Star Wars et le jeu vidéo, ça a toujours été une relation très intime. George Lucas ayant misé sur les produits dérivés pour bâtir sa fortune autour de sa saga, il était évident que le jeu vidéo, en plein essor à l’époque où la Trilogie originale sortait sur les écrans, finirait par voir arriver les Jedi et tout le tremblement dans son giron. Evidemment aussi, comment ne pas penser à LucasArts, qui aura fait les grandes heures du point’n’click, rappelant encore et toujours la filiation entre le média vidéoludique et le père de Star Wars ? Bien des années plus tard, c’est Electronic Arts qui gère la licence et ses itérations en jeux vidéo et après les écueils de la licence Battlefront, l’éditeur américain semble bien décidé à redorer son blason. La première preuve était Jedi – Fallen Order l’an dernier et qui s’avérait être une bien jolie réussite. Un an plus tard et alors que le développement de la suite des aventures de Cal Kestis n’est plus un secret pour personne, EA s’attaque à une autre frange des jeux Star Wars : les simulations de combat spatial !
Si cet aspect du jeu vidéo sauce Star Wars est finalement assez ancien, c’est clairement dans les années 1990-2000 qu’il obtient ses lettres de noblesse. A l’époque, LucasArts existe toujours et s’occupe enfin de la licence chérie (rappelons qu’au commencement, LucasArts n’avait pas vocation à faire des jeux estampillés Star Wars, même si cela peut sembler étonnant). Aux côtés de Factor5, le studio développe Star Wars – Rogue Squadrons premier volet d’une trilogie à venir où l’on incarne les valeureux pilotes de l’escadron Rogue et qui terminera sa carrière sur GameCube avec Rebel Strike. Et depuis, plus rien. Star Wars est passé par tous les styles (MMO, stratégie en temps réel, action, LEGO, Angry Birds…) mais plus jamais nous n’avons eu droit au moindre petit jeu de pilotage. L’outrage est cependant réparé en cette année 2020 avec Squadrons, édité par EA donc et développé par Motive Studios.
Pour la faire simple en ouverture, le jeu se compose de deux pans. Comme la plupart des titres du genre, l’ensemble se scinde bien entendu entre le solo d’une part et le multi d’autre part et sur lequel je reviendrai plus tard.
Concernant le solo pour commencer, le fait est qu’il est assez sympa dans l’ensemble.
Au cours de la quinzaine de missions proposées, le jeu offre une certaine forme de variété dans les objectifs mais dont on regrettera cependant toujours qu’elle ne soit pas plus grande encore. En effet, autour des classiques escarmouches et des attaques de convoi ou de base ennemie, on aurait pu espérer un peu plus d’originalité : une fois les dogfights mis de côté, il s’avère finalement que la campagne solo manque un peu d’inventivité. Il aurait été facile par exemple de penser à des opérations où, plutôt que de l’attaquer, nous conduisons un convoi donné tout en veillant à le faire arriver à destination dans le meilleur état possible. En l’occurrence, l’accent aurait été mis sur l’évitement plutôt que sur l’affrontement. Mais au lieu de cela, Squadrons fait le choix de ne miser que sur le combat pur et dur. Qu’il s’agisse d’assaut coordonné ou d’embuscade, il faudra toujours tirer dans tous les sens pour accomplir son devoir de pilote. Evidemment, c’était ce qu’il y avait de plus logique à attendre, je ne le nie pas, et cela colle bien entendu avec les modèles de vaisseaux proposés in game.
Mais si la chose fonctionne d’ailleurs plutôt bien dans l’ensemble, cela n’enlève rien au fait qu’on pourra toujours en attendre un petit peu plus de ce genre de titres, dont l’expérience peine hélas à se renouveler d’un soft à l’autre, hormis quelques exceptions sans doute. A quand le jeu qui osera nous mettre aux commandes d’un bon gros cargo ou ce genre de choses ? Mais passons, ce n’est pas l’idée directrice de Squadrons aussi faudra-t-il faire avec. Le combat donc, voici ce qui dirige l’esprit de ce jeu dont les opérations de vol seront systématiquement construites autour de cela, quitte à en proposer quelques unes qui manquent peut-être un peu de panache (je pense ici notamment à la mission où il faut faire sauter des mines pour stopper un convoi ennemi). En revanche, d’autres offriront tout au contraire des séquences de pilotage et de combat dont on ressortira hors d’haleine tant l’affrontement aura été exigent ! Ainsi, si le manque d’originalité peut sans doute en incommoder quelques un(e)s, il convient de rendre à Squadrons ce qui est à Squadrons : il propose quelques très bons moments de combat spatial, du genre qu’on aime voir aussi souvent que possible.
Au-delà de ses intentions de base et en ce qui concerne son exécution à proprement parler, la campagne solo propose de jouer un coup dans le camp de la Nouvelle République, un coup dans celui des restes de l’Empire. L’aventure se déroule en effet quelque temps après Le Retour du Jedi et donc la chute de Palpatine et de son Empire Galactique. Cette proposition de passer d’un camp à l’autre sera l’occasion de tester toute une variété de vaisseaux. Des célèbres X-Wing et TIE Fighters aux Intercepteurs TIE en passant par les A-Wing, les U-Wing ou encore les bombardiers et faucheurs TIE, Squadrons tache d’offrir à son public un choix assez large d’appareils à piloter. Néanmoins, on comprendra très vite que les quatre appareils présentés dans chacun des deux camps (pour un total donc de huit vaisseaux, vous aurez fait le calcul) ne font que se répondre. En cela, j’entends vouloir dire que chaque vaisseau de la Nouvelle République trouvera son équivalent chez l’Empire et vice versa. Si de menus détails sauront créer une distinction malgré tout entre deux vaisseaux globalement similaires, on ne pourra jamais nier que les deux factions fonctionnent en parfaits reflets l’une de l’autre, les privant alors de la possibilité de développer des philosophies de combat réellement distinctes. Cette petite galerie de vaisseaux lui donne cependant l’opportunité de nous proposer différentes situations, chacune demandant de faire appel à tel ou tel appareil selon l’objectif de la mission sélectionnée.
Il est à noter cependant que si certaines opérations imposent un modèle précis, d’autres laisseront le choix libre aux joueurs et joueuses afin d’attaquer selon leurs envies et préférences. J’ai ainsi eu l’occasion à titre personnel de privilégier l’emploi d’un X-Wing ou d’un Intercepteur TIE lorsque le choix m’était laissé, séduit que j’étais par leur maniabilité combinée à leur puissance de feu. Les différents aspects du vaisseau – puisque l’on y touche – peuvent par ailleurs être modifiés. Tant le bouclier que le moteur ou le type de blasters et missiles utilisés peuvent ainsi être customisés afin de répondre aux préférences du pilote que nous devenons petit à petit. Bien entendu, chaque choix de feature amène son lot d’avantages et d’inconvénients et il faudra se montrer le plus judicieux possible dans les options sélectionnées pour se doter d’un vaisseau qui réponde à toutes nos exigences. Ces différents éléments de modifications se présentent par ailleurs les uns après les autres, à mesure que l’on progresse dans la campagne solo, ce qui ne manque pas de donner à cette dernière un côté pédagogue bienvenu. En effet, en nous confiant les multiples améliorations progressivement, le jeu évite que l’on soit trop vite perdu dans les réglages des vaisseaux grâce à une phase d’apprentissage par l’application concrète particulièrement bien filée dans la progression générale.
Tout le pan solo de Squadrons brille donc par ce côté très accueillant, où l’on évite de laisser le joueur néophyte patauger dès le départ dans des réglages qu’il ne maîtrise pas et en lui confiant les différents vaisseaux et leurs diverses options petit à petit. Sa narration en revanche s’avère bien moins intéressante. Véritable prétexte plus qu’autre chose, le scénario du jeu met en scène une petite troupe de personnages dont peu sortent du lot au final. L’on ne parlera d’ailleurs pas ici de nos avatar (un pour la République, un pour l’Empire), personnalisables en début de partie mais dont l’intérêt en tant que protagonistes demeure véritablement faible, si ce n’est pour nous faire croire que l’on incarne la nouvelle garde de pilotes d’élite dans un camp comme dans l’autre. Squadrons essaie pourtant de créer du tangible dans sa narration en ouvrant diverses possibilités de dialogues entre deux missions et avec les multiples personnages introduits dans le jeu. Malheureusement, ces échanges – qui sont en réalité des monologues et non des dialogues – s’avèrent très peu prenants et peinent à effectuer leurs seules tâches d’extension de l’univers Star Wars ou au moins de caractérisation des PNJ. Ces derniers se révèlent d’ailleurs bien plus en combat, où leurs différentes réactions témoignent beaucoup plus selon moi de leurs personnalités respectives que les banalités qu’ils peuvent nous raconter une fois de retour à la base…
Je regrette par ailleurs que le jeu propose seulement de jouer dans un camp puis dans l’autre tout du long de sa campagne solo.
Je comprends cependant l’idée de mise en parallèle qu’il essaie d’appliquer par ce procédé mais le rendu final me laisse un peu perplexe. Cette idée souffre d’ailleurs d’un petit défaut d’exécution dans le sens où cette mise face à face des deux factions justement n’apporte que peu de choses au récit ou, osons le mot, à la dramaturgie. Véritable juxtaposition de récits plus qu’autre chose, le scénario se contente finalement de nous faire jongler entre les bons et les méchants sans plus de réflexion que cela. Ceci étant dit, attendait-on réellement autre chose que ce bon vieux schéma un peu usé ? Au fond, je crois que non. Demeure cependant le regret de ne pas pouvoir faire le choix à un moment ou un autre, voire carrément en début de partie, de ne livrer bataille que pour un seul des deux camps. La proposition faite ici nous emmène dans une espèce de composition schizophrène où nous sommes tantôt gentil, tantôt méchant, mais sans jamais que ce passage de l’un à l’autre ne soit porteur de sens ou de quoi que ce soit d’autre. A ce tarif, et quitte à garder les exactes mêmes missions, il aurait sans doute été préférable de scinder complètement la campagne en deux avec la possibilité de la faire d’abord d’une traite pour l’Empire ou la République puis de la recommencer une seconde fois dans le camp ennemi. Cette division eut été l’occasion je pense de créer de meilleures respirations entre les missions, plus habiles, et qui auraient été autant d’occasions de développer les propos véhiculés par les personnages mis en scène au-delà de quelques anecdotes et autres états d’âme trop chiches pour prétendre être savoureux en l’état.
Alors oui, le récit que développe cette campagne solo n’est pas plus prenant que ça sur le fond. Mais la chose est admirablement compensée par le plaisir d’accomplir les missions qui nous y sont confiées (à une ou deux exceptions près, comme je le soulignais plus haut) et quand on y regarde de plus près, on en vient rapidement à se demander si le solo de Squadrons n’est finalement pas qu’un immense tutoriel en vue d’aller se frotter au multi ensuite. La question est là pour la forme en réalité puisque c’est clairement à cela qu’il s’apparente, avec a pédagogie douce, sa prise en main progressive et ses missions à la difficulté croissante qui se présentent inconsciemment comme autant de contrôles pour s’assurer que les bases sont acquises avant de plonger dans le grand bain spatial. Je ne vois finalement dans ce mode un joueur qu’un grand entraînement pour ensuite aller faire ses preuves sur le multi où nous serons cette fois-ci affranchis des éventuelles limites que nous posait la campagne en vue de nous apprendre les mécaniques de son gameplay. A nous alors la possibilité de choisir notre vaisseau favori et de le customiser à l’envi, tant dans ses performances que dans son visuel (ce qui demeurera toujours accessoire mais néanmoins indispensable, que voulez-vous, on aime les jolies choses).
La star de ce multi, c’est évidemment le mode dogfight où dix pilotes s’affrontent par équipes de cinq dans des batailles prenant place dans les maps que nous auront eu tout le loisir de découvrir en solo, même si – évidemment – de nouvelles zones de combat sont régulièrement ajoutées au jeu (je crois même qu’une mise à jour a eu lieu cette semaine). Force est de constater en tous cas que, comme sur tous les jeux disposant d’un multi online, un bon nombre de nos adversaires seront de redoutables combattants !
Même quelques jours seulement après la sortie de Squadrons, il ne fallait pas espérer tomber uniquement sur des pilotes débutants : quelques vétérans venaient déjà audacieusement anéantir notre équipe ou, si la chance nous souriait lors de l’attribution des teams, grossir nos rangs et faire trembler les cockpits de nos ennemis d’une fois ! Aussi, voilà qui vient rejoindre ce que je disais concernant le solo : ce dernier fait véritablement figure de zone d’apprentissage qu’il ne faudra surtout pas négliger si vous n’avez jamais trop eu la main sur les simulations de combat aérien/spatial. C’est en se frottant aux plus redoutables joueurs que l’on comprendra tout l’intérêt d’avoir d’abord pris leçon auprès de la campagne scénarisée, dont la progression maîtrisée mais jamais frustrante aura su nous familiariser avec le gameplay et doucement nous mettre en confiance. Mener cette aventure seul me semble donc essentiel pour arriver sur le multijoueur avec un peu plus de sérénité car si son taf de narration est assez bancal, sa mission pédagogique est remplie haut la main.
Il est indéniable enfin qu’une fois les petits défauts du jeu mis de côté (narration pauvre, missions variées mais pas assez, inventivité générale proche de zéro…), Squadrons fait le taf. Il le fait même plus que bien ! Que de sensations aux commandes de tous ces engins cultes parmi les cultes ! Quel plaisir de piloter le X-Wing ou l’Intercepteur TIE avec cette aisance, cette maniabilité hors pair ! Le gameplay est en cela certes peu inventif mais il fonctionne idéalement bien ! Si chaque appareil propose une ou plusieurs spécificités qui lui sont propres, il apparaît que les choix faits en amont de cela et qui vont régir l’ensemble de leur fonctionnement de manière générale sont vraiment bons, ou en tous cas suffisamment intelligents pour rendre les mécaniques de jeu immédiatement accessibles sans pour autant rendre les choses trop faciles. L’entraînement sera alors malgré tout de rigueur avant de pouvoir prétendre rivaliser avec les plus redoutables pilotes de la galaxie mais la prise en main génère ce sentiment satisfaisant d’un plaisir de jeu instantané.
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Que reste-t-il à dire sur Squadrons ? Le titre d’EA et Motive Studios n’est pas de ceux dont on écrira des tartines et des tartines à n’en plus finir et d’aucuns estimeront même qu’on en fait vite le tour. Ce n’est pas totalement faux, je le concède volontiers. La campagne solo se plie en une dizaine d’heures à tout casser. Quant au multi, eh bien tout dépendra de votre attachement au titre et de votre envie d’y retourner pour multiplier les parties en ligne. On ne peut se mentir en tous cas, Star Wars – Squadrons n’est ni excellent, ni mauvais. Il est dans cet entre-deux où les écueils rencontrés dans la proposition-même du jeu sont largement compensées par le plaisir ressenti manette en mains. Immense, ce dernier rend chaque session grisante au possible et se paie même le luxe de croître avec le temps, proportionnellement à nos progrès personnel in game. Quand j’étais tout gamin, je voulais être pilote de X-Wing. On est en 2020, les vaisseaux pilotés par Luke Skywalker ou Wedge Antilles n’existent toujours pas mais Squadrons offre une bien belle alternative.