Avec Devolver, je dois bien avouer que je ne sais jamais trop à quoi m’attendre. Si l’éditeur a su porter de nombreux jeux de grande qualité et/ou d’intérêt certain (Katana ZeroMother Russia Bleeds, les deux premiers OlliOlli…) sur le devant d’une scène qu’il occupe désormais très bien (surtout depuis ses conférences déjantées lors des E3 de ces dernières années), il a aussi été le porte-voix de productions bien moins léchées (Serious Sam, quand même) qui laissent constamment planer un doute au moment d’annoncer ses nouveautés à venir. Récemment, Trek to Yomi fit partie de ceux dont on a espéré qu’il rejoigne la première catégorie. Or, sans jamais sombrer dans la seconde, il aura surtout réussi à se caler pile entre les deux.

C’est en 2021 que Trek to Yomi a été dévoilé. Lors de la conférence qu’il tenait pour l’E3 de l’an dernier, Devolver nous révélait en effet ce jeu développé pour son compte par Flying Wild Hog. Le studio m’évoque quelque chose, de nom, mais je dois bien admettre que je ne sais pas grand-chose à son compte, si ce n’est que c’est à ses équipes que l’on doit la trilogie Shadow Warrior, dont le dernier volet est d’ailleurs sorti au début de ce printemps, non sans décevoir. Cette sortie en demie-teinte me met d’ailleurs la puce à l’oreille : et si Trek to Yomi était à son tour décevant justement ?

Bien que développé par une autre équipe que celle derrière Shadow Warrior 3, on peut légitimement se demander si le seul fait d’être une production Flying Wild Hog de 2022 n’est pas un risque en soi. On se rassure cependant assez vite, comme on peut. D’abord en se rappelant que Trek to Yomi et Shadow Warrior 3 n’ont pas les mêmes ambitions. Là où le second se veut un jeu AA façon blockbuster tel qu’on en voit de nos jours sur nos consoles et PC, celui qui nous intéresse ici vise d’autres ambitions, qui confinent plus à l’expérience qu’autre chose. Ce terme est à prendre sous plusieurs acceptions d’ailleurs puisqu’on pense ici tant à l’expérience pour le studio – qui cherche à pondre un jeu très largement inspiré par le cinéma japonais, on y reviendra – que d’expérience au sens de quelque chose à vivre et à ressentir pour les joueurs et joueuses. Je me pencherai cependant sur tout cela en temps utile, aussi revenons en à ces temps qui ont précédé ma partie sur ce jeu.

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Ghost of Tsushima avait été un de mes jeux de 2020.

On va même remonter le temps jusqu’en 2020 pour commencer. Cette année-là, comme pas mal de monde, je plongeais dans Ghost of Tsushima, un jeu dont je n’ai pas parlé sur ce blog mais dont on va prendre le temps de causer un peu aujourd’hui. Parce qu’au moment où je l’ai découvert, l’exclusivité de Sucker Punch pour la PS4 m’avait charmé de bout en bout. S’il n’est pas exempt de défauts qui, à bien y réfléchir, n’étaient pas spécialement gênants en soi (côté un peu redondant des multiples quêtes annexes, ce genre de choses), il offrait cependant un merveilleux cadre de jeu.

Prenant place dans le Japon féodal, nous immergeant dans l’univers des samouraïs, Ghost of Tsushima se voulait une itération de l’open world moderne qui aurait tiré les leçons de Breath of the Wild tout en tachant d’exprimer dans son game design un pan de la philosophie nippone de l’époque. Faite d’une attitude qu’on qualifiera de « zen » – malgré le côté un peu cliché de la chose – tout en appuyant sur divers éléments tels que le rapport à la nature et à une certaine forme de spiritualité, cette philosophie transpire de chaque séquence du jeu, jusque dans les combats même.

Au cours de ces derniers et malgré la brutalité dont ils peuvent faire preuve (Sucker Punch n’ayant pas lésiné sur l’imagerie sanguinolente que véhicule volontiers le katana en tant qu’arme), le jeu nous invitait à faire preuve de patience et de ce qu’on pourrait comparer à une certaine « maîtrise de soi » afin de ne pas bourriner inutilement et se faire découper par un adversaire qu’on aurait pris à la légère. Cette façon de mener les duels au sabre touchait certes à certaines limites à la longue mais contribuait cependant beaucoup à l’atmosphère du jeu. De cela aux sources chaudes en passant par les compositions de haïkus et par les autels à dénicher, Ghost of Tsushima était donc avant tout une invitation à découvrir un ton, une atmosphère et un pan de culture qui dénote presque dans le paysage vidéoludique actuel (en tous cas chez les jeux de grande envergure tels que celui-ci).

Cela aura en tous cas suffit à me séduire comme je le disais plus haut et je me suis surpris à ressentir une forme de nostalgie une fois l’aventure de Jin Sakai terminée. L’annonce l’année suivante de Trek to Yomi tombait alors à point nommé. Tout dans cette nouveauté me parlait et semblait me promettre une forme de prolongation du plaisir pris à jouer à Ghost of Tsushima : référence au cinéma japonais (notamment Akira Kurosawa bien sûr), combats semblant reprendre cette notion de patience, le tout dans une histoire de vengeance… Bref, Trek to Yomi aura beau sembler jouer la carte de l’opportunisme en paraissant ainsi après le joli succès rencontré par le jeu de Suker Punch, je n’avais clairement pas envie de bouder mon plaisir.

Loué soit le Gamepass, me voici donc à pouvoir me lancer dans Trek to Yomi dès son arrivée dans le fameux catalogue de Xbox. Enfin à peu près, mon temps de jeu ayant été pas mal monopolisé par Final Fantasy VIA Plague Tale et Dorfromantik ces dernières semaines, je ne me suis réellement mis au jeu de Flying Wild Hog qu’en toute fin de mois. Mais peu importent ces détails, venons en au jeu.

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Avec son nouveau jeu, Flying Wild Hog joue la carte de la cinéphilie jusqu’au bout.

Ce qui est certain avec Trek to Yomi c’est que, d’emblée, il nous colle son aura dans la figure. Pour mon plus grand plaisir, je dois l’admettre, nous voilà à plonger dans une évocation sans détours du cinéma de Kurosawa. Du grain de la pellicule au son qui crépite en passant par la dureté des contrastes du noir et blanc, rien que l’écran-titre et les affichages de logos en amont donnent le ton. Le jeu de Flying Wild Hog et Devolver déroule alors par la suite tout son hommage au cinéma japonais et à celui du maître en question. En cela, il est clair que Trek to Yomi fait preuve de qualités esthétiques qu’on ne saurait lui nier. Que ce soit dans la qualité pure et simple des graphismes ou dans les choix faits en matière de mise en scène ou de composition des plans, le soft jouit d’un travail net sur le visuel qui le rend tout simplement charmant.

Puisant en particulier ses idées dans des chefs d’œuvres tels que La Forteresse CachéeLes Sept Samouraïs ou plus particulièrement Yojimbo (connu aussi chez nous comme Le Garde du Corps), le jeu se pare via cette esthétique d’une atmosphère – sinon d’une aura – particulière. La référence à l’œuvre de Kurosawa se porte jusque dans le nom attribué au mentor du personnage que nous incarnons. Prénommé Sanjuro, ce dernier devient alors l’homonyme du protagoniste campé par le fameux Toshirō Mifune dans Yojimbo en 1961 mais également dans Sanjuro l’année suivante.

Cette atmosphère en tous cas, elle installe très vite les tons multiples du récit, qui transmet autant cette philosophie que j’évoquais plus haut que la teneur plus dure et violente que véhiculent les péripéties que s’apprête à rencontrer Hiroki, notre personnage. Nous suivons ce dernier dans une quête de vengeance froide et brutale qui l’amènera à croiser le fer de son katana avec celui de nombreux adversaires dont les vaillants soldats de l’armée de Kagerō, redoutable chef de guerre semant la mort et la désolation sur son passage et auquel nous allons très rapidement avoir affaire.

Trek to Yomi semble donc dès le début de son histoire s’inscrire dans le direct héritage d’Akira Kurosawa. Difficile en effet, au-delà des seules références visuelles et des emprunts purement cinématographiques, de ne pas voir également une ressemblance certaine entre Hiroki et les personnages que le cinéaste mettait en scène, si souvent dans la peau de Toshirō Mifune justement. Abrupt, pour ne pas dire brutal, froid et semblant avoir un véritable cœur de pierre (en tous cas au début du récit), notre héros – ou plutôt anti-héros – ne manque pas de ce panache que Mifune conférait à ses propres incarnations à l’écran. On se demandera cependant dans quelle mesure Trek to Yomi arrive ou non à se détacher de l’ombre du réalisateur japonais et de son acteur fétiche.

Bien vite, et en dépit encore une fois de l’excellence visuelle ou du simple plaisir pris à évoluer dans de tels cadres, on s’interroge sur la capacité du jeu à faire preuve de sa propre personnalité. Car les efforts fournis en matière de mise en scène donnent finalement à voir un revers de médaille. Nous embarquant dans ses travellings si fluides au cours des phases de jeu et dans ses gros plans si caractéristiques durant les cinématiques, Trek to Yomi donne en définitive à voir un spectacle de qualité, certes, mais néanmoins assez commun.

Il ne faut pas oublier l’importance du travail de Kurosawa et la manière dont il a impacté le monde du cinéma depuis qu’il accédé à la postérité. De Star Wars aux westerns spaghetti de Sergio Leone, nombreuses sont les grandes œuvres à se réclamer (ouvertement ou non) de lui. En cela, ce que Trek to Yomi nous propose en la matière a un goût de déjà-vu qui amène tout de suite à ce décalage entre la joie de renouer avec ces codes cinématographiques si forts et le doute qui vient peu à peu quant à l’originalité dont le jeu saura finalement faire preuve ou non.

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Les principaux duels au sabre du jeu font l’objet d’une attention particulière en matière de mise en scène.

Cette volonté de se démarquer, elle existe néanmoins et se concrétisera par une plongée assez nette dans un registre fantastique qui emmènera Trek to Yomi dans une seconde phase.

Après une poignée de niveaux « en terrain connu » (comprenez : villages et environs directs face à des soldats), le titre entame véritablement le voyage annoncé par son intitulé. Nous voilà donc à arpenter, pour des raisons que je tairais bien entendu, les zones désolées de Yomi, monde de la mort dans les croyances shintoïstes. Bien que particulièrement concret dans la géographie japonaise (son entrée se trouverait au Sud-Est de Matsue, chef-lieu de la préfecture de Shimane), cet « au-delà » sera en ce qui nous concerne propice à un changement d’ambiance assez notable où la violence purement physique du jeu se voit adjointe d’une dureté de ton propre au caractère macabre de ce nouvel environnement. Trek to Yomi opère alors une bascule qui verra son ambiance film de samouraï/film de vengeance assez classique se parer progressivement d’un soupçon de surnaturel à tendance anxiogène. L’affaire est en un sens assez intelligemment amenée mais on ne peut s’empêcher d’y voir quelque chose qui dénote trop, justement.

Le décalage s’observe toutefois moins dans le fait que l’on veut opérer un glissement de genre que dans le vrai manque de panache de cette part de fantastique ainsi apportée. Ces nouveaux éléments n’arrivent pas à prendre leur juste place dans le récit général du titre et l’on se sentira tristement soulagé d’enfin en sortir lorsque le moment sera revenu de prendre pied dans le monde des vivants. La faute aussi à une incapacité de ces séquences lugubres à proprement véhiculer le message qu’elles sont censées construire.

Ouvrant grand les portes de l’introspection de notre personnage (ce qui est, notez, un peu cliché, ce n’est qu’un schéma de plus autour de la question de résurrection), ces scènes d’outre-tombe peinent à convaincre dans ce qu’elles cherchent à apporter à notre protagoniste pour le faire évoluer en tant qu’individu. En dépit d’une possibilité offerte au cours de ces instants de réaliser des choix qui détermineront la fin à laquelle nous auront droit (a priori quatre disponibles), le scénario s’essouffle alors un peu et amène les premiers vrais moments de lassitude que l’on aura fini par ressentir.

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Yomi aura en tous cas pour lui de donner l’occasion de découvrir de nouveaux environnements, là où le « monde des vivants » se contente de paysages villageois.

Ce sentiment vient peut-être aussi du fait que ces séquences de jeu purement fantastiques traînent en longueur mais vont aussi marquer un certain pic de difficulté assez étonnant qui rend le tout encore plus longuet. Cette augmentation soudaine et subie du degré d’exigence que le jeu formule est d’autant plus notable qu’une fois revenu d’entre les morts, nous nous retrouvons face à la difficulté à laquelle le jeu nous avait habitué dans ses premiers instants.

Un déséquilibre malvenu, hélas, ne faisant que créer de la frustration à de multiples reprises. Celle-ci vient notamment du fait que ce défi revu à la hausse repose moins sur des niveaux intelligemment conçus en ce sens que sur des ennemis souvent trop nombreux et imprévisibles. En soi, être pris d’assaut par une foule d’adversaires n’est pas un problème rédhibitoire, c’est même quelque chose que l’on pourrait attendre d’un jeu comme celui-ci, mais le fait est que l’affaire rend ici les choses assez illisibles dans de multiples cas. Par ses placements de caméra notamment, qui donnent parfois à voir des personnages trop petits pour que leurs actions soient parfaitement distinctes, Trek to Yomi complique artificiellement la vie des joueurs et joueuses en appuyant sa difficulté sur des spécificités techniques plus que sur des éléments de seul game design. Qu’on m’envoie batailler contre 6 ennemis à la fois, dans un espace relativement réduit et où chacun d’entre eux exigera une tactique différente, c’est une chose. Qu’on m’empêche de m’y retrouver au milieu d’un fatras de personnages dont je distingue à peine qui est qui, c’en est une autre…

Tout ceci conduit en définitive Trek to Yomi à devenir lassant, à estomper le plaisir pris en ouverture du jeu à se frotter à nos adversaires dans des environnements joliment mis en scène. Les efforts que le titre fait dès son commencement deviennent alors vains, effacés par un équilibre perdu qui ne pourra que donner le sentiment d’avoir voulu corser les choses sans trop savoir comment le faire. Alors, dans l’incertitude, on se serait replié sur des obstacles artificiels plutôt que sur des défis qui chercheraient réellement à mettre à l’épreuve l’expertise gagnée par les joueurs et joueuses à mesure que nous avons progressé dans l’aventure.

Trek to Yomi prend alors les allures d’un die & retry – dont l’esprit général n’est jamais loin, certes – mais qui serait ici retors au point que l’on finit simplement par se dire qu’au bout d’un moment, « ça va bien finir par marcher ». Ce n’est malheureusement pas en comprenant les patterns de nos ennemis du moment que l’on remporte la victoire. Pas uniquement en tous cas. C’est plutôt en adoptant une stratégie qui vise à défaire cette logique qui transparaît alors dans le jeu et qui semble viser à nous submerger, alors qu’il y a rarement plus de 5 ou 6 ennemis à l’écran en même temps. On se surprend alors à étaler le combat sur un maximum de terrain, afin de séparer les adversaires et de se créer des espaces libres où il sera plus aisé d’évoluer et de combattre. Ce faisant, on crée une temporisation du gameplay et des affrontements qui ôte tout ou partie du plaisir pris à les jouer. Alors que le game design lui-même implique une première couche de temporisation (pour les raisons que j’évoquais plus haut), l’ajout de cette seconde couche alourdit la chose et nuit à son efficacité.

Ajoutez enfin à cela des points de sauvegarde distribués avec une cohérence sur laquelle on s’interroge et vous avez un jeu qui affiche clairement son inaptitude à gérer ses propres moments de plus grande tension. Il arrivera en effet que certains de ces emplacements (pas de save auto d’ailleurs) ponctuent un cheminement très tranquille, sans grand danger tandis que certaines zones de péril bien marqué et bien ardu se situeront bien trop longtemps après la dernière sauvegarde accessible… Pour le dire plus clairement peut-être, on se demande parfois pourquoi le jeu nous invite à sauvegarder notre progression deux fois en très peu de temps et alors qu’on n’a rien vécu de bien compliqué entre temps alors que certains sanctuaires se feront trop longuement désirer au cours d’épreuves tendues.

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C’est auprès de ces autels (comme ici à gauche de l’écran) que nous pourrons sauvegarder. Mais leur intégration dans le jeu est parfois incohérente avec la progression et le rythme des difficultés qui ponctuent celle-ci…

Tout ceci est d’autant plus regrettable que, sur le papier, Trek to Yomi repose sur un système de combats certes déjà vu et pas mal éprouvé, mais qui fonctionne terriblement bien. C’est simplement dommage que la part de difficulté que ces derniers proposent soit finalement au bout d’un temps la conséquence non pas d’une conception de jeu mais bien celle d’un caractère trop tatillon en plus d’être brouillon ou foutraque…

Dans la continuité de sa philosophie générale pourtant, qui mise sur l’attente de l’adversaire et la nécessité de ne pas se précipiter d’autant que nous sommes censés faire face à des guerriers aguerris, le système de combat au katana de Trek to Yomi marche sans problème en soi. Fondé sur l’attaque mais peut-être plus encore sur l’esquive et le contre, il privilégie l’observation des mouvements de l’ennemi et la réaction en fonction de ces derniers à une sotte envie de foncer dans le tas tête baissée. Récompensant ainsi l’observation et la maîtrise de soi, le jeu reprend à son compte des mécaniques qu’on a déjà vu appliquées en des tas d’occasions mais qui demeurent efficaces, d’autant qu’elles sont ici employées dans un contexte qui cherche à les justifier. En cela, et malgré les récriminations que j’exprimais juste au-dessus, la grande majorité des combats sont plaisants à mener.

Le tout ne se fait cependant pas sans heurts, encore une fois… A mesure que l’on progresse et que le maniement du katana nous devient de plus en plus familier, ce qui passait au début pour des erreurs de débutant dévoilent peu à peu leur vraie nature : le gameplay n’est pas assez bien calibré. S’ajoutant ainsi à ce côté tatillon que je mentionnais plus haut dans la grande catégorie des éléments frustrants, les commandes deviendront un autre objet d’agacement, léger mais tout de même bien présent. Car elles ne répondent pas toujours bien et provoquent parfois quelques dégâts dont on se serait bien passé.

Elles se cristallisent en tous cas dans une forme de latence dont souffre notre personnage et qui empêche de parfaitement enchaîner ses mouvements. Avec ce décalage qui s’opère entre la pression sur un bouton et sa concrétisation à l’écran, le joueur/la joueuse se retrouve pénalisé(e) par ce que je préfère considérer comme un défaut de gameplay que comme une vraie composante de ce dernier. Il n’est alors pas rare de louper une esquive ou un contre simplement parce que Hiroki souffre de cette lenteur d’exécution (légère mais suffisante pour être un souci). L’image qu’on cherche à accoler à ce héros s’en retrouve alors un peu écornée. Qu’en est-il du samouraï précis et impitoyable quand il se montre incapable d’effectuer une parade en rythme avec les coups de son adversaire ?

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Le contre est essentiel pour le bon déroulé des combats. Lorsque tout fonctionne bien, c’est un régal, mais les quelques latences observées çà et là gêneront bien plus l’application de ces mécaniques.

Difficile de ne pas se montrer un peu sévère avec ce genre de détails (qui n’en sont pas) mais je ne voudrais pas que vous gardiez l’idée que Trek to Yomi est un échec. Non, loin de là même !

Ce que j’essaie de vous dire par ces lignes, c’est surtout que le dernier-né de Flying Wild Hog et Devolver est éminemment perfectible. Il a ses défauts, c’est sûr, certains sont même pénibles à la longue, impossible de le nier. Mais le jeu repose sur des intentions qui n’ont pas à rougir pour autant. En proposant un soft qui tache de lécher sa cinématographie (en dépit d’une approche qui flirte plus souvent avec de la 2 voire 2,5D qu’avec de la 3D), de composer une ambiance, de rendre l’hommage qui lui est dû à son influence principale, Trek to Yomi demeure quelque chose de plaisant à parcourir. Alors non, ses combats ne sont pas parfaits, malheureusement, mais ils reposent malgré tout sur un socle solide qui sera la base idéale pour tout de même donner lieu à des affrontements intéressants, sinon haletants.

L’aventure se ponctue ainsi – malgré les troubles causés par les déséquilibres que nous constations plus haut – d’une bonne poignée de moments prenants où, tandis que tout semble fonctionner comme il le faut, le duel devient un moment suspendu où (enfin !) c’est bien notre expertise qui va être mise au défi, et non notre patience ! Mettez tout cela dans cette ambiance « à la Kurosawa » que je décrivais plus haut et vous obtenez quand même en fin de compte un jeu d’assez bonne facture où la lassitude provoquée par certains passages n’éclipsera jamais tout à fait le bon goût qui rejaillit de bien des aspects du titre.

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Moins mouvementé qu’attendu (sauf en des passages inutilement retors et confus), le voyage demeure quand même un bien joli périple pour les yeux.

Le trek manquera peut-être alors seulement du frisson que ce seul mot implique. Pour l’anecdote, la définition du trek – ou trekking – consiste généralement en une grande randonnée de longue haleine et parsemée de zones sauvages et/ou difficiles d’accès. On aura du mal à voir Trek to Yomi parfaitement remplir ce cahier des charges. Court (comptez environ 6-7h pour une run complète), pas si ardu qu’il le voudrait, ce trek-là ressemble finalement plus à une balade semée d’embûches.

Oh l’on n’ira pas jusqu’à parler de promenade de santé mais le fait est qu’à la promesse sous-entendue d’un jeu relativement en tension, Trek to Yomi ne répond que partiellement. Sans compter qu’il prend place dans un univers extrêmement linéaire, ce qui se matérialise dans le parcours de niveaux dont la belle mise en scène n’efface hélas pas le côté très en couloirs. Des corridors où les rares pas de côté ne se feront que pour récolter des petits objets de collection et autres munitions avant de faire demi-tour et vite revenir dans le droit chemin. Des couloirs enfin dont on distingue aisément les deux temps : celui de la stricte 2D vue de côté pour la très grande majorité des combats ; puis celui où la caméra se montre plus libre (mais jamais confiée à celui ou celle qui tient la manette) dans les moments consacrés au cheminement à proprement parler (et qui jouiront des meilleurs choix de cinématographie).

Le dépaysement demeure cependant, bien qu’un peu timoré sur le long terme. On aura apprécié de déambuler dans ces décors tout comme on aura quand même eu une certaine satisfaction à manier le katana dans le respect de cette philosophie que le jeu semble reprendre à son compte et véhiculer de bout en bout. On n’aura toutefois pas ressenti cela assez fort pour relancer le jeu une fois la partie terminée et chercher à découvrir les autres fins.


Je venais à Trek to Yomi pour des sensations et une atmosphère que j’espérais plus ou moins similaires à ce que j’avais trouvé dans Ghost of Tsushima. La proposition de Flying Wild Hog réussit le drôle de pari de s’en approcher tout en grossissant chacun des traits qui les forment. Influence plus présente, sans doute moins subtile parce que plus encore versée dans l’hommage pur et dur qui confine presque au copié-collé, du combat en veux-tu en voilà même si ce n’est pas d’une absolue maîtrise…

A l’arrivée, Trek to Yomi n’est pas une déception mais on déchante quand même un tantinet devant l’aspect un peu forcé de la chose. Très marqué par ce qui forge ses influences et perdant en conséquence en personnalité, il souffre aussi de quelques approximations de gameplay et plus largement de game design qui l’empêchent d’être la petite pépite indé de ce premier semestre 2022. Je suis sûr cependant que c’est un jeu qui demande à être digéré et que même s’il ne sera jamais parfait et qu’il offrira toujours ces petits moments où l’on roule des yeux devant ses imperfections, il aura à la fin un petit goût de reviens-y, histoire de voir si on ne prend pas mieux les choses avec le temps. Et puis, au fond, 6-7h ce n’est pas si long.

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