« DuckTales », saisons 1 et 2 : Le reboot qui en bouche un coin

Avec l’arrivée de son propre service de streaming, Disney a récemment mis à disposition du public non seulement l’intégralité de son catalogue de films (d’animation ou non) mais aussi un certain nombre de programmes et autres séries qui étaient jusqu’alors réservés aux quelques valeureux qui avaient accès à ses chaînes Disney Channel ou Disney XD. Deux antennes desquelles nous arrivent ainsi bien des propositions qui viennent s’ajouter aux vieilles séries animées que nous regardions lorsque nous étions enfants (si comme moi vous êtes nés sous Mitterrand). Et parmi elles, il y a bien une série qui a attiré mon attention plus que les autres : DuckTales.

Je ne parle cependant pas ici de la série connue chez nous sous le titre La Bande à Picsou. Diffusée en premier lieu tout au long de l’année 1988 dans l’émission Disney Channel (rien à voir avec la chaîne du même nom) sur FR3 puis de 1989 à 1997 sur TF1, la série originelle avait été un immense succès auprès du public, donnant même lieu à la sortie d’un film, Le Trésor de la Lampe Perdue. Mais n’allez pas croire que cette longévité sur nos écrans français était synonyme d’un nombre de saisons tout aussi grand : bien au contraire, La Bande à Picsou n’en aura connues que trois. Produite entre 1987 et 1990, la série ne compte en réalité qu’une centaine d’épisodes « seulement ». Mais son impact n’en est pas moins grand. Aujourd’hui encore, nombre de ses anciens spectateurs et spectatrices la considèrent comme culte et il faut également penser aux multiples autres séries pour lesquelles elle aura servi d’impulsion : Myster MaskCouacs en VracTic et Tac – Rangers du RisqueLa Bande à Dingo… Sans DuckTales, il n’y aurait pas eu tout cela !

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Cet aparté fait, revenons en à ce qui nous intéresse. Comme je le disais, ce n’est pas de cette série-là que je vais vous parler mais de sa nouvelle version. Cédant à l’air du temps, Disney a prouvé depuis longtemps que le recyclage de ses propres œuvres n’était en aucun cas un souci de son point de vue et La Bande à Picsou n’y a pas échappé.
L’aura entourant la série aura sans doute joué un rôle certain dans le choix de rebooter celle-ci et non une des autres que j’ai pu mentionner juste avant. Au Comic Con de San Diego 2017, Matt Youngberg et Francisco Angones – les créateurs de ce reboot – sont d’ailleurs les premiers à admettre qu’ils ont grandi avec La Bande à Picsou originelle. Diffusée dès 2017 sur Disney XD dans un premier temps, elle finit par arriver sur Disney+ dans le catalogue de lancement de l’application en 2019. A l’heure actuelle, deux saisons sont disponibles sur le service de streaming tandis qu’une troisième est actuellement diffusée sur la chaîne XD. Aussi, me contentant de découvrir la série via Disney+, il ne sera ici question que des saisons 1 et 2 de cette dernière.

Comme pour Super Smash Bros. Ultimate : ils sont tous là !

A quoi s’attendre en entamant cette version 2017 de la série ? La question se pose à plus d’un titre. Les vieux et vieilles fans s’interrogeront toujours quant à la pertinence d’exhumer ainsi leur série chérie, depuis longtemps arrêtée. Mais évidemment, il y aura toujours la curiosité d’aller voir de quoi il en retourne et le risque est grand alors ! Il l’est d’une part pour ceux-là qui tentent le coup malgré la possible déception à la fin du visionnage. Il l’est aussi pour Disney qui a tout intérêt à s’attirer les louanges de ces anciens enfants qui ont connu La Bande à Picsou dans leur prime jeunesse et qui seront aujourd’hui d’excellents relais pour faire connaître et vendre le reboot s’il est à leur goût. Il s’agit donc de ne pas se rater !
Et autant le dire : les écueils sont globalement tous évités ! Disney a su proposer avec ce nouveau DuckTales une version plus actuelle de la série (nous y reviendrons) mais qui tâche de reprendre à son compte tout ce qui a fait le charme et le succès de sa prédécesseuse. Ainsi en va-t-il du souffle aventurier qui parcours sans cesse la série, entraînant les personnages dans bien des péripéties et autres traquenards. La galerie de personnages installée avec la version de la fin des années 1980 est également de retour et si cela va sans dire pour les iconiques Picsou, Donald, Riri, Fifi et Loulou, il convient également de mentionner le retour des protagonistes créés spécialement pour La Bande à Picsou : Zaza, Mamie Baba, Flagada Jones, Gérard Mentor/Robotik ou encore Ma Rapetou sont également de la partie. Les Rapetou justement sont aussi traités de la même manière que dans la série originelle. Là où les bandes dessinées des débuts mettaient en scène cette bande avec des allures similaires et seuls des numéros pour les différencier, La Bande à Picsou avait cherché à leur accorder des noms et des personnalités propres que l’on retrouve dans cette version 2017 avec par exemple La Science Rapetou ou La Gonflette Rapetou. Evidemment, tout cela a un intérêt : rendre les personnages plus distincts les uns des autres et donc plus facilement identifiables, notamment pour un jeune public.

Comme je le disais plus haut, cette nouvelle proposition réussit à offrir une version moderne de La Bande à Picsou. Mais comme « modernité » ne signifie pas toujours « qualité », cette approche mérite en amont du visionnage d’être observée avec attention. Il ne faudrait pas dénaturer nos personnages fétiches ou donner lieu à un propos qui soit hors-sujet par rapport au support de base. Mais comme je le soulignais juste avant, le respect du matériau original est au rendez-vous, notamment à travers les personnages qui font leur retour dans cette nouvelle série. Mais aussi et surtout, cette itération de DuckTales ne ternit en rien l’image de la première série ou, plus largement, de toute la licence incluant Picsou, Donald et les autres. Bien au contraire, ce reboot réussit à parfaitement nouer ce respect de l’existant avec cette volonté neuve qui transparait de chacun des épisodes. Ses créateurs ont su recontextualiser la série de leur enfance dans le monde actuel pour lui offrir une optique nouvelle mais qui ne dénote pas.
Ce travail passe notamment par une rénovation esthétique qui inscrit très bien cette série dans les canons de son temps, rappelant en particulier une approche du cartoon que des chaînes comme Nickelodeon et Cartoon Network n’auraient certainement pas reniée. Cette mise au goût du jour permet par ailleurs à DuckTales version 2017 de s’offrir une patte bien à elle. Remisant globalement le trait si classique de la série originale au placard et optant pour ce style plus anguleux/carré que l’on retrouve dans nombre de productions télévisuelles animées occidentales depuis les années 2000, cette proposition moderne arrive toutefois à se créer sa propre place en jouissant d’un style qui n’a pas vraiment de semblable dans le microcosme des séries animées Disney d’aujourd’hui. Mais là encore, il n’est pas question d’effacer le passé et si certains personnages voient leur look évoluer (notamment les neveux de Donald), la prise en compte des exercices passés demeure et l’on trouvera dans la charte esthétique proposée ici autant d’influences venues de Carl Barks que de Don Rosa (deux des principaux artistes ayant travaillé sur Picsou et sa bande).

Nul doute qu’une partie du public trouvera de quoi redire sur le style visuel mais je trouve à titre personnel que c’est très réussi.

Mais il apparaît de toute façon assez clairement je pense que les travaux de Don Rosa a énormément influencé le travail de création sur DuckTales. A l’époque de la première série, c’était évidemment Carl Barks qui était la principale influence. Eminent auteur et illustrateur, Barks aura de longues années durant forgé le panorama qu’est l’univers de Picsou et de ses neveux. Père d’un nombre incalculable d’histoires mettant en scène les fameux canards, il semblait évident que son travail porterait indirectement ses fruits dans la série d’alors. Plus tard, c’est au tour de Don Rosa de s’ériger à son tour en grand fondateur de la dynastie Picsou.
De 1992 à 1994, il nous proposera en effet de découvrir La Jeunesse de Picsou, formidable épopée biographique revenant sur toute la vie de ce dernier de 1877 à 1947, relatant ainsi comment ce gamin écossais sans le sou a réussi à devenir le canard le plus riche du monde. Une œuvre incroyable – qui m’a par ailleurs durablement marqué – et d’une richesse folle au cours de laquelle Don Rosa ne se contente plus de raconter les histoire de Picsou mais bien d’en dresser toute la mythologie. Glanant dans les récits de Carl Barks autant d’indices que possible quant à la vie de l’oncle Picsou, il aura su développer une toile de fond sans commune mesure pour le personnage, réinstallant ce dernier en en proposant une nouvelle vision.

Goldie et l’importance qui lui est accordée dans la série témoignent de l’influence de Don Rosa.

J’insiste un peu sur ce point mais ça me semble assez important à souligner tant les travaux de Don Rosa ont considérablement impacté l’univers de Picsou. Si les références disséminées un peu partout dans la série renvoient à de multiples horizons de la pop culture, celles consacrées au Picsou de Don Rosa sont légion ! Divers épisodes de la fameuse épopée sont ainsi régulièrement évoqués – de manière plus ou moins appuyée selon les cas – pour servir de trame de fond aux aventures de cette nouvelle bande à Picsou.
Tant l’enfance écossaise que les amours tumultueuses du Klondike seront ainsi remises sur le devant de la scène pour mieux enrichir le récit. Mais le lien entre cette série et les bandes dessinées de Don Rosa s’observe aussi et surtout dans le ton employé, n’hésitant jamais à mêler le souffle épique à l’humour parfois décalé (et dont on appréciera le fréquent double niveau de lecture) tout en peignant régulièrement quelques passages plus lourds, plus sombres même dans certains cas. Je pense ici tout particulièrement à cet épisode de la première saison où Picsou se dispute avec sa famille et se retrouve alors seul comme il le fut à la fin de La Jeunesse de Picsou. DuckTales s’en trouve alors renforcée dans sa mise en scène et son écriture par quelques penchants dramatiques qui contribuent à faire prendre la sauce sur la longueur. La série construit l’air de rien une fresque certes divertissante et rigolote mais qui sait néanmoins faire preuve d’un bon recul sur ses personnages (et notamment celui de Picsou) et d’un esprit créatif tout à fait louable. Une finesse d’écriture qui témoigne de l’intelligence qui régit la composition de l’ensemble, rappelant que DuckTales s’adresse sans aucun souci à tous les publics, y compris les moins jeunes. C’est exactement ce que faisait La Jeunesse de Picsou par Don Rosa.

Il y a même une référence à Dingo & Max, rendez-vous compte !

Le plaisir de faire des références, la série ne s’en prive jamais. Multipliant les clins d’œil aux différentes œuvres de Disney – et particulièrement à celles mettant en scène nos chers canards -, DuckTales dans sa nouvelle mouture s’enrichit sans cesse de mille apports venus autant de personnages comme Goldie O’Gilt ou Della Duck que d’éléments piochés çà et là tels que ces bons vieux tres caballeros. Mais c’est aussi dans le monde d’aujourd’hui et la pop culture actuelle que cette nouvelle Bande à Picsou n’hésite pas à faire des emprunts. De la sur-connexion de la société avec un personnage comme Beaks jusqu’aux éléments fondateurs de la culture populaire de notre ère comme les jeux vidéo de manière assez large à des entités comme Dragon Ball pour faire plus précis, tout y passe ou presque, le plus souvent au gré de gags bien sentis. En cela, les deux saisons que j’ai pu regarder réussissent à s’inscrire dans le temps présent avec une facilité presque déconcertante. Et c’est clairement ce qui va faire l’une des plus-values majeures de cette proposition, cette aptitude à ne pas rester figée dans le passé. Si elle demeure en tous points respectueuse des fondements originels de la licence et en reprend bien sûr beaucoup d’ingrédients qui ont fait le succès de la première série à la croisée des 80s et des 90s, elle réussit à y appliquer un autre coup de pinceau.

Les personnages mis en scène sont d’ailleurs là pour abonder dans ce sens et je parle ici principalement de ceux que l’on retrouvait déjà dans la première version, qu’ils aient été créés pour elle ou non. Plus encore que nous offrir le plaisir de les retrouver pour de nouvelles péripéties, DuckTales sauce 2017 s’autorise une réécriture de pas mal d’aspects en termes de caractérisation, là encore pour moderniser l’ensemble sans trahir le matériau d’origine. Ce travail de remise à plat, on le retrouve chez pas mal de protagonistes mais il me paraît le plus flagrant chez Riri, Fifi et Loulou. Les caractères de chacun des trois neveux de Donald sont ici bien plus marqués à mon sens qu’ils ne l’étaient autrefois : là où les canetons arrivaient à se détacher les uns des autres par leurs différentes personnalités mais sans jamais briser ce lien qui se retrouvait symboliquement dans leurs vêtements (vêtements identiques, sauf dans la couleur), ils apparaissent ici toujours aussi liés dans leur fraternité mais désormais bien plus aptes à s’affranchir individuellement.
Ils deviennent non seulement des protagonistes essentiels au regard des différentes intrigues (qui ne les mettront pas toujours en scène tous ensemble, loin de là) mais aussi et surtout des personnages forts, marqués et parfaitement distincts. Chacun se trouve dans cette nouvelle version plus étoffé, plus complet et par conséquent plus complexe. Je pense ici notamment au personnage de Loulou, dont la personnalité bien affirmée entraînera nombre d’événements – sinon de bouleversements – dans la saison 2. Comment alors ne pas apprécier cet exercice tant son accomplissement s’avère gagnant ? Plus encore que dans La Bande à Picsou de notre enfance, les différents personnages de ce DuckTales me font autant rire qu’ils m’émeuvent, peut-être parce qu’ils réussissent à parler au jeune homme de 30 ans que je m’apprête à devenir de la même manière qu’ils ont su parler au gamin de quelques années que je fus du temps de la première série.

Le triomphe de Riri, Fifi et Loulou

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Véritable fruit de son temps, cueilli sur le rejeton d’un vieil arbre que l’on affectionnait pourtant, DuckTales revu à travers le prisme des années 2010 est une réussite. Puisant sa force d’une poignée d’intentions dont l’efficacité répond à l’intelligence de ne pas les avoir multipliées à outrance, la série offre une magnifique cure de jouvence à une licence qui fut un marqueur fort du paysage télévisuel jeunesse de son époque. En reprenant le matériau indispensable pour construire « l’essence Bande à Picsou » et en le remaniant de manière à l’insérer dans les créneaux de notre temps, les créateurs de cette nouvelle série DuckTales ont vu juste : la série est aussi drôle qu’elle peut se montrer émouvante, sans jamais oublier d’être toujours épique. Les plus jeunes se délecteront de cette proposition impeccable tandis que les plus grands ne pourront qu’esquisser ce sourire mêlant nostalgie et contentement devant ce passage de flambeau si intelligemment construit.

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