Interview avec Martin Koolhoven, réalisateur de « Brimstone »

Il y a peu, je vous parlais de Brimstone, tout dernier film du réalisateur néerlandais Martin Koolhoven. Un excellent film qui alliait subtilement western et thriller dans une histoire aussi haletante que malsaine et prenante. Je ne vous refais pas la critique du film ici, elle est à lire sur le blog en suivant ce lien. Mais en attendant la sortie du film, qui arrivera sur les grands écrans français le 22 Mars (dans une semaine tout rond), je vous propose de découvrir tout de suite un entretien avec Martin Koolhoven, lequel a très aimablement accepté de répondre à mes questions !

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Martin Koolhoven (crédit photo : Joshua Rood)

Martin Koolhoven
(crédit photo : Joshua Rood)

Brimstone est votre premier film en anglais après 14 productions néerlandaises. D’où vient ce projet ? Etait-ce une envie personnelle ou bien avez-vous été contacté par un ou plusieurs producteurs pour réaliser un film comme celui-ci ?
C’était ma propre idée, bien que cela soit venu après que j’ai été contacté plusieurs fois pour aller à Hollywood… En fait, j’ai commencé à penser qu’il serait bien de faire un film international. J’ai donc décidé de rester en Europe et d’écrire le mien.

La distribution dans Brimstone est plutôt prestigieuse : Dakota Fanning, Guy Pearce… Comment arrive-t-on à réunir un si beau groupe d’acteurs pour un premier film réellement international ?
Ils ont adoré le script. C’est aussi une chance assez unique pour eux, vous ne jouez pas dans un film comme ça tous les jours. Bien sûr, ils ont voulu voir mon dernier film, qui était Winter in Wartime, avant de donner leur accord définitif. Heureusement, ils l’ont aimé !

Il Etait une Fois dans l’Ouest est votre film préféré et vous citez Le Bon, La Brute et le Truand dans votre bio sur Twitter. Au-delà d’un simple goût pour le genre, on sent une vraie passion pour le western. Comment est-elle née ? Curiosité personnelle, influence des parents ou amis…? Et avez-vous une préférence entre western américain ou western spaghetti ?
Les premiers westerns spaghetti que j’ai vus sont les comédies avec Bud Spencer et Terrence Hill. Je les ai vus quand j’étais gosse, projetés en 16mm, assis sur le sole avec une petite troupe d’autres enfants. Mais mon amour pour le genre est réellement né quand j’ai vu Il Etait une Fois dans l’Ouest, vers mes 11 ou 12 ans.
Ce serait vraiment difficile de choisir entre les westerns italiens ou américains, mais je peux dire que ce sont les westerns des années 1960 et après que j’aime vraiment. Il y en a quelques uns plus anciens qui sont parmi mes favoris, mais la plupart sont soit européens, soit ce qu’on a commencé à appeler des « westerns révisionnistes ». (ndlr : on peut aussi parler d’anti-western ou de western moderne)

Que pensez-vous de cette nouvelle vague de westerns que l’on peut voir depuis quelques années maintenant, comme Appaloosa, 3h10 pour Yuma, Open Range, etc ? Y trouvez-vous ce que vous cherchez dans les westerns « classiques » ?
Certains de ces nouveaux westerns sont excellents. Ceux que vous citez sont bons mais par exemple, je considère L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford comme encore meilleur. Je pense que c’est un chef-d’œuvre ! Je crois que les westerns évoluent avec les temps qui changent. Les films portent toujours sur le présent, même les historiques. L’Assassinat de Jesse James… porte un regard assez moderne sur la célébrité, bien que le film se déroule au XIXème siècle.

L'Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford est un western d'Andrew Dominik avec Brad Pitt et Casey Affleck.

L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford est un western d’Andrew Dominik avec Brad Pitt et Casey Affleck.

Dans Brimstone, le fait que Liz soit muette vous a-t-il donné l’opportunité de construire ce personnage d’une manière particulière ? Car cela lui apporte à la fois une force et une fragilité. Est-ce un choix fait dès le tout début du développement du film ou bien cette idée est-elle venue plus tard ?
C’est une des premières idées que j’aie eues pour ce film et ce personnage. Cela m’a forcé à faire de Brimstone une expérience plus visuelle.

Liz est un personnage qui semble être très influencé par un autre célèbre personnage féminin de western : Jill dans Il Etait une Fois dans l’Ouest. Les deux sont des personnages féminins forts développés à des époques où la société patriarcale est montrée du doigt et où les mouvements féministes se font entendre (Women Liberation aux Etats-Unis à la fin des années 1960 et des mouvements comme Femen de nos jours). Liz et Jill ont par ailleurs un cheminement très similaire. Cette ressemblance est-elle voulue ou bien est-ce une influence inconsciente ? Y a-t-il un message derrière Liz et son histoire ?
En fait, je voulais rester éloigné d’Il Etait une Fois dans l’Ouest autant que possible. C’est un film parfait, comment pourrais-je ne serait-ce qu’essayer d’être dans son ombre ? Mais quand Brimstone a été terminé, je me suis rendu compte des similarités entre Liz et Jill. Je n’y ai cependant jamais pensé pendant l’écriture.

Je crois que les westerns évoluent avec les temps qui changent. Les films portent toujours sur le présent, même les historiques.

Concernant le personnage du Révérend, on peut le voir comme une métaphore du grand méchant loup, tandis que Liz correspond un peu au stéréotype de la jeune fille innocente, voire – dans un sens – du Petit Chaperon Rouge. Y a-t-il dans votre film une idée intentionnelle de lui donner une approche de conte de fées ?
C’est amusant. A un moment, j’avais un script où chaque chapitre du film commençait avec une gravure de Gustave Doré (ndlr : Gustave Doré était un célèbre illustrateur et graveur particulièrement connu pour ses illustrations des contes de Perrault). L’une d’elles représentait le Petit Chaperon Rouge… Il y a un certain type renforcé de réalité dans le film dont je pense qu’on pourrait le présenter comme un conte de fée sombre.

Puisque l’on parle du Révérend, parlons de celui qui l’interprète : Guy Pearce. Dans The Proposition (western de John Hillcoat sorti en 2005), il joue un rôle en contradiction avec son personnage dans Brimstone. Avez-vous vu ce film ? Si oui, vous a-t-il plu et a-t-il joué un rôle dans votre décision de travailler avec Guy Pearce ? Dans tous les cas, qu’est-ce qui vous a plu dans le jeu de cet acteur et dans ses précédents rôles pour vous donner l’envie de travailler avec lui ?
J’adore The Proposition ! C’est peut-être mon film préféré de Guy, bien qu’il ait joué dans d’autres très grands films. Je me souviens encore l’avoir vu pour la première fois dans Priscilla, Folle du Désert. Il y était électrique mais j’avais en quelque sorte pensé qu’ils avaient pris quelqu’un qui ressemblait beaucoup au personnage qu’il jouait. Jusqu’à ce que je voie son film suivant, L.A. Confidential, qui m’a clairement fait saisir son talent. C’était vraiment le même acteur !? Quelle polyvalence…

Guy Pearce incarne le Révérend dans Brimstone.

Guy Pearce incarne le Révérend dans Brimstone.

Dans les premiers instants de Brimstone, on peut croire qu’une part de fantastique va se glisser dans le film, mais on comprend progressivement que ce ne sera pas le cas. Cette première impression est-elle voulue et, si tel est le cas, quelles sont les raisons de ce choix ?
Je n’appellerais pas ça du fantastique mais plutôt du métaphysique et, pour moi, le Révérend l’est à bien des occasions dans le premier et le dernier chapitres.

Le film prend parfois des allures burlesques, ce que l’on retrouve en quelque sorte dans les westerns spaghetti. Comment expliquer cela alors que Brimstone est un film très sombre ?
Je ne sais pas comment expliquer ça. Disons que je n’ai pas pu m’en empêcher, je suppose…

J’adore The Proposition ! C’est peut-être mon film préféré de Guy [Pearce].

On peut voir la conclusion du film comme une façon de dire qu’on n’échappe pas à son destin car le Révérend semble avoir une sorte de victoire malgré tout. Comment expliqueriez-vous cette fin ? Quelle est la morale du film d’après vous ?
Si je vous le dit, pourquoi faire le film ? Mais je pense sincèrement qu’il faut revoir le film et bien écouter la voix off

La photographie dans Brimstone est très travaillée. Vous êtes-vous inspiré de photographes ou peintres en particulier ? Dans quelle mesure votre directeur de la photographie, Rogier Stoffers, a-t-il pu mettre ses propres idées dans ce travail ?
Vous devriez lui demander. Mais je pense lui avoir donné beaucoup de liberté, tout spécialement concernant les lumières, sur lesquelles il s’y connait bien plus que moi. Je sais parler d’angles, de cadre, de lentilles mais la lumière est mon talon d’Achille…
Et oui, nous avons regardé des peintures. Je me souviens êtres venu avec des travaux du peintre suisse Albert Anker et Rogier m’a aussi montré les œuvres de Vilhelm Hammershøi, un célèbre peintre danois.

Certains plans de Brimstone sont de vrais tableaux.

Certains plans de Brimstone sont de vrais tableaux.

Selon vous, peut-on considérer le montage de Job ter Burg pour ce film comme quelque chose d’habituel dans le monde du western, voire un hommage en particulier, ou pensez-vous qu’il propose quelque chose d’autre, de nouveau qui nourrit le genre ?
Je ne saurais dire si son montage est un hommage à quoi que ce soit… Job a monté le film jusqu’à ce que l’on obtienne le plus gros impact des performances des acteurs. Nous avons trouvé le rythme qui convenait au film et racontait au mieux l’histoire. Je ne crois pas qu’il ait pensé à d’autres films en montant celui-ci, nous n’avons vraiment pas parlé de Brimstone ensemble dans cette optique.

Je voulais rester éloigné d’Il Etait une Fois dans l’Ouest autant que possible. C’est un film parfait, comment pourrais-je ne serait-ce qu’essayer d’être dans son ombre ?

Ce film est particulièrement brutal et met des enfants et adolescents face à des situations et propos rudes. Comment avez-vous travaillé avec Emilia Jones et la jeune Ivy George pour les préparer ?
Emilia était si douée que j’ai pu la diriger comme une adulte. Naturellement, j’ai parlé de tout ce qu’il y a dans le script avec ses parents et ils m’ont affirmé qu’Emilia comprendrait tout très bien. Il faut comprendre que les choses ne sont pas tout à fait aussi intenses sur le plateau qu’à l’écran.
Ivy était bien plus jeune et je ne pouvais pas la diriger de la même manière. J’ai choisi une approche avec beaucoup d’humour et ai essayé de rendre les choses aussi amusantes que possible, presque comme un jeu. Sa mère était toujours présente sur le plateau et elle m’a parfois aidé à obtenir les bonnes émotions de la part d’Ivy. Encore une fois, ce n’est pas aussi intense sur le plateau qu’à l’écran et Ivy était d’ailleurs assez grande pour comprendre que tout ceci n’était pas réel.

Emilia Jones incarne avec brio une Liz adolescente.

Emilia Jones incarne avec brio une Liz adolescente.

Pour conclure et maintenant que Brimstone s’apprête à sortir dans les salles, quels sont vos projets désormais ? Ce film vous a-t-il donné des envies hollywoodiennes ou préféreriez-vous d’abord revenir à un cinéma moins international ?
Je continue de penser à Hollywood. J’aimerais faire un thriller dans le genre film noir. J’ai quelques idées…

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Merci encore à Martin Koolhoven pour s’être si gentiment prêté au jeu des questions-réponses pour le blog ! Quant à vous qui lisez ces lignes, rendez-vous au cinéma le 22 Mars prochain pour y découvrir cette pépite qu’est Brimstone !

Entretien réalisé par mail entre le 28 Février et le 2 Mars 2017

8 réflexions sur “Interview avec Martin Koolhoven, réalisateur de « Brimstone »

  1. L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, il a très bon goût ce monsieur !

    Merci pour l’interview, très intéressante, ça fait froid dans le dos mais j’espère pour lui que le film ne se verra aps offrir un accueil… glacial *aheum*.

  2. Pingback: Bilan cinéma 2017 ! | Dans mon Eucalyptus perché

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