Il y a un an, Nintendo voyait Shuntaro Furukawa remplacer Tatsumi Kimishima à la tête de la boite, on nous présentait une entreprise en grande forme grâce à la Switch, on voulait imprimer la console dans la tête du grand public de manière pérenne et la 3DS se faisait encore plus discrète (mais toujours vivante). Un an après, nous voici fin Avril 2019, Reggie est parti et le constructeur nippon fait le bilan de l’année fiscale écoulée. Un regard sur les douze derniers mois qui ressemble énormément à celui de l’an passé et on va tâcher de décortiquer tout cela.
Fin de l’ère 3DS
Mais avant de parler de ce que Shuntaro Furukawa et ses associés ont évoqué lors de cette conférence face aux actionnaires de Nintendo, il faut revenir sur la principale absence de ce bilan annuel : la 3DS. Aucun mot concernant la petite console portable, quel que soit le modèle. De la 3DS classique aux plus récentes New Nintendo 2DS XL, la gamme s’est silencieusement éclipsée. Une retraite qui s’est faite progressivement et qui se faisait attendre pour de nombreux utilisateurs conscients que le temps de la 3DS était révolu, en particulier depuis l’arrivée de cette Switch apte à prendre la place tant de cette dernière que de la Wii U. Moins d’annonces, plus d’emphase sur la Switch…
Souvenez-vous, le 5 Mars dernier je vous rapportais après un rapide coup d’œil dans le catalogue de Nintendo que seuls deux jeux étaient encore attendus sur 3DS : Kirby – Au Fil de la Grande Aventure et Shakedown Hawaii. Si l’on a vu depuis que Persona Q2 – New Cinema Labyrinth s’ajoute à cette liste (sortie mondiale prévue en Juin alors que le jeu est dispo au Japon depuis fin 2018), reste qu’il s’agit là des trois derniers principaux titres attendus sur la console. Cette dernière n’a fait l’objet d’aucune annonce supplémentaire lors du dernier Nintendo Direct mais c’était couru d’avance : lors du dernier E3, seule la Switch se voyait mise à l’honneur.
Lancée en 2011, la 3DS semble avoir fait le tour de la question. Huit ans et 6 modèles après, elle tire sa révérence. Elle aura marqué les esprits en tous cas cette brave petite machine. Certes loin derrière les colossaux succès de la Game Boy, de l’Advance et de la DS initiale (toutes variantes incluses), la gamme a permis d’écouler un peu plus de 75 millions de machines pour plus de 378 millions de jeux (c’est plus que le nombre de jeux vendus sur GBA d’ailleurs, malgré un parc installé moins conséquent).
La 3DS c’est aussi la console qui, avec les Amiibo également, a permis à Nintendo de tenir la barre alors que l’entreprise naviguait sur les eaux tumultueuses de l’échec de la Wii U et de ses même pas 14 millions de consoles écoulées. Et malgré les déclarations de Reggie Fils-Aimé à l’époque, qui pensait que la 3DS se vendrait jusqu’en 2023 (ce qui n’est cependant pas impossible), Nintendo a confirmé chez Kotaku que si des jeux tiers sont encore prévus (on vient de le voir), l’entreprise n’a plus rien à annoncer pour elle en matière de jeux first-party (développés par Nintendo). Enfin bref, le fait est qu’on y est : nous sommes en 2019 et la 3DS, c’est terminé.
La Switch poursuit son excellente lancée
Ob-la-di, ob-la-da, la vie continue comme le dirait Paul McCartney et si la 3DS s’éteint officiellement (ou presque) en ce mois d’Avril 2019, Nintendo n’est pas d’humeur à faire la tête pour autant. Bien au contraire même, ce qui ressort le mieux de ce bilan annuel, c’est que tout va bien. Tout va très bien même ! Et comme quelques chiffres sont parfois plus parlant que de longues phrases, en voici quelques uns que je reprends volontiers depuis le compte Twitter d’Oscar Lemaire, expert comptable ès jeux vidéo. Nintendo, sur la période 2018-2019, c’est :
- 9,6 milliards € de chiffre d’affaires (objectif atteint à 100 %)
- 2 milliards € de bénéfice opérationnel (objectif atteint et dépassé à 111 %)
- 1,59 milliards € de bénéfice net (objectif atteint et dépassé à 118 %)
Bien des milliards qui font de cette année fiscale la 4ème meilleure de l’histoire de Nintendo, les trois premières étant toutes situées dans l’ère Wii. Et le moins que l’on puisse dire c’est que se rapprocher de cette faste période économique pour l’entreprise, c’est clairement un bon signe. Mieux encore, les objectifs sont tous atteints ou joliment dépassés, laissant comprendre que malgré une période un peu moins faste en gros jeux, Nintendo et sa Switch s’en sortent très bien. L’an dernier, Shuntaro Furukawa insistait sur le fait que la deuxième année de vie d’une console, en particulier après un excellent lancement comme celui qu’a connu la Switch en 2017-2018, était particulièrement importante car il s’agissait de maintenir ce que nos amis anglo-saxons et/ou économistes appellent le momentum (une sorte d’état de grâce en quelque sorte). Pour Furukawa, l’année 2018-2019 allait être celle où l’effet de nouveauté s’estompe et le hardware allait être réellement mis au test. En gros, cette année fiscale devait répondre à la question : la Switch est-elle capable de tenir la route dans le marché actuel ?

Après un énorme sursaut d’Octobre à Décembre, la Switch continue de voir ses ventes dépasser celles de l’an dernier.
Et visiblement, il n’y a pas à en douter une seule seconde. La console hybride et ses jeux ont représenté pour Nintendo 85 % de son chiffre d’affaires sur cette période (contre 75 % sur la précédente) avec un total atteint de 34,74 millions de consoles et 187,52 millions de jeux vendus depuis Mars 2017. Qu’il semble loin désormais le temps de la Wii U et la Switch continue donc sa jolie lancée même si, malgré ce joli optimisme ambiant, il est à noter que les ventes annuelles sont en-deçà des objectifs fixés l’an dernier, où l’on s’imaginait doubler la mise. Sachant qu’après un an sur le marché, la console s’était vendue à 17,79 millions d’exemplaires, on espérait donc dépasser les 35 millions d’unités à l’issue de l’exercice fiscal 2018-2019. Ce n’est pas passé loin, certes, mais c’est tout de même en-dessous de ce seuil que le total de ventes s’installe.
Pour autant, les tendances actuelles sont au goût des dirigeants de Nintendo, sans grande surprise. Alors que les bilans trimestriels de l’exercice 2018-2019 étaient déjà bons, Furukawa estime que le dernier trimestre (Janvier-Mars) est également très correct. La Switch y poursuit son momentum avec des ventes trimestrielles supérieures de 35 % à ce qu’elles étaient sur les trois mêmes mois l’an dernier. Un résultat très satisfaisant qu’on ne peut que lier au succès de Super Smash Bros. Ultimate, qui a d’ailleurs réussi à s’imposer en quelques mois comme le 3ème jeu le plus vendu sur Switch. Avec 13,8 millions d’exemplaires écoulés à la fin du mois de Mars 2019, cela le place juste derrière Super Mario Odyssey (14,4 millions) et Mario Kart 8 Deluxe (16,7 millions). A noter que Breath of the Wild (12,8 millions) et Pokémon Let’s Go Evoli / Pikachu (10,6 millions) concluent le top 5 Switch.
L’impact de SSBU sur les ventes de Switch est d’ailleurs plus que notable. Le graphique ci-contre permet de clairement visualiser l’énorme sursaut que la sortie du jeu au début du mois de Décembre dernier a provoqué sur le nombre de consoles écoulées. Un sursaut qui ne s’est par ailleurs pas démenti ensuite, la courbe continuant sa progression sur les trois premiers mois de 2019. Tout ceci permet d’atteindre un total de consoles vendues supérieur de 23 % à ce qu’il était l’an passé. Comme prévu donc, Super Smash Bros. Ultimate s’est imposé comme un excellent VRP pour la console, devenant même le titre vers lequel les nouveaux acquéreurs de Switch se tournent en priorité désormais. Plus précisément, sur la période de Janvier à Mars 2019, SSBU est le premier jeu lancé sur Switch dans 26 % des cas, devant Mario Kart 8 Deluxe et Pokémon Let’s Go. Déjà bien présents chez les joueurs et joueuses, il n’est pas surprenant de voir Breath of the Wild et Super Mario Odyssey reculer un peu dans ce classement dont on retiendra surtout la force de frappe que représente SSBU mais aussi la façon dont Mario Kart arrive à rester dans les sommets malgré les mois qui s’écoulent. En France, il est encore d’ailleurs régulièrement (sinon systématiquement) dans le top 5 des jeux les plus vendus chaque semaine d’après le SELL.
Il convient également de souligner que les jeux développés par Nintendo connaissent individuellement de très bons résultats également. Sur la période Janvier-Mars encore une fois, la somme de titres vendus est doublée par rapport à la même période l’an dernier. Et au cumulé sur l’année entière, c’est une augmentation de 70 % ! Un score remarquable dans l’ensemble que les sorties les plus récentes ne démentent pas vraiment. Sorti en Janvier dernier, New Super Mario Bros. U Deluxe a atteint le million de ventes en seulement deux semaines. Fin Mars, il est à 2,5 millions et il a atteint, au moment de la conférence, les 3,31 millions de copies vendues. Quant à Yoshi’s Crafted World, paru au mois de Mars, il constitue d’après Furukawa le meilleur démarrage de la série. Mais il convient de nuancer tout cela en précisant que si le dernier né de la série Yoshi a certes effectué un bon démarrage chez nous, il est en revanche plus en difficulté au Japon. Des chiffres plus précis serait intéressants à observer mais Nintendo s’est bien gardé d’en donner.
Mais l’essentiel à retenir dans tout cela, c’est que la branche Switch (console+jeux) se porte éminemment bien. En conséquence de cet engouement qui n’atteint certes pas les ambiances stratosphériques de la PS4 mais qui ne se dément toujours pas, la Switch peut se targuer d’avoir su gérer son An 2. Mieux encore, la console est arrivée en deux ans à un total de ventes japonaises supérieur à celui de la Wii sur la même temporalité ! Ce n’est pas un mince exploit et cela mérite d’être souligné même s’il faut également nuancer la chose lorsque l’on s’intéresse aux autres marchés. En Amérique du Nord notamment, la petite dernière reste (toujours dans le même ordre d’idée) encore loin derrière la fameuse console au motion gaming mais elle dépasse largement les gammes DS et 3DS, ce qui n’est pas le cas au Japon. En Europe enfin, elle est derrière la Wii et la DS (laquelle a connu ses meilleurs résultats sur les deux premières années sur le Vieux Continent) mais dépasse la 3DS donc. Au global enfin, c’est le même constat que celui dressé à échelle européenne qui est observable. Tout ceci semblera bien du détail pour pas mal de joueurs et joueuses mais l’idée principale à garder en tête c’est que la Switch a réussi à s’inscrire dans des dynamiques fortes et, surtout, similaires à celles des machines de Nintendo ayant connu les plus gros succès !
Autre raison d’être content chez Big N : les ventes en dématérialisé. Avant de détailler la chose, je dois dire que je trouve assez amusante la façon dont Nintendo semble enfin prendre conscience de la manne financière que ce secteur représente. Le constructeur est en effet connu pour avoir mis énormément de temps à se lancer dans le démat et pour accuser encore aujourd’hui un certain retard en la matière question ergonomie notamment. C’est ainsi que, pour la deuxième année consécutive, les dirigeants de Nintendo sont aux anges, comme s’ils avaient découvert la roue, devant les excellents résultats affichés par la branche dématérialisée de leurs affaires. Et il y a de quoi puisque les sommes engrangées via les produits proposés en dématérialisé (jeux comme DLC, auxquels s’ajoute désormais l’abonnement au Switch Online) sont plus que conséquentes : 118,8 milliards de Yen (soit plus de 945 millions €) pour 2018-2019 ! L’an dernier, nous étions à 60,8 milliards de Yen (environ 460 millions €) et c’est donc une augmentation de 84 % environ.
On peut clairement parler d’explosion dans le secteur et il y a fort à parier que si Nintendo arrive à rendre son abonnement Online toujours plus intéressant, cet effet ne devrait que s’accentuer. Ce sont d’ores et déjà 9,8 millions de comptes qui ont été créés sur la plateforme et s’il serait intéressant de voir dans quelle mesure SSBU a participé à l’élan de souscriptions (il est sorti 3 mois après le lancement de Switch Online), nous pourrons en tous cas voir si les futurs DLC vont contribuer à obtenir toujours plus d’adhérents. A voir également à quel point Nintendo va miser sur le multijoueur en ligne dans l’avenir pour soutenir son offre d’abonnement. Aucun doute en tous cas que les seules sorties de Pokémon Epée et Bouclier, avec les logiques d’échanges et de combats en ligne sous-jacentes, vont conduire à un plus grand nombre d’abonnés encore.
Un dernier mot avant de passer à la suite sur le dernier point de bilan que dresse Nintendo et celui-ci mérite une petite précision que Shuntaro Furukawa ne manque pas de livrer. Il faut savoir tout d’abord que, jusqu’ici, Nintendo comme à peu près tout le monde comptait le nombre de jeux vendus par console, un élément classique des finances vidéoludiques. Cependant, toujours aussi éberluée devant l’ampleur prise par le dématérialisé, l’entreprise a décidé de modifier un peu ses méthodes de calculs et souhaite désormais communiquer en ventes par unité de hardware. Comprenez par là qu’il n’est plus question de savoir combien de jeux les possesseurs de Switch ont en moyenne sur leur console mais plutôt quel est le montant total d’argent qu’ils ont dépensé pour leur machine. L’on va alors non plus obtenir un résultat en divisant le total de jeux vendus par le total de consoles vendues mais bien en divisant le total de Yen dépensés dans le cadre de la Switch par le total de consoles écoulées :
Ce choix, Nintendo l’explique par la nécessité de prendre en compte la part grandissante du dématérialisé. Et quand on voit le nombre de jeux disponibles uniquement via l’eshop et non en physique, il y a de quoi se dire que c’est loin d’être hors de propos si l’on souhaite avoir une vue d’ensemble aussi fine que possible de la façon dont les machines sont alimentées en jeux et contenus par leurs propriétaires. Et le fait est que cela nous donne un chiffre qui a significativement augmenté depuis l’An Un de la Switch :
- 41 700 Yen (environ 335€) déboursés par console sur la première année fiscale active de la Switch (2016-2017, avec le lancement de la console en toute fin d’exercice)
- 49 000 Yen (environ 393€) sur l’année fiscale suivante (2017-2018, 1ère véritable année fiscale pleine et entière pour la console)
- 55 000 Yen (environ 442€) sur l’année fiscale qui vient de se conclure (2018-2019)
Ces totaux incluent l’achat de la console, l’approvisionnement en jeux physiques, les dépenses pour des DLC et jeux tiers édités par Nintendo, les abonnements au Switch Online ainsi que les achats d’accessoires.
En résumé, le bilan est on ne peut plus positif. Depuis son lancement il y a deux ans, la Switch affiche des résultats plus que satisfaisants et qui ne peuvent que réjouir Nintendo. La console comme ses jeux se vendent très bien, conduisant à ce fameux momentum qui se veut être le plus fort depuis longtemps chez Big N. On notera que si on compare le momentum de la console et celui des jeux, c’est ce dernier qui s’avère être le plus costaud, conduisant donc à ce fort approvisionnement en jeux de la part des propriétaires de Switch et que les chiffres que je viens de mentionner soulignent. Le dématérialisé explose également dans le portefeuille de Nintendo, soutenu par les DLC de jeux ultra-populaires comme Super Smash Bros. Ultimate mais également, même si des données plus précises seraient les bienvenues, par l’incroyable variété et la grande qualité des jeux indés proposés sur l’eshop, véritable caverne d’Ali Baba en la matière. La Switch s’est trouvé un public nombreux et fidèle, toujours plus engagé dans son utilisation si l’on en croit cette dernière donnée affichée par Furukawa qui affirme que sur le dernier trimestre de l’année fiscale écoulée, le nombre d’utilisateurs actifs est deux fois plus important que l’an passé sur la même période. Mieux encore, la base installée de consoles Switch augmente encore plus vite que l’année dernière ! La console s’impose donc assez nettement et tout l’enjeu pour Nintendo sera, comme lors du dernier bilan, de soutenir cette vaste implantation de sa machine dans les foyers.
Quel avenir ?
L’avenir semble donc, sur la base de ce bilan, radieux pour Nintendo. Les consoles et les jeux se vendent à la pelle, ils font des bénéfices records avec une seule console, tant et si bien qu’ils ont mis la vieillissante 3DS au rancart. Switch a donc tout pour être le maître-mot des années à venir chez le constructeur. Mais avant de penser à rouler sur tout le monde (et on sait tous que ça va quand même être excessivement compliqué de rattraper Sony sur cette génération), il faut déjà avoir des plans à court terme. Et pour 2020, l’objectif principal c’est : poursuivre la croissance.

Jouer partout et à tout âge, de plein de manières différentes… Voilà ce que Nintendo veut imprimer dans la tête des consommateurs.
Comment aurait-il pu en être autrement de toute façon ? Après les difficiles années de la Wii U et vu la façon dont la Switch s’en sort sur ses deux premières années, il semble bien naturel d’espérer voir les bons résultats affluer pendant encore un temps. Quelle stratégie adopter alors pour répondre à ces intentions ? Eh bien Nintendo ne cherche pas bien loin : si ça marche, pourquoi changer la méthode ? Big N a donc l’intention de renouveler la stratégie établie lors du dernier bilan annuel pour l’exercice fiscal à venir. Il s’agira donc de continuer à rendre la Switch attrayante pour le plus large public possible et de poursuivre l’expansion de son parc installé mondial. Pour cela, l’entreprise souhaite continuer à insister sur l’hybridité de la console afin de convaincre celles et ceux qui ne l’ont pas encore achetée que c’est la machine qu’il leur faut. Vous aimez jouer en nomade mais la petite puissance d’une 3DS ne vous sied pas ? Il y a la Switch pour ça. Vous voulez la toute dernière console de salon de Nintendo ? C’est la Switch qu’il vous faut. Vous n’avez qu’un seul écran de télé chez vous et vous devez le partager avec votre moitié/vos enfants/qui que ce soit ? Vous devriez acheter une Switch alors ! Tel est donc le discours qu’il faut s’attendre à voir toujours plus développé dans les campagnes de communication de Nintendo pour l’année 2019-2020.

Maintenir l’attention fut la mission de Splatoon 2, elle sera désormais celle de Mario Tennis Aces et SSBU.
Mais le hardware et ses promesses ne sont au final pas grand-chose s’il n’y a pas de jeux pour les soutenir. Et dans ce champ-là, Nintendo promet de nombreuses sorties à venir, lesquelles doivent se conjuguer avec l’exploitation continue de titres déjà sortis. Là encore, on reprend les mêmes bases stratégiques que l’an passé, permettant notamment aux nouveaux acquéreurs d’acheter les titres inédits mais également ceux déjà disponibles, lesquels gardent leur intérêt et leur attrait grâce à un contenu sans cesse enrichi. Si Splatoon 2 a été le fer de lance de cette optique il y a quelque temps, c’est désormais au tour de Mario Tennis Aces et de Super Smash Bros. Ultimate de s’en charger. Ces deux jeux font en effet régulièrement l’objet de mises à jour gratuites ainsi que de DLC payants qui agrémentent sans cesse leurs contenus respectifs de nouveautés qui parlent autant aux anciens joueurs, heureux d’en avoir toujours plus sous la main, qu’aux nouveaux arrivants, bien content d’obtenir des jeux proposant déjà bien des choses.
Au-delà de ça, Nintendo nous annonce une grande variété de jeux à venir, dans l’optique toujours d’appâter le plus large chaland possible. Plus il y en aura pour tous les goûts, mieux ce sera a priori. Et cela se ressent déjà puisque le constructeur, souvent taxé de n’être qu’un fabricant de consoles pour enfants, accueille d’ores et déjà pas mal de jeux différents et ciblant un large panel de tranches d’âges. Ainsi, côtoyant les familiaux titres de la famille Super Mario, voilà que le très exigeant Cuphead vient de faire son entrée sur Switch, tout comme l’irrévérencieux Saints Row the Third s’apprête à débouler. Et question variété des genres, Nintendo a un plan de sorties first-party pour 2019 qui va dans ce sens : plateformes avec Super Mario Maker 2, RPG tactique avec Fire Emblem – Three Houses, aventure avec The Legend of Zelda – Link’s Awakening, simulation avec Animal Crossing…
Une question demeure : cela sera-t-il suffisant ? Je reconnais avoir été le premier l’année dernière à me demander comment Nintendo allait s’en sortir à l’issue de l’exercice 2018-19. Pas que je craignais particulièrement pour ses résultats mais je m’attendais à voir les choses infléchir durant cette deuxième année d’exploitation de la Switch, année qui fut marquée par un moins grand nombre de sorties très fortes que ne le fut la première. Car hormis Super Smash Bros. Ultimate, la Switch n’a accueilli aucun véritable grand blockbuster dans ses rangs entre Avril 2018 et Mars 2019. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien eu à faire dessus, la console ayant vu son catalogue grandement s’enrichir de nombreux titres dont certains se sont vite imposés auprès de la critique et du public (je pense notamment à l’excellent accueil réservé à Dead Cells par exemple). Mais la force de frappe dans le domaine des hits indétrônables était inférieure à ce qu’on a connu. Et pourtant, le navire ne prend absolument pas l’eau et si l’objectif initial de ventes de consoles n’a pas été pleinement atteint, on ne peut toutefois pas y voir de signe alarmant dans l’immédiat.
Mais je m’interroge tout de même. Car si Nintendo va (normalement) sortir cette année Fire Emblem, Link’s Awakening, Animal Crossing, etc, on ne peut s’empêcher de penser que ce cru 2019 va sans doute un peu manquer d’impact, surtout en l’absence d’un Metroid Prime 4 tant attendu et repoussé aux calendes grecques depuis la reprise à zéro du développement par Retro Studios (pour le grand bien du soft, à n’en point douter). Alors bien sûr, nul doute que Luigi’s Mansion 3, Fire Emblem et les autres feront sans conteste leur bonhomme de chemin, Link’s Awakening en premier lieu, mais il apparaît presque que cette année va quasiment se reposer sur le succès annoncé de Pokémon Epée et Bouclier. Car si les plus vieux fans (dont je suis) regrettent l’amer classicisme apparent de ces deux nouvelles versions, il n’y aucun doute à avoir quant au fait que ces deux titres vont très bien se vendre. Leur sortie programmée à l’hiver prochain devrait même permettre de renouveler l’effet SSBU vécu fin 2018/début 2019.
Mais malgré cela, je ne peux m’empêcher de me demander combien de temps Nintendo va pouvoir tenir ce rythme si « léger ». Si l’affaire permet de remplir les caisses, que dire ? Ils ont raison de continuer comme ça. Mais si les gros jeux maison se font trop rares ou trop lointains, eux qui sont le principal argument de vente de la Switch derrière son caractère hybride (ou peut-être même devant), l’avenir risque être moins radieux. Réussir son an 2, celui où le harware est mis au test pour reprendre la logique de Furukawa, c’est une chose. Renouveler la même stratégie à l’an 3, c’en est déjà une autre et si cet exercice 2019-20 doit s’avérer être du même tonneau que celui qui vient de se conclure en matière de sorties de jeux, il faudra au moins proposer de gros effets d’annonce dans le courant des mois à venir pour maintenir l’attention des joueurs et joueuses.
Nintendo aura beau tâcher de se diversifier dans la façon dont il exploite ses licences, cela suffira à engranger de l’argent mais pas à satisfaire les possesseurs de Switch ad vitam. Vous pouvez bien sortir Détective Pikachu au cinéma et une nouvelle ligne de t-shirts chez Uniqlo, cela ne soulagera pas la frustration de jeux trop attendus. Quant au développement sur mobiles, Nintendo ne communique plus tant que ça dessus. Si une beta est annoncée pour Mario Kart Tour, plus un mot ou presque sur Fire Emblem Heroes ou Animal Crossing Pocket Camp par exemple. Il faut dire que le mobile ne représente plus qu’un total inférieur à 4 % du chiffre d’affaires de Nintendo, pas de quoi pavoiser dans le domaine. Mais tout de même, oui, en cette fin d’exercice 2018-19 on peut dire que, jusqu’ici, tout va bien.
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Dans l’état, Nintendo n’a absolument pas à rougir de ses résultats. Bien au contraire, les excellents chiffres qu’ils affichent prouvent que la stratégie adoptée l’an dernier étant sans doute loin d’être idiote. Réussissant à imposer la Switch, l’entreprise mène son affaire avec talent et continue de s’inscrire dans ce retour en grâce tant espéré après la Wii U. La console hybride se paie même le luxe d’être le seul et unique centre d’attention et des efforts de Nintendo, qui abandonne sa 3DS au profit de sa dernière machine. Reste que malgré ces efforts largement récompensés, on peut s’interroger sur ce que donnera l’exercice 2019-2020. Si Nintendo mène sa barque comme cela a été le cas sur l’année écoulée, nul doute qu’ils s’en sortiront honorablement, les affaires étant vraisemblablement promptes à bien se gonfler dès lors que Pokémon débarquera en fin d’année.
J’ai hâte d’être à l’E3, pour lequel il a d’ailleurs été confirmé que nous aurons de nouveau droit à une présentation vidéo, pour voir si des dates précises vont enfin être données ou non concernant Animal Crossing, Luigi’s Mansion 3 et Link’s Awakening, autres atouts dans la manche de Nintendo pour les mois à venir mais que le constructeur s’est encore bien gardé de caler précisément dans nos calendriers. Le report de tout ou partie de ces titres pourrait poser problème quant à l’atteinte des objectifs de l’entreprise pour 2019-2020, surtout en l’absence de Metroid Prime 4, lequel devrait être (quand il sortira) un best seller. En attendant plus de précisions, Nintendo se contente de poursuivre sur sa lancée, sans grands changements stratégiques. Cela paiera certainement mais il faudra bien arriver à sortir la (très) grosse artillerie. Une chose que l’on espérait plus ou moins avec l’éventuelle annonce de nouveaux modèles de Switch mais Shuntaro Furukawa a confirmé que rien de tout cela n’était prévu pour l’exercice fiscal qui vient de commencer. En attendant, il est clair que tous les voyants sont au vert et qu’il n’y a absolument pas de quoi s’alarmer pour l’instant, loin de là. Très loin de là même.
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