Parlons jeu, parlons bien n°77 – « Metroid Dread » [Switch]

L’article que vous vous apprêtez à lire n’était à l’origine pas prévu pour cette semaine. Ecrit « dans l’urgence », il remplace celui que j’avais initialement prévu de consacrer à Dune. Mais voilà que n’ayant pu voir le dernier film de Denis Villeneuve alors que j’avais déjà bien entamé mon brouillon le concernant, il a fallu trouver une issue de secours. Fidèle à sa réputation de sauveuse des situations désespérées, Samus Aran se charge donc de devenir le sujet de ce week-end avec sa dernière aventure en date : Metroid Dread.

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Avant d’attaquer le vif du sujet, comme toujours, un peu de contexte. Pour dire le moins : Metroid Dread est un jeu qui se révèle finalement à la fois très espéré et totalement inattendu. Ce paradoxe, on le doit au fait que son nom traîne dans les tiroirs de Nintendo depuis un sacré bout de temps. Cela nous ramène aux années 2000 : alors que la licence connaît un regain d’intérêt notable sur Game Boy Advance avec le remake du premier volet (Zero Mission) mais aussi et surtout un épisode inédit (Fusion), il se murmure en haut lieu que l’on pourrait bien poursuivre l’affaire assez rapidement. Il faudra cependant attendre, ce qui ne choque évidemment personne à l’époque (Metroid n’est vraiment pas une licence du genre à se pointer très régulièrement) et, en 2005, voilà que Metroid Dread est listé pour une sortie à prévoir sur Nintendo DS. A l’approche de l’E3 2005, l’enthousiasme est à son comble chez les fans mais le jeu ne vient pas. Ce n’est pas grave, on attendra gentiment l’E3 2006, pas de problème. Mais toujours pas de Metroid Dread… Annoncé comme une suite directe à Fusion, le jeu finira par ne jamais pointer le bout de son nez, hélas, tandis que la trilogie Prime connaît un succès notable sur GameCube puis Wii. Pour autant, rien ne vient à bout de la patience des fans qui le savent : Metroid Dread est là, quelque part, et il finira par sortir du bois ! Il faut dire aussi que la mention discrète d’un certain projet « Dread » dans Metroid Prime 3 en 2007 n’aura fait que relancer les espoirs des plus attentifs. Au cours de la décennie suivante, une poignée de témoignages pris à la source affirment pourtant qu’il ne faut pas trop y compter.

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Il va falloir être patient(e)s !

Le temps passe et nous voilà désormais à la toute fin des années 2010. Oublié par une grande partie du public, le projet Metroid Dread ne fait plus parler de lui depuis un long moment et tout porte à croire qu’il n’aura jamais lieu. Surtout, en 2017, la licence est secouée par une annonce d’ampleur : Metroid Prime 4 ! L’attention toute entière ne se porte désormais plus que sur cette suite à la trilogie de Retro Studios (qui n’officie pas sur ce nouvel opus au départ, pour mieux le reprendre de zéro ensuite…) et c’est elle désormais qui va faire l’objet de toutes les attentes. Tout porte d’ailleurs à croire qu’il va de nouveau falloir s’armer de patience étant donné que, quatre ans plus tard, nous n’avons toujours eu aucune nouvelle du titre, si ce n’est la réinitialisation de son développement par Retro Studios courant 2019, comme je le mentionnais juste au-dessus. On se prend néanmoins à espérer devant cette déconvenue que du nouveau pourra être mis dans les mains des fans en 2021, année des 35 ans de la saga Metroid.
Or, si Metroid Prime 4 demeure toujours aussi tristement absent cette année, on aura bel et bien eu du nouveau mais du côté de Metroid Dread ! Dans un incroyable plot twist digne des meilleurs films à suspense, voilà que l’oublié projet DS refait surface et s’annonce au cours de l’été dernier pour cet automne 2021, sur Switch ! Nous y sommes enfin et l’on ne peut s’empêcher de penser/deviner qu’il aura tout de même fallu les (grandes) difficulté du développement de Metroid Prime 4 pour que Nintendo ressorte le projet du placard afin de tout de même contenter un public qui, sans cela, n’aurait rien eu à se mettre sous la dent pour célébrer les 35 ans de Metroid. Voilà donc pourquoi Dread est un paradoxe en termes d’attentes : parce qu’alors que tout le monde l’espérait depuis 15 ans, il arrive au moment où plus personne ne l’attendait.

Ceci étant dit, je dresse un tableau qui donnerait presque le sentiment que l’univers de Metroid aurait été une terre vierge pendant des années. Or, ce n’est pas spécialement le cas puisque les années 2010 ont été émaillées par quelques sorties concernant la licence. Hormis celle de la compilation Metroid Prime Trilogy en 2009 (qui portait alors les deux premiers volets sur Wii en compagnie du troisième, initialement paru sur cette même console), on aura ainsi eu le loisir de jouer au mal-aimé Metroid – Other M (lequel constitue une suite relativement directe à Super Metroid) mais aussi au regrettable Metroid Prime – Federation Force (maladroit spin off) et enfin à Metroid – Samus Returns, paru sur 3DS en 2017. Un dernier jeu qui nous permet de joliment faire le lien avec Dread d’ailleurs puisque ce remake de l’épisode Game Boy Metroid II – Return of Samus fut développé par MercurySteam.

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Avec Samus Returns, MercurySteam redonnait ses lettres de gloire à ce bon vieil épisode Game Boy !

Installé à proximité de Madrid, le studio espagnol est en effet à l’œuvre sur Dread et pérennise par la même occasion sa place dans le monde des metroidvanias. Dans la première moitié des années 2010, MercurySteam s’était fait remarquer avec des Castlevania franchement inégaux (Lords of ShadowMirror of Fate puis Lords of Shadow 2) pour mieux s’intéresser de près à Metroid ensuite. Du reste, si leurs propositions sur Castlevania ont été plus ou moins bien accueillies en raison de qualités parfois moins grandes que leurs défauts, c’est sans conteste avec Samus Returns que les Espagnols ont su gagner en visibilité. Dans cet opus 3DS, le studio tâchait de renouveler la licence en travaillant tout particulièrement sur le gameplay des combats, lequel était continuaient de se baser dans les épisodes 2D de la série sur le même socle (solide) depuis les premiers épisodes. Un essai transformé d’ailleurs puisque les nouveaux ingrédients ainsi implémentés offraient à ce remake une fraîcheur appréciable, renforcée par ailleurs par la volonté de densifier un peu le background du jeu original et de la saga dans son ensemble.

Ces intentions, ce sont les mêmes qui animent très clairement Metroid Dread cette année. D’emblée, le titre nous fait renouer avec les sensations qui furent celles de Samus Returns il y a quatre ans déjà. Très vite, le jeu nous amène à expérimenter de nouveau ce qui constituait la grande nouveauté de l’épisode 3DS en termes de mouvements alloués à Samus : le contre. Là où la chasseuse de primes ne nous avait habitués qu’à tirer dans le tas et esquiver avec plus ou moins de grâce les attaques de ses adversaires durant la majeure partie de sa carrière, MercurySteam avait en effet décidé d’innover en lui offrant la possibilité de parer les attaques ennemies et contre-attaquer. Un move novateur au regard de la série et qui donnait à Samus Returns ce truc en plus qui le rendait déjà très agréable à parcourir.
Avec ce nouveau soft, le studio espagnol choisit non seulement de réinstaurer cette possibilité mais multiplie encore les petites idées autour de Samus en tant qu’avatar pour prolonger ses intentions. Conscient tout bêtement d’être le premier Metroid 2D à jouir d’autant de touches disponibles, cet épisode en profite avec habileté pour tenter de renouveler encore une fois le panel de mouvements de notre héroïne. Cela passera par cette possibilité de glisser à terre, aptitude disponible dès le début de l’aventure et ne nécessitant pas de trouver un quelconque item pour la débloquer, contrairement à ce que la recette nous avait habitués à faire depuis bien longtemps. Se substituant (un temps seulement) à la bonne vieille Morph Ball, ce simple mouvement ajoute un truc en plus à Samus qui rend l’expérience du gameplay tout de suite assez naturelle et même prenante. Evidemment, le simple fait de glisser au sol peut sembler bien banal en 2021 mais on ne pourra nier le plaisir qui naît dès la première utilisation de cette possibilité. Ce n’est certes pas l’inventivité de la chose (réelle du point de vue de la licence, nulle au regard du jeu vidéo dans son ensemble) qui viendra donner lieu à ce plaisir mais bien le fait que, d’entrée de jeu, on ne peut que ressentir la souplesse que cette idée apporte à ce gameplay pourtant si familier pour les amateurs de la série et du genre plus largement.

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Un contre bien placé suivi d’un tir et c’est un coup fatal pour l’ennemi qui osait nous barrer la route !

D’autres ajouts ainsi que quelques révisions des features passées viendront agrémenter à leur tour le gameplay de Metroid Dread. On pensera ici à l’arachno-aimant par exemple. Autrefois réservé à la seule Morph Ball, encore elle, cet outil pourra désormais être utilisé par Samus sans que celle-ci ne se roule en boule. Accrochée ainsi sur les surfaces prévues à cet effet, la chasseuse de primes pourra continuer de tirer sur les bestioles qui la menacent ou contrer leur assauts, permettant donc aux affrontements de potentiellement devenir plus sujets à la voltige. Le contre lui-même fait l’objet d’une attention renouvelée dans cette nouvelle aventure et MercurySteam lui offre par exemple la possibilité d’être réalisé en l’air, là où Samus Returns exigeait que nous soyons bien sur nos appuis, les deux pieds au sol. Là encore, c’est un gain de vivacité et de dynamisme qui s’observe par un seul réajustement d’une mécanique donnée.
Une vivacité et un dynamisme que le contre proposait déjà à l’origine, donnant à Samus la possibilité d’asséner une réplique brutale à ses adversaires (un contre réussi, c’est un one shot assuré) tout en étant parfaitement mis en scène dans le déroulé du jeu et de l’exécution de son gameplay avec des animations également aussi dynamiques et rapides. Tout ceci mis bout à bout, chacune de ces propositions s’avérera non négligeable, qu’il s’agisse d’une véritable nouveauté ou d’une simple remise au goût du jour. Toutes les propositions formulées dans Samus Returns notamment vont être améliorées, aux côtés de mécaniques plus anciennes, plus ancrées dans l’ADN de la saga mais que MercurySteam tente néanmoins de dépoussiérer un coup.

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Le dynamisme du jeu se retrouve jusque dans la mise en scène des combats de boss où des séquences en QTE assez bien intégrées au tout donneront l’occasion de plans rapprochés saisissants de brutalité.

C’est bien là d’ailleurs l’intention palpable derrière ces essais : inscrire Metroid dans son temps, la sortir du carcan qui est le sien depuis 1986 et que seule la trilogie Prime avait su profondément réinterpréter. Cela s’était en l’occurrence fait pas des choix drastiques, brutaux même, secourant la saga jusqu’à la moelle. Mais cela s’était finalement cantonné au seul cadre d’une trilogie qui ne fera officiellement office que de série presque dérivée, de « sous-arc narratif » au sein-même de la licence. Vue comme une parenthèse respectable au cœur de Metroid, la série de Retro Studios limitait finalement son inventivité à son seul lot de jeux. Une fois replongés dans le cours principal de la série, nous tombions alors bien vite dans le sillon habituel du Metroid 2D classique, comme si les intentions de Prime n’étaient pas transposables dans cette autre vision de la série. Peut-être n’était-ce pas le cas d’ailleurs, peut-être était-il impossible de porter des bouleversements similaires au canon de la saga, à son essence principale. Mais cela justifiait-il pour autant le retour à une recette trop familière ? Une recette que Fusion s’échinait à reprendre au mot près, malgré quelques appréciables volontés de renouveau, hélas trop timides.
De toute évidence il est encore possible de provoquer la mue du Metroid en 2D et si cela ne passe pas encore par un renversement complet de ses principes fondateurs en matière de gameplay et de game design dans son ensemble (ce que Metroid Dread ne porte nullement ou presque), cela peut encore se faire à travers le prisme d’une modernisation. Celle-ci s’observe alors par ce que je viens d’évoquer, cette remise au goût du jour de la palette de mouvements et de coups dont Samus sera capable au cours de cette nouvelle aventure, censée d’ailleurs conclure ce grand arc narratif entamé avec le tout premier épisode en 1986. Beaucoup plus nerveux, le gameplay de Dread offre à mon sens une nouvelle donne plus qu’appréciable et tire par ailleurs les leçons apprises au contact d’autres représentants du genre metroidvania de ces dernières années, au premier rang desquels Hollow Knight, qui brillait par le dynamisme, la légèreté et la souplesse de ses mécaniques de jeu et de leur concrétisation à l’écran.

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Badass à crever !

Mieux encore, si tout cela permet non seulement de livrer une expérience de jeu des plus agréables manette en mains, ces intentions sont également l’occasion saisie pour renforcer l’aura du personnage culte que nous incarnons ici. Une chasseuse de primes brutale, forte et dont le sentiment de puissance se ressent plus encore qu’auparavant dans cet épisode qui mise beaucoup sur une ambition claire de rendre Samus réellement impressionnante. Le gameplay revu mais aussi l’attitude cette héroïne lors des cinématiques contribueront grandement au processus et l’on ressortira de Metroid Dread avec le sentiment qu’une fois arrivés à la fin de cette vaste épopée spatiale et solitaire, nous quittons Samus plus forte et plus dangereuse que jamais pour ses ennemis. Cette impression, durable, n’aurait sans doute pas été la même si l’exécution des idées formulées en amont n’avait pas été aussi bonne – pour ne pas dire exemplaire – et n’avait pas offert cette vitalité au titre, aussi plaisante à recevoir que l’on n’avait peut-être pas totalement conscience que c’est exactement ce qui commençait à manquer à la série. Une vitalité qu’on aurait même pu croire hors de propos mais qui ne dénature en rien « l’expérience Metroid » . Loin de transformer la licence banal shooter vu de côté, aussi brutal qu’irréfléchi, ces ajouts et ces ajustements se font au contraire de manière à composer d’une main avec les velléités de notre temps (où le metroidvania originel prendrait un vrai bon coup de vieux) et de l’autre avec les attentes et exigences des vieux de la vieille qui ne voudront que replonger dans ce qui fait toutes les caractéristiques de la série.

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Courir en long et en large restera un pilier essentiel du jeu.

Ceci étant dit, travailler sur le gameplay a beau être un effort louable, surtout lorsque cela amène à des sensations aussi grisantes in game, cela serait-il suffisant ? On peut légitimement se dire qu’avec un game design aussi solide car très largement éprouvé par les années, ces intentions auraient pu suffire sans doute à faire de Metroid Dread un bon épisode.
Mais MercurySteam n’a pas vocation à ne composer qu’un « bon » jeu. L’objectif ici est affiché clairement : donner à la première grande saga de Samus Aran une conclusion qui marque. Le studio ne l’aura jamais affirmé de cette manière mais le public ira même jusqu’à s’attendre à découvrir un jeu qui révolutionne un tant soit peut la série. Une attente élevée qui exige de facto un travail supplémentaire. Non contents de remanier les mécaniques de jeu inhérentes à la licence, MercurySteam tâche en conséquence d’apporter du neuf jusque dans le game design du titre. Evidemment, les bases resteront les mêmes, en nous faisant parcourir différentes zones qui sont autant de secteurs variés d’une même planète. Une excursion en solitaire qui se fera au gré de décors labyrinthiques et d’un level design léché appelant aussi à réaliser un certain nombre d’allers et retours en fonction des items découverts ultérieurement et qui permettront de débloquer des chemins bloqués lors de notre précédent passage. En cela, la règle de Metroid est ici respectée, les Espagnols composant en effet un monde tortueux et propice à la claustrophobie.
On lui reprochera peut-être cependant de manquer un peu de personnalité sur le plan visuel, les décors se contentant de recycler les poncifs du genre avec les « zones de grottes », les « zones de lave », les « zones aquatiques », etc… Un travail similaire à celui mené sur Samus Returns en 2017 et que j’appréciais alors plus en raison de sa façon de réinventer des décors que nous ne pouvions qu’imaginer en jouant au jeu original sur l’écran en noir et blanc de la Game Boy. Mais une fois la comparaison faite, il était finalement vrai que ces décors sur 3DS manquaient peut-être un peu de panache, à quelques exceptions près. C’est le même constat qui sera alors dressé sur Dread, dont on sent de toute façon qu’en bon jeu Nintendo, il mise plus sur le fond que sur la forme. Impossible dans ce cas de nier l’évidence : sans être absolument moche, la direction artistique de cet épisode n’est pas parfaite. Le design général, s’il demeure respectueux de la « charte esthétique » de Metroid, propose un rendu final qu’on aurait espéré un peu plus léché, entre décors redondants et textures parfois déroutantes… Difficile toutefois de distinguer ce qui relève du parti-pris de la simple nécessité technique inhérente à la console (d’autant que sur le plan strictement technique, le jeu tourne à merveille).

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Malgré un geste pour renforcer l’impact de certains lieux, on gardera en mémoire l’aspect générique des environnements.

Le plus gros du travail – sans vouloir non plus trop minimiser l’aspect esthétique, sympathique au demeurant – concernera donc une nouvelle idée de game design avec l’introduction des EMMIs. Question contexte, il s’agit de robots envoyés par la Fédération Galactique mais qui ont cessé toute communication et se trouvent en réalité avoir été reprogrammés par le principal antagoniste du jeu pour mieux traquer Samus. La traque, justement, constituera alors le concept fondamental de cette nouvelle approche. Au nombre de sept, les EMMIs sont répartis sur l’intégralité de la map du jeu (un par région, en gros) et seront de redoutables ennemis : capables de se faufiler dans les moindres petits interstices, sensibles au plus petit bruit et au plus léger mouvement, ils viennent intelligemment renverser le statu quo de la série en inversant les rôles de chasseur et de proie. Présents dans des zones précises et délimitées dont ils ne sortiront jamais, ces robots s’avéreront être de redoutables adversaires, le jeu spécifiant lui-même par la voix de l’IA Adam qu’il est notamment presque impossible de parer leurs attaques s’ils venaient à vous attraper.

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Voici une image que vous verrez (très !) souvent.

Et en effet, le contre est quasiment impossible à caler contre ces ennemis. On y arrivera quelques fois, au prix de tentatives répétées et d’un apprentissage douloureux (mais gratifiant) du timing, lequel varie d’ailleurs d’un robot à l’autre mais restera toujours extrêmement serré. Mais l’échec sera bien plus fréquent, pour ne pas dire systématique. La meilleure solution sera donc la fuite, aussi rapide que possible étant donnée la vélocité dont ces EMMIs font preuve. Dès lors, c’est une nouvelle vision de la survie qui se troue implémentée dans Dread. Si celle-ci aura toujours été un élément-clé de la série (pour le côté solitaire face un nombre incalculable d’ennemis), elle prend ici une tournure inédite dans le sens où il n’est plus question de mener l’affrontement coûte que coûte. Dès lors que l’on pénètre dans la zone placée sous le contrôle d’un EMMI, difficile de ne pas ressentir une certaine pression. Leur rencontre étant fatale dans 99 % des cas, il faut à tout prix se tirer d’ici le plus vite possible sans chercher à jouer les téméraires.

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Ceci constitue le seul et unique moyen de venir à bout d’un EMMI. Et ce n’est pas chose aisée !

La palette de coups et d’aptitudes de Samus aura beau s’enrichir (camouflage optique, je pense à toi), ces zones resteront toujours un piège duquel il faudra s’extirper avant qu’il ne soit trop tard. Un seul objectif alors : dénicher le canon omega, variante du bras armé de l’héroïne qui ne s’obtiendra qu’en lien avec ces salles spéciales puis disparaîtra une fois qu’il aura été employé pour dézinguer le robot à nos trousses. Cette nécessité de se faire discret amène en tous cas beaucoup de monde à parler de l’arrivée au sein de Metroid d’une véritable fibre infiltration. A titre personnel, je reconnais qu’il y a face aux EMMIs des éléments qui renvoient directement à ce genre mais je ne suis pas certain pour autant que ce soit le terme le plus approprié et je maintiens ce que je disais plus haut : il s’agit plutôt, je trouve, d’un renforcement de la notion de survie. Plus brute, plus directe et plus violente qu’elle ne le fut auparavant, elle prend ici une ampleur nouvelle. L’idée est dans tous les cas louable et intéressante mais peine cependant à trouver sa juste mesure sur le long terme. Chaque zone à EMMI, encore une fois strictement délimitée, ne se distinguant des autres que dans son agencement pur et dur, on remarquera hélas trop vite la redondance de ces phases. Tant et si bien qu’on finira parfois par se contenter de foncer à travers ces espaces pour aller au plus vite vers la sortie, sans trop se soucier de l’EMMI qui rode. S’il venait à nous remarquer, on se contenterait de se cacher dans un coin un instant pour se faire oublier avant de finalement franchir la porte salvatrice.
La recette, qu’on félicitera pour son intention et son exécution première, ne changera donc jamais vraiment d’une zone à l’autre. C’est un peu dommage mais on ne jettera pas l’opprobre sur cette proposition malgré tout, cette dernière donnant aux joueurs et joueuses une nouvelle fenêtre par laquelle envisager Metroid et dont on espérera en fin de compte qu’elle soit une feature déterminante dans l’avenir de la licence. Prenantes et même stressantes en dépit de leur répétitivité, ces séquences permettent enfin de renouer avec toute l’atmosphère si particulière des premières aventures de Samus, imprégnées de cette claustrophobie ambiante si marquante et de cette sensation que chaque nouveau détour sera un piège mortel.

Ce choix est d’autant plus appréciable – même si l’on touche vite aux limites de l’exercice – que le jeu dans son ensemble se montrera finalement assez simple d’accès et lui permet donc de réhausser le challenge de temps à autres. Sans aller jusqu’à dire qu’il est strictement facile (voire trop), je trouve toutefois qu’il aurait mérité de délivrer une dose de défi un peu plus élevée. Guidant beaucoup les joueurs et joueuses, Dread manque de cette volonté de perdre son public dans les dédales de son level design. Il essaie pourtant de masquer cette espèce de petit fléchage en arrivant à simuler parfois la sensation d’avoir trouvé une solution ou une issue dissimulée par soi-même. On sortira tout de même de l’aventure sans se voiler la face sur ce fil d’Ariane plus ou moins discret qui trace le cheminement à suivre. Cela permettra en tous cas certainement de rendre ce Metroid plus accessible à un plus grand nombre, ce qui – conjugué à l’omniprésence de la Switch dans les foyers – explique peut-être bien le succès commercial de cet opus qui dépasse déjà allègrement tout ou partie de ses prédécesseurs sur ce seul plan. Les plus habitué(e)s, dont je fais partie, y perdront quand même un tout petit peu de ce qui nous aura toujours attiré dans cette licence, ce sentiment d’égarement, ce besoin de chercher un peu partout…

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Sans pour autant intégrer de sauvegarde automatique pure et simple, Metroid Dread tache quand même de vivre avec son temps en démultipliant le nombre de salles dédiées à la sauvegarde.

C’est d’autant plus frustrant à mon sens que nous vivons avec joie une époque où le Metroid-like en particulier et le metroidvania dans son ensemble connaissent une renaissance extrêmement appréciable, portée par des titres d’excellente facture. Parmi ceux-ci, certains proposent un degré de défi et de difficulté qui répondent peut-être mieux encore aux attentes du public acquis à la cause de Metroid et de ses congénères que ne le fait Dread (si l’on veut chipoter). Impossible en l’occurrence de ne pas penser à Hollow Knight une nouvelle fois, lequel forçait toutefois un peu le trait sur la difficulté (mais quel plaisir !) et sur la nécessité de parfois retraverser l’intégralité de la map pour utiliser une nouvelle aptitude tout juste acquise sur une porte qu’on avait croisée des heures auparavant et qui se montre désormais indispensable à franchir… Après tout, le jeu parfait n’existe pas et cela n’ôte rien aux immenses et indéniables qualités dont jouissait la production de Team Cherry. Tout cela pour dire que Dread peut finalement sembler un tout petit peu trop simple face à la concurrence actuelle. Cette « facilité » ne sera cependant jamais trop grande et le jeu amènera son lot de moments plus difficiles. Les combats contre les boss sont tout particulièrement à souligner car assez exigeants. Demandant d’être particulièrement attentifs afin de bien comprendre et retenir les patterns, tout en faisant attention à ne pas s’emmêler les pinceaux dans les commandes (ce qui arrive parfois, on ne va pas se mentir), ces affrontements sont assez souvent épiques et restent des rendez-vous iconiques de ce titre, dans la droite lignée de la saga toute entière.
Du reste, Metroid Dread se terminera assez vite. Malgré les différents obstacles, le jeu est assez ramassé et la conjonction de son gameplay nerveux avec sa simplification par rapport aux précédents épisodes conduit Dread à se boucler en une dizaine d’heures tout au plus, moins si l’on va en ligne droite sans se soucier des collectables (conteneurs d’énergie, réserves de missiles, etc.). Je le regrette un peu d’ailleurs, moi qui espérais plonger dans une aventure un peu plus longue que ça… Je me suis même surpris à rallonger un peu la durée de vie en farfouillant chaque zone pour y dénicher tout ce que je n’y avais pas trouvé lors de ma première venue. Une activité certes amusante mais qui n’enlève rien au fait que le cours principal du jeu manque un peu de durée de vie. Allez, j’aurais bien signé pour une quinzaine d’heures…

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Un mot enfin, rapide cette fois-ci, pour évoquer l’envie de MercurySteam de densifier un tant soit peu le background général de la licence à travers Metroid Dread. Une envie qui s’affichait déjà bien dans Samus Returns et qui se trouve ici prolongée par de nouveaux éléments qui viennent par à-coups compléter un peu ce que l’on savait déjà de Samus Aran et de l’univers dans lequel elle évolue. J’aime assez d’ailleurs le fait que ceci soit fait de manière un peu plus directe et explicite que ce n’était le cas dans la trilogie Prime, où le lore s’observait surtout à travers d’innombrables textes répartis un peu partout dans l’ensemble des trois jeux et qui imposaient une importante lecture à celles et ceux qui voulaient en découvrir davantage sur le contexte de la série. Les efforts de MercurySteam sont d’autant plus appréciés qu’ils viennent toucher à la seule licence maison de Nintendo où un effort a véritablement été fait pour donner du liant à l’ensemble. Même si l’on reste quand même beaucoup sur du prétexte plus qu’autre chose la plupart du temps, il est indéniable que contrairement à Super Mario ou même The Legend of ZeldaMetroid peut au moins prétendre disposer d’une trame scénaristique générale que l’on peut facilement suivre. Avec Dread, MercurySteam a d’ailleurs pour mission d’y apporter la principale conclusion, tandis que Retro Studios travaille de son côté à la continuation de celle développée avec Prime. Il sera en tous cas intéressant de noter que ce n’est que lorsque la série passe entre les mains de studios tiers qu’une attention véritable est portée sur cet aspect, là où MetroidMetroid II ou même Super Metroid, se contentaient de dire « Oui bon, voilà pourquoi tu dois faire ça mais on s’en fout un peu ».

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Une heureuse surprise, voilà ce qu’est Metroid Dread en définitive. Sorti de nulle part à un moment où plus personne ne l’attendait, le projet de longue date réussit le pari risqué de combler l’absence et le silence de Prime 4. Après un essai réussi sur 3DS, le studio espagnol MercurySteam rempile donc avec brio sur cet épisode Switch qui, en dépit de quelques menues faiblesses, s’inscrit sans avoir à rougir dans l’héritage de la licence. S’il aurait peut-être pu plus s’inspirer de la concurrence actuelle en un juste retour des choses, Dread se livre néanmoins comme un très bon épisode dont le succès n’est clairement pas immérité. Il aurait pu être plus long, il aurait pu être plus dense, il aurait pu être un petit peu plus retors, certes, mais le plaisir de jeu reste instantané, trouvant un équilibre plutôt correct entre les attentes légitimes des ancien(ne)s fans et la nécessité de répondre à celles d’un public néophyte et actuel. La pirouette était risquée, la réception un peu chancelante mais c’est une médaille d’or quand même, entachée malheureusement par les récentes déclarations concernant les pratiques du studio en interne. MercurySteam a en effet fait le choix délibéré de ne pas créditer sur son jeu un certain nombre d’employés qui ne sont pas restés suffisamment longtemps à l’œuvre sur Dread au goût de ses décisionnaires. Répondant en cela à une règle interne honteuse, le studio espagnol laisse planer une ombre désagréable sur un succès pourtant flamboyant.

Synthèse Metroid Dread

Une réflexion sur “Parlons jeu, parlons bien n°77 – « Metroid Dread » [Switch]

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