Côté sorties de jeux, 2018 est jusqu’à présent plutôt calme par chez moi. Renonçant par exemple à Sea of Thieves ou Donkey Kong Country : Tropical Freeze pour différentes raisons, je n’ai à l’heure actuelle acheté aucun des titres sortis depuis le début de l’année. Mais c’est un « mal » pour un bien puisqu’en attendant l’arrivée d’autres nouveautés, je me dégage ainsi du temps pour plonger dans plusieurs jeux qui étaient en attente sur mon étagère. Et si Assassin’s Creed Origins sera sans doute ma prochaine pièce maîtresse en termes de temps de jeu, Mafia III fut le soft qui m’aura le plus occupé en ce début d’année, déjà bien entamée. Alors mieux vaut tard que jamais et voici, près de deux ans après sa sortie, mon avis sur ce titre.
Jusqu’à la sortie de ce troisième volet, mon expérience sur la licence Mafia s’était limitée à mon observation assidue des séances de jeu de mon frangin sur l’épisode 2, dans lequel il incarnait Vito Scaletta, charismatique mafioso dans un ersatz de l’Amérique des années 1950. J’avais regardé ainsi l’ascension dudit Vito au sein de la mafia avec le plus grand intérêt, suivant ce tortueux périple comme j’avais pu suivre ceux de Henry Hill dans Les Affranchis de Scorsese ou tout bonnement de Michael Corleone dans Le Parrain et son illustre suite. Bref, tout ceci m’avait fortement donné envie mais, faute de temps, je n’ai encore jamais pu parcourir le jeu moi-même. Reste qu’à l’annonce de Mafia III, je savais que je devais y jouer !
Et pour ce troisième opus, annoncé en 2015, 2K a fait le choix de changer d’ambiance. Abandonnant la période « classique » des grandes œuvres liées à la Mafia (années 1930 à 1950, en gros), le studio amène cette fois le joueur à évoluer dans l’atmosphère chaude et tendue de la fin des années 1960, dans une Amérique en pleine évolution sociale et culturelle. Par ailleurs, Mafia III quitte les grandes métropoles inspirées par les villes du Nord-Est des Etats-Unis pour installer son histoire dans la ville fictive de New Bordeaux, bien plus inspirée par La Nouvelle Orléans que par New York par exemple. Je sais que ces choix ont heurté une certaine frange des fans de la licence mais, à titre très personnel, je les ai accueillis avec le plus grand enthousiasme. D’abord parce que c’est une période qui m’intéresse éminemment mais aussi et surtout parce que c’était en quelque sorte la promesse d’enfin changer d’air et de ne pas toujours reposer sur les mêmes poncifs du genre.
L’histoire donc met en scène Lincoln Clay. Tout juste revenu du Vietnam, le jeune homme afro-américain (je le précise car c’est important au regard du jeu et de son propos) rentre dans sa ville natale de New Bordeaux où, très vite, il se mêle aux affaires de petits gangsters que ses amis lui proposent. Jusqu’à ce braquage où tout dérape. Sans vous en dire plus sur le pourquoi du comment, sachez seulement que Lincoln se retrouve alors engagé dans une quête de vengeance qui prendra peu à peu une ampleur bien plus grande.
Quelle forme prend alors ce jeu ? Globalement, Mafia III reprend les grandes lignes de son illustre prédécesseur en matière de gameplay mais prend les habitudes des joueurs à contre-pied sur plusieurs points, bons comme mauvais. Si l’on parle d’une façon de jouer générale, Mafia III est loin d’être catastrophique. Bien au contraire, j’y ai trouvé un gameplay fluide, aisé à maîtriser, certes jamais vraiment exigeant mais reposant sur une mécanique très huilée. On prend très vite en main le personnage de Lincoln et chacune des actions à accomplir dans sa peau se fera selon des automatismes que certains trouveront peut-être trop revus mais que j’ai pour ma part vécus comme un moyen de jouer confortablement. Le tout répond sans aucun souci et je n’ai eu affaire à aucune gêne en particulier, tant dans les déplacements (à pied ou motorisés) que dans les séquences de combat et de tir. Au final, tout se déroule en la matière de façon assez naturelle.
Première nouveauté en tous cas, un système d’infiltration plutôt bien fichu, reprenant les codes basiques du genre et les appliquant somme toute très correctement. Le jeu laisse alors le choix à qui le découvre de remplir ses missions en offensif, en infiltration ou bien en mêlant un peu des deux, comme bon semblera. Reste qu’au-delà des bonnes intentions dont le socle est solidement installé, plusieurs choses pourraient être pointées du doigt, à commencer par le fait que, de manière très générale, le cheminement à suivre dans les différents lieux où Lincoln remplit ses missions reste assez fléché. Si l’on peut dénombrer plusieurs options de tracés, ils sont tout au plus trois dans les meilleurs cas et sans jamais proposer de véritable alternative marquante, hélas. Je regrette aussi l’utilisation de ce système hérité notamment des Assassin’s Creed qui permet tout bonnement au héros de voir ses ennemis à travers les murs. J’ai trouvé ce choix de gameplay, pauvrement justifié par les écoutes téléphoniques qu’il est possible de placer tout au long du jeu, assez hors de propos…
Dans les affrontements ensuite, je n’aurais pas grand-chose à redire, si ce n’est que l’IA est parfois (souvent ?) aux fraises. Il est en réalité si aisé de se débarrasser des sbires de la mafia sur le terrain qu’on se demande même comment le Parrain de toute cette histoire a réussi à conserver son empire. Planquez vous derrière une caisse, sifflotez et l’homme de main visé viendra voir de quoi il en retourne, sans grande méfiance. Alors oui, si jamais vous en attirez deux par mégarde, vous risquez fort d’avoir quelques ennuis et votre infiltration tombera vraisemblablement à l’eau. Mais bon, il suffira de prendre un peu son temps, de jouer à couvert/découvert derrière un meuble et on aura vite fait d’éliminer tout ce beau monde. Un peu plus de challenge eût été bienvenu plutôt que de le réserver à quelques séquences bien précises comme le parc d’attraction parfois retors ou encore le casino où, dans une ultime arène, Lincoln en prendra plein la gueule assez facilement. Néanmoins, le plaisir de jeu n’en a pas réellement pâti chez moi et je me suis vraiment amusé à enchaîner les missions avec un côté un peu volontaire qui m’a parfois poussé à aller jusqu’au bout des choses même une fois le minimum requis pour avancer ayant été accompli.

La difficulté des affrontements peut s’avérer assez aléatoire d’un cas à l’autre, surtout en raison du nombre d’ennemis, mais demeure très accessible.
D’ailleurs, si le manque de challenge récurrent peut être pointé du doigt, il faudra également évoquer la répétitivité des objectifs. En effet, Mafia III repose sur un déroulement en termes de missions à remplir qui en lassera certainement plus d’un.

Attribuer les activités illicites d’un quartier à vos lieutenants apporte des bonus.
Une fois le quartier conquis, il faudra désigner un chef mais attention aux jalousies.
En gros, le but du jeu consiste avant toute chose à s’emparer de la ville de New Bordeaux. Pour cela, Lincoln rencontre différents contacts qui lui donnent des indications concernant les lieutenants du Parrain local et comment les atteindre. Plusieurs objectifs sont ainsi à accomplir par quartier (démantèlement d’un réseau de prostitution ou d’un trafic de drogues, vol d’armes, interrogatoires musclés…) afin de débusquer et affronter le chef dudit quartier, lequel sera ensuite attribué par le joueur à l’un des trois partenaires que Lincoln rencontre au gré de son périple vengeur : Cassandra, Vito Scaletta (de retour après avoir été le héros de Mafia II) et Thomas Burke. Au joueur de choisir à qui confier la gestion de tel ou tel quartier, chacun de ces trois bras droits offrant différents bonus. Par ailleurs, la façon dont les attributions se déroule aura un impact sur l’histoire et si un de ces trois partenaires se sent trop lésé à la longue, attention à ce qu’il ne se rebiffe pas ! A titre personnel, j’ai beaucoup aimé cette logique de conquête dont le seul véritable défaut reste donc cette espèce de redondance qui s’installe progressivement. Si la difficulté se réhausse sans cesse à mesure que l’on avance (heureusement d’ailleurs), il n’en demeure pas moins qu’au bout d’un moment, on y va un peu les yeux fermés…
Mais c’est, je crois, un des défauts de ce monde ouvert qu’est New Bordeaux. Aussi joli soit-il (alors que les modélisations de personnages sont parfois franchement à revoir), ce vaste bac à sable semble parfois bien vide, ou plutôt sans grande opportunité. Il y aura bien toujours quelques sbires à tabasser ou diverses boutiques dont on ira joyeusement vider le tiroir-caisse mais en dehors de cela, pas grand-chose. Mafia III perd même ce qui était une chouette composante de l’épisode précédent, à savoir la personnalisation. Et si Lincoln dispose dans ses armoires de différentes tenues, vous pouvez en revanche presque oublier la personnalisation des véhicules que Mafia II proposait pourtant. Impossible ainsi de conserver comme ce fut le cas une voiture que l’on apprécierait tout particulièrement, la repeindre ou ce genre de choses. Sauf si vous débloquez le bonus adéquat auprès d’un de vos lieutenants, lequel donnera accès à une petite poignée d’engins à laquelle on fera finalement peu appel vu l’habitude que l’on aura prise à voler les bagnoles des autres… Ces voitures-ci, trop peu variées, pourront alors être customisées à votre goût. Mais cela reste bien peu.

Si l’on trouve régulièrement de quoi faire, New Bordeaux n’offre cependant pas une grande variété d’activités…
Bref, en termes ludiques, le décor est planté. Il y a des défauts et c’est incontestable mais je me suis investi dans ce jeu avec une vraie volonté, un enthousiasme plus grand que je ne l’aurais cru. Car si j’avais exprimé une certaine attente comme je le disais plus haut, Mafia III n’a cependant jamais été LE titre que j’ai le plus attendu, loin de là. Rapidement néanmoins, je me laisse prendre dans les filets de ce jeu aux atours charmeurs. Comme je l’imaginais, l’ambiance que laissait envisager les différentes bandes-annonces m’a séduit, moi qui ai ainsi adoré parcourir New Bordeaux au volant de vieilles muscle cars en écoutant à tue-tête Steppenwolf, Cream, Dusty Springfield ou encore les Stones et Johnny Cash. De grands noms, emblématiques de cette époque. Trop peut-être, tant et si bien qu’on ne pourra s’empêcher, parfois, de trouver cela très attendu, sinon cliché. On a entendu Born to Be Wild ou Bad Moon Rising un nombre incalculable de fois dans les films et jeux qui se saisissaient de ce contexte particulier de la fin des sixties, tant et si bien qu’on se surprend parfois à lever les yeux au ciel quand elles apparaissent encore et encore…
Mais l’important n’est pas tant là que dans l’exécution du scénario. Et si ces détails somme toute esthétiques peuvent être pointés du doigt, il convient de les prendre comme tels : des détails. Car aussi ressassés qu’ils puissent être pour certains, ils n’entachent véritablement en rien l’atmosphère générale qui se dégage de Mafia III, lequel brille de toute façon bien plus par sa narration. Car si le scénario peut paraître cousu de film blanc dans son déroulement, il n’en demeure pas moins qu’il fait preuve d’une certaine justesse dans son propos et dans la façon dont il est mis en scène. Indiscutablement imprégné de références allant de Coppola à Scorsese en passant, je trouve, par Brian De Palma et son Scarface ou même L’Impasse, le jeu de 2K et Hangar 13 propose une écriture louable sur bien des points. C’est le cas notamment concernant tout ce qui fait le sous-texte du jeu : le trauma des vétérans du Vietnam, la lutte contre la ségrégation, les bouleversements sociaux et culturels de l’époque… Sans fard, Mafia III aborde tous ces sujets et, mieux encore, les rend très actuels, notamment en ce qui concerne la place des Afro-américains aux Etats-Unis. J’ai trouvé, tout au long du jeu, une jolie profondeur dans la façon dont le scénario et ses personnages abordent ces questions, les rendant tout sauf anecdotiques.
Les protagonistes de Mafia III sont d’ailleurs une de ses grandes valeurs sûres et l’on se rend progressivement compte que leurs histoires, leur évolution et leurs rapports importent en réalité bien plus que la seule quête de vengeance de Lincoln Clay, même si tout ceci est intimement lié, bien entendu. Je sais que le personnage de Lincoln en laissera certains froid mais malgré son côté un peu monolithique qui rappellera rapidement Connor Kenway dans Assassin’s Creed III, je trouve que ce personnage porte en lui un fond bien plus prononcé qu’il n’y paraît. Clay, c’est l’occasion de parler d’héritage(s), de l’influence de la famille, de la lutte anti-ségrégation, d’ambition face au « bien commun »… Mais surtout, il se construit et devient de plus en plus intéressant dans sa relation avec les personnages secondaires du jeu et notamment ses trois lieutenants et en particulier avec Vito Scaletta. Si ces trois partenaires de Lincoln sont individuellement de bons personnages, étoffant avec intelligence le background du jeu, chacun donne lieu à des dialogues parfois très intéressants en matière de caractérisation. C’est le cas lorsque ces échanges questionnent la personnalité de ceux qui les déclament. Je pense notamment à Thomas Burke, qui est loin de n’être que l’Irlandais bougon et brutal, ou encore à Cassandra et, au-delà de sa participation à la chute du méchant de l’histoire, à ses répliques cinglantes et ô combien actuelles quant à l’injustice sociale et raciale. Quant à Scaletta, son évolution depuis Mafia II est intéressante à observer, un peu comme celle de Michael Corleone entre les différents épisodes du Parrain. J’en fais, pour l’anecdote, l’un des personnages les plus marquants que j’aie pu croiser dans un jeu vidéo.
Mais de toute façon, les personnages sont de manière générale assez bien écrits dans Mafia III et, en dehors de ce quatuor de tête formé par Lincoln et ses associés, je pense notamment au Père James, très touchant, et à John Donovan, complice de l’ombre de Lincoln et dont le côté un peu déjanté se fait de plus en plus sentir à mesure que l’on progresse, jusqu’à cette ultime séquence où le personnage semble tout bonnement péter un plomb. Mais quel délice alors ! Et tout ceci, servi par des dialogues franchement bien écrits, similaires aux plus beaux échanges que les films de mafieux ont pu nous offrir jusqu’ici. Les propos face caméra de certains personnages (et notamment du Père James encore une fois) sont parfois assez forts tandis que certaines séquences de dialogues et en particulier la toute dernière entre Lincoln et le grand méchant du jeu sont un régal complet, dans la lignée des plus grandes œuvres du genre.

Le « documentaire » inclut également le témoignage de Donovan en commission sénatoriale, ajoutant ainsi à la cinématographie de la narration.
Je parle de propos face caméra, cela est dû à la mise en scène du jeu, lequel se présente comme s’il s’agissait d’un documentaire consacré à Lincoln Clay. Ainsi, en dehors des phases de jeu et des cinématiques inhérentes au déroulement de celui-ci, vont s’enchaîner un certain nombre de passages où plusieurs intervenants racontent leur histoire. Une façon habile d’étoffer un background qui, sans cela, aurait pu paraître assez pauvre, le reste du jeu se contentant de raconter son histoire sans plus de chichis. Une histoire qui, encore une fois, peut sembler assez classique, sinon banale, mais réussit à prendre le joueur grâce à une mise en scène vraiment bien foutue. Les influences et inspirations cinématographiques du jeu se ressentent ici de la plus forte manière, que ce soit dans la construction des plans ou dans l’action et je me suis pris à vraiment apprécier ce que Mafia III me donnait à voir. J’en serais presque le premier surpris finalement car ce n’est clairement pas ce à quoi je m’attendais. Mais tant mieux, car à défaut d’un excellent et inoubliable jeu, j’ai eu droit à un bien chouette film.
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Mafia III fut donc une bonne surprise. Je n’en attendais pas forcément grand-chose, il a été régulièrement présenté comme détestable depuis sa sortie mais, malgré cela, j’y ai trouvé un jeu certes pas exempt de défauts mais cependant très agréable à faire. Ses lacunes ne sont d’ailleurs au final pas si nombreuses mais elles touchent des points si visibles qu’il est impossible de ne pas s’en rendre compte. Malgré cela, 2K et Hangar 13 ont su proposer un titre assez bien filé, prenant et franchement pas désagréable à suivre. Plus encore que dans Mafia II, l’esprit cinématographique de ce jeu arrive à lui conférer une très chouette ambiance. Alors c »est évident que, selon les joueurs, la sauce prendra ou non et je ne peux que comprendre ceux qui ne l’ont pas aimé. Mais à titre très personnel, j’estime avoir passé de très bons moments dessus.
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