertébrale de son histoire derrière un style un peu lourd, qu’on s’imagine associé à une forme de licence poétique. On sent en fait une envie de proposer une histoire qui rappelle la façon dont certains J-RPG racontent leurs propres épopées. Là encore, on pense tout particulièrement aux Final Fantasy, dont l’ombre plane sans cesse au-dessus de Clair Obscur et dont Guillaume Broche affirme être un fan (notamment de FF VIII si j’ai bien suivi).

Ceci étant, derrière cette façade stylistique, on se demande quand même assez tôt dans l’aventure où le jeu veut nous emmener avec cette histoire et la question demeurera tout du long de l’aventure. A trop nous mettre en scène le personnage de Verso comme figure typique du protagoniste qui sait des choses mais qui ne dira jamais rien, on finit par se frustrer un peu de cette manière de ne laisser filer les informations qu’au compte-goutte, d’autant que la chose n’est pas faite au profit d’un véritable suspense. On y voit plutôt une manière de tirer un peu sur la corde, maladroitement. Même lorsque la conclusion approche, l’interrogation est toujours là. Or, la réponse apportée est…surprenante.

Le jeu met un temps énorme à nous faire comprendre qui est vraiment Renoir et quelles sont ses motivations. Reste que ces explications, après 20h de jeu, résonnent difficilement au regard de ce que l’on a cru être les enjeux de l’expédition.

En effet, dans une pirouette improbable, Expédition 33 amorce un virage très étonnant où, en définitive, les enjeux posés en début de partie sont complètement passés à la trappe. Si tout s’y relie forcément, le fait est que le récit décide de nous embarquer dans une autre histoire, aux intérêts finalement supérieurs à celle que l’on pensait suivre depuis le départ mais dont l’arrivée un peu au forceps dans le schéma général nuit un peu à la fois à la force de ce tournant scénaristique et à l’importance de tout ce qui a été fondé jusqu’alors. Dans une grand éclaircissement de tout ce qui avait été tu jusqu’à ce moment, Clair Obscur tâche de renverser la table pour prendre son public à contrepied mais, en le faisant si tardivement, peine à pleinement faire accepter ce nouvel état des choses. Aujourd’hui encore, avec le recul, je trouve cela dommage. Pour autant, loin de moi l’idée de dire que j’ai détesté cette fin, dont je trouve qu’elle réussit tout de même à faire le pont avec les thématiques principales du titre.

Je la trouve même éminemment triste et fataliste. C’est surtout l’histoire d’une famille qui souffre d’un deuil impossible, que personne n’arrive à faire avancer et dont tous les membres réagissent de manière excessive. Alors oui c’est tiré par les cheveux, un peu outrancier et vachement maladroit dans cette façon d’installer tous ces éléments et la vraie nature de ces personnages en fin de course alors que cela aurait très nettement gagné à être développé sur le long terme plutôt que de faire du mystère pour du mystère. Mais je mentirais si je disais que ça ne m’avait pas vraiment touché et je dois bien admettre qu’en dépit des critiques que j’adresse ici, j’ai été pris au jeu et j’ai suivi l’ensemble de cette histoire avec plaisir, quoique circonspect parfois. Je regretterai cependant le manque d’une vision véritablement positive du deuil dans ce que le titre propose en fin de compte.

Ces choix narratifs amènent le plein potentiel de Maelle à se dévoiler trop tard et à en ôter une part de l’impact.

En somme, le récit de Clair Obscur n’est évidemment pas parfait. Mais je crois qu’au fond, ce que je regrette le plus, c’est la façon qu’a cette histoire de gérer l’équilibre entre ses personnages, notamment féminins. S’il offre par exemple la possibilité de confier le lead à qui l’on veut lors des phases d’explorations, le jeu permettant de passer d’un perso à l’autre par une simple pression de stick, et si l’on peut naturellement composer son équipe sans qu’aucun protagoniste ne soit obligatoire, c’est néanmoins toujours un homme qui sera mis en posture de personnage principal. Un élément que le camp de base confirmera en retirant tout bonnement le choix du personnage à incarner aux joueurs et joueuses, Gustave puis Verso devenant l’incarnation par défaut.

Les deux hommes demeureront en effet pendant une très grande partie du jeu les personnages principaux successifs de l’aventure, quoi qu’on en dise et quoi que le scénario laisse entendre quant à l’importance de Maelle notamment, laquelle ne s’éveillera à son véritable statut qu’en toute fin de course. A l’issue de l’acte 1 pourtant, un twist se produit en retirant Gustave du schéma. L’occasion était idéale pour mettre en avant le trio de femmes avec lesquelles il avait progressé jusqu’alors, lesquels n’évoluaient qu’au second plan durant cette partie du jeu mais sans jamais renier leur importance ou leur force. On pense à Maelle évidemment, mais également à Lune, que j’ai à titre personnel très vite identifiée comme une cheffe en puissance. Et finalement, rien de cela.

A l’image d’autres éléments d’intrigue, le personnage de Verso aurait à mon avis pu être bien mieux inséré dans le récit.

En lieu et place, Clair Obscur nous introduit au chausse-pied un autre homme, sosie du premier, lequel s’impose comme le nouveau personnage principal. C’est lui qui prendra les décisions, qui dira quoi faire et où aller. Tant pis si Lune et Sciel notamment émettront des réserves à son sujet, mettront parfois en doute le bien fondé de ses intentions, le scénario nous amènera toujours à le suivre aveuglément en dépit de son art du mystère. Le jeu, qui manque par ailleurs cruellement de diversité sur bien des plans dans la représentation qu’offre cette expédition, loupe en cela un coche énorme à mon sens. Le « pire » dans tout cela à mon sens, c’est que Verso est assez mal intégré au programme. Avec la fin de l’acte 1, Expédition 33 décide d’emmener ses personnages sur tout autre chose. Si les enjeux de départ demeurent un temps, l’ensemble se retrouve peu à peu désamorcé pour progressivement recentrer l’attention sur Verso et resserrer l’intrigue autour de ses propres prérogatives. Un nouvel axe narratif dont je disais plus haut qu’il s’insérait relativement mal dans le schéma général, notamment en développant ses véritables tenants et aboutissants trop tard pour qu’ils jouissent de l’importance qu’ils méritaient sans doute. Ce n’est pas au bout de 20 heures de jeu qu’il fallait commencer à clarifier tout cela. Dans cette optique, si Verso constitue déjà une petite erreur par la façon dont il s’impose au reste de l’équipe, il souffre également d’être un vecteur de prétextes qui conduiront notre équipe à tel ou tel endroit pour réussir tel ou tel objectif dicté par cet homme bien mystérieux.

C’est donc surtout sur le fond que le récit de Clair Obscur m’a parlé. En dépit des critiques que je réserve à sa stricte forme, j’ai trouvé cette histoire touchante malgré tout, enrobée qu’elle est par ailleurs dans cet écrin visuel et musical de toute beauté. Il y avait mieux à faire, c’est certain en ce qui me concerne, que ce soit en terme de structure narrative ou de caractérisation et d’usage des personnages. Trop engoncée dans des archaïsmes, cette histoire loupe certains points forts qui auraient pu la rendre impeccable. Pour autant, je me refuse à lui jeter la pierre encore et encore, sa dimension thématique m’ayant trop parlé pour que je lui en veuille irrémédiablement.

Et Clair Obscur de s’imposer effectivement à mes yeux comme un très bon jeu. Porté par son gameplay et son art de manière générale, j’ai été séduit de bout en bout par l’aventure et ce qu’elle tâchait de me dire, malgré ses maladresses les plus évidentes. Je repense encore à cette aventure avec émotion alors même que j’en ai touché la conclusion il y a près de deux semaines déjà. Nul doute à avoir en conséquence : Clair Obscur figurera sans doute en très bonne place dans mon classement personnel au moment de faire le bilan de l’année. Un constat qui m’amène alors à sortir un peu de la seule appréciation du jeu pour revenir sur une discussion qui a animé internet au moment de sa sortie : doit-on encore parler de GOTY ? Vendu et même peut-être sur-vendu par une partie des observateurs, Clair Obscur a subi malgré lui le contre coup d’une médiatisation qui l’a très rapidement couronné « jeu de 2025 » alors même que nous sortions à peine du premier trimestre de l’année. Je vous propose donc de revenir un peu sur ces discussion afin de voir qu’en fin de compte, il faudrait peut-être tout simplement arrêter de penser en termes de GOTY.

Un peu malgré lui (cela aurait pu tomber sur n’importe quel autre jeu, pourquoi pas Blue Prince quelques semaines plus tôt), Clair Obscur : Expédition 33 s’est retrouvé au cœur d’échanges tantôt intéressants, tantôt complètement déraisonnés quant à sa nature d’éventuel GOTY. Une remise en question de ce titre qui est – pour ce qui m’est revenu aux oreilles – à la fois venue de la part de personnes qui ont été déçues par le jeu alors qu’ils s’en étaient fait l’image d’une pépite assurée, mais aussi d’une frange du public qui a désavoué le titre une fois qu’il a été présenté le fait que, comme dit plus haut, Clair Obscur n’est pas réellement le fruit de trente personnes seulement. Si je peux entendre le premier point de vue, le second m’interloque bien plus tant je le trouve hors de propos, sinon idiot. Si votre capacité à adorer puis honnir un jeu tient seulement au fait que vous vous êtes construit une image erronée de son développement, peut-être s’agirait-il de revoir l’ordre de vos considérations ainsi que votre connaissance du milieu.

Geoff Keighley est certainement l’un des meilleurs exemples de cette enthousiasme débridé et déconnecté du réel dans ce milieu.

De fil en aiguille, une fois que l’on a commencé à faire le tri au milieu des multiples points de vue qui s’affrontaient en ligne, il est aussi ressorti un élément plus intéressant, qu’on reliera plutôt à cette idée d’une image fondée a priori et finalement remise en cause par l’expérience de jeu elle-même. Ici, il était essentiellement question de se demander pourquoi, alors que nous n’étions qu’en Avril, nous en étions peut-être à notre 3ème ou 4ème soi-disant GOTY. Très vite, le questionnement s’est mué en un reproche fait à l’ensemble des interventions médiatiques qui ont eu lieu autour du jeu, ciblant donc aussi bien la presse spécialisée (mais aussi généraliste, qui s’est bien emparée du sujet) que les créateur.ice.s de contenu sur le web. Et il n’est pas totalement infondé de se demander pourquoi en effet, dans une industrie du jeu vidéo qui sort un nombre incalculable de jeux chaque mois, nous arrivons ainsi à prétendre avoir trouvé le meilleur jeu de l’année dès le mois de Mars, Avril ou Mai. D’autant qu’au sein de cette myriade de titres se cachent fatalement des trésors qui, malheureusement, passeront certainement inaperçues aux yeux du grand public.

Dans un monde, et surtout un internet, où tout n’est plus qu’emphase permanente, ce n’est malheureusement pas surprenant que d’observer ce phénomène. N’est-ce pas comme cela que nous avons collectivement pris le pli de nous exprimer, à coups d’exagérations, de certitudes inébranlables, de convictions absolues, de GOTY et de GOAT ? L’affaire est d’autant moins surprenante dans une sphère – le jeu vidéo – qui a toujours été prompte à en rajouter autant que possible pour entretenir une forme d’excitation permanente, d’enthousiasme indissoluble, même lorsque l’industrie plonge de tout son corps dans des crises invraisemblables.

Toute l’histoire du 21/20 accordée à « Red Dead Redemption II » en 2018 était déjà symptomatique de cette conjonction de facteurs : excitation démesurée, grandes ambitions, attente interminable…

La question derrière cet emportement, elle repose en partie sur l’idée de savoir s’il est légitime ou bien fondé que la presse spécialisée (notamment) s’exprime de cette manière. Car c’est bien évidemment elle qui fait le plus l’objet de ces accusations de « sur-vente » et de surenchère, comme souvent lorsqu’un « gros » jeu sort. Vu de ma fenêtre, ce n’est ni mal, ni bien. Pour tout dire, je ne me verrais pas reprocher à ces personnes de s’exprimer de la même manière que leur public. Idem, plus encore, pour les vidéastes, membres de podcasts et autres… Ce qui sera important en revanche, c’est de voir dans quelle mesure le propos se retrouve ou non circonstancié. Qu’un.e journaliste me dise « tel jeu est le GOTY » en conclusion d’une review où l’on m’aura donné le sentiment de peser le pour et le contre et où l’expression est plus utilisée avec une certaine légèreté qu’autre chose, cela ne me choquera pas forcément. Si, à l’inverse, on me bassine avec du « jeu de l’année » sans trop me donner de raisons à cela, le crédit que j’accorderai au point de vue ainsi donné sera moindre, fatalement. Comme lorsqu’un site donne un 21/20 à Red Dead Redemption II en 2018…

En fin de compte, au lieu de critiquer l’emploi d’un terme, même à outrance, intéressons-nous surtout à qui l’emploie, de quelle manière, dans quelles circonstances. Si l’argumentaire ou au moins la présentation derrière l’usage du mot est bancale, voire faible, cela passera forcément moins bien et la réaction d’un public finalement déçu au regard des attentes alors fixées se comprendra sans peine. Ceci étant, le fait de questionner ces figures de style et termes, cette sémantique en somme, peut demeurer intéressant quant à ce que cela nous raconte du rapport qui se noue entre cette instantanéité des avis, ce langage très actuel qui pousse à l’emphase ensuite et cet apport constant de nouveautés enfin.

Mais je crois surtout que la valeur à accorder à ce genre d’expressions n’a d’égale que celle que l’on accorde ou non aux personnes qui les emploient. Le problème sera peut-être donc moins dans l’usage du terme que dans le rapport que nous entretenons vis-à-vis de ces personnalités et dans la confiance qui nous y plaçons, à juste titre ou non. Or, à qui fait-on confiance ? A un journaliste dont on s’imagine que son expertise attendue du milieu vaut certitude ? A un vidéaste dont les goûts rejoignent les nôtres ? A un blogueur qui fait des articles trop longs ? Le GOTY d’une personne donnée a-t-il plus de valeur que celui d’une autre ?

Exemple typique : des notes dithyrambiques absolument partout pour « Red Dead Redemption II » et pourtant, cette année-là, c’est bien un « God of War » aux retours un peu plus faibles que les Game Awards ont consacré.

Et puis, de toute façon, qu’est-ce qu’un GOTY ? Qu’est-ce qu’un jeu de l’année et qu’est-ce qui permet de le désigner comme tel ? Quels critères mobiliser pour consacrer un titre plutôt qu’un autre ? GOTY, et je pense que c’est ça le principal reproche fait à la presse aujourd’hui, notamment autour de Clair Obscur, cela implique une échelle de valeur au sommet de laquelle nous placerions tel ou tel jeu. Or, quelle est cette échelle, comment se constitue-t-elle et quels en sont les jalons ? En définitive, peut-il y avoir un GOTY strictement objectif ?

Il est de mon point de vue impossible de s’arrêter fermement sur une acception objective de ce qui serait ou non le meilleur jeu de l’année, mais cela vaut en réalité pour tout autre domaine culturel. Le jeu désigné par un magazine sera possiblement différent de celui nommé par les Game Awards de Geoff Keighley ou de celui que votre podcast favori aura élu. Parce qu’un jeu, comme un film, un album musical ou une série, aura certes des aspects qui pourront être observés objectivement (notamment sur le plan technique) mais il comprendra aussi beaucoup d’éléments dont l’appréciation ne dépendront que de la personne qui en aura fait l’expérience. Clair Obscur en témoigne plutôt bien je pense, tant son scénario, que je trouve certes bancal sur un certain nombre de points, aura tout de même su me toucher fortement par sa dimension thématique, là où cette dernière aura laissé sur le côté nombre d’autres personnes.

Alors, forcément, quand il y a deux, trois ou quatre prétendus GOTY qui se succéderaient en l’espace de quatre mois, on s’interroge sur l’appréciation des choses. Le terme a-t-il une quelconque valeur ? Au fond, sans doute pas tant que ça. Il est moins un titre, un sacre, qu’un label questionnable en soi que l’on apposera sur un jeu ou un autre, à la faveur de sensibilités variées. D’où l’intérêt de savoir qui l’on écoute ou lit afin de prendre la mesure de ce qui est dit ou non et de se forger des attentes en conséquence.

« Clair Obscur » jeu de l’année dès maintenant ? Evidemment que non.

En raison de cela, je pense que la presse spécialisée comme les diverses « personnalités influentes » du web ont une responsabilité à prendre dans la question, notamment par leur nature qui demeure malgré tout prescriptrice, au moins pour une partie de leurs audiences respectives. S’il s’agit d’utiliser du GOTY en veux-tu en voilà dès le mois de Février, fort bien, cela colle comme je le disais avec la façon dont nous nous exprimons de nos jours. Mais attention encore une fois à le faire avec le recul nécessaire, avec la mise en circonstances qu’exige l’exercice. Un recul dont doit également forcément faire preuve le public en ne se cantonnant surtout pas à ce seul acronyme bien rutilant et pourtant bien vide de sens lorsque l’on vient lire ou écouter une review. On devrait pourtant bien se douter qu’un jeu de l’année en Février ou Mars ne peut être rien d’autre qu’un « jeu de l’année jusqu’à présent ». Et qu’il ne faut pas foncer tête baissée dans un jeu dont la proposition de base ne nous correspond pas sous prétexte que telle personne que nous suivons et dont nous apprécions le travail a dit que c’était ce qui se fait de mieux cette année. Pour illustrer, si ma mère vient me dire qu’elle m’a cuisiné les meilleurs brocolis de la création, ça ne changera rien pour moi qui n’aime pas du tout les brocolis.

Parallèlement, la responsabilisation des journalistes, vidéastes et autres doit se faire dans l’idée que ce langage bourré d’emphase crée en bout de ligne des attentes surdimensionnées et incohérentes chez le public. En jouant sur cette sémantique à tout bout de champ, on brouille sans cesse les pistes, on gomme les frontières entre le bon jeu, le très bon jeu et le jeu correct.

Et puis au fond, peut-on comparer ce qui n’est pas comparable ? « Blue Prince » et « Clair Obscur » seront clairement dans la course pour être le « jeu de l’année » mais comment départager deux propositions qui n’ont rien à voir ?

C’est ce qui s’est passé avec Clair Obscur finalement, mais aussi avec Blue Prince un peu plus tôt cette année. Les deux ont ainsi fait l’objet de nombreuses critiques dithyrambiques qui ont décontenancé une partie du public une fois qu’ils ont découvert que ces jeux n’étaient tout simplement pas pour eux. La chose a fait plus de bruit avec Clair Obscur cependant car Blue Prince était plus identifié comme jeu indépendant, livrant un peu sottement des attentes moins grandes autour de lui que n’aura pu le faire un AA tel que le jeu de Sandfall, lequel tente de jouer des coudes dans la cour des grands. Par ailleurs, tout le narratif autour du jeu, en partie idéalisé, aura pu avoir une conséquence sur les retours des joueurs et joueuses a posteriori. Tout cela mis bout à bout conduit à un schéma narratif autour du développement puis du jeu en lui-même qui fausse les données dans l’inconscient collectif. D’où le besoin de contextualiser sans cesse, d’argumenter, de préciser. Evoquer un GOTY tous les mois ou toutes les deux semaines, c’est dans le ton général d’une industrie qui s’enthousiasme avec excès toutes les trois heures. Aux personnes qui écrivent sur le jeu vidéo de faire attention à la manière de partager cette sémantique ultra-répandue et qui ruisselle fatalement dans les styles des uns et des autres. Au lectorat aussi de peser le pour et le contre, de faire preuve de recul et de ne pas tout prendre pour argent comptant. Ou alors, continuons comme cela : quand tous les jeux seront des GOTY, plus aucun ne le sera. On pourra alors définitivement se débarrasser de cette encombrante et vaine étiquette.


Voilà pour Clair Obscur : Expédition 33. Pour ce qui me concerne, le jeu m’a beaucoup plu. S’il n’est pas exempt de défauts ou d’errances sur le plan de l’écriture, s’il n’est pas non plus la révolution que d’aucuns attendaient, le titre de Sandfall a su me séduire en allant me toucher là où je ne m’y attendais pas et en m’offrant une expérience de jeu qui m’aura donné un sentiment de satisfaction constant.

Je tenais aussi à revenir sur cette question de GOTY, quoi que le sujet puisse être vain en fin de compte. Non pas que j’espère apporter une quelconque pierre à l’édifice sur la question mais voyez-y plutôt une forme de « billet d’humeur », si l’on veut. Un rappel que ce genre de considérations n’a pas de si grande valeur que cela et qu’il faut remettre ces appellations en perspective. Qu’il ne faut pas croire n’importe qui sur n’importe quoi et qu’il vaut mieux se fier à soi-même pour savoir ce qui sera notre grand jeu.

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