Quand on prend un peu de recul sur cette licence, on a vite l’envie de voir en Watch Dogs le parent pauvre d’Assassin’s Creed. Si les deux séries d’Ubisoft partagent un certain nombre de points commun, il m’a toujours semblé que celle qui met en scène les hackers a évolué dans l’ombre de cette autre licence-phare, bien plus vendeuse. Il faut dire qu’avec le premier épisode, Ubisoft n’avait pas démarré sur les chapeaux de roue, Watch Dogs premier du nom étant un jeu de piètre qualité… Pourtant, le deuxième volet paru en 2016, soit deux ans après son prédécesseur, donnait à voir un titre mieux équilibré, mieux écrit et – sans qu’il soit révolutionnaire en quoi que ce soit – assez bien foutu finalement. Quatre ans plus tard, Ubisoft remet le couvert avec Watch Dogs – Legion et une question se pose : le studio a-t-il su miser sur les acquis du deuxième épisode ?
Il est amusant en ouverture de cet article de noter la façon dont le côté parent pauvre que j’évoquais en introduction s’observe dans la façon dont la licence Watch Dogs est gérée. Après deux opus développés par Ubisoft Montréal, c’est à Ubisoft Toronto que revient la charge de s’occuper de Legion. Pourquoi ? Tout bonnement parce que Montréal avait autre chose de bien plus conséquent à faire, un petit jeu sorti récemment sous le doux nom d’Assassin’s Creed – Valhalla. Léguant son petit protégé à l’antenne torontoise de l’entreprise française, Montréal n’occupera qu’un rôle de partenaire sur ce jeu-ci, aux côtés des studios de Paris, Bucarest ou encore Kiev… Et Assassin’s Creed d’une nouvelle fois masquer de son ombre cette autre licence sur laquelle l’attention portée n’aura décidément jamais été à la hauteur de son potentiel. Enfin bref, n’allons surtout rien présager sur ce seul état de fait et ce n’est pas parce que Toronto – en tant que développeur principal s’entend – n’a jusqu’ici brillé que pour Splinter Cell – Blacklist et Starlink – Battle for Atlas (ahem…) qu’il faut voir venir ce troisième épisode d’un mauvais œil. Les plus optimistes iront même jusqu’à se réjouir d’autres choses comme, par exemple, le fait que Watch Dogs n’ait pas été annualisée comme Assassin’s Creed en son temps, laissant ainsi caresser l’espoir d’un développement serein et porteur de bien jolis fruits.
Avant d’attaquer le gros du sujet, recontextualisons un peu les choses. Dans Watch Dogs, nous incarnons des hackers fermement décidés à faire tomber l’entreprise Blume et son ctOS, un programme de surveillance générale de la population par la sur-connexion de tous les appareils modernes (des smartphones aux voitures en passant par les caméras de surveillance). Dans cet univers, Chicago comme San Francisco ont fait l’objet d’un déploiement de toutes ces infrastructures numériques surpuissantes et dangereuses mais à chaque fois s’est dressée en travers de sa route une organisation : DedSec. Sous cette appellation se cache un groupe de pirates en tous genres décidés à annihiler ce programme afin de permettre aux citoyens lambda que nous sommes de conserver notre liberté et notre libre-arbitre. Un sujet qui, quand on l’épluche à mesure que les scénarios défilent, trouve une jolie résonnance dans notre société actuelle, ce dont Ubisoft tâche cependant de se défendre de manière très pataude en affirmant que ses jeux « ne sont pas politiques »… Mais passons. Après Chicago où nous incarnions Aiden Pearce puis San Francisco et ce cher Marcus Holloway, nous voici cette fois-ci projetés à Londres. Dans Watch Dogs – Legion, le propos demeure le même : de vilaines entreprises et autres conglomérats plus ou moins légaux tâchent d’employer le ctOS de Blume afin de contrôler la population et verser dans des affaires plus ou moins sordides. En cela, les postulats de base ne changent pas et de la même manière que nous continuons d’affronter les Templiers chez Assassin’s Creed (en quelque sorte), nous poursuivons le combat contre les vilaines grandes entreprises et les gouvernements corrompus dans Watch Dogs.
Le problème avec ce genre de procédés où l’on duplique à l’envi les mêmes tenants et aboutissants, c’est qu’on finit parfois par avoir un peu de mal à concevoir un scénario réellement bien composé. C’est hélas l’un des écueils de Watch Dogs – Legion, dont le récit manque souvent de prendre son envol. Malgré un prologue chargé en partis-pris narratifs, le jeu peine sur le long terme à rendre son histoire prenante, voire intéressante. Evidemment, quiconque souhaitera poursuivre l’aventure jusqu’au bout comme ce fut mon cas trouvera forcément de quoi satisfaire un minimum sa curiosité dans tout cela (à moins d’être maso) mais il est impossible de nier l’évidence : ce scénario n’est pas fou pour un sou. S’il faut comparer les choses, je dirais que je le trouve certes meilleur que celui du premier (dont les incohérences me chagrinent encore aujourd’hui) mais bien moins appréciable que celui du deuxième, lequel ne brillait pas non plus pour la finesse de sa plume mais arrivait cependant à dégager un je-ne-sais-quoi de plaisant, au moins en termes d’ambiance. L’atmosphère est d’ailleurs quelque chose qui permettra malgré tout à Watch Dogs 3 (je vais pas tout le temps écrire Legion, hein, vous me pardonnerez) de se démarquer des précédents titres de la série.
Car après la vendetta personnelle du premier puis la petite rébellion fun du 2, c’est dans une contexte dystopique que nous plonge cet opus-là. Le jeu prend en effet place à Londres donc mais dans un futur proche où le modernisme touche à son paroxysme et ses dérives avec. Le titre s’ouvre d’ailleurs sur un attentat de grande ampleur qui justifiera ensuite la présence de factions armées d’une milice privée nommée Albion dans les rues de la capitale britannique. Qu’il est loin l’esprit décoincé de la petite bande de hackers de San Francisco ! Ici, le jeu propose une ambiance bien plus lourde avec cette espèce de proto-dictature légèrement saupoudrée de cyberpunk. Des gens sont morts et des gens vont mourir tandis que d’autres sont sans cesse soumis à la poigne de fer dans laquelle Albion tient la ville. On n’est plus là pour rigoler et les angoisses du premier volet (qui avaient été bien vite mises au second plan par cette tête de mule d’Aiden Pearce) ressurgissent plus violemment que jamais dans Legion. La proposition tranche donc du tout au tout par rapport au précédent épisode de la série et il faudra réussir à s’y faire car derrière le côté « fun et coloré » mis en avant autour du jeu par les visuels promotionnels (notamment avec les masques et cette esthétique fluo), ce dernier n’est franchement pas drôle dans son essence-même.
Le fait est en tous cas qu’avec un contexte de jeu pareil, on est en droit d’espérer des personnages qui sachent nous emmener avec eux dans leur lutte, grâce à une caractérisation marquée et des personnalités fortes qui viendront souligner toute la gravité de la situation. Seulement voilà, Watch Dogs 3 repose sur un postulat assez tranché lui aussi : on n’a pas de personnage principal à incarner. Que je me fasse comprendre pour celles et ceux qui ne sauraient pas de quoi il en retourne : Ubisoft ne propose pas ici un personnage qui serait le héros ou l’héroïne du jeu à l’instar d’Aiden ou de Marcus précédemment, un protagoniste qui serait notre avatar du début de l’aventure jusqu’à son terme. C’est d’ailleurs la proposition de game design la plus forte de ce titre, où l’on pourra tout bonnement jouer avec n’importe quel personnage présent dans le jeu. Legion propose en effet la possibilité de recruter le moindre PNJ aperçu dans la ville, moyennant une série de missions à accomplir pour les inciter à rejoindre la cause. De personnage non jouable, l’individu choisi devient personnage tout court et s’intègre par conséquent dans l’intégralité du récit et du game design.

Le jeu s’ouvre sur le nécessaire choix de notre premier personnage parmi une sélection identifiée par la « patronne » de DedSec.
Le choix, on va le dire, est audacieux. Proposer ainsi un tel vivier de profils à employer pour remplir ses missions, c’est une gageure mine de rien ! Je reviendrai un peu après sur les excellents aspects de ce choix mais je vais d’abord évoquer le revers de la médaille. Car aussi impressionnante que puisse sembler cette feature, il n’en demeure pas moins qu’elle amène avec elle son lot d’écueils difficiles à éviter. L’un des premiers c’est l’impossible attachement véritable à développer à l’égard de cette myriade de personnages. Ce biais, il vient essentiellement de la difficile caractérisation de ce petit monde car, après tout, comment écrire le moindre PNJ de la même manière qu’un personnage principal classique qui serait le seul et unique héros du jeu ? C’est tout bonnement impossible et cela se ressent fortement in game. Les protagonistes ainsi recrutés dans notre chère équipe se montrent rapidement bien vide d’intérêt en tant que personnes. Leur doublage est souvent à la ramasse (je serais très curieux de savoir comment cela s’est déroulé d’ailleurs), leurs profils psychologiques bien peu étoffés et ils se révèlent finalement très peu consistants. Ils ne sont que des incarnations lambda sans grande saveur dans la bouche desquelles ont glisse au forceps des propos qui tâchent de suivre le fil de l’histoire. Mais c’est maladroit. Trop pour que l’on arrive à pleinement savourer cette idée pourtant loin d’être idiote sur le papier.
C’est loin d’être idiot car cela permet de renouveler beaucoup de choses dans la construction du jeu, que ce soit par rapport aux deux précédents épisodes ou bien au regard de l’industrie de manière générale. Si l’idée de camper plusieurs personnages n’est certes pas strictement novatrice (coucou les RPG), la façon dont c’est inscrit dans les gènes de Watch Dogs – Legion est somme toute assez sympathique. Le choix de game design ainsi fait distille ses bons côtés dans divers aspects du titre. En restant dans la seule optique de voir l’évolution que cela amène à la licence, on notera par exemple le fait que toute cette dimension de recrutement rend enfin utile la possibilité de scanner les PNJ que l’on croise. Là où cela ne servait pas à grand-chose dans Watch Dogs 1 et 2, mis à part identifier telle ou telle cible en des moments clés, cette mécanique permet ici d’obtenir des informations sur ces citoyens et de déterminer si leur ajout à notre équipe peut s’avérer nécessaire ou non.
L’intérêt de tel ou tel recrutement sera déterminé par le statut social ou professionnel du PNJ scanné, ou par ses éventuels talents particuliers. Chaque citoyen de Londres pouvant devenir un DedSec, il sera par exemple pratique de rechercher une ambulancière ou un docteur pour avoir dans la team un membre qui puisse soigner plus vite voire instantanément les blessés. Mieux encore, ce personnage permettra de plus facilement infiltrer un hôpital grâce à sa tenue professionnelle (blouse, veste d’ambulancier, etc…). De la même manière, certains personnages permettront de télécharger des données plus rapidement, de détourner certains types de drones, etc… Le joueur/la joueuse est alors libre de composer son équipe comme bon lui semble, non seulement en fonction des éventuelles nécessités de mission mais aussi en fonction de sa façon de jouer. Et quel plaisir de voir que ce concept tient globalement la route, même si c’est au prix de cette absence notable de caractérisation que l’on observe chez nos personnages ainsi rassemblés.

En haut, les membres actuels de l’équipe. En bas, les profils que nous aurons nous-mêmes identifiés comme intéressants pour grossir nos rangs.
Mieux encore, le fait de pouvoir recruter des persos aux atouts divers et variés permet de renouveler la façon dont la progression s’effectue dans le jeu. Là où Ubisoft nous a habitués depuis quelques années déjà à un système de progression assez redondant (progression par niveaux dans les Assassin’s Creed notamment et par déblocage d’un arbre de compétence dans Watch Dogs), Legion offre une nouvelle manière d’approcher cet aspect. Si un arbre de compétences demeure présent, on ne pourra que noter la façon dont il a été minimisé, n’offrant plus qu’une palette d’options à débloquer et à développer (trois paliers par compétences maximum). Tout ceci mis bout à bout permet d’obtenir une façon de progresser certes pas spécialement novatrice en soi mais au moins différente vis-à-vis des recettes habituelles d’Ubisoft. Une manière de faire qui privilégie la progression par l’apprentissage et la découverte des mécaniques de jeu plus que par la frontière de niveau ou purement géographique (il faut en finir avec les open worlds qui ne le sont réellement qu’au fur et à mesure).

Besoin de gros bras ? Un passage dans un club de combat à mains nues sera idéal pour obtenir 4 ou 5 profils intéressants pour des missions où la castagne sera de mise.
Ici, Legion nous pousse à nous interroger au moins un peu sur la façon dont les choses se présentent et la réponse que nous pouvons y apporter. Avec des possibilités d’infiltration assez ouvertes, le jeu offre en effet le loisir d’adapter sa façon de jouer au terrain, à l’objectif mais aussi aux personnages disponibles dans notre équipe et aux aptitudes débloquées. Si le passage par l’arbre de compétences pour en obtenir de nouvelles pourra toujours s’avérer utile, il est hautement apprécié que Watch Dogs 3 pousse au contraire à utiliser une de ses spécificités de gameplay – ici, le recrutement – plutôt que de nous enjoindre encore et encore à collecter toujours plus de « points de crédits » qui donneront ensuite accès au panel de compétences disponibles. Ça n’a l’air de rien présenté comme ça mais remis dans le jus de cette licence, c’est une bonne petite bouffée d’air frais sur laquelle on ne crachera absolument pas.
Je prends pour exemple cette mission (annexe en l’occurrence) où je devais télécharger des données tout en évitant de me faire canarder pendant que ledit téléchargement progressait. J’y ai perdu pas moins de deux agents avant de finalement me poser deux minutes et en arriver à la conclusion suivante : et si j’allais chercher quelqu’un dont les capacités de téléchargement sont plus rapide ? Ce profil existant, c’était évidemment une aubaine de trouver cette quinquagénaire dans un quartier non loin et de lui faire rejoindre mes rangs. Avec mes quelques crédits récoltés, je lui offrais en plus la possibilité de détourner les drones qui m’assaillaient et zou. Il y a finalement à mon sens un joli petit équilibre qui se trouve dans l’ensemble du jeu entre cette méthode « à l’ancienne » du déblocage de compétences et cette idée nouvelle de choisir des recrues en fonction de ce qu’elles ont à nous offrir.
Cela a également le mérite d’offrir un monde ouvert où tout est accessible tout de suite, avec pour seul obstacle les skills de personnages que nous n’aurions pas encore pris sous notre aile. Et encore, peut-on réellement parler d’obstacle ? Car finalement j’aurais très bien pu persévérer sur cette même mission que je présentais juste au-dessus et finir par affuter les miens de talents justement pour tout de même arriver à remplir l’objectif. Et tout ceci sans avoir forcément recours à un recrutement spécialement organisé pour répondre aux difficultés qui se dressaient en travers de mon chemin ! Et ces recrutements de prolonger la durée de vie du titre de manière très naturelle, suscitant en effet l’envie toute simple de ramener dans son équipe les meilleurs profils possibles. Il est à noter d’ailleurs que selon le degré d’affinité du personnage ciblé avec DedSec au premier abord, le recrutement pourra être plus ou moins long, demander l’accomplissement de plus ou moins de taches voire même de recruter en premier un ou deux autres personnages liés à celui qui nous fait envie afin de faire pencher la balance en notre faveur. Enfin, précisons qu’un mode « mort définitive » peut être activé en début de partie afin de rendre le recrutement toujours plus important dans le cours du jeu. Un personnage-clé de votre équipe décédé, c’est fatalement la nécessité de lui trouver un remplaçant !

Prendre le temps de rechercher la recrue idéale est un pan essentiel du game design de cet épisode. Mais si vous craignez de perdre trop de temps à le faire, rassurez-vous : le soft propose régulièrement de lui-même des profils intéressants pour une durée limitée. Suffisamment pour aider un coup mais pas assez pour rendre cet aspect du jeu trop simple et par conséquent sans intérêt.
Tout ceci étant dit, j’en reviens maintenant au côté plus scénaristique du titre. Le gameplay ne présente d’ailleurs pas spécialement d’autres nouveautés aussi fortes que celle que je viens de décrire et qui mériteraient que l’on s’attarde dessus. Se calant pour l’essentiel sur ce qui avait été peaufiné et établi avec Watch Dogs 2, Legion ne cherche pas spécialement à renouveler son intérêt au-delà de cette feature principale et souffre même parfois de quelques régressions comme la manière dont il est désormais impossible de garder la vue d’analyse activée en continu, forçant à multiplier les appuis sur le stick droit de manière suffisamment répétitive pour devenir presque agaçante…
Enfin bref, le scénario disais-je donc. Comme je le mentionnais plus haut, le contexte dans lequel se déroule l’histoire de Watch Dogs 3 laisse la porte ouverte à bien des espérances. Mais malheureusement, tout comme cela ne se concrétisera pas assez avec les personnages, cela manque aussi le coche avec…eh bien avec tout le reste aussi pratiquement. Cherchant sans cesse à étoffer son propos et son récit (ce qu’on ne peut pas vraiment lui reprocher), le jeu se perd malheureusement en chemin (et cette fois-ci, voilà un reproche). A trop vouloir en faire et miser sur le côté « Ouh là là, c’est un monde tordu et compliqué, une vraie dystopie, il y a plein de facteurs à prendre en compte ! », Legion en oublie hélas de rester suffisamment sobre pour être parfaitement compréhensible. Evidemment, ni vous ni moi ne sommes des idiots nés et l’on terminera bien entendu le jeu avec une compréhension générale de ce qu’il nous aura raconté mais le fait est que le titre complexifie bien trop ce qu’il vient nous raconter. Il multiplie sans cesse les ennemis principaux (passant bien vite de un ou deux à cinq ou six), les intrigues et les sous-intrigues, au détriment parfois (souvent ?) d’une vraie belle continuité narrative, sinon de la cohérence du récit ou de l’immersion en son sein…
Watch Dogs – Legion est un exemple de ces titres qui se prennent trop au sérieux sans avoir la capacité à le faire correctement. Il veut nous en mettre plein la vue et nous épater par les circonvolutions de son récit et autres retournements de situation mais il apparait surtout qu’il peine énormément à nous expliquer les tenants et aboutissants de ses différents arcs narratifs et surtout les liens qui les unissent. Au lieu de prendre le temps de construire son propos avec clarté et cohérence, il nous abreuve continuellement d’informations multiples et disparates, trop nombreuses et pas assez peaufinées dans leur présentation pour qu’on les intègre toutes proprement. Un procédé qui relève encore une fois essentiellement de l’envie de trop en faire mais qui nous amène bien trop souvent à nous retrouver devant le fait accompli sans trop avoir bien saisi comment ni pourquoi. Je trouve à titre personnel que c’est tout particulièrement le cas avec l’arc centré sur Skye Larsen, où l’on se retrouve à un moment bien précis à devoir faire un choix crucial. Malheureusement, on perd bien vite de vue le pourquoi du comment et la seule question se pose à cet instant est moins de savoir quel choix faire que d’en déterminer les conséquences exactes ? Et devant notre incapacité à le prévoir étant donné que le jeu ne nous a pas assez finement mis les clés en main, on se retrouve à décider un peu au pif et advienne que pourra.
Il y a donc un petit souci d’application dans l’écriture mais ce n’est pas non plus rédhibitoire, qu’on s’entende bien sur cela. A titre personnel en tous cas, je suis moins venu vers Watch Dogs 3 pour son écriture (dont je n’attendais rien de particulier, ne nous mentons pas) que pour ses propositions en matière de jeu à proprement parler et qui ont fort heureusement réussi à compenser cette faiblesse de composition. Sur le plan de l’écriture, j’aurais aussi pu vous parler des affrontements contre les grands boss du jeu, d’une simplicité risible après nous avoir semé des embuches impossibles en travers du chemin juste avant. Les défauts d’écriture se retrouvent ainsi jusque dans le nivellement de la difficulté, parfois déséquilibré. Mais encore une fois, ce ne fut pas assez pénible pour me pousser à arrêter.

C’est vraiment con ce manque de polish parce que quand ça fonctionne, eh bien, ça fonctionne pas mal !
Non, ce qui a failli l’être en revanche si je n’étais pas aussi entêté que je peux l’être parfois face à un jeu récalcitrant, c’est hélas la technique. Je parle bien ici des performances du jeu en tant que software et je vous le dis tout net : tel que j’y ai joué sur Xbox One, c’est une catastrophe. Au cours de la trentaine d’heures de jeu que j’aurai accordées à ce titre, le nombre de bugs et surtout de crashs auxquels j’ai assisté m’a proprement effaré. Je croyais (sans doute naïvement) qu’en 2020 Ubisoft aurait enfin réussi à résoudre les problèmes qui plombent ses jeux AAA depuis près de 10 ans maintenant, une idée que je m’étais faite en jouissant sans encombres vraiment notables de titres comme Assassin’s Creed Origins ou Odyssey par exemple. Mais il n’en est rien et Ubisoft n’a visiblement toujours pas compris qu’il s’agirait d’arrêter de se reposer sur les sacro-saints patches qui viendront de toute façon tout corriger ultérieurement. Que ce modèle (que j’apprécie peu, notez) se soit ainsi imposé c’est une chose : qu’Ubi en profite pour ne pas terminer ses jeux, c’en est une autre. Sur les seules 10 premières heures (soit environ quatre sessions), ce sont pas moins de trois crashs complets du jeu qui se sont produits. Sur les trente heures totales, je n’ai eu qu’une seule fois où j’ai réussi à jouer de bout en bout de ma session sans que le soft ne plante. Une seule fois ! Il y a même eu un coup où la bête a carrément éteint ma console au lieu de se contenter de poliment me ramener vers l’écran d’accueil de ma pauvre Xbox.
A coté de cela, on notera encore et toujours les sempiternels soucis de textures qui peinent parfois à s’afficher (on fera avec, ce que je viens d’évoquer étant idéal pour faire relativiser plein d’autres choses ensuite…) ou des bugs dans les missions, notamment celles de recrutement. Je prendrai ici en exemple cette tentative avortée où j’avais pourtant rempli le contrat sans aucun problème (certains diront avec talent mais qui suis-je pour en juger ?) mais où l’obtention du personnage me fut pourtant refusée. Pourquoi ? Parce qu’après la cutscene de fin de mission, le PNJ en question se retrouve étalé au sol, blessé, sans aucune raison valable. Conséquence : la mission est considérée comme un échec. Merci, bonsoir. Si ça ne s’était produit qu’une fois, je n’aurais fait que le mentionner sans plus de chichis mais le phénomène s’est bien répété une ou deux fois ensuite…
Quelques mots enfin pour évoquer la ville de Londres qui nous accueille dans cet épisode. Résumée à quelques quartiers centraux, la capitale est bien jolie, ça c’est certain. Mais elle est aussi assez vite ennuyeuse. Si l’on se prend au jeu d’explorer la moindre zone interdite pour y récolter crédits, masques et autres collectibles, sûr qu’on trouvera de quoi faire. Mais si l’on se contente des missions comme le street art, on va vite avoir fait le tour de la question. Londres offre en effet assez peu de choses à faire et révèle ainsi le fait qu’Ubisoft n’a pas non su trouver le bon équilibre pour sa formule d’open world. Si le studio a cependant fait l’effort de supprimer pas mal d’éléments redondants de sa recette (je parle de collectibles mais ils sont bien moins nombreux qu’ils ne le furent autrefois, les rendant finalement plus tentants), il ne les a cependant pas remplacé pour autant par suffisamment d’activités annexes intéressantes. Londres est donc très sympa à parcourir et explorer : fidèlement modélisée, on s’amuse à retrouver certains endroits bien connus ou que nous aurions visités en vrai. Mais en dehors des missions principales ou supplémentaires, on y trouve hélas trop peu de quoi pleinement se divertir.
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Je termine cet article avec un drôle de sentiment. D’un côté, il y a tout ce que j’ai pu évoquer de négatif et de profondément agaçant, éléments qui pourraient coûter à Watch Dogs – Legion une bien sale note. Mais de l’autre, il y a le reste. Il y a cet aspect recrutement qui fonctionne très très bien malgré quelques limites qu’on découvre de temps à autres, pas bien méchantes. Il y a Londres, où je me suis amusé à faire n’importe quoi avec les fonctions de piratages. Il y a ces fonctions d’ailleurs, dont je n’ai pas parlé mais qui continuent de donner tout son sel à la licence malgré tout. Il y a le divertissement enfin, cette façon qu’a ce jeu pourtant bancal sur bien des aspects de nous prendre avec lui et de tout simplement nous dire : « Allez, viens, on va s’amuser un peu ». Car oui, malgré les crashs, malgré les bugs, malgré l’écriture trop pauvre, je me suis amusé. Je me suis pris au jeu quand je devais infiltrer une base d’Albion et télécharger en vitesse des documents tout en sachant qu’il était tout sauf impossible que je me fasse repérer. Je me suis amusé aussi quand il fallait réaliser certaines actions et que je pouvais le faire sans même mettre les pieds dans les lieux concernés et me contenter d’y accéder par les fonctions de piratage. Watch Dogs – Legion n’est donc au final rien d’autre que ce jeu qui fait des efforts que même ses plus grosses faiblesses n’arrivent pas à annihiler tout simplement parce que même s’il n’est pas le plus malin, le plus solide ou le plus intelligent, il lui reste un truc : la sympathie.
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