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Mission: Impossible III, film d’espionnage de J.J. Abrams. Avec Tom Cruise, Philip Seymour Hoffman, Michelle Monaghan, Ving Rhames…
- Ce film est la suite de Mission: Impossible 2 (J. Woo, 2000).
- Il est suivi par Mission: Impossible – Protocole Fantôme (B. Bird, 2011).
Le pitch : Après des années de service actif, Ethan Hunt (T. Cruise) s’est retiré du terrain et n’officie plus dans la Force Mission Impossible que comme formateur de nouveaux agents. Ainsi, il espère pouvoir mener une vie loin du danger et construire un foyer auprès de sa compagne, Julia (M. Monaghan). Mais la retraite tourne court lorsque Ethan est rappelé par sa hiérarchie pour une mission de la plus haute importance : une de ses recrues, Lindsay Farris (K. Russell), a été enlevée alors qu’elle était en mission pour surveiller Owen Davian (P.S. Hoffman), un dangereux trafiquant et marchand d’armes.
La critique : Retour à notre rétrospective Mission: Impossible cette semaine après avoir évoqué le mois dernier les très nombreux égarements du deuxième volet de la licence. Un film catastrophique qui pouvait facilement laisser croire qu’en l’espace de deux opus, la série Mission: Impossible avait connu le pire et le meilleur pour finalement s’éteindre sans gloire. Mais voilà que, six ans plus tard, la franchise renaît de ses fumeuses cendres pour nous offrir un troisième volet qui va très vite s’apparenter à celui du retour en grâce.
Mais avant toute chose, un peu d’histoire comme d’habitude. A l’aube des années 2000, Mission: Impossible a besoin de se refaire un nom. Le passage de John Woo sur M:I2 a laissé des traces et, peu de temps après, la production semble chercher à revenir vers un cinéma plus américain. Dès 2001 et 2002 en fait, de nombreux noms circulent pour un M:I3 d’ores et déjà en projet. Celui de David Fincher tout d’abord, qui préférera aller vers d’autres projets qui conduiront notamment à Zodiac. On lui trouvera alors comme remplaçant Joe Carnahan, lequel quittera le navire pour différends artistiques. Quinze mois après son arrivée sur le projet, Carnahan s’en va en Juillet 2004 et Tom Cruise décide de faire appel à J.J. Abrams.
Le choix est audacieux car en engageant Abrams, Cruise confie sa licence à un homme qui n’a jamais réalisé le moindre film. Reste qu’il jouit à l’époque d’une réputation grandissante. Car s’il fut le scénariste de plusieurs films comme Forever Young avec Mel Gibson notamment ou bien Armageddon de Michael Bay, Abrams est aussi et surtout le créateur de la série Alias, largement appréciée par le public et la critique. Par ailleurs, il est à l’époque à pied d’oeuvre pour sa nouvelle série Lost, laquelle connaîtra le succès qu’on lui connaît. En quelques mots comme en mille, la production semble vouloir faire appel à un esprit jeune pour le troisième volet de Mission: Impossible. Pas dans le sens où cet esprit irait proposer quelque chose qui parlerait à 100 % et uniquement à la jeunesse d’alors (c’était le fond de commerce de M:I2 et on a vu ce que cela a donné) mais dans le sens où Abrams, du haut de sa courte carrière et de son inexpérience en matière de réalisation pour le cinéma pourrait sans doute apporter un œil neuf sur le projet. Et puis surtout, Alias avait déjà prouvé à l’époque que le petit père Abrams savait ce qu’il faisait en matière de fiction d’espionnage avec cette série dont Cruise s’était d’ailleurs régalé en bingewatchant les deux premières saisons.
Et s’il y a eu du mouvement derrière la caméra, il y en a également eu devant avec bien des noms qui se sont succédé sur le projet. Le premier, c’est d’ailleurs celui de Thandie Newton, à qui l’on a proposé de reprendre le rôle de Nyah qu’elle tenait dans Mission: Impossible 2 mais qui l’a décliné pour raisons familiales (heureusement pour nous). A cheval sur les « ères » Carnahan et Abrams, le personnage sera alors modifié pour être proposé à Carrie-Anne Moss, incontournable depuis la trilogie Matrix. Scarlett Johansson se verra quant à elle proposer le rôle de l’agent Farris. Les noms de Kenneth Branagh pour le rôle de méchant et de Ricky Gervais ont également un temps été associés au projet mais tout fut bouleversé par l’arrivée de J.J. Abrams aux commandes. La raison n’était pas que personne ne voulait travailler avec lui mais tout simplement qu’en raison de ses engagements sur les séries Alias et Lost, le réalisateur a obtenu le report de Mission: Impossible 3 d’un an. Moss, Johansson, Gervais et Branagh quittent alors tous le navire pour se tourner vers d’autres projets, plus immédiats. Nous sommes alors en 2004 et il faudra attendre le mois de Juin 2005 pour que le tournage soit réellement lancé, avec la nouvelle distribution qu’on lui connaît, Philip Seymour Hoffman et Simon Pegg en tête.
La tâche qui attend cette nouvelle équipe, et en particulier son réalisateur, est aussi grande que lourde. Avec M:I3, il y a non seulement la nécessité de faire oublier son prédécesseur mais aussi celle d’offrir un film suffisamment séduisant pour récupérer le public perdu avec l’épisode de John Woo sans pour autant ne faire qu’office de gros correcteur de trajectoire. Bref, le film doit : se suffire à lui-même, ne pas oublier qu’il s’inscrit dans une licence (avec ses codes, même si Woo en a fait fi), plaire au public dans son ensemble et se réconcilier avec celui qui fut déçu par M:I2. Rien que ça. Et pour cela, Abrams a fait appel à ses hommes de confiance : Alex Kurtzman et Roberto Orci, avec qui il a développé Alias justement (on y revient toujours). Les deux vont ainsi plancher sur le scénario de M:I3 avec le réalisateur et tâcher de signer à trois mains une histoire qui ramène Mission: Impossible dans sa veine d’origine, celle pré-établie par Brian De Palma, déjà 10 ans plus tôt. Kurtzman et Orci pourraient d’ailleurs avec le recul passer pour des spécialistes du dépoussiérage : Mission: Impossible III, Le Masque de Zorro, Star Trek… Bien des licences demandant un coup de jeune sont passées entre leurs mains, avec succès souvent.

Alex Kurtzman (gauche) et Roberto Orci (droite) avaient pour mission (ha ha) de ramener Mission: Impossible à ses fondamentaux.
Et voilà qu’après les égarement du deuxième volet, nous retrouvons enfin Mission: Impossible. Le trio Abrams-Kurtzman-Orci semble avec le recul n’avoir eu qu’une idée en tête : revenir aux bases. Ainsi, là où John Woo misait tout sur l’action non-stop, c’est ici l’espionnage qui reprend de la hauteur. Tout est fait dans Mission: Impossible III pour inscrire cet opus dans la lignée qui est la sienne, celle initiée par le premier film et, bien plus longtemps avant, par la série originale. Le travail mené sur ce troisième volet a donc pour beaucoup porté sur la remise en avant des différents codes qui ont forgé l’identité de M:I depuis les années 1960 : gadgets, briefings et coulisses des missions, esprit d’équipe… Il semblerait presque que rien ne manque à l’appel pour faire de ce film un digne héritier de la série dont il porte le nom. Malgré cela, il n’en demeure pas moins que M:I3 n’arrive pas à éviter quelques menus écueils. Ainsi, lorsque je parle d’esprit d’équipe, il convient de nuancer. Car s’il est vrai que le scénario tourne beaucoup plus autour d’une équipe dirigée par Hunt qu’autour de ce seul dernier, la chose n’est pas abordée de la même manière qu’autrefois. En fait, j’irais même jusqu’à parler de petites maladresses dans la façon de ramener ce marqueur fort de l’identité de Mission: Impossible sur le devant de la scène. Et là où, fut un temps, la notion d’équipe revêtait une importance toute particulière en raison des différents talents des agents qui la composaient, celle que l’on nous donne à voir dans ce film-ci ne développe pas assez cet aspect. Pour faire simple, une fois que l’on sort du tandem Hunt-Luther, dont on a bien compris désormais qu’il était voué à devenir incontournable (sinon essentiel), les autres membres de l’équipe ne servent, hélas, pas à grand-chose, si ce n’est à apporter un appui ponctuel qui ne requiert pas d’aptitudes si particulières que ça. Honnêtement, Declan Gormley (Jonathan Rhys-Meyers) et Zhen Lei (Maggie Q) sont somme toute d’une banalité certaine. Pire, l’agent Lei n’a que très peu d’occasions de briller (a contrario de Gormley avec sa fameuse séquence de pilotage en hélicoptère au début du film), si ce n’est en jouant tout simplement un rôle de femme dont l’aura de séduction et de charme permettra d’approcher l’ennemi au moment opportun. Mais je sais que j’exagère un peu et chacun des agents de l’équipe saura se rendre utile à un moment ou un autre. Tout ce que je regrette, c’est que l’on perde un peu de ce côté « petit génie » qui a pu caractériser les personnages de la série originelle ou même du premier film.
Reste que si la réutilisation des différents codes forts de la licence se fait avec quelques maladresses, on ne peut qu’y prendre plaisir et les petites « erreurs » ainsi repérées (qui ne seront des erreurs que d’un point de vue très subjectif je pense) n’entachent pas réellement le tableau de ce retour aux sources au demeurant très agréable à regarder. C’est d’autant plus pardonnable d’ailleurs qu’en passant après M:I2, ces légers points d’accroche ne font finalement office que de détails bien insignifiants en comparaison des énormes boulettes du film de John Woo. Le rapport que M:I3 entretient avec son prédécesseur est d’ailleurs intéressant. Grosso modo, c’est un peu comme si Mission: Impossible III faisait comme si le 2 n’avait jamais existé. Le processus d’élusion passant notamment par un certain nombre de références au premier film tandis que les événements du suivant sont intégralement passés sous silence. C’est ainsi qu’entre autres, là où Luther évoquera l’intrusion à la CIA et où Hunt nous refera le coup du rappel par-dessus le mur du Vatican cette fois-ci, nulle mention n’est faite de Nyah, de la Chimère ou de quoi que ce soit ayant trait à Mission: Impossible 2. J’en viendrais même à me demander en écrivant ce titre si le fait de passer de chiffres arabes à des chiffres romains pour l’épisode 3 n’est pas un autre moyen pour couper tous les ponts, aussi insignifiants puissent-ils être.

La question n’est pas de renier l’action voulue par Woo mais d’y apporter la juste mesure nécessaire.
Retour aux sources donc, y compris par omission volontaire du prédécesseur direct, mais aussi modernisation. Car si Mission: Impossible III ne manque pas de raccrocher les wagons pleins de l’héritage des formats passés, il n’oublie cependant pas de s’inscrire dans une démarche de recherche d’un autre cinéma, d’une nouvelle approche du genre espionnage. Nous sommes en effet alors à la fin de la première moitié des années 2000 et la question se pose sans doute dans les têtes de la production et d’Abrams de savoir si l’on peut toujours faire un film d’espionnage/action comme on les faisait autrefois (et comme De Palma en avait sublimé la forme). Si l’on regarde du côté du concurrent direct qu’est 007, la situation est d’ailleurs similaire : après le raté Meurs un Autre Jour de Lee Tamahori, la licence James Bond s’est cherché un nouveau souffle avec Casino Royale, sorti la même année que M:I3. Un retour en grâce qui prit la forme opportune d’un reboot que M:I, trop jeune, ne pouvait sans doute pas encore se permettre. Mais le fait est qu’il y a eu un virage qui a conduit à mettre un terme à cette débauche d’action pour revenir à des fondamentaux sans pour autant oublier le grand spectacle. Cet aspect me donne d’ailleurs l’occasion d’évoquer l’idée que la licence Mission: Impossible dans son ensemble, avec le recul, semble souvent se faire l’écho, voire même l’avant-garde en quelque sorte des évolutions dans le genre action hollywoodien. Le premier Mission: Impossible s’inscrivait ainsi dans cette mouvance de thrillers léchés que l’on a connue dans la deuxième moitié des années 1990 tandis que le deuxième répondait parfaitement à la mode des films d’action décomplexés. Mais à mon sens, M:I3 en particulier a laissé une très forte empreinte dans le paysage cinématographique en provoquant de nombreuses émules qui s’en inspirent plus ou moins ouvertement, même encore aujourd’hui.
Mais, cette petite digression terminée, ce qui va marquer M:I3 c’est clairement cela : le grand spectacle. Ainsi, sans s’approcher du n’importe quoi outrancier de M:I2, il apparaît clairement que la dose d’action est ici bien plus grande que dans le premier opus, le tout dans un style qui, à l’époque, devient un standard à Hollywood et que M:I3 (comme Casino Royale donc) semble accompagner. La fuite en hélicoptère au début du film, le saut du haut d’une tour à Shangaï suivi de la course-poursuite en voiture, l’attaque sur le pont… Contrairement à ce qui fut une des idées fondatrices de la série et du film originel, J.J. Abrams ne lésine pas sur les moments intenses, ponctuant ainsi son film de points forts où la subtilité de l’espionnage et du thriller laisse place à une action certes débordante mais faisant néanmoins preuve d’une mesure respectable. La fibre originelle n’est ainsi jamais oubliée et en parallèle de ces instants à spectacle, Mission: Impossible III offre quelques bons moments d’espionnage comme l’enlèvement d’Owen Davian, qui demeure un des meilleurs instants de ce film. Cette fibre, on la retrouve également dans l’ambiance de thriller qui se dégage régulièrement du film, laquelle fleure le Alias à des kilomètres. Quelque part entre soupçon constant, complotisme et trahisons, M:I3 modernise également le genre espionnage par cette vision un peu plus moderne des choses, où il n’y a plus ni bons ni méchants, uniquement des gens recherchant leur intérêt propre.

Toute la subtilité de M:I3 c’est d’arriver à jongler entre deux styles qui s’associent finalement très bien.
Cette modernisation, ou plutôt cette recherche d’équilibre entre action et thriller/espionnage, ne se fait cependant pas sans quelques heurts. Car si elle explique du coup cette mise en scène très dynamique et franchement homogène dans l’ensemble (Abrams réussi à proposer un style dans lequel les deux genres sus-cités arrivent à coexister sans souci), elle entraîne également un côté un peu illisible, comme lors de la fuite à Shangaï que j’évoquais tout à l’heure. Et si cela reste propre de manière générale, on aura ainsi quelques instants où la shaky cam (qui prend son envol à l’époque) en fait trop, empêche tout bonnement de distinguer une partie de l’action et laisse finalement attendre que la séquence soit terminée. Autre petit défaut de J.J. Abrams, c’est cette façon de se montrer parfois un peu cliché (cf. le massage cardiaque final). Mais c’est bien un peu son style finalement, que cela nous plaise ou non, tout dramatique qu’il peut se montrer dans bon nombre de ses réalisations. Abrams n’a pas peur d’en rajouter un peu dans l’émotion ou le pathos, ajoutant ainsi à des séquences qui peuvent déjà se montrer chargées une espèce de couche supplémentaire pour accentuer toujours plus que « c’est là, c’est le moment où il faut être triste ». A côté de cela, le réalisateur sait également faire preuve d’idées intéressantes tout de même, certaines venant prendre parfois le spectateur à contre-pied. C’est le cas notamment à Shangaï encore, où l’on voit absolument tout sauf Hunt accomplissant sa mission d’infiltration pour récupérer la fameuse « patte de la lapin ». Après l’ego trip centré sur le héros dans M:I2, Abrams vient tout bonnement désamorcer cette vision des choses en désacralisant l’espion et sa mission. Pas pour en réduire l’importance mais certainement pour appuyer encore une fois que Hunt, aussi important soit-il en sa qualité de héros, n’est pas un demi-dieu comme Hollywood pouvait nous en vendre au début des années 2000. Il fait son boulot, point.
Son boulot d’ailleurs, Hunt le voit particulièrement bien mis en lumière ici. Ou plutôt devrais-je dire que J.J. Abrams a su le mettre en scène d’une manière plus que correcte grâce à un scénario solide. C’est lui d’ailleurs qui viendra, la plupart du temps, apporter le poids suffisant à l’esprit « film d’espionnage » pour équilibrer une balance dont le deuxième plateau est donc lesté par une mise en scène propice à l’action. Ce scénario, surtout, est porté par un méchant au top, certainement le meilleure de toute la saga. Et s’il brille par sa seule écriture et par l’incarnation qu’en fait Philip Seymour Hoffman (j’y reviendrai), il a aussi pour lui d’emmener M:I dans une autre dimension, là aussi plus moderne.
Cela se base sur ce que j’évoquais succinctement tout à l’heure mais on dépasse ici les « banals » affrontements géopolitiques ou contre de « simples » trafiquants d’armes ou d’ignobles bad guys qui vendent des listes de noms d’agents secrets comme c’était le cas dans le premier Mission: Impossible. M:I3 va au-delà de cela et nous parle, baigné de l’atmosphère chargée post-11 Septembre, de terrorisme, de toute la finance et de tout l’enrichissement que cela implique pour certains. Mission: Impossible 3 dépasse les conflits traditionnels impliquant des acteurs identifiés clairement (Etats, organismes, groupuscules clairs) pour proposer une intrigue où le flou règne, où le prochain coup bas pourrait bien venir de n’importe où, nul n’étant plus sûr ou réellement digne de confiance. Mieux encore, ce troisième volet amène à évoquer les conflits d’intérêts et les arrangements (contraints ou non) qui peuvent se nouer dans l’ombre, où rien n’est tout noir ou tout blanc. Cette évolution, qui rappelle d’ailleurs celle connue par 007 avec Casino Royale, est à l’époque dans l’air du temps si l’on peut dire. Blessée au plus profond d’elle par les événements de 2001, l’Amérique en est, cinq ans plus tard, au moment de l’interrogation. Pire, elle en est à celle du soupçon et de la défiance vis-à-vis du système qui n’a pas su la préserver de l’attaque sur le World Trade Center. Cette défiance, ce doute grandissant vis-à-vis des institutions, tout ceci transpire régulièrement dans Mission: Impossible III et Owen Davian s’en fait l’écho idéal.
Pour en revenir maintenant à des préoccupations d’ordre strictement cinématographiques, il convient également de souligner le fait que ce M:I3 est assez racé, ou plutôt référencé, non seulement au regard du genre espionnage seul mais aussi en évoquant par instants d’autres films, d’autres genres. Par son ambiance notamment, Abrams fouille plus profondément dans le genre thriller et films à suspense (aussi bâtardes et floues que puissent être ces dénominations), en allant notamment puiser son cinéma dans l’œuvre d’Alfred Hitchcock. Cela passe par une ambiance générale mais aussi des procédés et des choses peut-être plus fugaces. Quitte à spoiler peut-être un peu, je pense notamment à la scène de l’hôpital où Ethan, en cherchant sa femme Julia, croise (physiquement et du regard) l’homme qui est en train de la kidnapper au moment-même ! C’est une chose à laquelle Hitchcock nous a habitués dans ses films et que nombre de cinéastes ont repris depuis. Ici, la mise en scène faite atour d’un rapide plan séquence, donnant une impression d’urgence et de précipitation, renforce encore la référence. Mais c’est aussi sans doute à La Mort aux Trousses que Mission: Impossible III me fait penser, notamment dans l’atmosphère qui s’en dégage et cet aspect de fuite constante qu’on observe dans le film : fuite des personnages (qu’ils soient bons ou méchants), fuite en avant des événements, etc… Chaque instant de M:I3 renforce la fuite générale qui s’y organise, laquelle joue également sur un rapport de chasseur/proie qui s’inverse volontiers à plusieurs reprises dans le scénario.
Ne reste plus, enfin, qu’à évoquer la distribution de ce Mission: Impossile III et quel plaisir est le mien de pouvoir dire qu’elle est de très bonne facture. Et quel plaisir encore plus grand de pouvoir dire que Tom Cruise semble revenu dans le droit chemin après ses propres errances de Mission: Impossible 2. Loin de son espèce de n’importe quoi foutraque, Cruise renoue avec le Ethan Hunt des origines, celui qui m’avait immédiatement séduit dans le Mission: Impossible de De Palma.
C’est à un excellent personnage que j’ai affaire ici, incarné par un acteur qui semble bien décidé à rappeler qu’il n’est pas aussi mauvais que le film de John Woo l’avait laissé croire. Il faut dire aussi que l’écriture de Hunt dans ce M:I3 est bien plus propice à un bon travail en tant qu’interprète. Cela rejoint d’ailleurs ce que je soulignais plus haut en disant que Arbams désacralisait un peu le personnage et sa fonction : Hunt fait son boulot, certes, mais Hunt est surtout humain. Ethan est d’ailleurs à mon sens bien plus important dans ce film que l’agent Hunt, si vous voyez ce que je veux dire. C’est à l’homme que l’on s’intéresse, celui qui a décidé de raccrocher après bien des aventures pour se contenter de former de nouvelles recrues tout en cherchant à s’installer dans le confort de la vie de famille. Ce thème là, celui du personnage qui cherche seulement à vivre sa vie tranquille après bien des bouleversements, il est essentiel dans l’œuvre d’Abrams, qui l’aborde en gros dans chacun de ses projets (qu’il en soit le réalisateur ou non). Et cette part d’humanité que le réalisateur/scénariste cherche à mettre en exergue, Cruise la saisit à pleine main et profite intelligemment de l’occasion qui lui est donnée de mêler ses différentes palettes d’acting, à l’image de ce qu’il livrait comme performance sous la supervision de Brian De Palma dix ans plus tôt.
Mais si Tom Cruise séduit de nouveau, c’est clairement Philip Seymour Hoffman qui marquera le plus les mémoires dans Mission: Impossible III. Incarnant Owen Davian, Hoffman s’offre le luxe de devenir un des acteurs les plus emblématiques de la saga, lui dont la carrière reposait jusqu’alors sur énormément de seconds rôles de qualité jusqu’à exploser dans Truman Capote en 2005. Servi par un personnage très bien composé, retors et pervers, l’acteur livre une performance marquante dont l’aura plane sur l’intégralité de la saga M:I et dans l’ombre de laquelle tous les autres antagonistes se trouveront toujours comparés. Avec le départ de Kenneth Branagh du projet initial, M:I3 n’a clairement pas perdu au change et Hoffman impose tout son charisme dans ce film dont il volerait presque la vedette au héros.
A côté de ces deux têtes d’affiche, on notera évidemment une variété de seconds rôles dont certains sont franchement anecdotiques tant en raison des personnages concernés que des acteurs et actrices choisi(e)s. C’est hélas le cas de Jonathan Rhys Meyers et de Maggie Q, dont les personnages pourtant destinés à jouer un rôle important dans le déroulement de l’intrigue souffrent hélas d’une place relativement faible, à l’image des performances de leurs interprètes respectifs. L’équilibre est heureusement trouvé grâce aux prestations de Lawrence Fishburne et Billy Crudup mais aussi et surtout de Ving Rhames et Simon Pegg. Ce dernier s’offre en effet une première entrée dans la licence M:I franchement réussie malgré le très faible temps de présence de son personnage, tandis que Rhames semble avoir effectué sa mue, tout comme son personnage de Luther qui est devenu celui que l’on retrouvera dans tous les épisodes suivants.
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J.J. Abrams aura donc réussi son tour de force : premier film réalisé, qui plus est une grosse production, et en plus il arrive à faire oublier son prédécesseur et à ramener la licence dans le bon sens. Ce sens, c’est celui d’une superproduction léchée, mêlant avec talent les différents genres qui forgent son identité tout en arrivant à remanier la formule sans la dénaturer pour autant. Mission: Impossible III s’impose alors comme l’épisode de la renaissance, avec un impact suffisamment fort pour redéfinir l’alpha et l’oméga de la licence, comme on le verra avec les films suivants, tous construits dans la poursuite du travail entamé ici.
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