« Black Panther », Ryan Coogler, 2018

Black Panther, film de super-héros de Ryan Coogler. Avec Chadwick Boseman, Lupita Nyong’o, Michael B. Jordan, Danai Gurira…

  • Ce film s’inscrit dans la Phase 3 de l’Univers Cinématographique Marvel.

Le pitch : Devenu roi depuis l’attentat qui a tué son père à Vienne (cf. Captain America : Civil War), T’Challa (C. Boseman) a définitivement endossé le costume de Black Panther, protecteur du Wakanda. Mais le devoir l’appelle bientôt puisque qu’un vieil ennemi, Ulysses Klau (A. Serkis), refait surface pour à nouveau piller les ressources en vibranium de ce pays caché. Il agit désormais avec Killmonger (M. B. Jordan), un jeune homme au passé trouble qui cherche à s’emparer de ce précieux matériau. Mais ses plans ne s’arrête pas là et Black Panther va se trouver confronté à une plus grande menace.

La critique : L’UCM est comme un gros soufflé. Après avoir bien pris et gonflé à la croisée des années 2000 et 2010, le voilà qui retombe peu à peu depuis quelque temps. Comme il semble loin derrière nous ce temps où nous nous réjouissions à chaque nouveau Marvel, alors que ces films étaient encore comme des friandises qu’on s’empressait de dévorer ! Mais depuis Avengers premier du nom, les bonnes surprises se comptent sur les doigts d’une seule main. En vrac, Les Gardiens de la Galaxie, Captain America : Le Soldat de l’Hiver ou encore Thor – Ragnarok auront tâché de renouveler l’attention du public, avec plus ou moins de réussite selon les cas. Et à cette courte liste s’ajoute désormais Black Panther.

Dans Civil War, Black Panther rejoignait le camp d’Iron Man.

A titre très personnel, je n’attendais rien de cette premier aventure solo de T’Challa. Ne connaissant pas du tout ce héros et Civil War n’ayant pas suffi à réellement développer mon intérêt pour ce dernier, rien ne me donnait absolument envie de voir ce film, au point que j’avais même plus hâte de voir Ant-Man & The Wasp que celui-ci, c’est dire. C’est donc dans une totale neutralité mais tout de même curieux que je suis allé voir Black Panther au Mk2 Bibliothèque. Si je précise le nom du cinéma, c’est pour souligner à quel point j’ai en horreur de me rendre dans ce dernier. Si les salles sont pas mal (bien que trop froides), son public est exécrable, irrespectueux au possible et bruyant comme une troupe d’enfant qui aurait faim. Enfin bref…il suffit d’essayer de passer outre. Ceci fait, je dois bien reconnaître que Black Panther a parfaitement su me séduire.
J’aurais de toute façon bien eu du mal à présumer de quoi que ce soit le concernant. Je ne connaissais le réalisateur Ryan Coogler que pour le succès d’un Creed pas encore vu tandis que Chadwick Boseman ne m’évoquais rien de plus que ce que j’en avais vu dans Civil War justement. Et si je ne sais pas grand-chose au moment où débute la séance, il y a quand même quelques espoirs : celui de ne pas subir une sorte d’origin story sans saveur, le personnage ayant déjà été bien assez introduit quant à ses valeurs dans le troisième volet de Captain America ; celui aussi de profiter de ce nouveau héros pour changer un peu l’air de Marvel. Et la satisfaction fut au rendez-vous.

Il était temps de découvrir ce que T’Challa a réellement dans le ventre !

Visuellement déjà, je ne trouve que peu de choses à redire si ce n’est que Black Panther reprend, franchise oblige, la très grandes majorité des codes esthétiques et de mise en scène de la plupart des films Marvel. Tant dans les décors que les prises de vues, tout respire le format assez cadré d’une franchise qui ne laisse qu’en de rares occasions ses cinéastes proposer des choses différentes comme ce fut le cas avec James Gunn sur ses Gardiens de la Galaxie ou les frangins Russo depuis un Winter Soldier qui a redéfini certains codes cinématographiques de la Maison des Idées.

Le Wakanda est créé avec brio.

Cela étant, on aura beau trouver cela assez normé, il n’en demeure pas moins que Ryan Coogler a visiblement cherché à apporter sa propre patte pour faire son entrée dans l’UCM. Les scènes de combats et de batailles en particulier jouissent d’un traitement qui change un peu de ce à quoi l’on nous avait habitués jusque là. Je pense évidemment aux scènes de duel pour l’intronisation, chorégraphiées avec une excellence certaine, mais aussi et surtout à la grande bataille finale qui, sans rien vous révéler de plus, est un spectacle aussi maîtrisé qu’étourdissant par sa vivacité et les excellents choix de mise en scènes qui y sont fait. A mon sens, cette longue séquence constitue l’un des meilleurs affrontements que l’UCM ait pu nous offrir jusqu’à présent, prouvant au contraire de Civil War qu’une scène de bataille mettant en présence un certain nombre de personnages sur lesquels s’attarder en raison de leur importance peut être bien faite et éviter de bâcler certains protagonistes au profit d’autres. Gageons que les frangins Russo auront su y prêter une attention particulière pour Avengers : Infinity War

Les séquences de combat sont vraiment plaisantes.

A côté de cela, on notera tout de même que s’ils s’inscrivent dans une veine propre à l’UCM, les effets spéciaux sont très bien conçus. Qu’il s’agisse de personnages ou véhicules pur jus de CGI ou carrément de décors entiers, l’ensemble ne jure en aucun cas. Mention spéciale d’ailleurs à ces décors fabuleux mêlant astucieusement le modernisme du Wakanda et des influences africaines plus traditionnelles. Quant aux costumes, ils sont réellement magnifiques. Qu’il s’agisse des tenues « en civil » ou des armures et autres équipements de combat, quelle classe ! Et surtout, quelle réussite que ce melting pot découlant de l’usage de multiples influences africaines, puisées dans des cultures tribales congolaises, sud-africaines ou encore nigérianes.
Et si l’on aurait pu éventuellement trouver que tout ceci n’est qu’un assemblage sans grand intérêt, il se trouve au contraire que ce rassemblement se veut bien plus intelligent que ça. A une époque où l’Afrique et sa jeunesse cherchent à ramener ce vaste continent à sa juste place dans ce monde, comme une force nouvelle qui viendrait se faire alternative aux puissances nord-américaines, européennes ou asiatiques, Black Panther véhicule avec justesse l’image d’une unité judicieuse, dépassant les préceptes de nations ou de géographie politique. Du coup, je sais que ça en rebute certains de voir écrit partout « Black Panther : super-héros de l’Afrique », mais c’est pourtant bien ce qu’il est. En roi du Wakanda, T’Challa est à la tête d’un pays ultra-prospère et développé qui réunit les ethnies au-delà de leurs distinctions culturelles. C’est utopiste, certes, mais au donc, n’est-ce pas nécessaire de véhiculer ce genre de message ?

De nombreuses cultures sont représentées dans Black Panther. Ici, une évocation de la culture des Surmas (Ethiopie).

Mais, de toute évidence, l’écriture générale de Black Panther ne laisse pas grand-chose au hasard et il y a plusieurs choses à lire dedans. La première, c’est évidemment le scénario en tant que tel, avec sa narration et ses tenants et aboutissants. Là-dessus, déjà, on pourra autant trouver que c’est plutôt bien fait ou banal, le film s’offrant un joli dynamisme sans oublier de raconter une histoire mais la chose étant toutefois assez classique de ce que Marvel nous propose depuis 10 ans maintenant. Disons que même si on prend plaisir à suivre cette aventure, ça ne chamboule pas tout dans le monde du film de super-héros.

La cérémonie d’intronisation rappelle en quelque sorte que nul pouvoir n’est jamais définitivement acquis.

Sauf que c’est ici que nous arrivons au deuxième point, celui où l’on commence à se dire qu’en fait, Black Panther se détache assez bien du carcan des films de ce genre. Car derrière tous ses atours super-héroïques, le film de Coogler s’offre le luxe de nous parler d’autre chose et d’aborder toute une variété de thèmes, plus encore que dans n’importe quelle autre production de cette vaste franchise. Derrière le film d’action se cache aussi le drame, celui où les protagonistes sont non seulement mis face à leurs ennemis mais aussi à leurs choix et à leurs responsabilités. « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » disait l’oncle Ben à Peter Parker mais c’est clairement T’Challa qui aura au final le mieux incarné cette réplique devenue dicton. Au milieu du film de super-héros se cache un drame familial questionnant les relations père-fils, les notions d’héritage et de liens avec le passé et les traditions. Nouveau roi du Wakanda, T’Challa cherche encore sa place et les différentes séquences le renvoyant à sa relation avec son père appuient très joliment ce propos.

Au-delà de ça, c’est aussi à un film à forte résonance politique que l’on assiste dans Black Panther, avec différents points abordés de manière plus ou moins explicite. Déjà, la lutte pour le trône qui se met en place dans les premiers instants du film renvoie directement au cas de nombreux régimes monarchiques africains qui ont connu les affres des luttes de pouvoir et des contestations quant à la légitimité de tel ou tel souverain. Loin de moi cependant l’idée d’aller plus en avant sur le sujet, ce serait bien trop risqué. En parallèle cela dit, on notera également la façon dont le film aborde la question du regard que l’Occident porte sur l’Afrique. Cela se fait de deux manières : d’abord avec cette remarque dans le film sur ce qu’un pays d’éleveurs pourrait bien avoir à partager avec le monde, mais aussi et surtout en bousculant la vision inconsciente collective que les occidentaux ont de l’Afrique. Comment ? Tout simplement en nous présentant le Wakanda comme un pays puissant, riche et ultra-développé par ses seules et uniques forces, sans qu’à un seul moment un quelconque passé colonialiste (ici inexistant d’ailleurs) ne soit souligné pour expliquer cet essor fabuleux. Cela rejoint finalement ce que je disais plus haut quant à l’image très positive que le film donne de l’Afrique.

Shuri, petite sœur de T’Challa, symbolise à elle seule cette image d’une puissance africaine qui ne doit sa prospérité qu’à elle seule.

Black Panther se fait aussi l’écho des problématiques rencontrées tout particulièrement par les afro-américains quant à leur place dans la société aux Etats-Unis et la façon dont ils peuvent lutter pour leurs droits. Dans le contexte que connait actuellement le pays de l’Oncle Sam quant au racisme, Ryan Coogler et sa panthère arrivent à point nommé pour interroger le public sur ces questions.

T’Challa et Killmonger renvoient à deux visions de la lutte contre la ségrégation, aux idéaux comparables mais aux méthodes radicalement différentes.

Et au final, la réponse qu’apporte ce film sur le sujet est une fois de plus assez positif car là où Killmonger, au nom de la vengeance vis-à-vis du sort réservé aux Noirs de tous temps, prône une action violente et radicale, l’on oppose la vision pacifiste d’un T’Challa qui revendique bien au contraire l’échange productif et une sorte de réciprocité entre grandes puissances occidentales et ce continent qui ne demande qu’à être partie prenante du monde de demain et dont le Wakanda, tout fictionnel qu’il soit, se fait finalement le porte-parole. Tout ceci ne peut que renvoyer les USA à leur propre histoire et tout particulièrement aux deux figures historiques que sont Martin Luther King et Malcolm X, le premier prônant la non-violence et l’universalisme tandis que le second revendiquait bien plus la lutte armée, prononçant même un certain nombre de discours haineux visant à renverser le suprémacisme blanc pour laisser place un suprémacisme/nationalisme noir.

Pour finir sur le plan « sociétal », reste à évoquer la place des femmes dans ce film et le moins que l’on puisse dire c’est que les Wonder Woman et autres Black Widow peuvent retourner s’asseoir : elles sont là les femmes badass du monde des super-héros ! Héroïnes et/ou guerrières avant d’être femmes, ces personnages féminins sont aussi désexualisés que possible et sont traité sur un total pied d’égalité avec le personnage principal. Alors vous me direz que « ça ne reste que des personnages secondaires » mais je répondrai que ce sont justement d’incroyables personnages secondaires en ce sens qu’elles n’ont en aucun cas besoin du héros masculin pour se réaliser et que ce dernier serait même bien mal en point si ces femmes n’étaient pas là ! Et puis quelle classe bon sang ! Regardez-moi un peu les scènes de combat mettant en scène Ayo et Okoye ! C’est fait sans bons sentiments inutiles, c’est vif et brutal : c’est bien !

Le personnage d’Okoye n’est pas là pour faire dans la dentelle.

Mais de manière générale, il faut de toute façon bien admettre que la plupart des personnages sont assez bien écrits. C’est le cas donc des protagonistes féminins mais il convient de souligner que ces dernières bénéficient en plus d’être incarnées par des comédiennes qui leur rendent parfaitement justice en en offrant des interprétations qu’on qualifiera de très solides.

J’ai beaucoup aimé l’interprétation de Letitia Wright en Shuri.

C’est le cas notamment de Danai Gurira en Okoye notamment, l’actrice prêtant à son personnage une stature forte et une présence certaine qui soulignent d’autant plus l’assurance dont fait constamment preuve le personnage. Au même niveau, on pourra aussi évoquer Lupita Nyong’o dans le rôle d’une Nakia dont l’assurance et le côté badass ne sont en aucun cas mis à mal par la romance qu’elle entretient avec T’Challa. Et l’on pourrait continuer longtemps de faire l’éloge de ce casting féminin en saluant également Angela Bassett ou encore Letitia Wright mais cet article est déjà bien assez long. Tout juste un mot pour dire que Letitia Wright est une très bonne surprise et qu’elle permet au tandem T’Challa/Shuri de très bien fonctionner.

Rien à redire, Chadwick Boseman s’impose en Black Panther.

Je vais donc terminer en évoquant bien entendu Chadwick Boseman et Michael B. Jordan, quitte à sacrifier tout le bien que je pourrais vous dire d’autres comédiens comme Martin Freeman, Andy Serkis ou Forest Whitaker, tous trois impeccables. Boseman, pour commencer, ce n’est que la deuxième fois que je le vois après Civil War. Difficile donc de pouvoir affirmer que je m’attendais à quoi que ce soit même si ce qu’il avait alors proposé m’avait semblé somme toute très correct. Le fait est que j’ai découvert ici un acteur talentueux et investi dont se dégage une vraie personnalité. Chadwick Boseman incarne son T’Challa avec toute la classe qui lui convient mais n’hésite pas à lui donner également un côté un peu plus léger par moments, cohérents avec certaines situations, qui ne gêne en aucun cas le crédibilité du personnage.

Je suis donc séduit, tout comme je le suis par Michael B. Jordan, qui me fait le même coup que Chris Evans quand on y pense : après m’avoir exaspéré en Johnny Storm dans Les 4 Fantastiques, je redécouvre un acteur bien plus intéressant que cette pauvre interprétation (et ce navet de manière générale) ne pouvait le laisser croire. Pour tout dire, je trouve que Jordan en impose sévère dans Black Panther et qu’il contribue totalement à imposer à mes yeux son Killmonger en l’un des meilleurs méchants de l’UCM, easy peasy.

Excellent, voilà tout.

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Je conclus donc rapidement cet article plus long que je ne l’avais imaginé en résumant simplement : Black Panther est une vraie belle réussite. A mon sens l’un des meilleurs films de l’UCM, moins pour ses aspects super-héroïques que pour sa capacité justement à s’émanciper de ce carcan en proposant autre chose. Ryan Coogler fait le choix intelligent de développer dans son film d’autres approches que celles que l’on a vues et revues depuis 10 ans et réussit selon moi à proposer une œuvre avec un véritable fond. Certains le trouveront peut-être moins accrocheur que moi, d’autres choisiront peut-être même de passer totalement outre et de se contenter du plaisir de voir un bon film d’action mais je ne peux en tous cas pas m’empêcher de penser que Black Panther est un film très réfléchi et porteur de messages plus ou moins explicites et plus ou moins forts qui sont bien agréables à entendre dans le monde si aseptisé du blockbuster hollywoodien. J’ai hâte de voir où tout cela va nous mener mais je crains quand même que la réponse ne soit « nulle part ».

2 réflexions sur “« Black Panther », Ryan Coogler, 2018

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