J’ai bien conscience qu’on parle beaucoup plus de jeux vidéo que d’autre chose sur le blog depuis quelque temps mais il faut bien admettre que c’est certainement le loisir auquel je m’adonne le plus. Depuis les déconfinements successifs, je n’ai pas repris le pli d’aller suffisamment au ciné pour avoir matière à écrire sur un quelconque film (et ce ne sont pas les productions Netflix qui vont me donner cette envie), je ne regarde quasiment plus de séries et si j’écoute toujours autant de musique, j’ai bien du mal à composer quoi que ce soit sur les récents albums qui sont passés par mes oreilles, aussi bons soient-ils… En conséquence, bouclez vos ceintures, faites chauffer les moteurs et vérifiez bien vos rétroviseurs : cette semaine on va parler jeu de courses !
S’il se trouve que vous me suivez depuis un certain temps, vous savez sans doute que la série des Forza Horizon constitue une certaine exception dans ma ludothèque. Les jeux de bagnole n’ayant jamais été mon fort, la seule présence de la licence de Microsoft pourrait surprendre. Mais comme je le disais dans mon article consacré à Forza Horizon 4, j’ai été instantanément séduit par la proposition de Turn 10 et Playground Games lorsque je me suis essayé au deuxième épisode de la série. J’y retrouvais en effet un certain nombre d’aspects – sur lesquels je reviendrai ensuite – qui m’ont réconcilié avec le fait de piloter un bolide dans un jeu qui ne serait consacré qu’à cela. En aucun cas mes expériences passées sur des licences comme Midtown Madness en son temps ou Need for Speed plus récemment n’avaient jamais su me procurer ce plaisir, aussi Forza Horizon était-elle une belle surprise.

Mon premier contact avec Forza Horizon remonte au deuxième épisode, glané à 5€ dans un bac à soldes de Cultura
Je ne vous ferai pas l’affront de vous exposer dans les moindres détails l’ensemble des tenants et aboutissants du game design de cette série et de son cinquième épisode. La formule est, je pense, déjà largement connue et appréciée pour que je ne me prête pas à cet exercice qui ne serait qu’une énième répétition. Tâchons plutôt de resituer un peu Forza Horizon 5 dans tout cela. Ce dernier, nous fut annoncé assez récemment au regard de sa sortie finalement. Au cours d’un E3 2021 particulièrement bien tenu (pour ne pas dire toute bonnement réussi) pour le constructeur, Xbox nous dévoilait en effet le cinquième épisode du pendant arcade de ses jeux de courses (opposé à un Forza Motorsports plus simulation et surtout bien plus discret depuis quelque temps) et en présentait les grandes lignes. Exit la Grande-Bretagne de FH4, nous nous envolons cette fois-ci vers le Mexique. Le festival fictif d’Horizon posera donc ses scènes, garages et grosses enceintes dans le pays de Frida Kahlo, une destination synonyme d’un dépaysement qui se veut être un des atouts de la série.
En effet, en nous trimbalant au fil des épisodes du Sud de la France à l’Australie en passant par le Royaume-Uni donc, Forza Horizon nous aura habitués à livrer des environnements de jeu qui mettent l’accent sur un désir d’ailleurs dans lequel je me reconnais totalement. Une intention d’autant plus louable que les développeurs ont toujours fait l’effort de composer des aires de jeu qui soient aussi chatoyantes que possible. Ce constat s’observait déjà dans les premiers titres, prenait de l’ampleur dans le 2 puis le 3 avant d’atteindre une forme d’aboutissement dans le quatrième opus. Avec Forza Horizon 5, on va encore un petit peu plus loin étant donné la présence du titre sur les consoles de nouvelle génération Xbox. Après une première année satisfaisante en termes de ventes mondiales, il demeurait encore un pas à franchir pour les nouvelles machines du constructeur (et aussi pour celles de son principal concurrent PlayStation d’ailleurs) : gonfler leur catalogue de jeux avec des titres qui sachent porter le potentiel de ces nouveaux hardwares. Voilà qui aura pris progressivement forme courant 2021 et qui commence à pleinement se faire sentir en cette fin d’année. Côté Microsoft, cela passera en toute logique par la sortie prochaine de Halo Infinite mais Forza Horizon 5 se devait déjà de nous exposer la puissance de la Series X sans détours.

La carte de Forza Horizon 5, ici détaillée selon les biomes par les équipes de xboxsquad.fr, est immense !
A mon sens, la mission est totalement accomplie. Le soft jouit en effet d’immenses qualités en matière de rendu graphique et offre à voir une splendeur de chaque instant qui transperce l’écran et assoit bien vite la force visuelle du titre. Même sur ma petite télé HD vieille de 11 ans déjà, la chose semblait évidente : rarement ai-je vu un jeu aussi beau. Cela a-t-il même déjà été le cas ? Difficile à dire mais le constat demeure le même. Cette recherche d’un rendu visuel sans cesse plus beau, le jeu permet par ailleurs de la pousser plus ou moins loin avec deux modes d’affichage : performance et qualité. Dans le premier cas, c’est le sacro-saint 60fps qui sera l’objectif et le jeu s’affichera avec une fluidité exemplaire. Si on opte pour la « qualité », le 60fps ne sera plus garanti mais le titre se donnera à voir dans ses plus beaux atours, avec un souci du détail quasi hors-normes. Chacun(e) fera son choix en fonction de son matériel et de ses préférences. En ce qui me concerne, c’est en mode « performance » que j’ai choisi de faire tourner le soft et je ne le regrette en aucun cas. Il suffit de se lancer dans une course effrénée pour en prendre plein la vue et les quelques concessions alors effectuées sur le rendu graphique du jeu sont suffisamment minimes pour totalement passer inaperçues.
Puisque l’on en est à parler réglages et autres menus, je tiens à souligner le très large potentiel d’adaptabilité que le jeu offre. On le sait depuis un bout de temps, Microsoft est clairement engagé dans une démarche d’accessibilité visant à rendre possible le plaisir du jeu vidéo au plus grand nombre. Quelle que soit la nature du handicap, les équipes de Phil Spencer tachent d’y apporter des solutions adaptées, ce qui fut d’abord le cas avec cette fameuse manette adaptative très largement encensée pour sa capacité à répondre au plus grand nombre de handicaps physiques possible. Avec Forza Horizon 5, Xbox et ses studios poussent la chose un peu plus loin encore avec, dès le lancement du jeu, un passage par un grand nombre de réglages permettant de rendre le jeu accessible à toutes et tous. Cela passera entre autres par des options colorimétriques pour satisfaire les personnes atteintes de dyschromatopsie (dont le daltonisme est la forme la plus connue). On pourra également citer la possibilité de régler la taille des textes (et pas uniquement des sous-titres, lesquels profitent par ailleurs d’un certain nombre de réglages dédiés) ou encore le contraste général pour rendre les menus toujours plus lisibles. On songera aussi au narrateur qu’il est possible d’activer pour que quelqu’un vous lise les menus et autres textes affichés à l’écran. Je vous épargne la liste complète et vous renvoie pour plus d’informations à cette page dédiée à la question, mais gardons cela en tête : Forza Horizon 5 est un exemple à suivre. Ce sens du détail ne devrait d’ailleurs pas être de l’ordre de ces exceptions qu’on se plait à souligner pour dire à quel point ces éléments-là sont importants. Ce devrait être un ça-va-de-soi et je suis heureux de voir qu’un titre à l’aura telle que celle-ci et que des studios et constructeurs de premier plan s’engagent en ce sens. En cela, ils tracent un sillon dans lequel il sera plus facile pour tous les autres de se faufiler afin de rendre le jeu vidéo toujours plus accessible en dépit des différents handicaps qui peuvent affecter le public.
Une fois tous ces réglages faits et notre personnage conçu (ici avec un sens certain de l’inclusivité), il est temps de se plonger dans le jeu. Forza Horizon 5 nous y invite d’ailleurs de la même manière que d’habitude avec une course d’introduction qui permettra de tout de suite retrouver ses repères (ou les prendre, dans le cas des néophytes). Largués à bord d’une voiture depuis un avion cargo, nous voilà à arpenter les routes et chemins du Mexique dans une débauche de n’importe quoi qui nous fait instantanément renouer avec les sensations typiques de la série. Tous les types de terrains et donc de courses y passent : route, rue, cross country, trail…

Comme à son habitude, Forza Horizon nous plonge dans le bain sans même nous laisser le temps de nous mouiller la nuque
En l’espace d’une séquence d’introduction, FH5 s’est présenté dans les grandes largeurs et l’on comprend rapidement que, non, il n’aura pas pour mission de chambouler la recette dans ses principes fondateurs. Ce n’était de toute façon pas ce qu’on attendait de lui, aussi le fait de retrouver des propositions très similaires à celles des opus précédents ne viendra choquer personne ou presque. Comme tous les autres donc, cet épisode articule son concept autour d’un festival fictif et évolutif dont nous ouvrirons nous-mêmes les différentes antennes, chacune d’elle étant l’occasion de mettre en place de nouveaux types d’épreuves. Au total, six sites sont ainsi à inaugurer pour un total de 5 de domaines de courses (le site Mexico fait office de main stage et donc de point de départ et de mise en bouche plus qu’autre chose). En cela, FH5 reprend ce qui faisait une des particularités de FH3, à savoir cette espèce de polarisation des activités. Dans ce troisième volet, nous étions en effet amenés à ouvrir des antennes strictement thématiques et orientées quasi exclusivement autour d’un type de courses chacune. C’était l’un des points qui m’avait un peu déçu avec cet épisode australien puisque j’y regrettais le fait que chaque zone du jeu s’avère finalement un peu redondante en elle-même. Je craignais donc au début de mes sessions sur Forza Horizon 5 que les développeurs n’aient eu l’envie de revenir à ce postulat. Cela aurait été dommage alors que le précédent titre rompait avec cette idée mais j’ai été rapidement rassuré en découvrant que si une légère polarisation s’observe de nouveau, elle est bien moins forte que dans FH3. En effet, l’ouverture du site Apex par exemple débloquera un certain nombre de courses sur route dans la région concernée mais on verra rapidement que les épreuves de ce type sont disponibles un peu partout dans la map mexicaine de cet épisode.

Parmi les autres sites, Horizon Wilds mettra par exemple l’accent sur les courses de trail, c’est-à-dire de tout-terrain.
De ce point de vue, je trouve que Forza Horizon 5 tente de trouver une certaine forme d’équilibre entre les formules précédentes. Il y arrive même, en définitive, en dévoilant progressivement un contenu particulièrement dense mais très bien réparti sur l’aire de jeu. Il n’y a eu aucun moment où je me suis dit que telle ou telle zone me lassait parce qu’elle aurait été trop marquée par un type de course que j’aime moins que les autres. Au contraire, j’ai retrouvé dans FH5 ce qui m’avait séduit avec son prédécesseur direct, lequel donnait lieu à un véritable plaisir à parcourir la carte et où chaque zone proposait un choix assez vaste d’activités. Ce cinquième épisode poursuit donc le décloisonnement initié par FH4 et c’était sans conteste la meilleure chose à faire étant donnée l’étendue de ce morceau de Mexique dans lequel nous évoluons. Plus grande que jamais, la map du jeu se paie le luxe d’être non seulement immense mais aussi très bien équilibrée en termes de contenus.
Car aux épreuves les plus classiques s’ajoutent bien sûr ces petites occupations annexes où l’on devra répondre aux sollicitations de tel ou tel PNJ dans le cadre de petites épreuves ponctuelles et thématiques où nous retrouvons tout le côté un peu farfelu de la licence. C’est le cas par exemple avec la mini-quête qui mêlera course de voitures et lucha libre, celle où il s’agira de cumuler des photographies ou d’autres encore… Une série de petites « missions à peu près scénarisées » qui viennent agréablement compléter le lot des courses les plus classiques et auxquelles doivent également être ajoutées les recherches des fameux trésors de grange (voitures rares), les défis les plus ponctuels (sauter le plus loin, battre des records de vitesse en des sections de route donnés, faire un maximum de drifts…) et enfin les rassemblements. Ces derniers, aussi amusants soient-ils pèchent cependant toujours autant par leur côté très scripté. En effet, j’irai même jusqu’à penser qu’il est tout bonnement impossible d’échouer dans ces fameux rassemblements qui nous demandent de faire la course contre un avion, un train ou un groupe de types montés sur des jetskis… L’idée est ici bien plus d’offrir un spectacle, tant aux spectateurs virtuels qui observent ce grand déballage sur le bord des routes qu’aux joueurs et joueuses.

Même si ces épreuves de rassemblement demeurent amusantes à faire, on regrettera toujours qu’elles soient encore aussi scriptées en ce qui concerne la victoire finale…
L’on touche alors à ce qui fait l’intérêt, le sel, l’essence (hu hu) même de Forza Horizon et fatalement de ce nouvel ajout à la série. Quand Forza Motorsports offre de son côté une véritable simulation de pilotage, dans tout ce que ceci peut avoir de complexe ou non, Horizon se veut plus être le petit frère déglingué qui part dans tous le sens. Nul besoin de vouloir jouer les rois du circuit ici puisqu’on flirte bien plus avec un esprit digne des fous du volants. Une philosophie de jeu qui guide l’entièreté du game design et se résume dans le ton général accordé aux personnages, aux tracés de courses et à l’esprit du festival ainsi mis en scène. On n’est pas là pour devenir le meilleur des meilleurs mais pour s’amuser, surtout. Jouer à Forza Horizon, c’est renouer avec le plaisir enfantin de collectionner ses petites voitures, de jouer avec et d’en faire presque les personnages d’aventures sur quatre roues aussi absurdes que possible. Le jeu pousse ce joyeux esprit jusqu’à offrir des voitures à tout-va. A grands coups de roulettes et autres surprises, FH5 perpétue ainsi la tradition de la licence qui consiste à donner accès à toujours plus de véhicules, facilement, rapidement.
Les amoureux de l’effort justement récompensé, de la gratification obtenue au prix d’une maîtrise certaine des engins, ceux-là ne s’y retrouveront peut-être pas tant Forza Horizon ressemble à un gros Père Noël qui estime que tout le monde a été super sage et mérite donc tous les cadeaux possibles. Mais ces mêmes personnes savent déjà sans doute que telle est la philosophie de cette franchise et que c’est clairement le cousin Motorsports qui leur correspondra le mieux.
Au contraire de ce dernier, Horizon vise en définitive une ambiance très arcade basée sur des objectifs moins liés au classement en course qu’à l’obtention de points et de bonus qui permettront de débloquer du contenu supplémentaire. Facile d’accès et digne d’un véritable parc d’attraction, FH5 s’inscrit totalement dans cette vision de jeu où toute occasion est bonne pour gagner quelque chose (voiture, accessoire vestimentaire pour l’avatar, klaxon…). Si l’on ajoute enfin à cela les grandes libertés de personnalisation offertes tant sur le plan esthétique que technique de nos voitures, ressort finalement le sentiment que nos tapis de jeux d’enfants et autres garages miniatures ont bel et bien pris vie pour donner à voir et à piloter des engins tels qu’on se les imaginait à l’époque, Majorette et autres Hot Wheels en mains.
Cette idée de renouer avec des délires enfantins au volant de nos bolides, il ressort bien entendu dans le ton général du jeu, qui mise sur le fun avant toute autre chose. Comme je le disais un peu plus haut, il est finalement moins question dans Forza Horizon de sans cesse être le premier que d’être ce que les personnages du jeu appellent d’ailleurs la « super-star ». Un statut conféré à notre avatar d’entrée de jeu, ce dernier étant intégré dans ce cinquième épisode en partant du principe qu’il est ce pilote qui a retourné le Royaume-Uni dans FH4. Et si être une super-star donc implique de gagner des courses, cela induit également de marquer les esprits par des exploits purs et durs. FH5 accompagne alors cela par une ambiance plus que décontractée, digne d’un Coachella motorisé et où l’amusement coûte que coûte sera l’objectif numéro un. L’affaire fonctionne d’ailleurs plutôt bien en évitant d’en faire trop, notamment sur le plan sonore. A l’inverse d’un Riders Republic d’Ubisoft qui multiplie les « Wouhou !! », « Génial !! », « T’as vu ça mec ?! » et autres interjections insupportables du genre, FH5 se contente de souligner l’exploit accompli et le délire de ce dernier et basta. Les PNJ ne sont pas (trop) surexcités, évitant de lasser les joueurs et joueuses en leur fatigant les oreilles à tout bout de champ.

J’oubliais de le mentionner, mais les Drivatars constituent toujours une jolie idée pour jouer avec ses amis même s’ils ne sont pas là.
Décomplexé autant qu’il le peut, sortant encore et toujours le jeu de voitures et de courses de ses carcans habituels, Forza Horizon poursuit donc avec ce numéro 5 ce qui a toujours fait son succès. Cela dit, on se pose plusieurs questions malgré le plaisir de jouer très aisément ressenti.
La première concerne la répétitivité de la formule. En effet, s’il est toujours plaisant de foncer sur les routes et sentiers de la map proposée, on ne peut que constater qu’après tout ce temps, FH5 repose sur l’intégralité ou presque de toutes les propositions faites par ses prédécesseurs. Bien entendu, la recette est sans cesse remaniée d’un épisode à l’autre (le 3 et cette réorganisation des épreuves, le 4 et les saisons…) mais il m’est difficile de trouver LE point qui me fera dire « Ah oui, Forza Horizon 5 se démarque vraiment au sein de sa licence ! »… Au contraire, je trouve que le titre se contente, peut-être un peu trop facilement, de reprendre tout ce qui a été fait avant et de le digérer pour en livrer une synthèse générale. Bien qu’inattaquable à mon sens sur sa technique et son gameplay notamment, je crois que FH5 peut être vu comme le premier signe d’une franchise qui commence à gentiment se répéter, sinon à tourner en rond… Le plaisir est intact, heureusement, mais je m’interroge quant à savoir s’il le sera toujours autant quand nous jouerons à Forza Horizon 6 ou 7. Turn 10 et Playground Games touchent potentiellement aux limites de leur proposition avec cet opus et il faudra qu’ils soient des plus vigilants par la suite s’ils ne veulent pas que leur licence fétiche devienne redondante et par conséquent barbante.
La seconde question que je me pose finalement et sur laquelle je vais conclure cet article, concerne une autre limite du jeu. Je le disais plus haut, Forza Horizon se démarque par un ton particulier, chaleureux, décomplexé et « foufou ». Une marque de fabrique qui aura déteint sur le game design de la série et qui a ouvert le pilotage vidéoludique à des joueurs et joueuses qui, comme moi, pouvaient ne pas forcément être féru de jeux de bagnoles. On pouvait toutefois être interpelés par le fait que, mine de rien, nous roulions à travers champs en écrasant toute la végétation sur notre passage et en détruisant mille biens matériels privés. Jusqu’ici cependant, le jeu entretenait suffisamment bien l’illusion pour que la chose ne choque pas, tout simplement parce qu’on n’en parlait pas. Un silence entendu entre le soft et son public qui reposait en grande partie sur l’adage « ce n’est que du jeu vidéo ». Personnellement, ça m’allait très bien ainsi, je ne vais pas vous mentir.
Du reste, voilà que Forza Horizon 5 marque un pas de côté. C’est un sujet que Yann François évoque à très juste titre dans le récent n°87 du magazine JV (lecture hautement recommandable) et qui porte à s’intéresser à la manière dont le jeu insère son objet (un festival automobile) dans son environnement (ici le Mexique, sa nature et son patrimoine). Avant même de lire les mots de ce journaliste, je voyais où il voulait en venir et cela m’était d’autant plus facile que c’était quelque chose qui m’avait sauté aux yeux en jouant. Je me suis revu ainsi rouler n’importe comment dans d’antiques ruines pré-colombiennes pour sauter par-dessus une pyramide et installer une bonne grosse antenne radio au beau milieu de ces vestiges d’une civilisation disparue. Je me suis souvenu aussi de ces mots lancés par ce PNJ dont le nom m’échappe mais qui, au cours d’une de ces missions à la thématique « voitures + lucha libre« , me dit sans gêne aucune : « Vas-y, coupe à travers champ, les agriculteurs adorent ce spectacle de toute façon » (ou quelque chose d’approchant). Même petit sentiment désagréable quand un autre PNJ (un universitaire) s’enthousiasme tandis que nous détruisons joyeusement tout ce qui se trouve sur un plage. Sauf qu’on était venus sur cette plage dans le cadre d’une série de missions visant à mettre en valeur le patrimoine naturel mexicain…

Contrairement à d’autres, je ne pense pas que ce soit intellectualiser à outrance que de s’interroger sur la pertinence d’un propos. Cela n’enlève d’ailleurs rien au plaisir de jeu en tant que tel.
C’est alors que ce que je mentionnais plus haut (le fait de faire tout et n’importe quoi dans l’environnement du jeu) passe du statut de « ce n’est que du jeu vidéo » à « ennuyeux », pour ne pas dire « problématique ». FH5 tente d’intégrer dans son déroulé des thèmes actuels comme la préservation des patrimoines culturels et naturels. Induits par une volonté assez récurrente dans la licence de nous faire découvrir de nouveaux endroits lointains, ces thèmes sont loin d’être idiots en soi. Ce qui l’est plus cependant, c’est ce grand écart philosophique que le soft va faire entre l’envie d’évoquer ces sujets et leur intégration dans le jeu. Car ces problématiques-là ne sont en aucun cas compatibles avec ce que Forza Horizon nous invite à faire ! Quand les jeux précédents ne se souciaient pas de ces thématiques et ne les abordaient pas du tout, il était bien aisé de les contourner et d’en faire fi pendant que nous dégommions clôtures et murets. Mais voilà que cette cinquième itération les intègre directement dans son « lore« . De ce fait, ce sont toutes les sensibilités et les éventuelles préoccupations liées à ces sujets qui sont amenées in game. Mais ce n’est pas le jeu qui les intègre en son sein, ce sont les joueurs et joueuses, avec leurs opinions propres. FH5, lui, devient alors coupable et victime de cette contradiction qui nous saute alors aux yeux. Car en cherchant ainsi à tenir un propos, même s’il demeure assez discret, le titre se met finalement dans la situation où ce qu’il essaie de dire se heurte à ce qu’il demande de faire. On ne peut pas vous expliquer que la préservation et l’étude des écosystèmes locaux sont primordiales pendant que vous foncez à 250 à l’heure sur une route si c’est pour ensuite ravager un bout de forêt…
On me rétorquera peut-être que s’offusquer pour cela est un peu vain, sinon hypocrite, quand j’ai par ailleurs zigouillé, parfois violemment, mille personnes dans tant d’autres jeux. Le point de vue se défend mais je répondrais alors qu’il convient de prendre en compte un élément important d’analyse : la justification. Quand je tue un ennemi dans un jeu, il y a une justification derrière la plupart du temps. Je peux être d’accord avec elle ou non, cela variera selon le propos du scénario et la qualité de ce dernier. Mais dans le cas du jeu qui nous intéresse ici, il n’y a aucune justification. Je n’ai aucune raison valable de dégrader ces plages pendant qu’un étudiant m’explique qu’il faut les préserver tout en m’assurant que « Wow, on s’amuse, c’est pas grave, lol ! ». C’est totalement gratuit et c’est bien cela qui me choque un peu en définitive. Si Forza Horizon 5 tenait réellement à intégrer ces questionnements en son sein, sans doute aurait-il fallu le faire avec des quêtes en adéquation avec leur philosophie propre. On aurait par exemple pu penser à amener des véhicules électriques dans le roster de voitures disponibles ou à des missions de mise en valeur de ces patrimoines mais sans y pénétrer, ainsi qu’on aura pu le faire auparavant dans la série. En conséquence, FH5 trébuche sur ce point, seule véritable faille pour venir effriter l’aura d’un titre pourtant de très grande qualité dans tous ses autres aspects. J’espère cependant que les développeurs sauront reprendre ces éléments en considération dans les opus suivants, histoire que la décomplexion si agréable et rafraichissante de Forza Horizon ne devienne pas de la bêtise pure et simple, une maladresse évitable, même si on ne lui trouvera bien entendu aucune mauvaise intention de prime abord.
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Forza Horizon 5 est donc le digne héritier de ses quatre prédécesseurs. Amusant de bout en bout, faisant preuve d’une instinctivité remarquable et d’un sens de l’accompagnement très appréciable pour les moins férus de jeux de courses (mais sans jamais trop prendre par la main), le titre perpétue agréablement tout ce qui anime cette licence. Après un quatrième épisode particulièrement réussi, ce FH5 n’a pas spécialement à rougir mais amène toutefois les premiers vrais questionnements quant à une recette, certes toujours aussi efficace, mais qui semble doucement arriver vers ses limites. Du reste, ni cela, ni les errances strictement philosophiques du jeu ne viendront réellement entacher le plaisir de rouler à toute blinde dans cet open world immense, dépaysant et éminemment sympathique.
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