Parlons jeu, parlons bien n°74 – « Genesis Noir » [Xbox Series X]

Après le monument The Witcher III la dernière fois, retour au doux monde des indés cette semaine avec Genesis Noir, que j’ai récemment eu l’occasion de découvrir grâce au Gamepass sur Series X. Un jeu que j’ai lancé avec une curiosité certaine mais sans même trop savoir ce qui m’attendait. En effet, hormis un stream de Dehell qui m’aura permis de découvrir (en gros) la première demi-heure du jeu, je n’avais rien vu, ni lu de ce dernier. 

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Sorti en Mars dernier, Genesis Noir fait partie de ces jeux financés via Kickstarter mais qui se sont fait éminemment discrets entre le moment de l’annonce et le moment de la sortie. Alors que la campagne de financement a débuté au à l’aube de l’année 2018, le titre n’aura bénéficié d’un véritable éclairage que tout récemment, alors que la sortie approchait de plus en plus. Il faut dire aussi que le caractère globalement confidentiel du soft n’aura pas forcément aidé à faire parler de lui outre mesure. Le décalage de sa sortie fut peut-être une autre cause de cet « oubli » général de ce jeu qui n’avait par ailleurs pas bénéficié d’une véritable mise en lumière lors d’événements particuliers (pour autant que je me souvienne en tous cas…).
Enfin bref, arrive le mois de Mars et Genesis Noir déboule dans nos stores favoris (sauf le PS Store). Le projet a alors pas moins de 8 ans ! C’est en effet à 2013 que remontent les premières réflexions de ses développeurs sur ce qui n’est alors qu’une idée. De l’aveu même d’Evan Anthony, directeur créatif sur Genesis Noir, dans une interview pour The Young Folks, ce n’est qu’à cette époque que lui et Jeremy Abel (technical lead) découvrent Cosmicomics d’Italo Calvino et en font leur inspiration première pour leur projet. De fil en aiguille, le jeu prend forme progressivement, plusieurs prototypes sont élaborés sous Unity avant de passer sous Unreal Engine, tout ça à temps partiel, les deux jeunes hommes continuant de travailler à côté pour réaliser les économies nécessaires à un développement à plein temps qui ne commencera réellement qu’à partir de 2016-2017.

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Tout commence dans l’appartement (pas banal) du héros,

La question qui se pose en tous cas à l’heure où le jeu sort est toujours la même : c’est quoi Genesis Noir ? Et je dois bien vous avouer qu’alors que je commence à rédiger ces lignes, j’ai encore du mal à trouver comment formuler la chose. Le plus simple serait de dire qu’il s’agit, dans son essence première, d’un point’n’click. Après tout, c’est effectivement la mécanique principale qui va régir le jeu du début à la fin : quelques déplacements, pas mal de pointages, pas mal de clics et zou, voilà des énigmes résolues. Genesis Noir s’appuie donc sur un genre qui, d’ailleurs, revient pas mal à la mode ces derniers temps ai-je l’impression. Cela étant, faire du point’n’click pour faire du point’n’click n’est pas toujours la chose la plus vendeuse qui soit, sauf si on s’appelle LucasArts et qu’on est dans les années 90, vous voyez le tableau… Or, Genesis Noir tache de trouver l’idée, ou même les idées qui vont lui permettre de se démarquer au milieu d’un genre très vite convenu. Toujours en reprenant les mots d’Evan Anthony, ce qui doit permettre à ce titre-là de faire la différence au milieu de tous les autres, c’est son intention de mettre « l’accent sur l’exploration, les interactions simples et l’art génératif » . Un bien joli programme qu’il convient de prendre avec des pincettes en un sens puisque la mention d’art génératif ne correspond pas exactement à l’idée qu’on pourrait s’en faire. Alors que l’on pourrait croire qu’il s’agit du coup de niveau générés aléatoirement, de manière autonome, il convient en réalité plus de parler d’une façon de permettre aux joueurs et joueuses de modifier l’environnement de jeu des différents niveaux à leur guise. Comprenez par là que divers éléments de gameplay vont vous permettre d’agir directement sur le design des niveaux en question et de les moduler, de les transformer dans ce qu’ils offrent à voir plus que dans ce qu’ils proposent en termes d’expériences de jeu. « Jouez avec des systèmes génératifs et découvrez ce qu’ils créent. Exprimez-vous en plantant des graines, en transformant les paysages, en créant et détruisant des étoiles ou en improvisant un duo de jazz » , nous précise la page Kickstarter du jeu. Et voilà clairement la promesse la plus intéressante de ce projet.

Mais avant d’évoquer tout cela, revenons un peu sur ce que Genesis Noir cherche à raconter et vous allez voir que c’est un peu complexe. Les choses s’annoncent pourtant assez simples au tout début : nous incarnons un homme qui refile des montres aux passants dans une ambiance urbaine qui évoque sans problème une grande ville américaine des années 1930-40. Visuellement, musicalement (ça aussi, on y reviendra), tout nous transporte dans cette époque chère aux romans et films noirs (d’où ce titre donc, vous l’aurez compris). Le jeu multiplie d’ailleurs références et clins d’œil pour installer cette toile de fond (un diner s’appelle The Hopper, en hommage au peintre Edward Hopper, emblématique). Rapidement, le jeu plante le décor de son récit avec cet appel qui survient chez cet homme que nous incarnons (et dont nous ignorons le nom) et qui nous envoie chez une femme sur laquelle un autre homme vient de tirer. Mais au lieu de trouver le corps gisant, nous arrivons sur la scène du crime alors que celui-ci est perpétré : sauf que rien ne bouge. Le tireur fait face à sa cible, séparés par le large sillon que la balle a tracé en sortant du canon du flingue.
Le temps est suspendu et c’est alors que Genesis Noir entre dans une autre dimension, au sens propre. Car en nous approchant de ce fameux sillon balistique, c’est littéralement tout un univers qui s’ouvre devant nous. Le jeu de Feral Cat Den révèle alors l’autre grande ambition qui le nourrit, raconter l’univers. Dans ce sillon, plusieurs niveaux sont ainsi disséminés et seront autant d’épisodes à parcourir pour explorer les fondations de l’univers et les tenants et aboutissants du Big Bang tout en récoltant des indices pour comprendre tout cela et, progressivement, permettre à notre personnage d’acquérir une connaissance et une conscience des choses qui bouleverseront l’issue des événements.

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Cette scène de crime est un des hubs les mieux camouflés que j’aie eu le plaisir de voir.

Tout cela cependant, on ne le saisit pas spécialement vite en jouant pour tout vous dire. Genesis Noir préfère en effet jouer la carte de l’implicite, ne développant que le juste nécessaire pour avancer sans avoir l’impression d’être laissé de côté. Jusqu’aux noms des personnages en passant par quelques éléments de base du scénario, je dois bien vous avouer que ce n’est en farfouillant un peu sur le Kickstarter et d’autres sources que j’ai parfaitement appris et compris un certain nombre de choses au sujet de ce jeu. Le fait que notre héros s’appelle No Man par exemple, je n’en avais aucune idée en jouant, le soft ne disant absolument rien, n’explicitant rien. Dépouillé de toute ligne de dialogue, Genesis Noir privilégie une approche de la narration par le visuel qui, sans conteste, n’arrive pas toujours à se montrer assez claire. Petit écueil supplémentaire, à compter de l’instant où nous entrons dans cette autre phase du jeu (qui en constitue le cœur en réalité), ce dernier s’exprime sur deux plans.

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On n’ira pas jusqu’à parler de véritable vulgarisation scientifique, mais ces petites pastilles sont très intéressantes.

Il y a d’abord l’histoire qu’il veut nous raconter et par ailleurs le récit qu’il veut nous faire du Big Bang et de la création de l’univers. Ici, nulle question de fiction, Feral Cat Den aligne des textes (les seuls du jeu hormis quelques sous-titres pour traduire des prospectus et affiches ramassés dans les différents niveaux) qui tenteront de nous expliquer comment le Big Bang s’est produit, pourquoi il s’est produit, quand il s’est produit et quelles ont été ses conséquences et ses suites. Un sujet bien vaste que le titre arrive globalement à plutôt bien traiter, se montrant assez adroit dans une forme de jeu d’équilibriste entre l’énoncé de faits scientifiques et la mise en prose de ceux-ci avec un sens littéraire certain. Sous la plume du tandem qui porte Genesis Noir, la formation de l’univers se raconte comme un événement fort d’un polar à l’ancienne, l’équipe réussissant alors à joliment conjuguer ses inspirations sur ce point précis. Une vision qui se résume assez bien à travers cette phrase dénichée sur la page du Kickstarter encore une fois : « Le Big Bang est plus qu’une création, c’est un coup de feu au ralenti« . Au-delà de la pertinence de cette image qui nous renvoie à la façon dont le côté presque instantané de cet instant fondateur de l’univers cache en réalité une myriade d’ingrédients et de micro-événements tous plus essentiels les uns que les autres ; au-delà de cela donc, cette citation synthétise assez bien l’envie des développeurs de relier leur goût pour le film/le roman noir à leur fascination palpable pour ce sujet scientifique. Ce lien, le scénario tache de le concrétiser en associant le crime perpétré et la création de l’univers en un tout extrêmement métaphorique. Ce faisant, Evan Anthony et Jeremy Abel se donnent pour mission de littéralement raconter l’univers par le jeu. Sa naissance, sa vie, sa fin, tous les accidents qui ont conduit et conduiront à ces trois étapes : tout y passe afin que le jeu livre non seulement une forme de petit cours sur la question mais aussi une interprétation assez personnelle et volontiers poétique.

Genesis Noir développe alors toute son histoire et ses thèmes et métaphores mais continue de le faire avec ce goût pour l’implicite que je soulignais plus haut. Et si l’on se laisse assez facilement porter, en grande partie grâce à des mécaniques de jeu aussi simples qu’efficaces et une esthétique à tomber, on ne pourra pas nier la façon dont le titre finit tout de même par se perdre tout seul dans son propos. Ambitieuse, la vision portée par Feral Cat Den l’était peut-être même trop et Genesis Noir en tant qu’objet de narration en pâtit quelque peu sur le long terme. On se laisse porter comme je le disais, certes, mais cela finit par être moins pour le plaisir de suivre l’histoire que pour celui de résoudre tous ces puzzles qui font office de niveaux à parcourir. Bien entendu, il serait un peu erroné de dire que tout le pan narratif du jeu est à jeter. Tout au contraire, on trouvera çà et là nombre d’éléments que l’on retiendra volontiers comme des moments tout à fait intéressants, sinon forts.
Les digressions sur le fonctionnement de l’univers seront par exemple des pastilles très appréciables, placées en introduction des niveaux et qui réussiront (parfois avec un peu de maladresse quand même) à donner une texture à tout cela. Au fond, ces réflexions « cosmiques » peuvent être assimilées aux réflexions plus « existentielles » dirons-nous que les anti-héros classiques du genre noir formulent parfois. On est simplement ici dans un modèle de pensée plus élevé, qui va chercher les questions et leurs réponses toujours plus loin. Il n’en demeure pas moins que derrière ces louables intentions et cette envie de poésie noire – dont on reconnaîtra sans problème tout la force potentielle – le jeu manque globalement la possibilité de mieux lier cet aspect du texte avec son côté polar/film noir. Si le scénario de Genesis Noir imbriquera tout de même les pièces du puzzle qu’est ce récit à mesure que l’on progressera, il nous laissera malgré tout dans un flou opaque une majeure partie du temps, quitte à en précipiter une conclusion pas forcément évidente non plus.

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Si je comprends l’intention de rappeler le cinéma muet, le manque de clarté nuit parfois au propos du jeu.

En dépit de cela, Genesis Noir regorge de qualités et d’ambitions plus que louables. Si le récit peine à convaincre pleinement sur la durée, le gameplay demeurera quant à lui une des grandes forces de ce titre. Je le disais plus haut, il n’est pas ici question de livrer « un point’n’click de plus » mais bien d’offrir une expérience qui transcende un tant soit peu le genre. Pour cela, Feral Cat Den s’appuiera pourtant sur un gameplay minimaliste, n’impliquant que le déplacement du personnage que nous incarnons et diverses interactions aussi simples que possible. Cela étant, derrière l’évidente accessibilité de ces actions que nous sommes amenés à réaliser se cache en réalité un raisonnement en matière de game design qui chercher à aller plus loin. Une envie de « toujours plus » qui passe autant par une recherche de sens à donner à ces mécaniques que par le fait que ces dernières vont également permettre au jeu de développer ses aspects les plus artistiques. Pour illustrer tout cela, prenons par exemple ce niveau intitulé « Seeding » , un des tous premiers que nous parcourons in game. Dans ce niveau, il y aura une idée de gameplay et une seule : planter des graines. Par un simple cliqué-glissé, nous voilà donc à semer des graines blanches, noires ou dorées afin de se frayer un chemin à travers le paysage et atteindre l’objectif.
La plupart des niveaux de Genesis Noir reposeront sur la même recette de base, à savoir appliquer une petite idée avec des mécaniques extrêmement simples afin d’atteindre le bout du niveau. Planter des graines donc mais aussi, plus tard, régler des engins scientifiques, récolter des objets dans la neige, lancer des cailloux sur un joueur de saxophone ou encore relier des étoiles… A chaque fois, l’interaction sera minimaliste mais il ne faudrait cependant pas y voir un problème. Loin de mettre le joueur de côté, cet aspect minime contribue à l’esprit du jeu et fait durablement écho à tout ce qu’il nous raconte sur le Big Bang et l’évolution de l’univers justement, cette succession de « petits » accidents qui, mis bout à bout, ont conduit à ce que nous connaissons aujourd’hui.

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Autre exemple à lier à l’art génératif, cet arbre dont on fera pousser les branches pour mieux les couper, en un cycle ininterrompu. Si un but est évidemment à atteindre, on peut passer autant de temps que l’on veut sur cet exercice d’horticulture.

Pour en revenir au niveau « Seeding » , le voilà donc qui témoigne déjà de toutes les intentions des développeurs en matière de game design. Non seulement parce qu’il va tout de suite mettre en pratique la volonté assumée de minimalisme que je viens de mentionner mais aussi parce qu’il va être l’occasion de jouer avec Genesis Noir au-delà de la seule résolution des énigmes. Planter une graine n’est pas ici qu’un moyen de progresser dans le niveau, c’est aussi une opportunité donnée aux joueurs et joueuses de modifier l’apparence de ce dernier, parfois sans plus de résultats recherchés qu’un simple bouleversement esthétique. Les graines étant, on le comprend vite, illimitées (il suffira d’en cueillir sur les buissons que nous aurons fait pousser), libre à nous effectivement d’en planter à tout-va et de regarder le décor se moduler en conséquence. Si certains emplacements permettront d’abaisser les barrières qui obstruent notre chemin, tous les autres (et j’entends pas là, l’intégralité du sol disponible) seront autant d’occasions de semer et de voir l’environnement de redessiner. Sans s’en rendre compte tout de suite, le joueur/la joueuse est en train de se réapproprier l’aire de jeu que Feral Cat Den lui a mise entre les mains et la transforme à sa guise. C’est à l’issue de ce niveau que j’ai compris ce que les deux développeurs derrière Genesis Noir entendaient par l’idée d’employer les notions d’art génératif. Il s’agissait moins de composer par la seule réalisation d’actions attendues du public mais bien de confier à ce dernier le pinceau qui permettra de chambouler le tableau ! Si tous les niveaux du jeu n’offriront pas la même amplitude de liberté de création, cette dernière demeurera toutefois une constante du début à la fin du jeu et chaque nouveau chapitre sera une occasion inédite d’expérimenter et de créer (dans une plus ou moins grande mesure donc). De ce point de vue là, Genesis Noir est une jolie réussite.

Une réussite qui s’exprimera donc à de nombreuses reprises tout au long de ce jeu qui se présentera alors non seulement comme une expérience de gameplay très agréable mais aussi comme une aventure visuelle exceptionnelle. Les deux seules petites ombres que je vois sur le tableau seront peut-être des petits soucis d’affichage par moment (notamment dans le niveau « Hunt« ) ainsi qu’une difficulté parfois inégale quant à la résolution des puzzles. Le souci dans ce dernier cas est moins lié au fait qu’il y a par moments de la difficulté qu’à un équilibre général qui manque parfois de pertinence, le jeu haussant tout à coup son degré d’exigence pour le rabaisser juste après, sans grande notion de gradation parfois… Mais ce n’est pas grave et l’on retiendra bien plus volontiers les idées les plus ingénieuses du titre, lesquelles touchent à une notion d’association du gameplay et du visuel qui me ravit entièrement.
J’ai déjà partiellement évoqué la chose plus haut en soulignant la façon dont l’art génératif se glisse dans Genesis Noir mais je vais tacher de l’expliciter un peu plus encore sous un autre angle, à savoir celui du rapport à la musique qu’entretient le jeu. Non content de nous raconter un polar et la création de l’univers en même temps, Genesis Noir entretient parallèlement un étroit lien avec la musique. Au-delà de seulement servir de trame de fond sonore, la bande originale jazzy est d’abord excellente en soi mais est aussi et surtout un outil de narration dans un titre dépourvu de dialogues. Accompagnant le joueur dans ses pérégrinations, elle se fait expression des bouleversements que le personnage traverse et même provoque. Jusqu’ici, rien de proprement révolutionnaire, mais la chose prend une toute autre dimension justement quand on découvre la façon dont la musique devient là encore outil et résultat d’art génératif.

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Au final, on aura pris tout le jeu en main, jusqu’à sa musique.

L’exemple le plus marquant, on le trouvera dans un niveau très pertinemment intitulé « Improvisations » . Au cours de celui-ci, No Man arpente les rues d’une ville américaine où, par ailleurs, le style graphique de Genesis Noir se trouve particulièrement sublimé. Entre références à différents courants de la première moitié du XXème siècle et artistes plus récents (le style général me rappelle furieusement le travail de Kuntzel+Deygas, le tandem à qui l’on doit notamment le magnifique générique d’ouverture d’Arrête-Moi Si Tu Peux de Steven Spielberg), l’esthétique du jeu se donne ici à voir à son meilleur niveau. Une excellence qui découle d’une mise en scène impeccable et à laquelle les joueurs et joueuses prennent totalement part. Cette intervention extérieure qui sera la nôtre, elle se fait avant toute chose par le prisme de la musique donc. A travers « Improvisations » , No Man explore un environnement urbain où résonne à chaque coin de rue la musique et plus spécifiquement un jazz emblématique de ces ambiances que je décrivais précédemment. Mieux encore, la musique se fait guide via une visualisation de cette dernière entre ondes et oscillations qui conduiront No Man jusqu’à ses objectifs et plus particulièrement jusqu’au musicien et sa contrebasse.

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Le sentiment de liberté créative qui émane de ce seul niveau est impressionnant.

Le niveau dévoile alors son invitation à l’expérimentation artistique et musicale en mettant l’OST entre les mains du joueur. Saisissant un saxophone, No Man répond à l’impro du contrebassiste dans un échange de notes où l’on se demande d’abord ce que l’on fait avant de se rendre compte que ça fonctionne, tout bêtement. Le reste du niveau évolue alors dans ce sens, jusqu’à cette splendide séquence du métro où tout prend enfin corps ensemble, la ville et la musique, les rails devenant grille sur laquelle la partition s’écrit au bon vouloir du seul joueur. Contrôlant seulement la rame dans laquelle No Man s’est embarqué, nous voilà à improviser à notre tour, en totale liberté, jouant sur les basses et les aigus ainsi que sur le tempo. Et si l’on a l’impression que cela donne quelque chose d’un peu particulier au début, on se rend compte que la musique prend forme peu à peu, concrétisée par le visuel qui se transforme autour de nous en conséquence. Mais surtout, le jeu accompagne en réalité la personne qui tient la manette du début à la fin, le tout avec une discrétion louable et la seule intention d’offrir aux joueurs et joueuses l’occasion de s’exprimer eux-mêmes, de s’approprier le gameplay afin de faire de cet instant de jeu leur grand moment. La chose est d’autant plus appréciable qu’elle semble infinie, la composition ne s’arrêtant que lorsque nous irons effectivement vers l’embranchement qui permettra de lancer la suite des événements. En attendant, libre à nous de continuer cette improvisation aussi longtemps qu’on le souhaite. C’est ainsi toute la philosophie de Genesis Noir qui se synthétise dans ce niveau, le moment où cet art génératif tant voulu par ses créateurs prend la plus jolie forme et où la récompense est d’autant plus belle qu’elle est entièrement confiée au joueur. Le titre de Feral Cat Den n’est donc certes pas exempt de défauts mais tout cet aspect purement artistique – et collaboratif finalement (entre le jeu et celles et ceux qui s’y adonnent) – constitue un parti-pris aussi audacieux que réussi.

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Lancer son premier jeu est rarement chose aisée. Entre l’envie de développer des idées fortes et la nécessité de faire avec les moyens du bord, le compromis peut parfois nuire à l’expérience finale. Avec Genesis Noir, Feral Cat Den réussit cependant à livrer un jeu riche d’ambitions artistiques et de game design qui valent à elles-seules le détour. Si toutes ne bénéficieront finalement pas d’une exécution sans faille (on n’arrivera pas à omettre cette narration un peu chaotique), on ne pourra en aucun cas nier l’effort conduit dans le jeu pour leur offrir la meilleure mise en lumière possible. Quelques instants viendront même offrir de véritables moments de grâce au jeu qui, cependant, pâtira d’un récit trop opaque pour être pleinement satisfaisant. Etre beau et ingénieux ne fera malheureusement pas tout. Mais c’est déjà plus que pas mal.

Synthèse Genesis Noir

3 réflexions sur “Parlons jeu, parlons bien n°74 – « Genesis Noir » [Xbox Series X]

  1. Improvisations reste mon passage préféré du jeu. La partie des énigmes des ondes m’a bien retourné le cerveau mais je l’ai du coup trouvé ultra pertinente.
    Je te rejoins à fond sur Seeding et sur l’imbrication des arts, de la culture dans le temps au sein du jeu…
    J’ai en revanche une grande incompréhension donc déception sur la fin qui m’a semblé interminable, cela m’a empêché d’en apprécier l’interprétation…

    • Déjà, merci beaucoup pour ton commentaire !

      Improvisations est clairement LE grand moment du jeu et au fond c’est amusant de voir ce que nous partageait Fache ailleurs, ça donne l’impression que pour les dévs, ce n’était qu’un moment parmi les autres. 🙂

      La fin me met un peu le cul entre deux chaises. D’un côté je la trouve géniale en termes d’intentions artistiques, c’est vraiment un énorme bouquet final ! Et en même temps, je peine à trouver son sens, en plus de la trouver un peu longuette…

      Mais encore une fois, tout ça n’enlève rien aux évidentes qualités du titre !

  2. Pingback: 2021 : Bilan et Eucalyptus d’Or | Dans mon Eucalyptus perché

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