Il est des licences vers lesquelles on vient plus ou moins par hasard. En ce qui me concerne, Fire Emblem en est une. Alors que le titre de cette saga ne m’a longtemps évoqué que les personnages que je jouais parfois dans Super Smash Bros. Melee sur GameCube (Roy et Marth en l’occurrence), je n’ai fait mes premiers pas dans l’univers de ces RPG tactiques qu’avec l’épisode Awakening sur 3DS. Un opus éminemment recommandable pour qui voudrait se lancer pour la première fois dans cette série par ailleurs. Mais là n’est pas le sujet et le fait est que je nourris depuis une affection certaine pour Fire Emblem, ne loupant aucun des opus parus depuis, le dernier en date n’étant autre que ce Three Houses très attendu.
S’il était si attendu, c’était pour de multiples raisons. En ce qui me concerne, j’avais tout bonnement hâte de mettre la main sur le dernier né de cette saga. Mais surtout, il apparaît que Fire Emblem connaît actuellement une heure de gloire en Occident qu’on ne lui avait jamais réellement connue. Semblant découvrir la saga avec Awakening justement, l’Europe et l’Amérique du Nord sont devenus des terrains conquis pour la licence d’Intelligent Systems et Nintendo, preuves en étant les succès ultérieurs des jeux suivants ainsi que la multiplication depuis peu des jeux de plus ou moins grande envergure dans ce genre (je pense notamment à WarGroove ou encore Into the Breach, chacun avec ses particularités). Mais surtout, l’attente découle aussi pour beaucoup du temps que le jeu a mis à sortir. En effet, c’est dès l’annonce-même de la Switch que Nintendo a officialisé le développement d’un nouvel épisode de Fire Emblem pour ce qui était alors sa future console, ex-projet NX. Enfin bref, l’annoncer est une chose, le sortir en est une autre. Et le chemin fut long entre temps ! Annoncé tout d’abord pour 2018, le jeu n’est arrivé chez nous qu’en Juillet dernier, soit plus de deux ans après. Ce n’est cela dit pas pire que Shin Megami Tensei V également révélé pendant la conférence de présentation de la Switch en Janvier 2017…le jeu n’étant toujours pas daté.
Mais l’essentiel est là, Fire Emblem – Three Houses est sorti et, autant le dire immédiatement, il est de qualité. Par son contenu, ce nouvel épisode se démarque néanmoins pas mal de ses prédécesseurs. La principale nouveauté réside dans le fait que l’on y incarne un(e) mercenaire qui devient professeur(e) dans une académie au sein de laquelle notre personnage va se voir confier la charge d’une classe parmi les trois proposées aux joueurs et joueuses : les Aigles de Jais de l’Empire d’Adestria, plus spécialisés dans la magie ; les Cerfs d’Or de l’Alliance Leicester, plus enclins à manier les armes à distance ; et enfin les Lions de Saphir du Royaume de Faerghus, plus habiles avec les armes de contact direct telles que les lances et les épées. Chaque classe est composée de huit étudiants dont l’un d’eux se trouve être non seulement leur délégué mais également le/la prétendant(e) au trône de leurs régions respectives. Dès le départ, l’on ne peut s’empêcher de penser à un écho à l’univers de Harry Potter avec cette académie aux allures de Poudlard et cette répartition en trois classes/maisons qui se trouve par ailleurs mises en compétition tout au long de l’année. Cela étant, la comparaison s’arrêtera là, les deux univers ne partageant que cette approche de la scolarité, si l’on peut dire.

Les séances de tutorat permettront de faire grimper la note des élèves dans différentes disciplines en vue des certificats (changements de classe), lesquels fixent des notes minimum à obtenir pour être réussis.
Le fait est en tous cas que ce système implique pas mal de choses. En premier lieu, et de manière assez évidente, cela amène à la question des cours. Ceux-ci sont confiés à notre personnage et nous serons amenés à tenir des séances de tutorat avec nos différents étudiants afin de les faire progresser dans divers domaines : épée, lance, sciences (aka magie noire), foi (aka magie blanche), mêlée, équitation, etc… A nous de judicieusement choisir les points à travailler avec chacun d’eux afin de correspondre à leur classe ainsi qu’à leurs objectifs académiques. Ces derniers, pouvant être formulés par l’étudiant lui-même ou bien déterminés par le joueur, consistent à choisir deux points sur lesquels progresser en particulier afin d’aspirer à telle ou telle nouvelle classe. A titre d’exemple, si je souhaite faire de telle élève une gremory (classe exclusivement féminine, soit dit en passant), il faudra que je lui fasse travailler la foi et les sciences.
Tout ceci ne correspond ni plus ni moins qu’à une logique assez habituelle pour un RPG (gagner des points d’expérience dans certains domaines pour passer à une nouvelle classe supérieure) mais la chose est rendue beaucoup plus ludique par cette approche scolaire. Plus ludique mais aussi plus simple à personnaliser selon moi. En effet, même si je souhaite encadrer mon étudiant sur deux points bien précis inhérents à sa classe, rien ne m’empêche en parallèle de le faire progresser sur d’autres afin de le rendre un peu plus polyvalent. Ce faisant, il n’est pas difficile de se fabriquer de véritables machines de guerre. N’allez cependant pas croire que la chose va se faire vite. Les tutorats sont en effet limités dans leur nombre par des points d’action dont le total augmente à mesure que notre niveau d’enseignant progresse.

Chaque personnage peut prétendre à toutes les classes possibles, il suffit de travailler en ce sens.
Car il n’y aura pas que vos élèves qui vont potasser et vous allez aussi être amenés à faire des efforts afin de briller toujours plus. Une chose qui va se faire sur deux pans : l’un consiste à suivre le même schéma de progression que vos étudiants, l’autre va chercher à vous faire progresser en tant qu’enseignant donc. Dans ce cadre là, votre évolution va être déterminée par l’intégralité des activités que vous allez mener. Brillez avec les leçons que vous prendrez pour votre classe de combat et vous obtiendrez des points d’enseignant. Réussissez les différentes activités proposées dans l’académie (pêche, conseils, repas partagés…) et il en sera de même. Enfin, et sans être exhaustif, améliorez votre affinité avec les différents personnages qui peuplent cette vaste école et vos qualités de professeur s’en trouveront là encore décuplées. Ce faisant, votre niveau d’enseignant évolue selon une échelle allant de E à S, à l’image des maîtrises d’armes. Tout ceci confère alors aux logiques de progression de Fire Emblem un champ encore plus vaste dont l’impact se fera ressentir au-delà de notre seul personnage.
Par la réalisation de toutes ces activités en effet, c’est non seulement la progression de ce dernier qui s’en trouvera bouleversée mais aussi la possibilité (ou non) de recruter de nouveaux élèves pour qu’ils viennent grossir les rangs de notre petite armée sur le terrain. Sur ce point bien précis, il va sans dire que cela va revêtir une importance plus ou moins grande selon le niveau de difficulté choisi. Ainsi, si vous avez opté pour le retour de vos unités tombées au combat après chaque bataille, le recrutement ne deviendra que secondaire (vous pourrez en effet toujours vous appuyer sur votre presque dizaine d’étudiant sans souci). En revanche, si vous avez choisi une approche plus classique impliquant donc la perte définitive des personnages battus lors des batailles, il va sans dire que la nécessité de vite faire venir de nouveaux élèves sous votre direction va se faire sentir très rapidement.
Je ne vais pas dans le détail de tout ce qui est mis à votre disposition afin de ne pas me montrer redondant mais le fait est que ce nouveau système s’avère particulièrement chronophage. A tel point que Three Houses se construit sur une nouvelle temporalité afin de mettre tout cela en place. Ce nouvel opus de Fire Emblem propose en effet une approche mensuelle (fort heureusement calquée sur un calendrier interne et non sur les vrais mois). Au sein de cette nouvelle métrique temporelle, les choses vont grosso modo s’organiser en deux temps : l’un consacré à la bataille de fin du mois, passage obligé pour faire avancer le scénario ; l’autre, plus vaste, s’appliquant sur tout le reste du mois, durant lequel se tiendront les cours (chaque lundi) et sera laissé aux joueurs et joueuses le choix de sélectionner une activité principale pour chaque dimanche parmi quatre proposées : bataille (occasion idéale d’entraîner vos troupes en vue de la fin du mois), séminaire (où vous pouvez faire progresser les compétences de plusieurs élèves, vous compris, d’un seul coup), repos et enfin temps libre. C’est en choisissant cette dernière option que vous aurez tout le loisir de vous livrer aux différentes activités que je mentionnais sommairement plus haut.
Enfin bref, on comprend bien vite toute l’importance d’alterner tout cela. Ce qui vous en fera prendre conscience le plus vite, c’est certainement la motivation de vos élèves lors des cours de début de semaine. Car oui, en plus de tout le reste, il faut également gérer ce point-ci. La motivation se représente en une jauge de quatre paliers, laquelle diminue à chaque leçon donnée lors d’une séance de tutorat individuel. Afin de la faire remonter, diverses options sont proposées : partager un repas avec ces chers apprentis soldats, leur remettre les objets qu’ils avaient perdus ou encore faire briller votre personnage sur le champ de bataille afin de mettre un coup de fouet à la motivation de tout le monde d’un seul coup.

Les repas sont un excellent moyen de rapidement remonter la motivation des troupes et d’accroître l’affinité entre vos élèves.
Là encore, je ne vais pas trop trop aller dans le détail pour ne pas en faire des tartines mais le fait est donc, comme je le disais tout à l’heure, que cet ensemble se montre très gourmand en temps. Et de cette chronophagie découle à mon sens deux soucis, le premier étant une forme de lassitude qui ne manquera pas de s’installer plus ou moins fortement à mesure que le jeu avance. A sans cesse passer mes fins de semaine à ces différentes activités, je dois bien dire que j’ai fini par trouver le temps long au bout d’un moment.
Je pense notamment aux objets trouvés : nombreux (trop), ils demandent un investissement certain en temps si l’on veut absolument tous les restituer à leurs propriétaires respectifs ! Et au final, j’ai eu l’impression de passer bien plus de temps à ce genre de choses qu’aux batailles à proprement parler, ce qui constitue mon second souci avec cette approche. Le cœur-même de la licence Fire Emblem s’en trouve ainsi un peu bouleversé dans l’importance qu’on lui accorde dans cet épisode et si je reconnais à ce titre de très nombreuses qualités, il va sans dire que ce nouvel équilibre ne manquera pas d’en heurter plus d’un(e).

Dimitri, Edelgard et Claude sont trois destins bien distincts. Jouer les trois maisons sera essentiel pour découvrir tout l’univers de Three Houses.
Le fait que le jeu soit long n’est absolument pas un problème en soi mais il faut bien admettre que ce système amène avec lui une répétitivité certaine sur le long terme. Et si je dois reconnaître que cela n’a pas été suffisant pour me faire décrocher avant la fin, loin de là, je ne doute cependant pas que d’autres ne se montreront pas nécessairement aussi patients que moi. Notez au passage qu’il m’a fallu une quarantaine d’heures pour venir à bout de mon premier run. Et notez également que si vous tenez à saisir tous les tenants et aboutissants de l’histoire développée dans Three Houses, ce sont bien trois ou quatre runs qui vont être nécessaires ! La rejouabilité et la durée du vie du titre s’en trouvent ainsi assez folles mais je me dis que cette répétitivité que j’observe pourrait bien constituer un frein pour la plupart des joueurs et joueuses à l’idée de lancer une ou deux parties supplémentaires…
Face à cela, bien vite, on s’approprie ce système mensuel pour y caler une routine qui permette de répondre aux nécessités du jeu sans forcément perdre de temps avec d’autres choses plus secondaires. Deux batailles par mois (avant celle scénarisée en toute fin), deux journées de temps libre pour la motivation et hop, on est partis. Tant et si bien que si ce n’est pour recruter, on se retrouve alors à se contenter de former ses propres élèves pour leur faire gagner des niveaux et changer de classe. Le temps libre est alors utilisé pour maintenir leur motivation au top.
Je dois avoir l’air sévère avec Three Houses maintenant que j’y pense mais ne voyez pas dans cette espèce d’insistance sur les choses qui m’ont « chagriné » une critique trop vive de ma part. Bien au contraire, j’ai pris un vrai plaisir à jouer à ce Fire Emblem sur Switch car, même s’il propose bien des idées novatrices (au regard de la licence) qui peuvent chambouler un peu les habitudes en bien comme en mal, il n’en demeure pas moins un très bon épisode de la saga. Cela, il le doit bien évidemment au retour des mécaniques classiques de cette dernière, lesquelles sont aussi éprouvées que solides désormais et constituent des atouts indiscutables pour les jeux de cette série. Ainsi, malgré ses nouveautés multiples, Fire Emblem : Three Houses demeure un RPG tactique pur jus, à base de batailles parfois exigeantes, de réflexion sur les classes et aptitudes à développer pour nos différentes unités, etc… Un véritable jeu d’échecs en plus vif, plus dynamique, plus palpitant, comme toujours avec Fire Emblem. Et comme toujours aussi, le scénario n’est pas faramineux mais cette licence est moins connue pour la qualité de ses récits que pour celle, indéniable et riche, de son gameplay.

Lors des batailles, Three Houses revient aux bases de Fire Emblem et propose un pan de jeu des plus solides, rappelant sans cesse pourquoi on prend chaque fois plaisir à revenir sur ce titre.
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Malgré le côté un peu sévère que je trouve dans mon article à la relecture, il ne faut pas se méprendre : oui, Fire Emblem : Three Houses est un bon jeu. Très bon même sur le seul plan du tactical RPG et des mécaniques intrinsèquement liées à ce genre. Il est même audacieux en un sens avec toutes les nouveautés qu’il insère dans une licence qui a depuis longtemps éprouvé sa formule. Alors oui, sans doute l’équilibre de l’ensemble est-il un peu instable, peut-être les batailles pâtissent-elles de ces nouvelles activités qui demandent pas mal de temps en parallèle mais au final, n’est-ce pas un signe à voir du bon œil ? Celui d’une licence qui, malgré ses récents succès, n’a pas décidé de se reposer sur ses acquis et de proposer sans cesse la même chose, ad nauseam, en ne faisant varier que la forme plutôt que le fond. En cela, ce Three Houses est tout à fait louable et s’il n’arrive cependant pas à s’imposer comme un de mes Fire Emblem favoris pour différentes raisons que j’ai mentionnées dans cet article, il ne faut certainement pas lui enlever son envie de changement, laquelle n’est absolument pas vaine.
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