Lancée après Daredevil, la première saison de Jessica Jones en avait déçu plus d’un. Et pour cause, la série s’était montrée relativement ennuyeuse et assez incapable de capter l’attention sur le long terme malgré quelques atouts comme la présence de Krysten Ritter et de David Tennant au casting ou tout bonnement le choix de s’intéresser à ce personnage bien précis, à la fois super-héroïne, antihéroïne et détective privée. Un petit manque d’enthousiasme de la part d’une partie du public (dont moi, pour l’anecdote) qui tranche cependant avec les audiences satisfaisantes que ces 13 premiers épisodes ont rencontrés. Un succès qui poussa en toute logique Netflix, après l’avoir rappelée dans sa mini-série Defenders, à faire revenir Jessica Jones sur le devant de la scène dans une saison 2 disponible sur la plateforme depuis le mois de Mars dernier.
En ce qui me concerne, j’avais assez peu été emballé par la première apparition télévisuelle de Jessica Jones. La regardant avec beaucoup de retard, ce qui témoignait déjà de mon manque d’intérêt pour cette série dont j’avais principalement eu des retours très froids, j’ai même fini par la « regarder » du coin de l’œil en faisant autre chose à côté. Juste histoire de voir comment cela allait finir quoi. A la fin, j’avais été un peu plus captivé par ce qui se déroulait sur mon écran, la chose semblant vouloir enfin décoller, jusqu’à ce final à mon sens bâclé. Bref, pas de quoi garder un souvenir inoubliable, je n’en avais d’ailleurs même pas fait un article à l’époque, c’est dire.
Et pourtant, voilà qu’un an après mon laborieux visionnage, je me retrouve à regarder cette saison 2. Plus surprenant encore, je l’ai attendue comme je l’aurais fait avec n’importe quelle série qui m’intéresse un tant soit peu. D’ailleurs ça me fait la même chose avec l’imminente deuxième saison de Luke Cage (dont j’avais cependant plus apprécié la première que celle de Jessica Jones). Enfin bref, on reparlera de ça le moment venu et revenons à nos moutons. J’attendais donc ces 13 nouveaux épisodes et malgré un visionnage relativement tardif, je les ai dévorés.
Pourtant, à mesure que cette saison 2 avançait, je ne pouvais que me rendre compte des énormes défauts dont elle fait preuve. Le premier, de taille, est relatif à son intrigue, laquelle est tout bonnement faible. Déjà que le scénario de la première saison ne brillait pas spécialement…
C’est dommage cela dit car ce que l’on m’a proposé dans les tous premiers instants de ce retour de Jessica Jones me semblait relativement alléchant. Pas de quoi crier au génie mais la série semblait vouloir partir désormais sur une sorte d’origin story à la bourre, faite de révélations et de retours en arrière qui aurait pu amener quelque chose d’intéressant dans la construction de son héroïne. Dans les deux ou trois premiers épisodes, la série installe donc les prémices d’idées plutôt cool malgré le sentiment de classicisme qui les entoure mais que les auteurs ont eu énormément de mal à exploiter. A l’issue de cette saison 2 reste alors le goût amer de tentatives avortées et d’un scénario qui promet au moins de divertir pour finalement bercer doucement le spectateur dans une sorte de monotonie sans grand enthousiasme.
L’autre souci, c’est qu’en parallèle à ce fil rouge pas vraiment exceptionnel, le retour de Jessica Jones s’encombre d’intrigues secondaires qui finissent de plomber l’ambiance. Centrées autour du nouveau personnage du concierge, de l’avocate Jeri Hogarth ou encore de Trish Walker, ces différentes histoires annexes sont soit anecdotiques, soit carrément inutiles. Sans grande saveur, ni réel intérêt, elles forment des segments scénaristiques qui contribuent à rompre la linéarité d’un arc principal qui avait déjà du mal à vraiment tenir la route tout seul. Pire encore, elles l’empêchent de se construire correctement. En fait, je suis absolument persuadé que sans ces éléments tout à fait accessoires (et par définition pas essentiels), le scénario de cette saison 2 aurait pu jouir d’une meilleure écriture. Au lieu de cela, il trouve ses idées les plus intéressantes plombées par des événements qui n’amènent rien ou presque. A l’issue de ces 13 épisodes, il n’y aura guère que la conclusion de ce que j’appellerai « l’arc de Malcolm » qui me fera dire que tout ceci n’était pas à 100 % vain.
Mais le problème est encore plus large que cela car ce ne sont pas seulement les histoires qu’on nous raconte qui posent souci : les personnages concernés aussi. Je me souviens qu’à l’issue de la première saison, j’aimais bien Malcolm (sans plus), Jeri me semblait avoir du potentiel et Trish m’agaçait déjà un petit peu.
Cette dernière est d’ailleurs le plus gros point faible de cette deuxième saison selon moi. Déjà que l’histoire dans laquelle elle est mise en scène est navrante, le personnage est par ailleurs admirablement détestable. Construisant toute l’intrigue de Trish sur les thèmes de la jalousie vis-à-vis des super-héros, sur la loyauté et ce genre de choses, cette saison la rend tout bonnement insupportable. Jusqu’alors amie/acolyte un peu chiante de Jessica mais avec l’audace et l’envie d’en imposer pour l’aider à avoir une certaine prestance, tout ceci se trouve mis sur le banc de touche au profit d’un caractère de chien et d’une aptitude à ne faire que des mauvais choix qui m’ont régulièrement donné envie de la gifler. Quant à Jeri Hogarth, on a consciencieusement détricoté le peu d’écriture dont elle avait jusqu’ici fait preuve, passant de la femme forte à une petite chose toute faible dès qu’un vrai obstacle se pointe (aussi lourd et brutal soit-il en l’occurrence). Jeri perd pied, remise son assurance dans son dressing que j’imagine vaste et fait n’importe quoi, quitte à se faire rouler comme une débutante par un personnage encore plus secondaire et encore plus mal écrit…
Mais le pire dans tout cela, c’est que ces défauts de caractérisation nuisent grandement au personnage de Jessica. Pour vous la faire courte, je ne suis à l’origine pas un grand fan de Jones, qui m’a relativement insupporté pendant la première saison. Néanmoins, Defenders aura au moins eu le mérite de me la rendre plus appréciable et cette saison 2 de sa propre série a continué sur cette lancée. J’ai en effet trouvé le personnage mieux écrit, plus complet. Sauf que voilà, la construction de Jessica Jones ne se fait pas que par sa caractérisation propre : elle se fait aussi dans le rapport aux autres. Jones est une héroïne qui a besoin d’interlocuteurs ayant du répondant, qui peuvent l’emmener dans un rapport de force constructif ou toxique selon les cas. Alors quand les personnages qu’elle croise sont mal fichus, forcément, ça peine à fonctionner et elle en subit les conséquences. Jones est alors amputée d’une partie de sa personnalité. Dans la première saison notamment, Kilgrave permettait admirablement cela, constituant alors l’un des principaux atouts de ce premier jet. Malheureusement, l’antagoniste principal de cette nouvelle saison ne peut absolument pas y prétendre, malgré l’intérêt de base que ce personnage représente vis-à-vis de Jones par le lien qui les unit. Hélas, ce méchant est naze…
Et il va de soi que l’inégale qualité de la distribution n’aide pas à relever le niveau de protagonistes mal composés. Miriam Shor notamment, dans le rôle de « méchante », manque cruellement de conviction. Son jeu est outrancièrement faux, quitte à virer dans le grotesque parfois. Caricaturale, son interprétation prête plus à rire (jaune) qu’autre chose… Mais malgré ce haut niveau de ridicule, le pire est encore à venir avec Rachael Taylor, qui campe Patsy. Devant le malaise provoqué par ce personnage franchement casse-bonbons, on est en droit de se demander ce qui ne va pas : l’écriture ou l’interprétation ? Malheureusement, ce sont les deux qui posent problème. Déjà que son personnage est bancal, Taylor ne semble pas chercher à en faire quelque chose de correct. Pire encore, toute persuadée qu’elle semble l’être que Patsy/Trish est un chouette rôle, elle se donne à fond, frôlant elle aussi le ridicule (quand elle ne verse pas carrément dedans en fait, ce qui arrive la plupart du temps…).
Parallèlement, Eka Darville, qui interprète Malcolm Ducasse ne s’en sort pas trop mal en ce qui le concerne. Son personnage, malgré encore une fois des arcs secondaires pas toujours très enthousiasmants, évolue de manière un peu plus marquée que les autres et dans une direction qui donnerait presque envie d’attendre la saison 3 de la série. Le comédien tient bien son rôle et lui donne un naturel où la simplicité prime. Pas d’effusions ou de grandes envolées inutiles, Darville fait le job. Tout comme Carrie-Ann Moss d’ailleurs, laquelle sauve les meubles qui peuvent encore l’être pour Hogarth. Et si l’avocate ne sombre pas totalement dans le pathétique (dans le mauvais sens du terme) et l’insignifiance, c’est essentiellement grâce à celle qui l’incarne.
Krysten Ritter enfin s’en sort bien plus honorablement. Plus à l’aise que jamais dans le rôle de Jessica, elle livre une prestation dont le côté un peu convenu assure au moins une cohérence et une justesse bienvenues, surtout au regard de ses collègues. Bien plus prompte à évoluer sur différents tableaux, l’actrice se saisit de son personnage à bras le corps et finit de se l’approprier. Désormais indissociables, on finirait par croire que Ritter et Jones étaient faites pour se rencontrer tant la comédienne semble avoir compris son personnage et comment exploiter ses particularités, notamment en termes de caractère. Ritter est en fait la seule comédienne de cette distribution à me donner le sentiment qu’elle a non seulement compris où aller avec celle qu’elle incarne mais également comment en proposer encore un petit peu plus. Franchement, j’ai été très agréablement surpris.
Mais aussi noir que puisse être le tableau que je dresse ici a posteriori, je dois bien admettre que j’étais beaucoup moins négatif devant ma télé. En réalité, j’ai même passé un assez bon moment malgré les défauts que j’évoque. Car cette saison 2 a aussi sa poignée de qualités et, par exemple, si le scénario n’est pas le plus incroyable qui soit et manque de réaliser son plein potentiel, il repose néanmoins sur une rythmique appréciable bien plus dynamique que dans les treize épisodes précédents. Ici, l’intrigue se relance continuellement et même si ce n’est pas toujours pour aller dans le sens qu’on espérait, cela permet au moins de bien mieux accrocher l’attention du spectateur qu’auparavant. Tout du moins la mienne en tous cas.

Toute l’ambiance un peu standard, sinon clichée parfois, des films et feuilletons de détective est quand même assez agréable.
J’ai également apprécié cette façon de détacher la mise en scène des canons des super-héros pour proposer une approche plus centrée sur le côté « détective privé ». Un peu comme dans la première saison, où cela passait plus pour de la maladresse qu’autre chose, Jessica Jones ne mise pas tout sur le potentiel super-héroïque de sa détective. Nulle mise en scène vraiment marquée n’est faite autour de ses pouvoirs, ce que certains regrettent. En ce qui me concerne, je trouve ce choix intelligent dans le sens où on a déjà bien assez de super-héros et qu’en traiter au moins une d’une autre manière, ça ne fait pas de mal. C’est alors toute l’approche centrée autour de l’activité de détective privée de Jones qui va se faire prépondérante, avec des choix certes classiques mais néanmoins bienvenus dans un genre énormément formaté. A nous les longueurs pensives, les apartés de narration, la poussière et l’obscurité du bureau de Jones… S’ajoute à cela la musique de Sean Callery (Homeland, Designated Survivor…), reprenant à son compte tous les codes du genre. La saison 2 de Jessica Jones ressemble alors beaucoup à ces vieux feuilletons où le saxophone nocturne au coin de la rue le dispute aux ombres menaçantes qui lézardent les murs jusqu’à ce que le crime soit commis ! Et franchement, n’en déplaise à ceux qui ne voient en Jones qu’une nana qui sait sauter super loin et plier des chaises, c’est cool.
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Il serait osé de dire que cette saison 2 fut largement meilleure que la première. Il serait aussi sans doute exagéré d’affirmer que c’était une très bonne saison. Gardons plutôt en tête que ces treize nouveaux épisodes de Jessica Jones avaient pour eux des idées de bases vraiment pas bêtes et un style général intéressant dans le sens où il nous fait (un peu) changer d’air, ce à quoi Luke Cage pouvait déjà prétendre par ailleurs. Malhabile, la saison peine cependant à totalement convaincre en raison de ses trop nombreux défauts, dont cette distribution vraiment pas glorieuse dont Krysten Ritter parvient néanmoins à s’extirper pour ne pas totalement condamner son héroïne. La fin réussit quand même à me rendre curieux quant aux événements de la saison 3, confirmée par Netflix il y a peu. Nous verrons bien…