Annoncé depuis cinq bonnes années, Starfield était LA grande nouvelle licence de Bethesda. Auréolé d’un pudique voile de mystère qui laissait présager un développement encore long à venir, le jeu tel qu’annoncé à l’E3 2018 a pourtant suscité un engouement immédiat de la part d’un public qui espérait y trouver un grand jeu d’aventures spatiales et/ou au moins un Skyrim dans l’espace. Tant de temps après, Starfield nous arrive enfin dans les mains et le fait est qu’en définitive, il nous glisse un peu entre les doigts.

Je ne vais pas faire l’innocent : j’ai fait partie de cette frange du public qui a été enthousiaste dès ce premier teaser pourtant bien opaque révélé à l’été 2018. Et je ne vais pas non plus mentir : je n’ai jamais vraiment su pourquoi. Quoique bon public, je suis quand même quelqu’un d’assez méfiant dirons-nous et quand un studio me balance comme ça un simple fond spatial et un logo, j’ai quand même tendance à être circonspect. Enfin sauf dans le cas de Metroid Prime 4, certes, mais ne remuons pas plus le couteau dans la plaie, voulez-vous… Mais ce jour-là, j’ai remisé mes réserves habituelles au placard, cédant volontiers à l’enthousiasme général. Je m’explique même assez mal cette réaction étant donné que je n’avais alors jamais joué au moindre jeu Bethesda.
Si surprenant que cela puisse paraître, je n’ai même encore aujourd’hui jamais touché personnellement ni à un Fallout, ni à un Elder Scrolls quel qu’il soit par exemple. Ni l’une, ni l’autre de ces deux licences pourtant majeures dans le catalogue du studio et dans le paysage vidéoludique général ne m’a jamais véritablement attiré, que ce soit pour leur proposition en tant que jeux ou pour leurs univers (post-apo pour l’une, fantasy pour l’autre, en gros). J’ai cependant taché de les découvrir par d’autres moyens, notamment des let’s play et autres contenus me permettant d’en découvrir les univers et contenus. Mais j’avais bien envie de me frotter moi-même à un Bethesda un jour et me voilà à ouvrir grand des yeux plein d’étoiles devant Starfield, promesse d’un space opera comme j’en attendais un depuis longtemps.

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« Starfield », à l’E3 2018, c’est uniquement ça. Une planète, une station spatiale en orbite, puis un logo. Clap de fin. 

J’ai de quoi me méfier pourtant, connaissant tout de même la réputation de Bethesda et la propension de Todd Howard à faire de grandes promesses que seules les déceptions qui en découlent sauront souvent égaler ou dépasser.
Exagération mise à part, la circonspection devrait être de mise. Et pourtant, je suis là à me dire que j’attends déjà ce jeu dont je ne sais strictement rien. Je me prends à imaginer ce qu’il nous proposera et j’envisage déjà une galaxie grande ouverte, des planètes à explorer et des créatures à affronter. Je songe aussi à des batailles spatiales et autres grandes rencontres interplanétaires. Je me rends compte au final que si la très brève annonce de Starfield m’a pris la main dès le départ, c’est parce qu’elle s’apparentait à quelque chose que j’espérais voir finir par arriver : un titre d’aventures spatiales à gros budget. Non pas que le gros budget soit une composante déterminante dans mon intérêt pour un jeu vidéo, loin de moi cette idée, mais derrière les gros sous, je me suis plu à imaginer le potentiel d’un jeu fort en gueule et développé par des gens qui auraient su quoi faire de cet argent. Des gens avec des idées, une vision, une ambition qui auraient su conférer aux propositions faites par d’autres jeux comme No Man Sky dans plus ou moins le même registre, une dimension différente, plus grande et plus saisissante. Et c’est exactement pour ça que j’aurais dû me méfier de Starfield dès le départ.

A bien y regarder cependant, c’est un des aspects fascinants autour de ce jeu, cette façon dont une sorte de mythe s’est peu à peu créé autour de lui. Profitant peut-être du bon accueil de l’annonce de 2018, Starfield s’est entouré d’une sorte de mystère qui a donné le champ libre à Bethesda et notamment à Todd Howard pour composer ledit mythe. Howard (réalisateur du jeu et figure de Bethesda auprès du public) n’y est pas allé de main morte. De fil en aiguille, d’intervention en intervention, il s’est livré à la stratégie habituelle du studio : les grandes promesses. Bethesda a beau souvent décevoir une partie du public pour la qualité à revoir de ses jeux au moins au moment de leur lancement, s’il y a bien un truc qu’on ne leur enlèvera pas, c’est qu’ils aiment vendre du rêve. Starfield bénéficie d’autant plus de cette approche marketing relativement agressive qu’il s’agit comme je le disais d’une nouvelle licence et qu’il va bien falloir lui installer un public en amont de sa sortie. C’est ainsi qu’on a joué sur plusieurs tableaux, deux en particulier.
Le premier consiste à ériger le jeu comme le fruit d’un très long travail, mûri sur des années et des années. Dans un contexte où l’on critique de plus en plus ouvertement et à juste titre les jeux vidéo qui sortent trop vite et mal finis, associant au passage à cela les thématiques du crunch dans les équipes de développement, Todd Howard a cherché à vendre son nouveau bébé comme quelque chose dont on a pris soin (sous-entendant donc qu’on a également pris soin des employés derrière son élaboration). Peu après l’annonce du jeu, monsieur Bethesda nous explique dans les colonnes du Guardian :

Photo : Todd Howard lors d’un Starfield Direct pour présenter le jeu

Derrière ces quelques données temporelles se cache l’intention de faire de ce nouveau jeu un objet d’intérêt pour sa seule gestation. L’annonce n’a alors été faite que récemment, on ne sait rien de ce que le jeu proposera en définitive mais on sait déjà qu’il n’est pas né de la dernière pluie. On essaie de nous faire imaginer un long processus créatif, une réflexion sans doute aussi sur le game design et, pourquoi pas, la façon dont Starfield pourrait peut-être apporter de nouvelles cartes sur la table. C’est vrai que cette chronologie nous fait remonter aux alentours de 2008 et que le jeu vidéo a considérablement évolué depuis la fin des années 2000. On se plaît alors à imaginer comment le projet a pu changer et muter entre temps.

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Todd Howard, l’homme qui parlait beaucoup.

L’autre tableau sur lequel Bethesda a fondé son plan de com’ pour Starfield, c’est celui de la précision et de l’authenticité. Une précision qui touche autant à l’univers développé – avec des éléments de contexte qui seront égrenés sur le tard, en particulier dans la dernière ligne droite avant la sortie – qu’à tout ce que le jeu cherche à mettre en scène et en particulier l’exploration spatiale et planétaire ainsi que les moyens de s’y adonner. Là encore, le bon Todd Howard y est allé de petites phrases en confessions, expliquant notamment en 2019 l’envie qui était celle derrière le jeu de livrer une expérience aussi authentique que possible du vol spatial. Au cours d’une conférence en marge de l’E3 d’alors, il affirmait même : « Voyager dans l’espace dans notre jeu sera comme le vol dans les années 1940, ce sera dangereux », comme nous le rapportait alors PC Gamer. Par ces quelques mots, Howard renvoyait alors son public (acquis ou en voie de l’être) à un imaginaire cher au cœur des Américains, celui des pionniers, des porteurs d’avancées techniques et scientifiques.

Et quoi de mieux que de s’accompagner d’Elon Musk pour ce faire ? Alors pas encore tout à fait identifié par le grand public comme le sociopathe qu’il est, Musk était surtout à la face du monde l’homme derrière Tesla mais aussi SpaceX, programme spatial alternatif à la NASA et dont les équipes de Todd Howard se sont rapprochées pour plancher sur la mécanique du vol interplanétaire et interstellaire. C’est auprès de cette entreprise que le concepteur a d’ailleurs pêché l’idée d’employer l’helium-3 comme carburant in game pour les vaisseaux. Je vous passe cependant les détails scientifiques autour de ces questions, n’y voyant pas bien clair moi-même en la matière, mais le fait est que tout ceci contribue de nouveau à forger une image à Starfield. Au-delà du jeu, le titre doit être une expérience, un jalon peut-être même dans la manière d’envisager les choses dans son domaine.

Le temps passe et, progressivement, on se fait une idée du jeu. De l’avis général, plus on en voit, plus cela ressemble à un Skyrim ou un Oblivion (deux épisodes de la saga The Elder Scrolls) mais dans l’espace. Bref, Starfield a tout du RPG « à la Bethesda » et l’on aura beau vouloir se raccrocher aux belles promesses de Todd Howard et des siens, l’affaire prend peu à peu les allures d’un gros soufflé dont on se demande de quelle manière il va retomber.
Non pas que je sois entré dans le jeu avec des a priori défaitistes mais il faut bien avouer qu’en l’espace des quelques premières heures de l’aventure, on comprend bien que si Starfield se veut pionnier, il est dans son ensemble resté sur une approche « très 2008 » de cette envie de faire quelque chose de nouveau. Oh bien sûr le titre est nourri de bien des éléments qui ont fait l’évolution du média depuis la fin des années 2000 mais il est tout à fait impossible de voir en lui ni un aboutissement réfléchi de ce cheminement, ni une ouverture sur autre chose.

De manière générale, Starfield est en définitive ce que l’on pouvait craindre : un RPG en monde ouvert comme on en a vus bien d’autres. Le jeu repose alors sur les fondements habituels de cette catégorie de titres. L’on incarnera alors un mineur devenu membre de Constellation, un groupe d’explorateurs spatiaux qui va l’envoyer en quête d’artefacts mystérieux. L’aventure se déroulera ensuite de manière toute classique, entre quêtes principales et annexes, histoire de donner de quoi profiter en long et en large de cette immense aire de jeu. En cela, la construction du jeu est générique à souhait, promenant le joueur de mission en mission dans une linéarité sommaire.

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New Atlantis sera le point de départ de l’aventure principale de « Starfield » mais aussi le lieu autour duquel graviteront la grande majorité de nos déplacements.

Ce n’est pas qu’on regrettera cette linéarité, celle-ci pouvant avoir du bon peut-être dans un univers aussi vaste que celui de Starfield en nous remettant sur les rails à intervalles réguliers. Mais la succession de ces missions (obligatoires ou non) se fait dans une logique d’accumulation sans vraie surprise, tout cela pour des contenus assez classiques eux aussi. Trouver un ou plusieurs objets, déconnecter une série de disjoncteurs pour ouvrir des portes et mener son enquête, déclencher une séquence de persuasion, etc. Tout cela mériterait un souffle d’air frais.

L’histoire principale, quoique clairement tournée vers cet objectif, manque de panache et nous trimbale de planète en planète sans jamais véritablement nous donner l’envie de les explorer plus en avant. On se contente alors souvent de visiter les lieux qu’on nous a préalablement indique, d’y faire ce que l’on a à y faire et de s’en aller. Et ainsi de suite. On se tourne alors vers les missions annexes, lesquelles peuvent être très ponctuelles ou étirées sur un cours plus long. Mais là encore, la structure de l’ensemble repose sur un schéma trop classique et, disons-le, trop redondant et trop lourd pour jouir d’un vrai attrait. Trop sobre, cette façon de faire semble aujourd’hui assez anachronique et un peu triste pour un titre qui misait tout sur l’exploration au sens le plus noble et le plus vaste du terme.

Je n’ai pas envie de vous dire que le jeu est mauvais pour autant et qu’il n’y a rien à sauver. Plus que mauvais, Starfield est surtout décevant. Il l’est parce que même sans croire aux trop grandes promesses des équipes de Bethesda, il manque d’un supplément d’âme qui l’aurait sorti du carcan dans lequel il s’enferme, ainsi que d’idées neuves qui lui auraient permis de penser son monde ouvert (réparti on le rappelle sur d’innombrables systèmes solaires eux-mêmes composés de plusieurs planètes, sauf exception) autrement que comme un monde ouvert typique et conçu pour une échelle bien plus réduite. 

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Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer mon propre vaisseau, inspiré des Arwing de « StarFox ».

En définitive, et même si je garde malgré tout quelques bons souvenirs du jeu, j’ai le sentiment que ce dernier passe à côté de lui-même. Il y avait pourtant des choses sympa dans tout cela comme la customisation de nos vaisseaux par exemple. Avec un outil de personnalisation assez complet quoique peu pratique à utiliser parfois, Starfield offre la possibilité de se bâtir son vaisseau de rêve (dans les limites de ressources pas toujours faciles à récolter ceci dit). L’engin devient alors un élément amusant sur lequel s’attarder afin de mettre un peu de soi dans le jeu. D’ailleurs les séquences aux commandes de l’appareil ne sont pas foncièrement désagréables. Elles manquent cependant de variété dans ce qu’il est possible de faire, de la même manière que les combats spatiaux, bien que parfois corsés, se répètent très souvent en des chorégraphies similaires.

C’est tout le problème de Starfield finalement, de ne pas réussir à être le jeu d’action qu’il essaie pourtant d’être autant que possible. Ainsi en va-t-il donc des combats spatiaux mais également des phases de shoot au sol, pas toujours inspirées. Un manque d’inspiration que l’on constatera aussi dans le level design, peu inventif et même parfois dupliqué ! Quelle ne fut pas ma surprise en effet de découvrir que deux zones de minage pourtant distinctes avaient l’exacte même construction. Passerelles agencées de la même manière, ennemis placés aux mêmes endroits… Enfin, les missions de faction auraient quant à elles pu renouveler l’envie de se plonger dans cet univers mais la raideur du game design refoule finalement bien souvent l’envie de s’y attarder.

Au fond, le principal souci de Starfield, c’est en fait moins ce classicisme que j’évoquais plus haut (et qu’on sentait de toute façon venir) que le fait que tout ceci se marie assez mal avec l’immensité de l’open world ici développé. Un monde ouvert trop grand, même pour Bethesda, qui n’a tout bonnement pas su quoi en faire et a vu son potentiel lui échapper.

Comme je le disais, le monde ouvert de Starfield est vaste. Il l’est à l’extrême. En explosant l’échelle afin de proposer un jeu qui se déroule dans une portion de la Voie Lactée, Bethesda a conçu un titre qui propose une aire de jeu assez intimidante en soi. Ce sont en effet plus de 1000 planètes qui sont mises à disposition des joueurs et joueuses, sans compter les lunes et autres satellites accessibles, le tout réparti en un grand nombre de systèmes solaires d’envergures variées.

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En jouant la carte d’un certain réalisme, « Starfield » donne quand même à visiter beaucoup de planète aux environnements hostiles, froids et manquant par conséquent de fantaisie.

Sur le papier, c’est une sacrée promesse, en quelque sorte similaire à celle de No Man Sky, encore lui. On s’imagine déjà arpenter ce bout de galaxie en quête d’environnements variés, d’une faune et d’une flore à découvrir sans cesse et de bien des lieux secrets et cachés abritant des objets ou des personnages dont on ne soupçonnerait pas toujours l’existence. Et je ne vais pas mentir, une fois passées les premières heures très (trop) introductives du jeu, l’affaire fait illusion. Lorsque nous sommes enfin installés comme capitaine de notre vaisseau et que nous sommes libres d’aller où nous le désirons, on prend la mesure de l’étendue qui s’ouvre devant nous.

Le jeu accompagne d’ailleurs assez bien cette découverte en mettant dans nos pattes une quête annexe assez anodine de prime abord mais qui va rapidement décortiquer tout cela afin de nous faire prendre conscience de la somme des possibilités. Une mission secondaire sans grande saveur en tant que telle mais qui a été, si j’en crois les multiples témoignages que j’ai lus à ce sujet, un point de départ pour pas mal de monde. De cette quête découle l’ouverture véritable de ce monde. En l’espace de quelques scènes, Starfield nous étale son potentiel en nous mettant dans les poches les outils nécessaires à la pleine exploitation de son open world.

Les premiers pas sont alors assez grisants et l’on se plaît à imaginer le nombre de choses que l’on va pouvoir faire avec tout cela, avec ces horizons qu’il n’appartient visiblement qu’à nous de repousser. Ainsi passerons-nous nos premières heures de jeu à vagabonder de quête principale en activité annexe histoire de découvrir tout ce que le jeu semble à avoir à offrir. Cependant, alors que les heures commencent à doucement mais sûrement s’accumuler, on se rend finalement compte qu’on tourne en rond.

En l’espace d’une dizaine d’heures à se laisser vivoter comme cela d’une mission à l’autre, on s’aperçoit qu’on n’a vu que deux ou trois planètes différentes (allez, disons quatre), et sans forcément en avoir vu grand-chose. Alors nous nous prenons par la main et nous partons au hasard. On veut aller loin mais le vaisseau n’est pas assez puissant pour le moment. Bon, changement de plan, on va aller et venir dans notre système de départ et ceux environnants pour commencer, ce sera déjà pas mal en soi. On atterrit alors sur ces planètes voisines et voilà que nous étreint une impression de déjà-vu.

Sans plus de suspense : le jeu reprend et applique à l’envi les mêmes mécaniques. Les quêtes (secondaires ou non) nous tombent dessus sans crier gare, dans des dialogues bien fades de par leur mise en scène figée, et c’est à nous de choisir ou non de les suivre. Peu à peu, les activités disponibles s’accumulent, la liste s’accroit d’heure en heure et nous voilà bientôt à subir le même travers que dans nombre de jeux de ce type : ça part dans tous les sens et il y a beaucoup trop de choses à faire.

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Tout du moins n’est-ce là qu’une impression. Car en définitive, il n’y en a pas tant que ça. Les missions se ressemblent beaucoup, exception faite de certaines dont l’envie de prendre une envergure particulière arrive parfois à faire mouche. Mais le reste du temps, nous voilà comme n’importe quel personnage de RPG à filer un coup de main à droite, à gauche, partout où nous passons, sans que cela ne soit forcément gratifiant. A la rigueur, on a presque envie de céder à ce contrat tacite tant il va de soi, hélas, dans ce genre de titres. On a l’habitude de voir ainsi les RPG (d’action ou non) entasser de cette manière les missions disponibles, histoire de créer du contenu.

Là où la chose prend une tournure différente avec Starfield, c’est que ce système s’applique dans une aire de jeu particulièrement vaste, comme je le disais plus haut. D’où un revers en deux temps : d’abord l’impression d’accumulation se fait encore plus ressentir qu’elle s’applique ici non à une poignée de villes et cités mais à tout un pan de galaxie (plus de 1000 planètes potentielles, rappelons-le) ; et ensuite cela nuit terriblement à cet open world justement, dont le potentiel est gâché par un contenu des plus classiques et qui, à mon sens, est tout à fait incompatible avec l’échelle qui est la sienne. 

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Extrait du journal de quête. Capture d’écran de Gamewave.fr

Starfield se remplit de tout et n’importe quoi, fait feu de tout bois et s’empresse de proposer des contenus partout. Et quand je parle de contenu, je parle ici de quêtes tous azimuts. Or, ces dernières ne viennent en rien chambouler les poncifs du genre. Un groupe de méchants à mettre hors d’état de nuire, des objets à récupérer et ramener à un commanditaire, une enquête à mener en activant une série de mécanismes… On a vu tout cela un nombre incalculable de fois. Plus encore que de se remplir d’un contenu de jeu très classique, Starfield se gonfle en fait de tous les soucis qui font qu’un monde ouvert noie souvent son contenu et sa richesse potentielle dans un déluge d’activités à mener qui manquent cruellement d’intérêt.

On pardonne volontiers ce genre de symptômes, si l’on veut faire bonne grâce, à des titres aux aires de jeu plus ramassées, sinon plus cloisonnées. On le pardonnera d’autant plus à des jeux qui tachent de faire coexister dans une même carte des missions très simplistes dans leur proposition et d’autres plus originales. On le pardonnera enfin à des œuvres qui offrent un choix de quêtes certes empruntes de classicisme mais qui arrivent tout de même à leur donner un caractère naturel, voire organique, à suffisamment bien les amener sur le plateau en fait. Je pense ici à The Witcher 3 et à ses chasses aux monstres souvent divertissantes. Je pense aussi à Red Dead Redemption 2 qui compensait le caractère ludique presque banal de certaines quêtes par une écriture un tant soit peu fine et surtout une capacité à littéralement les mettre sur notre route qui réussissait à susciter l’envie de faire un détour pour y répondre.

Tout cela, Starfield n’arrive pas à le faire. Le jeu manque de naturel et s’empêche systématiquement de faire preuve de spontanéité. Les quêtes sont alors disposées un peu partout dans le jeu, matérialisées par des PNJ ou des vaisseaux qui n’attendent que de nous voir passer. Qu’on y prête attention ou non, cela ne change rien. Bethesda a conçu un bac à sable typique, dont la seule envergure sera finalement sa taille. Une taille qui semble avoir impressionné le studio lui-même qui, ne sachant quoi en faire, à cherché à combler tous les espaces disponibles. En fait, la pratique du jeu sur le long terme donne finalement le sentiment que, conscient de l’étendue de son jeu, Bethesda a eu peur que l’on s’ennuie.

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Dans « Red Dead Redemption 2 », il y a toujours quelque chose sur le chemin. Ce truc qui va attirer l’attention et nous emmener vers autres chose sans même que l’on s’en rende toujours compte. Capture : The Telegraph

Il faut dire que quand on veut proposer tant de lieux à visiter, il faut savoir assurer derrière. La solution pourrait être de faire une proposition un tant soit peu radicale autour de cela. De profiter de cet espace disponible pour jouer la carte de l’exploration à fond, de véritablement et sincèrement nous mettre dans la peau de pionniers spatiaux. Sauf que la radicalité, ce n’est pas le ressort principal de Starfield. Bien au contraire, le jeu a plutôt l’ambition de livrer un RPG « à la Bethesda » dans la plus pure forme qui soit. En découle alors toute une architecture de contenu de jeu qui ne dénote jamais ô grand jamais des standards actuels.

Comme je le disais plus haut, cela se marie très mal avec l’open world ici composé. Pour ce que Bethesda nous propose de faire, il y a tout simplement trop de systèmes, trop de planètes pour que le tout soit digeste. Comment peut-on avoir sincèrement envie de découvrir chacun de ces innombrables endroits quand on y trouve systématiquement la même chose qu’ailleurs ? Quand tout ce que l’on aura à y faire, hors des missions principales, ce sera d’installer un avant-poste minier qu’on oubliera presque aussitôt ou de répondre à des quêtes annexes essorées ?

Le principal échec du studio ici aura finalement été de miser sur une surenchère sans queue, ni tête, inutile vis-à-vis de ce game design, qui souffre justement du fait que tout est beaucoup trop ordonné, trop classique, trop dirigiste même. En appliquant à son Starfield une structure générale empruntée aux autres grands RPG en monde ouvert, Bethesda oublie de calibrer la proposition à la mesure de son propre univers. C’est comme essayer de passer des vêtements en taille L à un champion d’haltérophilie : il y a forcément un moment où ça ne va pas aller, où l’athlète va être bien trop engoncé dans une tenue particulièrement étriquée. Dans le cas qui nous intéresse, l’haltérophile est ce monde ouvert, gonflé à bloc dans ses proportions, tandis que le vêtement est cette recette habituelle qu’on s’efforce tant bien que mal de lui imposer. Or, par la seule force de son immensité, cette aire de jeu réclame, exige même, un traitement différent de ses pairs.

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Comment créer de la territorialité et donc une véritable expérience du terrain sur des espaces aussi vierges ?

Ce traitement particulier, il passe notamment par la nécessité d’insuffler non seulement du naturel dans le jeu donc et dans la manière d’amener ce monde ouvert au public, mais aussi de l’épique. Et cet appel épique, cette invitation au voyage, elle est insuffisante dans Starfield. En organisant sa structure de jeu selon des modalités très carrées et très cloisonnées – lesquelles peuvent sans doute fonctionner sur des échelles plus réduites, je ne dis pas – Bethesda nuit à la capacité du titre à susciter l’enthousiasme nécessaire pour que l’on se prenne au jeu d’aller voir telle ou telle planète inconnue, simplement parce qu’elle aurait eu ce détail, ce petit truc qui aurait attiré l’attention.

Je vais une fois encore reprendre le sacro-saint exemple mais il y aurait sans doute eu du bon à aller voir un peu comment fonctionne l’open world que Nintendo a composé pour Breath of the Wild puis Tears of the Kingdom. J’entends bien qu’il est sans doute plus difficile d’associer ces questions de territorialité à des environnements spatiaux aussi vastes (quoique…) mais toute question de dimensions mise de côté, il demeure des mécaniques, une recette, une série d’engrenages invisibles qui font que l’Hyrule nouvelle génération fonctionne en tant que zone de jeu. Tout cela, Starfield aurait gagné à s’en inspirer, ne serait-ce que pour la manière d’agencer et d’amener les différentes quêtes sur le tapis mais aussi pour la façon d’appréhender l’étendue disponible et d’envisager le voyage.

En ne réussissant pas à faire sien cet aspect, Starfield tue la curiosité par son contenu à la fois trop grand en nombre et trop chiche en diversité. Voilà la principale cause de l’échec de ce jeu dans sa tentative de construire un monde ouvert qui se démarque réellement et qui satisfasse ses ambitions initiales, l’immense paradoxe d’un jeu AAA qui n’a pas su se trouver une vocation fixe. Le cul entre deux chaises, passez moi l’expression, il se perd dans sa quête de définition d’un nouveau genre, ce qu’il doit essentiellement à sa peur de donner vie à un monde trop grand dans lequel il n’y aurait rien à faire. Peu inspiré, le studio n’a pas su quoi faire de l’immensité de la carte qu’il a créée et a donc comblé tous les trous autant qu’il a pu avec ce qu’il avait sous la main, un savoir-faire qu’on ne niera certes pas mais qui manque cruellement de modernité, faute d’inspiration. Ce faisant, Starfield y perd de la substance qui aurait pu en faire un open world spatial d’exception.

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En dépit de tous ses efforts, Bethesda livre donc un espace qui semble malgré tout bien vide. Rempli de rien de proprement distinctif, il parasite lui-même son expérience de monde ouvert en tuant dans l’œuf les besoins intrinsèques de pareille map. Le seul fait de ne pas pouvoir naviguer librement de planète en planète en est un symptôme supplémentaire. A vouloir jouer la carte de la crédibilité jusqu’au bout, rendant les distances entre chacune de ces planètes interminables, Starfield oublie son statut de jeu et les compromis qui vont de pair. Ou plutôt, il choisit d’en faire un de compromis, plus gros que les autres, en usant et abusant d’un système de téléportation qui aura tôt fait de nous lasser.
Aveu d’échec en soi, sur l’incompatibilité entre ce désir de réalisme et les nécessités d’un jeu vidéo, ces « sauts » brisent quelque chose. On aurait pourtant pu les exploiter pour créer du contenu entre deux planètes, pourquoi pas en profitant de ces instants de voyage pour se livrer à diverses actions dans le vaisseau. Je pense par exemple à des activités sociales en relation avec nos membres d’équipages ou avec d’autres joueurs et joueuses même (on s’imagine aisément des échanges d’informations en ligne pour aiguiller vers telle ou telle planète qu’on aurait ignorée sans cela). Le vaisseau aurait alors obtenu un vrai rôle, autre que celui de simple véhicule dans lequel on ne fera que passer finalement.

Cette peur du vide selon moi, elle se concrétise non seulement dans des aspects de seul game design mais aussi dans le fait que Starfield a eu ce besoin de nous raconter une histoire, de tisser une grande quête principale avec ses tenants et aboutissants propres et autour de laquelle tout ou presque va graviter.

Au-delà de ce que je peux penser de son intérêt ou non (que j’ai tout de même trouvé très relatif, soit dit en passant), la présence de ce long arc scénaristique en guise de fil rouge m’interroge : un jeu de cette envergure, un AAA, doit-il toujours raconter une histoire ? Tout du moins doit-il toujours le faire dans la forme classique de l’exercice, avec un protagoniste que nous incarnons suivons bon gré mal gré au fil de ses pérégrinations et des péripéties qui vont émailler le récit ainsi constitué et lui donner sa rythmique ? Ces jeux-là ne peuvent-ils pas « se contenter » (avec des guillemets car la chose n’est pas forcément plus aisée, notez) d’une narration qui ne passerait que par le game design, le gameplay ou à la rigueur des arcs plus réduits qui coexisteraient et donneraient à l’univers proposé sa richesse et sa variété ? Est-il enfin toujours nécessaire de composer un jeu de ce calibre autour d’une colonne vertébrale faite de ce récit qui lui donnera en cela un début et une fin ?

Qu’on ne se méprenne pas, je comprends bien ce que Bethesda souhaite faire, à savoir livrer non seulement un RPG ouvert dans l’espace mais aussi un space opera en bonne et due forme avec de grands enjeux, une quête au sens noble et littéraire du terme, laquelle permettra au personnage principal (et par extension aux joueurs et joueuses) de s’accomplir dans la résolution de ce vaste arc scénaristique qui tracera notre cheminement. J’entends tout cela mais je me questionne tout de même sur la nécessité de tout ce schéma. Car quoi qu’on en dise et en dépit de tous les à-côtés que Starfield s’efforce de proposer malgré tout, la présence de ce récit phare au sein du jeu finit presque fatalement par toujours nous ramener sur les rails avec une espèce de fatalité un peu morne.

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Sarah Morgan est celle qui nous recrute au sein de Constellation

La pierre n’est pas à jeter qu’à la seule présence de cette quête principale mais aussi au fait qu’elle existe dans un contexte de jeu où les aspects annexes de l’aventure ne sont, comme on l’a vu, pas toujours prompts à éveiller un esprit d’évasion chez le public. L’arc principal se mue alors en une bouée de sauvetage, un radeau sur lequel on se réfugiera au cœur d’un océan de lassitude afin de tout de même se raccrocher à un objectif qui nous donne une bonne raison de tenir la manette sur le long terme. Cette conjonction de circonstances concourt alors hélas à rompre les ambitions de jeu d’exploration qui sont pourtant celles de Starfield. Puis vient la fin de l’histoire et, avec, la probable fin de la partie pour cette frange du public qui ne trouve pas son compte dans la répétitivité générale des contenus. Je parle ici par expérience. Mes premiers temps dans Starfield ont été pétri de bonne volonté. J’ai pris au mot la proposition initiale du jeu et j’ai taché de jouer en fonction d’elle. Je me suis écarté du récit majeur pour n’y revenir que par à-coups, je suis allé me promener de planète en planète, j’ai taché de constituer mon équipage…

Sauf qu’au bout d’un moment, j’ai compris que tout ce que cela me donnait à faire ne m’enchantait pas spécialement et que, pire encore sans doute, le récit principal me le proposait de toute façon. On pourra s’acharner à constituer le meilleur équipage possible par exemple mais par la force des choses la poursuite de l’objectif principal du jeu nous en proposera un tout fait. Il en va de même pour le reste de l’expérience dans sa globalité et l’impression qui en ressort c’est qu’en plus de contraindre un peu la proposition, le récit central de Starfield la résume, il l’échantillonne. Il reprend à son compte l’ensemble des features du titre et les distille doucement tout au long de l’aventure. J’en viens à penser qu’au fond, cette quête-là n’est qu’un condensé de Starfield, un moyen de donner le sentiment aux joueurs et joueuses de profiter de toute l’expérience sur un laps de temps plus réduit. En soi, cela n’est pas idiot si l’on prend en compte que nous n’avons pas toutes et tous le même temps disponible pour nos jeux. Le souci en revanche, c’est que l’expérience plus « complète » n’est pas beaucoup plus variée comme je le disais plus haut.

Que peut-on faire alors ? Je me garderai bien de vous donner une réponse ici qui serait à prendre comme une certitude absolue. Je ne suis pas développeur, auteur ou producteur… Je suis joueur en revanche, et je crois avoir une bonne idée de ce qui, en tant que tel, me plait et me fait envie ou non. Et je crois intimement que Starfield aurait totalement dû s’affranchir de tout récit scénarisé central. Bethesda aurait dû, je pense, essayer de donner à jouer à un jeu qui se raconte autrement.

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Onze ans après, « Journey » n’a rien perdu de sa pertinence.

Il est souvent dit par exemple que le gameplay en lui-même constitue déjà un pan de narration. Par ce qu’elle amène à faire, par la façon dont elle s’exécute et le résultat qui en ressort, la mécanique propre d’un jeu a déjà une force narrative. En impliquant les joueurs et joueuses au premier degré, le gameplay donne directement à expérimenter un aspect de l’univers présenté, ce qui s’associe d’ailleurs volontiers avec un aspect important à mon sens quant il s’agit de découvrir de nouveaux lieux : la narration environnementale. Sans aucun mot mais par la seule expérience d’un contexte donné, le jeu peut alors se raconter discrètement mais efficacement, donnant à son public l’occasion de se confronter en première ligne à des aspects purement diégétiques. Cela peut passer par des éléments qu’on considérerait comme du détail : une marche rendue plus malhabile selon le terrain, un morceau de roche qu’on briserait plus difficilement que les autres, un son provoqué par l’action du joueur/de la joueuse et qui dénoterait par rapport aux autres…
L’exemple le plus marquant qui me vient immédiatement en tête, c’est bien sûr Journey et sa séquence dans la neige en fin d’aventure. Un moment suspendu au cours duquel la progression se fait plus lente, plus lourde, plus difficile alors même que le jeu ne nous demande rien de plus que de pousser le stick comme on l’a fait tout au long de la partie. Par sa variation d’alors, le gameplay raconte bien des choses, il évoque l’hostilité de l’environnement traversé, il souligne la fatigue, annonce la fin du voyage… Sans pourtant rien fondamentalement changer, il porte en lui les stigmates du parcours effectué sur le personnage et fait par conséquent naître une émotion chez la personne qui tient la manette. L’expérience ludique se suffit alors à elle-même en grande partie, sans que le texte à proprement parler n’intervienne.

Oh évidemment, le volume même de Starfield laisse songeur quant à l’idée de s’affranchir totalement du texte et d’une narration plus classique mais on pourrait néanmoins très bien s’imaginer un jeu reprenant les idées du dernier-né de Bethesda pour en faire quelque chose qui approcherait ces conceptions. En apportant plus de vitalité aux planètes que nous explorons, en en décuplant la force de la faune, de la flore et des vestiges (humains ou non) qui s’y trouvent, Starfield aurait pu proposer une expérience qui s’inspirerait de cette idée où la narration, sans être secondaire, se ferait en quelque sorte en catimini.
Une autre solution pourrait alors être d’envisager le fait de raconter quelque chose de manière plus détournée. Ou plutôt de se dire qu’au lieu de nécessairement chercher à toutes fins à composer une épopée donnée, on pourrait plus aller vers l’envie de raconter un univers, de déployer un lore au sein duquel nous évoluons. Bethesda s’est amusé à fonder un background assez épais pour son jeu, dévoilant en amont même de sa sortie nombre d’éléments de contexte et historiques pour colorer l’affaire et installer cette licence et son vécu sous-entendu. La question alors : pourquoi ne pas continuer sur cette lancée et seulement nous conter un monde et son Histoire plutôt que de nous emmener dans un éternel récit d’aventures avec un héros/une héroïne que nous incarnerions ? Pourquoi absolument vouloir faire de nous les interprètes principaux de la pièce que met en scène Starfield et ne pas nous laisser simplement vivre cet univers ?

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La question se pose d’autant plus avec ce jeu-ci que nous incarnons ici un explorateur/une exploratrice de l’espace. Derrière cette appellation se cache bien des aspects, bien des fantasmes même quant à la nature de l’activité. A mon sens, en se reposant sur ce postulat et ce premier rôle qui nous est accordé, Bethesda aurait pu se détacher de toute forme de récit classique et privilégier à la place une somme de prétextes qui auraient été autant d’invitations à parcourir ce morceau de galaxie. Par ailleurs pas particulièrement intéressante ou novatrice en dépit des aspects métaphysiques qu’elle peut soulever, cette histoire principale freine (sinon gâche) le potentiel de cet open world, comme je le disais plus haut. Je pense sincèrement que Starfield aurait gagné à n’avoir qu’une succession de petits arcs scénaristiques de plus ou moins grande ampleur et sans autre finalité que celle de nous faire voyager et de véritablement composer notre personnage de bout en bout.

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C’est « Breath of the Wild » mais sans trop de sauvage et avec assez peu de souffle.

Le jeu serait alors devenu journal de voyage et carnet d’exploration, invitant en cela bien plus à la découverte par soi-même des différentes planètes et des multiples systèmes que ne le fera un récit classique, structuré et linéaire tel que celui ici dépeint. L’adjonction à ce dernier de quêtes annexes, dont certaines relativement vastes, aurait pu réparer ce problème si cela n’était pas si engoncé dans la forme classique du genre de jeu dont Starfield n’arrive en aucun cas à se détourner.

Enfermé dans ses codes, le jeu ne laisse jamais de grande latitude quant au fait de se composer sa propre histoire. S’il ouvre bien des portes dès le départ, multipliant les appels du pied pour rejoindre telle ou telle faction, il ne va pas jusqu’au bout de la proposition et cantonne tout cela à une accumulation de suggestions secondaires dont un autre écueil sera cette absence de connexion entre elles. Si mes actions en tant que membre d’une faction donnée feront de moi un homme recherché ou craint ou respecté, cela ne changera rien (ou si peu) au contenu des missions des autres groupes. A trop se soucier d’écrire son aventure phare, Starfield en a oublié l’interopérabilité de ses contenus et, peut-être pire encore, le naturel de son univers, un caractère organique qui me donnerait le sentiment qu’il vit autour de moi et surtout sans moi.

On me répondra peut-être qu’en l’état il est tout à fait possible de se contenter de ces à-côtés, de mener sa vie de pirate ou de gendarme de l’espace comme bon nous semble. Certes on pourra passer 100 heures à vagabonder ainsi. Mais le rappel à l’ordre de la quête principale est trop récurrent pour que l’affaire fonctionne vraiment. Un rappel à l’ordre qui passe autant par certaines petites phrases lâchées par nos membres d’équipage que par le fait qu’au terme d’une mission, il n’est pas rare que l’objectif en cours passe de lui-même sur une quête liée au scénario du jeu. Remis sur les rails un peu malgré tout, on finit par suivre cette série de missions par automatisme plus qu’autre chose. Jusqu’à ce que ça se termine et que, lassé, on finisse le jeu sans avoir envie de le relancer. Alors qu’en évitant toute forme de contrainte scénaristique majeure et incontournable, Bethesda nous aurait laissé l’opportunité de nous faire notre propre aventure et de la rendre un tant soit peu unique, à l’image de notre personnage en conséquence, et à l’image de nous-même finalement.


Je vois bien ce que Starfield essaie de faire. J’ai conscience des efforts qu’il déploie pour se tailler une place comme la nouvelle grosse licence d’aventures spatiales. Mais ce qui me saute le plus aux yeux en définitive c’est que Bethesda n’a pas su trouver le meilleur moyen de répondre à cette ambition, qui aurait pourtant pu être salutaire. En faisant de Starfield autre chose qu’un RPG d’action/aventure dans l’espace, en donnant une autre saveur à ses fonctionnalités et en se questionnant sur la place des joueurs et joueuses dans tout cela, sur le rôle à leur donner, le studio aurait pu composer un titre marquant. Peut-être aurait-il fallu renverser le paradigme et ne plus faire de notre personnage celui/celle qui aura un impact sur l’univers dans lequel il se situe, mais l’inverse.
Au lieu de cela, Bethesda fait du Bethesda, accumule les quêtes sans plus de raisonnement que celui de donner quelque chose à faire et les entasse d’autant plus que cette map est immense et qu’il faut bien la remplir. Or, plutôt que de faire confiance à son public et de lui donner de quoi s’occuper naturellement – ne sachant quoi lui offrir d’autre que ce qu’on lui donne d’habitude et par peur de laisser tout cet espace bien peu rempli – Bethesda n’ose plus rien. Pris de vertige face à ce monde ouvert trop grand, le studio se raccroche aux garde-fous qu’il connaît le mieux et tant pis pour le reste. A terme, on espère juste que la communauté du modding saura métamorphoser le jeu de fond en comble.

2 réponses à « « Starfield » ou la peur du vide »

  1. Avatar de « Prince of Persia – The Lost Crown  : sous influence | «Dans mon Eucalyptus perché

    […] D’où aussi Assassin’s Creed Mirage qui, dans un contexte de lassitude des mondes ouverts trop grands et trop chronophages, a ramassé son intrigue sur un espace plus réduit (même si c’est aussi à mettre dans le […]

  2. Avatar de Dans mon Eucalyptus perché a 10 ans ! – Dans mon Eucalyptus perché

    […] apporter une réponse comme lorsque j’ai voulu interroger la notion d’open world avec Starfield. J’aime enfin également l’idée de me plonger dans la biographie d’un artiste […]

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