Cinexpérience du 17 Février 2016 : Belgica, Felix Van Groeningen, 2016

Aujourd’hui on va parler cinéma. Cependant, on ne va pas le faire exactement comme d’habitude puisque je n’ai pas vu le film dont il va être question ici dans les conditions qui correspondent généralement à mes séances cinéphiliques (si tant est que « cinéphilique » se dise…). Je vais donc, avant de vous parler du film en lui-même, vous raconter vite fait le contexte de cette séance à laquelle j’ai pu participer grâce à Sens Critique.

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J’ai donc participé la semaine dernière à un truc nouveau pour moi : Cinexpérience. Si vous fréquentez le site Sens Critique, vous avez sans doute déjà entendu parler de cela. Il s’agit d’un rendez-vous instauré par l’équipe du site qui se résume de façon assez simple. A chaque nouvelle édition, les membres de Sens Critique s’inscrivent à un tirage au sort qui leur permettra – si tant est qu’ils fassent partie des heureux élus – de recevoir une invitation (ou deux si vous y allez avec quelqu’un) pour une séance de ciné dont vous ne saurez strictement rien à l’avance, si ce n’est le lieu. En l’occurrence, il s’agissait pour cette édition du 17 Février du cinéma du Club de l’Etoile, dans le 17ème arrondissement de Paris. Car oui d’ailleurs, ces événements ne sont organisés que dans la capitale, en attendant (peut-être ?) un développement plus large et une arrivée des Cinexpériences en province. Enfin le fait est que je suis allé au Club de l’Etoile ce mercredi soir là en n’ayant strictement aucune idée de ce que j’allais voir. Car c’est bien là tout le sel du projet : vous ne découvrez le film qui est prévu qu’au moment où la projection commence ! C’est ainsi complètement dénué de tout a priori que j’ai pu voir, avant sortie programmée au 2 Mars prochain, Belgica de Felix Van Groeningen, réalisateur de La Merditude des Choses et d’Alabama Monroe et auréolé pour ce film-ci du prix du Meilleur Réalisateur au festival de Sundance. Entre nous, ce n’est pas rien. Pour vous la faire courte sur le déroulé de la soirée, nous sommes entrés dans la salle vers 19h30 et le film a dû commencer (je n’ai pas regardé l’heure) vers 20h pour une projection à l’issue de laquelle Felix Van Groeningen lui-même est monté sur scène pour répondre aux questions de différents spectateurs. J’ai trouvé au passage le garçon très sympathique et très avenant et surtout très intéressant dans sa façon d’aborder son travail avec nous. En somme j’ai passé une très bonne soirée qui s’est conclue avec une distribution de goodies à la sortie du Club de l’Etoile et dont je vous poste une photo ci-dessous avant de passer à la présentation du film et mon avis sur ce dernier.

Les goodies distribués à l'issue de la projection. Le tout était contenu dans un sac rouge sur lequel figure le logo du Belgica, à savoir -pour reprendre les termes d'un autre spectateur - "un élan qui encule un rhinocéros".

Les goodies distribués à l’issue de la projection. Le tout était contenu dans un sac rouge sur lequel figure le logo du Belgica, à savoir -pour reprendre les termes d’un autre spectateur – « un élan qui encule un rhinocéros » et que l’on voit un peu partout sur la photo en fait…

Belgica, drame de Felix Van Groeningen. Avec Stef Aerts, Tom Vermeir, Hélène De Vos, Charlotte Vandermeersch…
La note du Koala : 4/5

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Le pitch : Après plusieurs mois sans se donner de nouvelles, les deux frères Jo (S. Aerts) et Frank (T. Vermeir) se retrouvent. Jo est devenu patron d’un bar, le Belgica, et Frank se propose de l’aider à gérer son affaire et à la développer. Ensemble, ils vont faire du Belgica un lieu incontournable de la vie nocturne mais vont aussi devoir faire face à leurs démons.

La critique : Qu’on se le dise, je ne connais que très très peu le cinéma belge. Pour ne pas dire que je ne le connais pas du tout. Aussi, le nom de Felix Van Groeningen ne me disait strictement rien et ceux de Stef Aerts ou Tom Vermeir encore moins. Et les noms qui défilent au tout début du film ne me mettent pas plus sur la voie et il aura fallu attendre de voir l’enseigne du café Le Belgica pour comprendre de quel film il s’agissait ici. J’entame donc la séance avec une certitude : je ne connais pas ce film. Ou alors juste de nom, une affiche avec le logo dudit café ayant été diffusée il y a quelque temps sur Facebook (vraisemblablement sur la page de Sens Critique d’ailleurs).

Et c’est idéal finalement. Aucun préjugé, aucune attente, aucune a priori, rien. Je me laisse tranquillement porter par le film et…j’ai d’abord eu un chouïa peur de ce que j’allais voir. Le film commence, sans rien vous raconter, sur plusieurs séquences somme toute très…banales. On y découvre quelques personnages dans leur quotidien, sans grande tension ni rien. Juste une mise en contexte, une entrée en matière qui laisse croire que Belgica va être un film tranquille sur la vie très normale de quelques Belges très normaux. Une nana qui se réveille chez un mec après une beuverie, deux frères qui se retrouvent, l’un ayant un café, l’autre une famille… Et puis tout bascule lentement à partir d’une simple proposition : le plus vieux des deux frères (Frank) veut aider le plus jeune (Jo) à tenir son café. Ça n’a l’air de rien mais c’est le point de départ de toutes les péripéties qui vont suivre. Et ce qui aurait pu être l’occasion de poursuivre sur cette idée de « la vie normale de Belges normaux » est au contraire perçue par le réalisateur comme celle de mettre en scène l’essor et la chute de deux frangins qui vont perdre pied et se laisser dépasser par les événements. On se rend alors compte qu’on arrive dans quelque chose de beaucoup plus underground que prévu, un univers où vont peu à peu se mêler sex, drugs et rock’n’roll pour reprendre ce vieil adage. Car c’est là tout l’esprit du film, l’un des plus rock’n’roll que j’aie pu voir depuis un bon moment (depuis Bellflower ?). C’est dans l’ambiance chaude et humide du Belgica que tout va se passer, des heures de gloire à la chute. La vie normale de Belges normaux devient progressivement (mais rapidement) le succès fulgurant et imprévisible de Belges qui s’y perdent complètement. Et la construction du récit sert admirablement le propos, jouant sur une sorte de montagnes russes qui laissent penser qu’on a passé le pire de la situation pour mieux aller plus loin encore ensuite alors qu’on s’attendait à ce que ça se tasse. Belgica s’offre même ainsi le luxe de multiplier les climax. Oh bien sûr, il n’y en a qu’un qui compte vraiment mais on aura plusieurs fois eu l’impression au cours du film d’en avoir atteint un. Cela aurait presque pu être un problème si la façon dont ces instants de tension n’avaient pas été aussi magistralement amenés. Felix Van Groeningen arrive à renouveler à chaque fois ce rythme qui va crescendo sans pour autant lasser le spectateur dans une mécanique qui, si l’on regarde quand même objectivement le film, est un peu répétitive. Le mérite en revient certainement à cette façon que le cinéaste a de faire aller les choses toujours plus loin et à ne pas se cantonner sur les acquis établis auparavant. Belgica fourmille autant d’idées que ses personnages et c’est cela qui lui confère son rythme.

Tout commence avec deux frangins qui veulent bosser ensemble.

Tout commence avec deux frangins qui veulent bosser ensemble.

Mais ce qui est génial dans ce film, c’est toute l’ambiance que Felix Van Groeningen a su y insuffler. La mise en scène ne paie pas toujours de mine mais fait en tous cas suffisamment le job pour soutenir le propos. Là où elle se sublime en tous cas c’est dans ces instants où toute l’attention est portée sur la fête qui se déroule chaque nuit au Belgica. Le bar est présenté comme « votre lieu de perdition favori » et ce n’est pas pour rien. Sex, drugs et rock’n’roll encore une fois forment le cocktail de ces séquences complètement arrachées où le spectateur peut limite sentir la chaleur de cette foule qui se remue au son de la musique. Celle-ci mérite d’ailleurs toute notre attention puisqu’aussi éclectique qu’elle soit, elle a été entièrement composée par le groupe Soulwax qui a su ici s’approprier une multitude de genre et qui a réalisé un travail de dingue pendant une bonne année, allant même jusqu’à créer de faux groupes, leurs styles, leurs apparences, leurs jeux de scène, tout… Un travail ahurissant qui trouve toute sa concrétisation dans ces scènes encore une fois qui sont finalement les points auxquels le spectateur peut se dire que l’on a atteint un des climax que j’évoquais un peu avant. C’est chaud, il y a une tension absolument folle qui se dégage de ces passages. Entre nous j’avais l’impression d’y être et j’ai retrouvé l’ambiance quasi sale et humide de certains pubs à concerts que j’ai fréquentés à Nantes, même si on était encore (très) loin d’atteindre pareil niveau. L’orgie en moins. Car ça tourne à l’orgie d’un peu tout au Belgica. On pourrait presque trouver que ça va un chouïa trop loin par instants mais la mise en scène sublime tellement la chose qu’on acquiesce sans se poser plus de questions que ça. Alors je pourrais aussi vous parler de la foultitude (oui, « foultitude », c’est sympa) de thèmes que Felix Van Groeningen aborde dans son film : la paternité, la fraternité, l’ambition, les relations travail/famille, la débauche, la perte de repères… Et j’en oublie sûrement. Je pourrais du coup vous dire qu’aussi rock’n’roll et débridé qu’il soit, Belgica n’en demeure pas moins un film très intelligent qui pose un regard à la fois incisif et pertinent sur ce qu’il met en images.

Les scènes de concert et de fête sont d'une intensité certaine.

Les scènes de concert et de fête sont d’une intensité certaine.

Mais si le Belgica en tant que lieu est aussi un des pivots essentiels du récit, à la limite même d’être un personnage, Belgica en tant que film ne serait pas ce qu’il est sans sa distribution et en particulier ses deux interprètes principaux, Stef Aerts et Tom Vermeir. Les deux acteurs, encore largement méconnus chez nous, forment un duo particulièrement appréciable chacun amenant à son personnage tous les prérequis nécessaires à la construction de ces derniers, lesquels sont un peu les deux faces d’une même pièce. Là où Frank et Jo se rejoignent quant à l’idée de développer le Belgica, leurs idées et projets les séparent tout comme leurs comportements respectifs. Les deux comédiens se livrent alors à une sorte d’échange quasi constant qui ramène inlassablement à cette opposition qui est parfois très brutale sans jamais être totale pour autant. Stef Aerts se place plus dans la mesure de soi malgré les quelques pertes de sang froid de son personnage, tandis que Tom Vermeir donne à son Frank toute la folie qu’il est censé dégager à mesure que le projet derrière le Belgica devient toujours plus grandiloquent. Tant et si bien qu’on finit même par se demander si l’acteur n’est pas un peu à la ville dans le même état d’esprit que son personnage, chose qui nous a été confirmée par Felix Van Groeningen à l’issue de la projection lorsqu’il nous a raconté que Tom Vermeir avait eu une période de sa vie marqué par quelques excès presque similaires (j’ai bien dit presque) à ceux de Frank dans le film. Et au final, si tant Aerts que Vermeir livrent des prestations individuelles de très bonne facture, c’est bien dans leur travail à deux qu’ils sont le plus percutants. A leurs côtés, il serait même presque difficile de relever les seconds rôles tant ils sont effectivement secondaires. Si Hélène De Vos arrive toutefois à tirer son épingle du jeu, tout comme Charlotte Vandermeersch, c’est essentiellement en raison du fait qu’elles incarnent les compagnes respectives de Jo et Frank. Sans cela, le film propose une multitude de personnages secondaires mais aucun n’arrive vraiment à se placer au-dessus du lot. Mais était-ce bien nécessaire de toute façon ?

Tom Vermeir et Stef Aerts sont les deux piliers de ce film et livrent une prestation en tandem de grande qualité.

Tom Vermeir et Stef Aerts sont les deux piliers de ce film et livrent une prestation en tandem de grande qualité.

En fin de compte, s’il lui manque un je ne sais quoi pour être une claque, Belgica n’en demeure pas moins un film qui saura aller bousculer le spectateur dans le confort de son fauteuil et l’emporter avec lui dans cette espèce de furie plus ou moins maîtrisée qui prend place dans ce café. Felix Van Groeningen signe ici un film à l’ambiance dingue et à l’identité plus que marquée.

Le « Oh au fait ! » :
Belgica est inspiré d’une histoire vraie.

Pour en revenir à la musique, Soulwax a donc pu tout gérer de A à Z sur ce pan du film. Le groupe a donc composé l’intégralité des morceaux présents dans Belgica mais aussi imaginé les groupes qui les interprètent, aucun n’existant en vrai. Le groupe est même allé jusqu’à choisir eux-mêmes les acteurs qui incarnent les différents musiciens à l’écran.

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Etant donné que le film n’est pas encore sorti, je vous laisse la bande annonce ici. Sortie le 2 Mars !

2 réflexions sur “Cinexpérience du 17 Février 2016 : Belgica, Felix Van Groeningen, 2016

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