Mario est un homme aux multiples facettes. Plombier, sauveur de princesses, docteur, mais aussi éminent sportif. Le moustachu a touché à toutes les disciplines, ou presque, du golf et du tennis – ses premières amours – au baseball en passant par le foot, les sports olympiques d’été comme d’hiver et bien entendu le karting. Si l’on ajoute à cela la danse et les multiples disciplines proposées dans Mario Sports Mix et Mario Sports Superstar, respectivement sur Wii et 3DS en 2010 et 2017, la mascotte de Nintendo est clairement sujet à une forme de boulimie. Au sein de ces multiples exercice, Mario s’est notamment illustré en matière de football, rechaussant ses crampons cette année avec Battle League, nouvel opus – mitigé – de la série des Mario Strikers.
J’ai, je dois le dire, un affect particulier pour la série des Mario Football (appelons-les comme ça, tiens). Si mon appréciation du sport qu’est le foot se limite à un intérêt pour les résultats de Liverpool et les rares matches qui passent sur des chaînes gratuites, la licence footballistique made in Super Mario est avant tout un tendre souvenir d’adolescence. Tout débute en 2005 avec la sortie de Mario Smash Football sur GameCube. A l’époque, c’est déjà l’intégralité des bases de la série qui est en place sur le petit disque de 8cm. Enoncée aussi simplement que possible, la proposition est très Nintendo-core finalement : prenez un sport, ôtez-en la plupart des règles, saupoudrez d’un esprit party game et c’est parti. Mario Smash Football était au ballon rond ce que Mario Kart est à la course sur circuit, une joyeuse déferlante d’objets en tous genre pour épicer un sport somme toute assez convenu si l’on s’en tient à ses tenants et aboutissants premiers. Fatalement, le jeu fut une réussite. Reposant sur un esprit arcade bien présent, le titre proposait des matches aussi loufoques que dynamiques grâce à leur mise en scène sur des terrains assez réduits où l’usage du moindre objet pouvait transformer la pelouse en véritable champ de bataille délicieusement foutraque. Joyeux bordel que tout ceci était, Mario Smash Football prenait enfin tout son sel en multijoueur, un sentiment que l’on retrouvait chez son successeur, Mario Strikers Charged, paru deux ans plus tard seulement sur Wii. Avec un contenu quelque peu étoffé, cette suite fut un peu moins bien reçue que le premier épisode mais réussissait malgré tout à renouveler un peu le plaisir de jeu en adjoignant le socle de base à une poignée de nouveaux défis à relever.
Du reste, la série demeura par la suite en jachère de nombreuses années durant. Sans qu’aucun signe de vie de soit donné pendant tout ce temps, il aura donc fallu attendre 2022 pour voir Mario et ses comparses de nouveau chausser les crampons. Annoncé en Février dernier, sorti à peine quatre mois plus tard, on ne se serait pas nécessairement attendu à un retour aussi brusque ! Ceci dit, un récent événement du côté de Nintendo aurait pu nous mettre la puce à l’oreille et avait d’ailleurs relancé les spéculations autour d’un éventuel nouveau volet de la série : le rachat du studio derrière les Mario Football par le constructeur. En Janvier 2021 en effet, le studio canadien Next Level Games se voyait rejoindre le giron des studios fermement rattachés à l’entreprise japonaise. Cette acquisition n’avait toutefois rien de vraiment surprenant et semblait même couler de source à tel point qu’une partie des observateurs pensait que Next Level Games appartenait officiellement à Nintendo depuis longtemps. Il faut dire que le studio a depuis toujours étroitement travaillé avec la maison de Mario. Si quelques titres ont été développés pour d’autres éditeurs (NHL Hitz Pro, leur premier jeu en 2003, mais aussi Spider-Man : Allié ou Ennemi en 2007 ou encore Captain America : Super Soldat en 2011), c’est avant tout pour le compte de Nintendo que Next Level Games a travaillé depuis sa fondation en 2002. Les Mario Football mais aussi le Punch Out!! de 2009, Luigi’s Mansion 2 et 3 ou encore l’oubliable Metroid Prime : Federation Force sur 3DS font ainsi partie de ses principaux faits d’armes, aux côtés de quelques exclusivités sur Wii notamment pour le compte d’autres éditeurs (le Ghost Recon d’Ubisoft et le Transformers: Cybertron Adventure d’Activision en 2010).
Avec Mario Strikers : Battle League Football, Next Level Games revient en tous cas à ses premiers efforts pour le compte de Nintendo. Le retour de cette licence est un petit événement en soi pour ses fans et les premières annonces ont laissé espérer que ce nouveau jeu allait reprendre à son compte tout ce qui avait fait la patte de ses deux prédécesseurs. Et le fait est qu’aux premiers instants de jeu, le constat s’impose : Battle League est un digne héritier des deux précédents Mario Football. S’inscrivant à son tour dans cette composante très arcade et dans cette veine party game propre à Nintendo, ce troisième opus touche au but en allant à l’essentiel de sa proposition, à savoir un football décomplexé, libéré de ces entraves que sont les règles et l’arbitrage. Un état d’esprit mis au service d’un game design qui misera bien plus sur l’intensité de ces matches à 5 contre 5 (4 joueurs de champ + 1 gardien) et où tous les coups sont permis pour livrer des affrontements hauts en couleurs et grisants.
Cette philosophie de jeu dont l’essence semble être (en partie) un dynamisme mené tambour battant, elle répond aux codes que Nintendo a déjà insufflé dans ses autres variations de jeux de sport et plus particulièrement dans Super Smash Bros. et Mario Kart. Des titres où la maîtrise du gameplay sera systématiquement récompensée mais où, par des mécaniques de loterie, chacun(e) aura une chance de remporter la victoire. Si vous venez à Mario Strikers comme vous viendriez à FIFA ou PES (enfin pardon, EA Sports FC et eFootball…), vous allez sans doute déchanter rapidement. Il n’est pas question ici de simuler le football que vous voyez dans les stades mais plutôt celui de la cour de récré, celui-là même qui ressemble plus à un combat qu’à un match en bonne et due forme. De la même manière que le petit Mathieu n’hésitait pas à vous caler un tacle par derrière pendant que Mickaël vous posait la main sur la figure, préparez-vous à balayer vos ennemis en direction des clôtures électrifiées du terrain et à leur asséner six ou sept fois en l’espace de deux minutes le même coup de boule que celui de Zidane en finale de la coupe du monde 2006 (dans le dos, qui plus est). C’est, au cours des 4-5 minutes que dure le match, la victoire coûte que coûte qui compte ici plus qu’un quelconque « respect de l’art ».

Décalé comme l’est celui de tous les jeux de sports de Mario, le ton de Mario Strikers n’est certainement pas le même que dans n’importe quel jeu de foot.
Par cette logique, Mario Strikers réussit là où ses congénères de karting, de baston ou de tennis ont également connu le succès. Il en devient immédiatement prenant, d’autant qu’il repose sur une prise en main immédiate des plus simples. Les quatre principaux boutons de votre manette (A, B, X et Y) ont chacun une fonction principale (qui peut différer selon que vous portez la balle ou non) et si vous avez su saisir à quoi sert quelle touche, vous allez pouvoir vous amusez. Cette prise en main est aisée, quasi-automatique même et permet d’inscrire Mario Strikers dans cette catégorie de jeux au plaisir instantané. Lancez le jeu, démarrez un match rapide et c’est le fun qui vous saute à la gorge sans attendre, ni prévenir. Réjouissant, ce Battle League Football cumule donc comme ces prédécesseurs deux ingrédients essentiels qui se côtoient avec un naturel imparable et offrent donc un résultat final convaincant dès les premières parties : prise en main facile et « égalité des chances ». Deux éléments qui sont au cœur des party games de Nintendo, qu’ils soient sportifs ou non, depuis que Super Mario Kart les a pleinement installés sur Super NES en 1992 comme des prérequis indispensables pour les jeux de ce type par une firme qui aura depuis décliné cette vision des choses à de multiples reprises et en aura même fait une signature pour bien des jeux.
On le sait toutes et tous de toute façon : le gameplay c’est la base pour Nintendo. Ce n’est pas pour rien que la société est encore aujourd’hui critiquée (jusqu’à un certain point) pour le manque d’ambition narrative d’une partie de ses jeux. Parce qui si le fait de raconter une histoire demeure un élément essentiel, le plaisir ressenti par le public manette en mains est un intérêt supérieur pour l’entreprise de Kyoto. C’est plus que certainement dans cette optique que la firme s’est mise à développer et sortir des jeux dits de « pur gameplay » et où chaque aspect de ce dernier fait l’objet d’une finition impeccable qui fait qu’au sortir de l’expérience, on gardera surtout en tête que tout fonctionnait à merveille. Mario Strikers n’a jamais échappé à ce soin et Battle League Football encore moins. Avec son gameplay certes repris des deux premiers volets, ce nouvel opus Switch fait preuve d’une précision et d’une efficacité sans borne. Il suffit de jouer le temps d’un seul match pour se rendre compte que chaque action sur la manette répond à l’écran avec une redoutable efficacité mais également avec une forme d’intelligence dans les enchaînements possibles qui rend l’affaire tout à fait satisfaisante. Sans compter que, par cette simplicité d’accès que je mentionnais plus haut, il est tout à fait possible de plonger dans le bain sans prendre le temps de regarder comment jouer. Deux ou trois pressions au hasard sur les boutons et c’est toute la base de gameplay de Mario Strikers qui vous est présentée, sinon acquise.
Néanmoins, cette accessibilité n’est que la partie immergée de l’iceberg. Car si Nintendo s’est érigé comme point d’honneur l’idée de rendre ses jeux jouables par tout le monde sans véritables prérequis, sa conception du gameplay ne s’arrête jamais vraiment là. « Facile à prendre en main, difficile à maîtriser » est une formule toute faite que l’on retrouve au sujet de bien des choses en matière de jeu vidéo mais c’est à se demander si elle n’a pas été conçue pour décrire les mécaniques de jeu que Nintendo cherche à valoriser dans ses œuvres, qu’elles soient développées en interne ou par un studio tiers. Tout le monde sait le degré d’exigence dont la firme peut faire preuve (à ce sujet les témoignages d’anciens de Rare dans L’Histoire de Rare par Régis Monterrin chez Pix’n Love sont révélateurs) et Next Level Games n’a jamais pu se soustraire à cet œil avisé qui viendra donner le dernier mot sur un projet. Je le disais plus haut, en dépit d’une relative facilité à entrer dans la boucle de gameplay du jeu, le talent ou plutôt la maîtrise que l’on acquerra à force de jouer sera toujours récompensée. C’est elle qui viendra, à terme, donner la victoire à l’issue des modes de difficultés les plus élevés par exemple.

La victoire finale sera d’autant plus satisfaisante quand elle sera décrochée après avoir mis en œuvre les subtilités de gameplay du titre.
Or, avec Battle League, il me semble que la licence fait un nouveau pas en avant en la matière.
En dépit de conceptions initiales reprises comme je l’évoquais plus haut des anciens titres de la série, ce troisième épisode vient à mon sens apporter un degré d’exigence supplémentaire. Cet aspect s’observe dans le seul fait que le jeu, avant même de nous laisser accéder à la possibilité de jouer un match, nous invite à suivre un tutoriel. Le vétéran s’imaginera qu’il ne s’agit que d’un rappel des bases et qu’il n’en a pas nécessairement besoin mais j’ai tout de même préféré aller y jeter un œil. Grand bien m’en fut fait ! Bien qu’un peu longue et redondante, répétant les leçons où il faut apprendre puis reproduire en exercice, cette session d’apprentissage est tout sauf vaine. En effet, elle permet non seulement de se réapproprier les bases sereinement mais aussi de saisir les ajustements de gameplay qui ont été apportés dans ce Battle League. Avec des mécaniques de tacle notamment mais aussi de tirs chargés revus dans les détails, ainsi que des notions de passes libres ou encore de tirs et passes parfaits qu’il va falloir connaître, cet opus apporte sans conteste un petit sursaut dans le contenu en termes de techniques. Battle League multiplie alors les précisions, étoffant ainsi son game design général en le saupoudrant de détails qui viennent renforcer le caractère semi-exigeant du titre.
Mises en pratique sur le terrain, ces techniques s’avéreront bien vite essentielles. D’une part, leur utilisation sera utile pour s’assurer de répondre au mieux aux assauts adverses tant l’IA peut se montrer redoutable en certains instants. D’autre part, on ne va pas nier que cela ajoute un peu au distrayant capharnaüm qui agite le terrain. Enfin, il est clair que ces ajustements sont bienvenus et offrent un confort de jeu qu’on ne peut nier. Cependant, comment ne pas constater la manière dont ce renouvellement purement technique se trouve contrebalancé par un déséquilibre notable en matière de difficulté ? Si Mario Strikers nous offre une bien jolie panoplie de coups et techniques spéciales et que tout cela révélera son importance en temps utile, on remarquera vite que l’IA déjouera nos stratégies avec une certaine aisance. Frustrante, l’intelligence artificielle qui anime nos adversaires se montre souvent – même dans la difficulté normale – d’un talent un peu trop redoutable, enchaînant les esquives avec brio et faisant preuve d’une intelligence dans le placement qui coupera régulièrement court à toutes nos tentatives de tirs spéciaux… Capable aussi de « remontadas » incompréhensibles, cette IA frustre. Elle le fait d’autant plus qu’à difficulté égale, elle se montre aussi parfois totalement nulle, laissant passer la balle au fond des filets comme l’eau à travers la passoire… A la longue, on s’interroge sur la logique qui régit l’ordinateur, lequel oscille constamment entre un niveau bien faiblard propice à des scores dignes de Brésil-Allemagne en 2014 tandis qu’à d’autres moments on peine à arracher la victoire. La question se pose cependant moins dans le mode Galactique (second mode de difficulté des coupes, le plus élevé) où la victoire sera ici systématiquement difficile à décrocher. Les amoureux/amoureuses de challenge et les joueurs et joueuses les plus coriaces y trouveront sans nul doute leur bonheur en dépit de la répétition des inégalités que je mentionnais ci-dessus. A noter que si les coupes n’offrent que deux degrés de difficulté (Normal et Galactique donc), les matches libres proposent un panel un tout petit peu plus large et l’on ne pourra qu’inviter les véritables néophytes à se frotter au mode débutant pour prendre le temps de comprendre le système de jeu et trouver leurs marques avant de se frotter aux championnats.

A noter que si le gardien de but n’est pas jouable en soi, nous pourrons le contrôler lorsqu’un adversaire lui envoie une super frappe. A nous alors de tenter de la repousser, sans garantie d’y arriver même en remplissant la jauge…
On ne s’y trompera donc pas : bien qu’elle affiche des déséquilibres, la difficulté de Mario Strikers a bel et bien été revue à la hausse. On regrettera cependant que cette apparente exigence repose moins sur une vraie requalification des attentes formulées par le jeu que sur une IA retorse et même assez aléatoire dans sa capacité à nous mettre des bâtons dans les roues.
Cependant, le contenu de ce Battle League laisse entendre que c’était clairement une ambition du titre que de demander un effort supplémentaire aux joueurs et joueuses pour remporter la victoire à l’issue du match. En intégrant un système de personnalisation des personnages via une sélection d’équipements à débloquer (tête, torse, gants, chaussures), Next Level Games répond au caractère un peu plus ardu de l’expérience de jeu en donnant au public la possibilité d’améliorer ses personnages et de leur donner un peu plus de répondant. Modifiant leurs statistiques, ces équipements devront être choisis avec intelligence et parcimonie, ceux-ci étant accessibles par la dépense d’une monnaie virtuelle que l’on récolte en remportant des matches et coupes (y compris online). Ces statistiques, bien que discrètes, sont d’une importance certaine puisqu’elles vont naturellement être prises en compte dans le taux de réussite que tel ou tel personnage affichera pour la réalisation de gestes simples comme les tirs et passes basiques mais aussi de mouvements plus techniques ou spéciaux (tacles chargés, frappes spéciales, passes parfaites…). En affublant nos joueurs favoris de tel casque et de telles chaussures, c’est une porte qui s’ouvre sur la possibilité de former une équipe plus équilibrée. Assez peu généreuse en l’état toutefois, l’offre d’équipement ne se complète par exemple via le contenu de base de la cartouche de jeu qu’après avoir remporté toutes les coupes en mode normal, ajoutant alors un seul item de chaque type. Du reste, les objets d’ores et déjà à disposition permettent en soi de composer des personnages intéressants à utiliser. Il est cependant dommage qu’à l’heure actuelle il soit impossible de jongler entre une plus grande variété d’équipements, ce qui permettrait de mieux jouer sur les bonus et malus que ces derniers imposent aux stats de Mario et consort.

Selon les accessoires dont on affuble un personnage, ses statistiques peuvent changer du tout au tout
Parallèlement, cette option de personnalisation (qui s’avère être tout sauf facultative à l’usage) accompagne un autre changement apporté à la recette initiale par Battle League. Jusqu’ici, la série reposait un concept simple où chaque joueur, pour former son équipe, devait sélectionner un capitaine parmi des personnages de premier plan (Mario, Luigi, Bowser, Peach, Donkey Kong…) puis des équipiers composés de figures secondaires (Koopa, Toad, Birdo, Boo…). Alors que l’originel Mario Smash Football imposait que tous les équipiers de notre capitaine soient de la même « espèce », son successeur laissait la possibilité de panacher l’affaire selon nos goûts et envies. Cependant, cet opus de 2022 bouleverse le concept en remisant ce combo capitaine/équipiers au placard. Désormais, le jeu propose 10 joueurs et il s’agira là du seul contingent avec lequel nous pourrons jouer. Exit les équipes formées avec des Maskass ou des Topi-Taupes, nous avons aujourd’hui la possibilité d’aligner dans une même équipe Mario aux côtés de Peach, Harmonie et Waluigi par exemple. Si un seul d’entre eux sera désormais considéré comme capitaine évidemment, ce rôle ne sert plus vraiment à grand-chose. Là où il donnait la possibilité exclusive de réaliser les méga-frappes autrefois, chaque joueur de notre équipe en aura désormais la possibilité sous condition que l’un d’eux récupère l’item nécessaire pour cela sur le terrain. Au-delà de ça, chacun d’entre eux pourra (ou non) utiliser les équipements préalablement débloqués.
Cette opportunité s’inscrit comme les autres dans cette recherche de maîtrise qui guide le jeu mais trouvera surtout sa consécration dans le multijoueur. C’est en jouant avec des coéquipiers qui auront eux-mêmes conçus leurs personnages selon leurs préférences et leurs façons de jouer que l’on pourra commencer à toucher du doigt les meilleurs aspects de cette nouvelle philosophie. En effet, en jouant seul en compagnie de 3 IA, nous aurons beau mettre sur la pelouse nos joueurs custom, il ne sera pas réellement possible d’en tirer le meilleur parti, ne pouvant évidemment en contrôler qu’un à la fois (avec cependant la possibilité de passer de l’un à l’autre, comme dans n’importe quel jeu de foot). Si j’ai équipé mon Luigi pour qu’il soit une bête en attaque tandis que mon Wario a été pensé pour de la pure défense, il m’est impossible seul de mettre en place une tactique de jeu qui me permet de tirer profit des deux en même temps, par exemple en utilisant Wario pour couvrir Luigi pendant qu’il monte vers les buts et tire. Au plaisir de former son équipe, de choisir ses spécificités en fonction de notre façon de jouer, se substitue en définitive la nécessité de jouer à plusieurs afin d’en saisir toute la substance.
Tel est finalement le petit drame de Mario Strikers : Battle League Football, il ne se suffit pas à lui-même si l’on joue seul. On pourrait d’ailleurs écrire des lignes et des lignes sur la façon dont le jeu touche à son paroxysme dans le multijoueur mais, finalement, s’il nous vient ce constat en tête c’est avant tout parce que le contenu solo est trop chiche. Inapte à pleinement donner corps tout à la fois aux ambitions du jeu en matière de défi et à son esprit déjanté, le solo manque en effet de panache. Pour dire les choses autrement, il repose sur le strict minimum. Avec un mode coupes composé de 6 championnats et un mode match rapide, le tour est hélas vite fait. On aura assez vite conclu le mode coupe par ailleurs, tout du moins dans sa difficulté de base. Avec 6 championnats distincts, l’ensemble de la compétition est vite mené. Chaque coupe ne propose en effet de livrer que 3 à 4 matches selon nos résultats. Je m’explique : si vous gagnez tous vos affrontements d’un coup, vous n’en aurez disputé que 3 avant de soulever le trophée. Dans le cas où vous en auriez perdu un en cours de route, vous en aurez au total disputé 4, la compétition prévoyant un système de repêchage qui permet de rester en course pendant un temps. Attention cependant car après deux défaites c’est l’élimination et il faudra recommencer. Mais passons, le fait demeure que la chose sera rapidement expédiée pour le mode normal. Si la difficulté dite Galactique viendra apporter un peu de piment à l’affaire et allonger quelque peu la durée de vie de ce mode de jeu, on ne pourra s’empêcher d’y voir quelque chose d’un peu redondant, sinon d’un peu facile pour tenter de maintenir l’attention sur ce pan du soft. Tandis que son prédécesseur donnait à vivre des coupes d’assez longue haleine (la plus courte impliquait 7 matches dont le dernier en trois parties, la plus longue en proposait 12), ce Battle League revient à quelque chose de beaucoup plus convenu, restreint et, malheureusement, d’assez lassant.
Par ailleurs, on remarquera vite l’absence de modes alternatifs ou complémentaires. Des coupes existent dans Battle League mais rien ne nous permet de créer nos propres compétitions, dans lesquelles on aurait aisément pu imaginer la possibilité de pousser le nombre de matches un peu plus haut. Pas de tournoi local personnalisé donc, tout comme aucun défi particulier ne sera mis à disposition. Dans Mario Strikers Charged pourtant, les Challenges venaient agrémenter le corps principal de jeu de petits objectifs supplémentaires avec une douzaine de missions à remplir. Une fois sur le terrain, le joueur devait trouver le moyen de remporter la victoire malgré des handicaps donnés (début du match en ayant déjà un score en sa défaveur, ne pas prendre de but, absence du gardien…). En accomplissant ces taches, les joueurs et joueuses débloquaient du contenu supplémentaire pour le mode match rapide (alors appelé Domination). En n’incluant absolument aucune proposition de jeu de ce genre, Battle League effectue un nouveau rétropédalage assez triste, d’autant plus que tous ces éléments que je viens d’évoquer auraient pu être autant d’occasions de mettre en exergue les spécificités de gameplay propres à cet épisode et cet esprit de maîtrise à trouver dans des défis qui auraient volontairement mis l’accent dessus.
La déception quant au contenu ne s’arrête hélas pas là et le online n’échappe pas à ce manque d’élan dont souffre finalement le jeu. Assez rachitique également, le mode de jeu en ligne reprend à son tour les bases (matches rapides seul avec des coéquipiers gérés par l’IA ou à plusieurs) mais ne cherche pas nécessairement à aller beaucoup plus loin. Si un système de saisons est inclus d’office, il n’apporte pas grand chose à la recette et, là encore, ne compensera en aucun cas la possibilité d’organiser de véritables tournois en ligne…
Ce qui aurait pu faire basculer la balance vers le plateau des bonnes surprises, c’est sans doute le mode Club, qui permet comme son nom l’indique de créer son propre club de foot avec ses ami(e)s. Dans un seul et même club, c’est un grand nombre de joueurs et joueuses qui pourront évoluer côte à côte (j’en ai vus avec déjà une bonne vingtaine de membres par exemple) même si, comme l’exige le game design, seuls 4 personnages pourront fouler la pelouse en même temps bien entendu. Jusque là, on se dit que ce mode Club pourrait bien apporter un petit souffle supplémentaire et bienvenu à ce Mario Strikers en venant assortir le online d’une dimension compétitive prenante. Mais comme je le disais, le système de saisons est le seul dans lequel nous serons amenés à évoluer avec notre équipe (dans laquelle chaque membre apportera son propre striker, personnalisé selon ses préférences au moment de rejoindre le jeu en ligne pour la première fois). Or, il manque cruellement de panache ce système. Il ne s’agira en effet que d’enchaîner les matches sans plus de protocole que cela et de glaner des points à mesure que l’on remporte des victoires, l’objectif étant de finir en tête du groupe dans lequel figure son équipe et, plus largement, parmi les mieux classés de sa division au terme de la saison. Tout un modèle de ranking est ainsi mis en place pour valoriser les performances mais il demeure hélas très sommaire. Le online peine donc à son tour à convaincre à 100 % et c’est d’autant plus le cas qu’à l’heure où je vous écris ces lignes, il est encore strictement impossible de jouer à plus de deux à la fois avec son club ! Comprenons-nous bien : si j’ai monté une équipe avec trois copains et que nous souhaitons jouer tous les quatre en même temps, nous ne le pourrons pas. Seuls deux d’entre nous pourrons fouler le gazon ensemble tandis que les deux autres devront attendre leur tour… Les deux personnages restants – qui seront malgré tout les avatars que se seront composés nos tristes camarades – sont alors confiés à l’IA…

En match en ligne, pas plus de deux jours à la fois ne peuvent jouer ensemble. Capture d’écran empruntée à cet article de Millenium qui s’interrogeait sur l’absence de multijoueur à 8.
Au final, Mario Strikers : Battle League réussit à être dans le même temps un jeu d’une immense qualité sur le plan technique et sur celui du gameplay mais aussi un soft dénué de contenus qu’on aurait pourtant cru évidents. Battle League en dit long sur Nintendo finalement et sur sa capacité à livrer des jeux aussi paradoxaux que celui-ci. Comment a-t-on pu se dire chez Next Level Games et le constructeur que ce contenu allait être suffisant ? Si diablement efficace qu’il puisse être, le gameplay de Battle League ne se suffit pas à lui-même, et si le plaisir de jouer sera toujours globalement présent – en particulier lors des sessions à plusieurs – le fait d’avoir aussi vite fait le tour des options de jeu ici implémentées demeurera une grande frustration. On s’interroge alors sur cette inaptitude de Nintendo à vivre avec son temps et si je pointe ici spécifiquement l’éditeur plutôt que Next Level Games c’est parce que nous savons très bien que c’est bien lui qui a eu le dernier mot sur le produit fini. Nintendo a certes taché de se montrer un peu plus souple ces dernières années, il est néanmoins de notoriété commune que le constructeur a toujours gardé cet œil vigilant sur ses licences-maison, qu’elles soient ou non développées par des studios tiers.
Avec Battle League, bien des limites sont affichées et le constat est d’autant plus navrant que tout ou partie de ces modes que j’ai évoqués plus haut et qui sont ici aux abonnés absents ont déjà été présents dans d’autres jeux de Nintendo tels que les Super Smash Bros. ou Mario Kart. On se souvient notamment des modes tournois et de ses variantes dans lesdits jeux de baston depuis Melee sur GameCube ou encore des tournois en ligne de Mario Kart 8 puis de sa version Deluxe, pour ne citer que ces exemples. Comment se fait-il alors que des éléments aussi évidents soient absents de Mario Strikers ? Alors que le jeu mise nettement sur l’intérêt de jouer à plusieurs, comme la plupart des party games de Nintendo bien évidemment, cet opus se prive d’ingrédients qui lui permettraient de prendre tout son sens. Au lieu de se munir de cet attirail de mode qui lui permettraient de figurer dans le haut du panier, Battle League se contente d’un programme assez pauvre et, à bien y regarder, désuet à tel point que les matches en solo feront par exemple bien vite plus office d’entraînements en vue des affrontements contre d’autres joueurs en ligne.

Mon équipe-type, au passage
Ce constat en demie-teinte s’insère en fait assez naturellement dans la suite des lancements récents et successifs de Mario Tennis Aces en 2018 et de Mario Golf : Super Rush en 2021. Bien que tous deux reconnus pour leurs gameplays efficaces et leur prise en main aisée, ces deux précédents titres sportifs de la maison Nintendo ont été critiqués pour leurs contenus bancals. Déjà, c’était ce paradoxe entre des qualités de pures mécaniques de jeu et des activités trop peu nombreuses pour susciter l’intérêt sur le long terme qui se trouvait pointé du doigt. Un décalage qui pourrait être évité et qui se révèle même brutal, s’il en est, mais qui va surtout questionner Nintendo sur ce qu’il propose en la matière. Alors que le constructeur s’est imposé depuis les années 2000 comme une référence incontournable en matière de jeux qui viennent mêler le sport et des composantes de party game dans lesquelles il est passé maître, on en vient à se demander, grosso modo deux décennies plus tard, si l’on n’a pas tout bonnement touché aux limites de l’exercice. Peut-être, sans doute même, avons-nous fait le tour de la question et serait-il temps de repenser ce cru si particulier de jeux pour les emmener vers des horizons élargis.
Au-delà encore de la seule interrogation que cela amène sur ce genre de titres, c’est finalement un pan de la philosophie de Nintendo qui vient être remis sur la table. A force de se focaliser sur le pur gameplay et d’en faire le pilier central de ses jeux, le constructeur n’a-t-il pas perdu l’habitude d’également penser ses titres en termes de contenus ? A mon sens, Battle League est un nouveau symptôme de la trop grande confiance que Nintendo accorde à ses mécaniques de jeu. Car si ces dernières sont systématiquement irréprochables, elles demeurent parfois insuffisantes – pour ne pas dire vaines et paraître trop catastrophiste – quand elles ne jouissent pas d’un champ suffisamment large pour que les joueurs et joueuses puissent les exploiter pleinement et sans avoir l’impression de faire vingt fois la même chose. Alors on nous promet des mises à jour à venir, de nouveaux contenus gratuits (notamment des personnages) mais en l’état, on exagérerait à peine en considérant Battle League comme incomplet. Du reste, s’il en fait peu, il le fait bien et l’on prend plaisir à revenir disputer des matches. Mais jusqu’à quel point ?
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Le retour de Mario Football était la bonne nouvelle de ce début d’année 2022. En 15 ans d’absence, la licence au ballon rond de Nintendo et Next Level Games avait su se faire désirer et l’annonce de ce nouvel opus avait enthousiasmé plus d’un(e) fan. Mais au moment de mettre les mains sur le jeu, il est impossible de nier l’évidence : Battle League Football n’est pas petit bonhomme totalement à la hauteur de cette longue attente. Peu généreux, il donne l’impression d’avoir été développé trop vite et de se reposer sur la promesses de mises à jour ultérieures. Une façon de faire regrettable qui donne en l’état un titre dont on a vite fait le tour, hélas.
Lui reste cependant son gameplay que je continue de considérer comme inattaquable en soi. Car le football version Mario et compagnie demeure ce grand foutoir comme l’aime. Divertissant par l’efficacité de son game design et de ses mécaniques de jeu, en particulier en multijoueur, Mario Strikers : Battle League Football offre une expérience de jeu malgré tout correcte et affiche même de sympathiques ambitions en matière de progression et de recherche d’une certaine forme de maîtrise pour les joueurs et joueuses. On espère en tous cas que la liste des réjouissances s’étoffera avec le temps car le plaisir ressenti manettes en mains ne peut en aucun cas se cantonner à un contenu aussi timide. D’ici là, on continuera à s’occuper sur le jeu en ligne, bastion dans lequel Mario Strikers trouve encore tout son sel.

Je découvre seulement ton blog et j’aime beaucoup ta plume.
Merci beaucoup ! Je suis ravi que la lecture te plaise !