C’est en déambulant dans le catalogue de Netflix que l’existence de la série Peaky Blinders est revenue à ma mémoire. Car si j’en avais bel et bien entendu parler, je n’en avais jamais rien vu et ne m’étais pas suffisamment intéressé à son cas pour en garder le moindre souvenir. Alors, les deux premières (et uniques à l’époque) saisons étant disponibles sur cette plateforme, je me suis lancé avec la plus grande des curiosités dans cette série qui, au prime abord, avait beaucoup de choses pour me plaire : ambiance crade des villes de l’Angleterre des années post Première Guerre mondiale, affaires de gangs, Cillian Murphy… Pourquoi résister face à tant de potentiels atouts ?
Un autre aspect qui m’a attiré chez Peaky Blinders c’est son origine britannique. Du haut de ma maigre expérience en matière de séries télé, s’il y a bien une chose que je sais c’est que je n’ai jamais été déçu par une production de nos amis Anglais et je pense ici notamment à Sherlock (dont il faudra bientôt que je mette à jour mon article sur la saison 3, suite à un revisionnage qui a légèrement modifié mon avis) ou à Broadchurch, pour n’en citer que deux parmi les plus récentes et marquantes. Développée par la BBC donc depuis 2013, la série a été créée par Steven Knight, scénariste de Dirty Pretty Things (de Stephen Frears) ou encore d’Amazing Grace (de Michael Apted) des Promesses de l’Ombre (David Cronenberg) et de la prochaine suite de World War Z mais aussi réalisateur de Crazy Joe et de Locke. Presque rien qui fasse, je l’avoue, que je le connais avant d’attaquer Peaky Blinders. La série raconte la quête de pouvoir et d’autorité desdits Peaky Blinders, un groupe dont l’ensemble des membres évoqués dans ces épisodes sont fictifs mais qui a réellement existé à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. Certains historiens pensent que le terme renvoie plutôt à une dénomination générale pour les gangs de l’époque, quels qu’ils soient, mais on n’est pas là pour faire un cour d’Histoire (mais je me lirais bien un bouquin ou deux sur le sujet quand même). L’histoire, pour y revenir, se déroule à Birmingham dans l’Entre-Deux-Guerres. Au cours des deux saisons et donc 12 épisodes, nous suivons l’ascension des Peaky Blinders dans la sphère des gangs de la région et en particulier celle des frères Shelby et notamment Thomas, incarné par Cillian Murphy.

Les vrais Peaky Blinders.
J’ai tellement de choses à dire sur Peaky Blinders que je ne sais pas par où commencer. Je pourrais d’ailleurs me contenter de vous dire que c’est génial et m’arrêter là mais ce serait dommage de vous avoir fait faire le déplacement pour rien. Tâchons donc de prendre les choses dans l’ordre. Tiens, commençons par parler de ce que raconte cette série. Déjà, juste pour rappel, Peaky Blinders compte deux saisons (pour ce que j’en ai vu et dont il sera question ici, une troisième est sortie sur les écrans britanniques cet été), chacune étant divisée en six épisodes de 50-55 minutes. Un format que j’apprécie assez à vrai dire puisqu’il est souvent prometteur d’une scénario certes condensé mais qui saura aller à l’essentiel et privilégier un bon enchaînement des événements sans pour autant oublier de s’étoffer dans les côtés drama et background général., lesquels ne viennent pas trop peser sur l’attention que le spectateur pourra porter à chaque épisode. Et Peaky Blinders ne manque pas de correspondre à cette idée (qui n’est peut-être que la mienne en l’occurrence, je n’en sais rien) en proposant un récit admirablement construit, équilibrant très justement action et développement du contexte, permettant ainsi d’avancer dans le scénario avec un rythme de progression soutenu mais suffisamment intelligent pour prendre le temps de poser ses enjeux et de dessiner les ficelles qui vont faire, une fois liées, le fil rouge des deux saisons.

Photo promotionnelle de la série.
Un fil rouge qui s’offre à un scénario vraiment prenant, n’y allons pas par quatre chemins. Alors oui, on pourrait dire que des histoires de gangsters qui font des trafics et qui cherchent à étendre leur influence, c’est du déjà-vu. Brian De Palma avait déjà fait de jolies choses à ce sujet dans Les Incorruptibles et les séries Boardwalk Empire et Sons of Anarchy reprennent finalement les mêmes traits avant même que ne sorte Peaky Blinders. Des similarités que je ne suis pas le seul à noter si l’on en croit internet. Cela étant, Peaky Blinders a pour elle de recontextualiser tout ça dans l’Angleterre de l’Entre-Deux avec une belle bande d’Irlandais à l’accent à couper au couteau. En cela, la série (sur les deux saisons vues) arrive à dépasser ce qui aurait pu être un écueil (le côté assez attendu de ce qu’on nous raconte) en le mettant en scène dans un milieu très vivant et avec des personnages charismatiques. Reste que le scénario n’est cependant pas d’une banalité affligeante, loin de là. Il arrive à construire avec une certaine élégance et beaucoup de talent toute une intrigue qui fait que l’on se laisse volontiers prendre au jeu et que chaque générique de fin est un appel à lancer l’épisode suivant. Les événements se suivent avec un rythme intéressant comme je le disais plus haut mais, surtout, il ne souffrent absolument pas d’une éventuelle inégalité. Bien au contraire, chacune des deux saisons que j’ai vues est un modèle de construction crescendo qui amène peu à peu les personnages et par conséquent le spectateur face une tension de plus en plus palpable, tant et si bien que chaque saison se ponctue de moments particulièrement marquants, riches en action et tout ça emballé dans un très joli écrin.

Certains trouveront parfois la série trop bavarde mais l’action n’est jamais loin !
Car oui, Peaky Blinders est aussi une pépite en tant qu’objet télévisuel. Déjà la mise en scène n’a strictement à se reprocher tant elle est calibrée mais c’est clairement dans la photographie que la série trouve tout le sel de sa charte esthétique. Particulièrement cinématographique, le travail de George Steel, Simon Dennis et Peter Robertson est remarquable et donne lieu à quelques magnifiques plans dans chaque épisode sans aucune exception ! J’ai également adoré la bande originale de cette série, laquelle trouve son originalité dans l’utilisation de chansons modernes issues des répertoires de Nick Cave (lequel est l’interprète original avec ses Bad Seeds du thème principal de Peaky Blinders, à savoir Red Right Hand), des White Stripes, des Arctic Monkeys ou encore de P.J. Harvey… Des chansons modernes qui collent idéalement au propos de la série par leur côté âpre, brutal parfois et fleurant bon le bad boy. On notera cependant que cette bande originale varie selon votre diffuseur. Aussi dingue que cela puisse paraître, vous n’entendrez pas les mêmes chansons selon que vous regardez Peaky Blinders sur la BBC ou sur Netflix ! Fort heureusement, cela n’enlève jamais rien à l’intérêt de ce choix artistique, lequel est préservé malgré ces variations.

Peaky Blinders est un régal pour les mirettes du début à la fin.
Côté distribution enfin, je n’ai là encore quasiment rien à redire. Cillian Murphy tout d’abord est absolument parfait dans le rôle de Thomas Shelby, leader des Peaky Blinders. Il impose une sorte de flegme au personnage qui lui sied à merveille et qui arrive à mettre la juste note à l’équilibre que ce dernier doit trouver afin de mener ses affaires à bien (il s’agit d’en imposer tout en sachant garder son sang froid la plupart du temps, ce qui n’empêche pas quelques bonnes parties de castagne). Mais de toute façon, l’acteur irlandais est une valeur sûre, à l’image de Sam Neill qui interprète ici Chester Campbell, principal antagoniste de la série puisque chef de la police envoyé en mission pour démanteler les Peaky Blinders par Winston Churchill lui-même. Neill renoue ici avec tout son talent dramatique et construit son personnage à la perfection, faisant de ce dernier (déjà détestable sur le papier) une véritable ordure dont la face sombre ressurgira régulièrement pour laisser le spectateur pantois devant tant de cruauté. Une violence qu’on retrouve d’ailleurs chez Arthur Shelby (le frère de Thomas donc), campé par un Paul Anderson impeccable à son tour. Mais il serait vain au final de détailler en quoi chacun est un excellent choix de casting car on finirait par se répéter alors autant synthétiser en affirmant que la distribution est, dans sa globalité, de très grande qualité. Que ce soit les trois cités ici ou bien Joe Cole, Helen McCrory ou même (dans la deuxième saison) Tom Hardy et Noah Taylor, il n’y aucun des interprètes de cette série qui fasse tâche, loin de là. Peut-être seulement pourra-t-on trouver Annabelle Wallis et Charlotte Riley moins épatantes mais est-ce réellement un problème ?

Si Cillian Murrphy et Sam Neill sont souvent mis en avant pour parler du prestige de la distribution, on oublie trop souvent d’évoquer l’incroyable Paul Anderson.
Au terme de ces douze épisodes, Peaky Blinders me laisse sur une très bonne impression, celle d’avoir assisté aux deux saisons d’une série maîtrisée de bout en bout, riche en qualités et dont les rares défauts sont à peine évocables tant ils sont minimes. Steven Knight propose ici un concept qui ne révolutionne sans doute rien mais qui a le mérite de prendre le spectateur au sérieux et de lui offrir un divertissement de qualité, nourri d’une intelligence et d’une maturité qui se retrouvent autant dans le scénario et sa construction que dans l’écriture des personnages et la mise en scène générale de l’œuvre. Peaky Blinders est clairement à ranger aux côtés d’autres séries cultes de ces dernières années, dont la filiation avec le cinéma s’observe de plus en plus tant dans les formes que dans le fond et je n’ai désormais plus qu’une hâte : découvrir la saison 3 au plus vite. Quelle formidable époque pour regarder des séries !
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