La science fiction a toujours été un terrain de prédilection pour les productions télévisuelles. Qu’il s’agisse d’aventures spatiales, de dystopies, d’uchronies, d’anticipation ou de quoi que ce soit d’autre, la SF s’est imposée sur le petit écran en même temps que ce dernier s’est démocratisé dans les foyers. Un champ tellement labouré par un nombre conséquent de production qu’on pourrait presque croire qu’il n’a plus rien à offrir ou presque. Fort heureusement, les plus récents formats sont là pour nous prouver le contraire et Final Space en fait partie.
A l’origine, Final Space est une série créée par Olan Rogers pour TBS. Si le lancement de la série n’eut lieu qu’en 2018 sur les chaînes sus-citées puis sur Netflix pour l’international, le projet remonte pourtant aux alentours de 2013. A l’époque en effet, le créateur avait déjà mis sur pied un pilote de la série mais n’était principalement connu que pour les vidéos auxquelles qu’il postait sur YouTube en tant que membre de BalloonShop. Au sein de ce trio qu’il formait avec deux anciens camarades de lycée et d’université, Rogers participait à la mise en scène et l’interprétation de sketches et autres court-métrages humoristiques, tout cela avant de se consacrer à sa chaîne personnelle.
Peu avant la moitié des années 2010 donc, Rogers diffuse sur sa page YouTube ce qui s’avère être le premier épisode d’une websérie censée en compter 10 et intitulée Gary Space. Le pitch de base, sur lequel je reviendrai un peu après, était déjà en place et la chose semblait bien partie mais le projet fut mis en pause après seulement trois épisodes. Il faudra finalement attendre 2015 pour Gary Space fasse de nouveau parler d’elle : Olan Rogers annonce alors que la série va repartir de zéro et, mieux encore, va être pitchée auprès de Cartoon Network. Début 2016, Gary Space devient Final Space et le premier épisode est mis en ligne, de nouveau sur la page YouTube de Rogers. Une nouvelle diffusion qui attirera l’attention de pas mal de personnes, au milieu desquelles un certain Conan O’Brien, célèbre animateur de late show, qui invita alors Rogers à venir présenter son projet à TBS.
Histoire de bien préparer tout cela, O’Brien mis sa compagnie de production, Conaco, sur le coup. L’animateur devint producteur exécutif de Final Space et attira également dans l’aventure David Sacks, principalement connu pour avoir été le scénariste, dans la deuxième moitié des 90s, de la série Troisième Planète Après le Soleil. Une fois le plan de présentation bien mis sur pied, Final Space fut non seulement proposée à TBS mais également à Comedy Central, FX, Fox, Fullscreen et YouTube. Finalement, TBS remporta le marché mais la victoire ne fut finalement que de courte durée puisque la chaîne ne diffusa que la première saison de Final Space, la série passant dès sa saison 2 sur la case Adult Swim de Cartoon Network. Une case qui, comme son nom l’indique grosso modo, cible un public plus âgé que les autres productions de la chaîne, connue chez nous principalement pour des œuvres comme Les Super Nanas, Le Laboratoire de Dexter ou encore – plus récemment – Teen Titans Go ou Adventure Time. Cependant, TBS conserve des droits de diffusion, avec une semaine de décalage. En France enfin, la série est d’abord diffusée sur Warner TV puis sur Adult Swim. Fort heureusement, Netflix propose également la série dans son catalogue, le service ayant remporté le contrat de diffusion de cette dernière à l’international comme je le disais plus haut.

Les personnages de Final Space dans le pilote de 2016. Les idées sont là, le style définitif, pas encore tout à fait…
Enfin bref, c’est bien beau tout cela mais de quoi ça parle Final Space ? En gros, la série démarre avec Gary Goodspeed, un exubérant astronaute qui purge les quelques derniers jours de sa peine de cinq ans de prison sur le vaisseau Galaxy One. A bord, Gary n’a pour seuls compagnons que HUE, l’intelligence artificielle qui gère le bâtiment, et KVN, un robot compagnon anti-démence qui s’avère finalement surtout être aussi bruyant qu’insupportable.
L’histoire narrée au cours des deux saisons débute donc dans ce contexte et démarre réellement lorsque Gary rencontre un petit alien tout vert dont le côté mignon n’a d’égale que sa capacité à détruire des planètes entières. Véritable Etoile de la Mort vivante et de poche, le petit extraterrestre bien vite baptisé Mooncake va devenir l’un des enjeux capitaux de la série. Car l’infâme Lord Commander compte bien capturer Mooncake et exploiter sa puissance pour ouvrir l’espace fini (le final space du titre donc) et en extraire les Titans, monstres venus d’une autre dimension. Embarqué assez malgré lui dans cette aventure et porté par un esprit chevaleresque dont les origines sont progressivement explicitées au fur et à mesure des épisodes, Gary fera la rencontre au cours de ce périple de nombreux personnages tels qu’Avocato, Little Cato ou encore Quinn.
Je reste volontairement évasif quant au synopsis de la série car je ne voudrais surtout pas briser votre curiosité en en révélant trop. L’essentiel à retenir c’est que Final Space va très rapidement prendre les atours d’une aventure spatiale digne des meilleurs space operas, l’humour en plus. Véritable marque de fabrique de cette production, le mélange entre épopée spatiale et humour loufoque clairement estampillé du sceau de Cartoon Network forme une alchimie détonante qui fait de la série une bien jolie réussite. Il serait bien dommage de réduire Final Space à une simple et banale série animée comique de plus. Tout au contraire, elle offre une aventure palpitante et prenante, tenant en haleine sans discontinuer du premier au dernier épisode de chacune des deux saisons.

La série offre de nombreuses séquences hilarantes appelées à devenir cultes, telles que cette incroyable battle de danse de la saison 2 !
On ne pourra d’ailleurs que saluer le talent avec lequel la saison 2 relance la chose, rebondissant avec habileté sur la fin de la précédente. Les 13 nouveaux épisodes (contre 10 dans la première saison) voient alors l’affaire redémarrer en trombe et livrer non pas une nouvelle aventure mais une continuité de la première qui se montre particulièrement réjouissante à suivre. Ce plaisir à voir la série progresser dans son récit repose en grande partie sur une science du rebondissement et du cliffhanger tout à fait louable. Ces mécaniques-là sont classiques et même essentielles pour tout récit qui se veut apte à capter l’attention sur le long terme, certes, mais Final Space réussit à les employer avec un talent certain et renouvelle ainsi en chaque occasion l’intérêt de son public sans donner le sentiment de jouer sur une quelconque surenchère maladroite.
La série s’enrichit donc sans cesse de cet esprit d’aventure exaltant qui, soyons francs, m’épate vraiment. J’avais commencé Final Space en m’attendant à un truc un peu gentillet mais pas forcément exceptionnel et je me suis finalement retrouvé avec une bien belle perle en matière d’écriture. Olan Rogers et David Sacks (principaux scénaristes mais il faudrait ajouter pas loin d’une douzaine de noms à la listes) ont su avec brio livrer une superbe fresque et je vais être honnête avec vous : je prends le même plaisir devant les péripéties de cette série que devant celles d’un Star Wars par exemple. C’est dense, riche, composé sur un rythme haletant, comment ne pas être séduit ?
Mais les qualités d’écriture de Final Space ne se cantonnent absolument pas qu’à sa maîtrise du sens de l’aventure, oh non. Chaque épisode se plaira d’une manière ou d’une autre à nous le rappeler mais cette série jouit également de beaux instants en matière d’humour et d’émotion. Un constat que l’on doit d’une part à l’habileté avec laquelle les situations comiques sont amenées et à un sens de l’humour irréprochable – lequel amène en particulier à des répliques particulièrement affûtées – et d’autre part à un excellent travail mené sur la caractérisation des personnages et l’évolution de leurs relations. Qu’il s’agisse d’amitié, d’amour ou d’inimité, il convient de saluer tout le boulot abattu sur ces questions. Les plongées dans le passé de Gary ou le traitement (multiple) de la relation père-fils sont autant d’éléments qui viennent enrichir avec pertinence l’ensemble du récit, amenant ce dernier à prendre parfois des tournures inattendues mais néanmoins intelligentes et pertinentes. Là encore, c’est la science du rebondissement que j’évoquais plus haut qui parle à travers cela.

La relation qui se noue entre Gary et Quinn est bien moins clichée qu’on pourrait le croire. Surtout vu la tournure des événements à l’approche de la fin de la première saison !
Les qualités d’écriture de la série se retrouvent donc à travers ces différents aspects, de son humour irréprochable à la caractérisation fine de ses personnages, mais également dans l’incroyable richesse, la rigueur exemplaire et le sérieux de son univers. Final Space n’est pas à voir, comme je le disais plus haut, que comme une banale série comique de plus. Loin de là, ses créateurs ont autant cherché à faire rire qu’à proposer à leur public un lore vaste et précis dans lequel les spectateurs et spectatrices ne peuvent que vouloir plonger. Cette richesse, je ne vais pas vous mentir, elle m’a grandement surpris au début de mon visionnage, sûrement parce que – justement – je ne m’attendais pas à grand-chose de ce point de vue-là. Grand bien m’en fut fait finalement car quel plaisir alors de voir Final Space autant se démener pour offrir toute sa mythologie.

Si l’ambiance générale est à la rigolade, la série n’oublie jamais de revenir à ses fondamentaux en se parant régulièrement d’une toute autre atmosphère, bien plus délétère.
Bien entendu, quiconque aime un tantinet la science-fiction de manière générale ne pourra que déceler dans ce vaste ensemble les traces des très (très) nombreuses influences qui ont plané au-dessus de la série. De Star Wars à Star Trek en passant par Stargate ou Battlestar Galactica, nombreuses sont les œuvres qui ont clairement influencé la création de cet univers-ci. Ces références s’expriment régulièrement dans les épisodes, autant par des réappropriations de certains passages cultes de ces œuvres, lesquelles sont impossibles à éviter tant elles sont grosses ; que par des clins d’œil beaucoup plus subtils, parfois inclus dans un deuxième niveau de lecture que le premier visionnage ne sera peut-être pas suffisant pour le capter le moment venu. Mais il ne faut surtout pas croire que Final Space ne repose que sur de la citation ! Tout au contraire, si elle se nourrit de ces prestigieuses influences, il faut plutôt percevoir leur réutilisation ici comme un hommage. Au final, cette série semble vouloir clairement dire qu’elle sait d’où elle vient, de quel long héritage d’œuvres SF cultes elle découle et le plus beau résultat que cela puisse donner est bien là : forte de ces prédispositions et de cet amour pour le genre, Final Space jouit finalement de sa propre merveilleuse mythologie, elle-même riche d’une cohérence blindée à chaque épisode. Quiconque se lance dans cette série se prépare à s’aventurer dans une oeuvre qui a su se forger un contexte en béton, dense et prenant qui arrive par ailleurs avec beaucoup d’intelligence à ne pas laisser une partie du public sur le côté malgré de nombreux postulats de base qu’il faudra vite assimiler et l’ajout constant de nouvelles informations qui complètent toujours plus le codex de la série.

Les titans, et notamment Invictus, donnent à la série son principal enjeu mais aussi et surtout la base de toute sa mythologie, laquelle se tisse tout au long des épisodes.
Pour servir tout cela en tous cas, il était évidemment essentiel de réunir une distribution qui tienne la route. Estimant sans doute en la matière qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Olan Rogers double lui-même pas moins de sept personnages (plus quelques voix additionnelles) dont le héros Gary Goodspeed, auquel il donne un ton très marqué, reconnaissable immédiatement.
Cela étant, ce n’est pas en VO que j’ai regardé Final Space (au grand dam des puristes, même si j’ai quand même jeté une oreille attentive pour les besoins de cet article) mais bien en VF et il faut bien admettre que cette dernière n’a strictement rien à lui envier. Gary est ici doublé par Baptiste Lecaplain, connu chez nous principalement pour ses spectacles ou pour ses participations régulières à des programmes comme Bref et Hero Corp. Autant être franc avec vous : il est parfait. Pour ne pas dire génial. Reprenant les idées qu’Olan Rogers avait lui-même distillées dans sa façon de doubler le personnage, Lecaplain y ajoute son timbre si particulier et un phrasé que les amateurs de ses sketches connaissent bien. Gary s’en retrouve toujours plus drôle et le doublage assuré par le comédie s’en trouve vite devenir une véritable gageure pour la VF mais aussi pour la série dans son ensemble.
Côté VO de nouveau, Rogers s’est entouré de pas mal de monde. Fred Armisen, habitué du Saturday Night Live, double ainsi notamment KVN (et ses différentes itérations) ; Tika Sumpter, que vous avez récemment pu voir dans Sonic Le Film ou dans la série Gossip Girl, se charge notamment de prêter sa voix à Quinn ; tandis que Tom Kenny (voix de Bob l’Eponge notamment) et David Tennant (qu’on ne présente plus) se chargent de doubler respectivement HUE et le Lord Commander, entre autres personnages. Rapidement, on pourra également citer comme présents au casting Conan O’Brien (tiens donc), Ron Perlman, John DiMaggio, Jane Lynch, Alan Tudyk, etc…
En VF, l’affaire est sur le papier moins entendue. En effet, alors que nous pouvions lors de la première saison profiter des vois d’Emmanuel Garijo, Victoria Grosbois ou encore Gilles Laurent (respectivement KVN, Quinn et HUE), tous trois sont remplacés dès la saison 2. Une revirement dû au passage de la série de Warner TV à Adult Swim en France, changement de chaîne qui s’est hélas accompagné d’une baisse de budget ne permettant plus de garder ces trois comédiens. Fort heureusement, le bouleversement n’a pas été trop grand et l’on peut même dire qu’il passe finalement inaperçu. En effet, les nouvelles voix sélectionnées (Alexis Flamant, Cécile Florin et Simon Duprez, rôle pour rôle) l’ont été judicieusement. Tous trois réussissent à idéalement coller à ce qui avait été fait sur leurs personnages nouvellement attribués lors de la saison 1 et je dois bien admettre que je n’ai pas tout de suite noté la différence en attaquant la suivante. Ceci étant dit, on ne peut que se réjouir de la qualité de la distribution vocale de Final Space, tant en VO qu’en VF, et dans les deux cas, la distribution de comédiens et de comédiennes qui assurent le doublage ne peut être considérée que comme l’un des grands atouts qui font de cette production une réussite.
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Je ne peux donc que vous recommander Final Space. Loin d’être une banale série d’animation de plus, cette production brille sous bien des aspects. De leur palette de personnages à sa distribution en passant par la richesse de leur univers, la finesse de leur récit et l’excellence de leur humour décapant, ces deux premières saisons sont de véritables réussites, excellentes surprises qu’on n’a pas vues arriver. Vraiment, il faut que vous regardiez cette série, elle vaut cent fois le détour !
Qu’est-ce que j’adore Final Space ! Et clairement Baptiste Lecaplain me fait kiffer !
Ha ha oui il est génial dans la peau de Gary, fou rire sur fou rire !
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