L’histoire de la musique nous a offert de quoi alimenter nos oreilles en merveilles depuis des lustres. Compositeurs hors-pairs, albums exceptionnels, morceaux d’anthologie… Le monde musical regorge depuis toujours de noms qu’on se plait à glisser au Panthéon, qu’il soit unanimement partagé ou plus personnel. On se plaira toujours à évoquer, dans des univers et à des époques différentes, les Mozart, les Jimi Hendrix, les Pink Floyd ou les Beatles qui, chacun à leur tour et à leur manière, ont marqué de leur empreinte la grande fresque musicale de notre planète. Et puis, à côté de ça, il y a les Shaggs.

Je me dois de préciser en préambule que cet article est une reprise d’une chronique que j’avais précédemment faite dans le numéro 19 du podcast Klub Moutarde en Mai 2021. Néanmoins, j’ai eu l’envie de donner une seconde vie à ce sujet en lui accordant un article sur ce blog. De plus, l’apparition de nouvelles sources en ligne sur le sujet me permettra de corriger des éléments que je croyais corrects à l’époque mais qui se sont finalement révélés erronés. Si toutefois vous souhaitez jeter une oreille à mon intervention dans ledit podcast, voici un lien pour y parvenir.
Fremont, New Hampshire : les origines des Shaggs
Il était une fois, dans le New Hampshire, un petit garçon du nom d’Austin Wiggin Jr. qui vit avec sa maman, laquelle pratique la chiromancie, à savoir lire l’avenir d’une personne dans les lignes de sa main. Un beau jour, maman Wiggin use de son art sur son jeune fils et, de la paume de ce dernier, arrive à lui faire trois prédictions. La première lui affirme qu’il se mariera un jour prochain avec une femme aux cheveux blonds vénitien. Si vous ne voyez pas à quoi ça ressemble, c’est un blond qui tire un peu sur le roux, en restant cependant très clair, façon Jessica Chastain ou Amy Adams en quelque sorte. Mais passons, la deuxième prédiction est un peu moins joyeuse et annonce une mort à venir. Cependant là où ma première source parlait d’un décès de cette première épouse et d’un remariage, un reportage paru dans le New Yorker en 1999 et mis en ligne fin 2022 sur leur site m’en donne une autre version : il ne s’agissait pas du décès de l’épouse d’Austin (dont j’apprends par ailleurs qu’elle s’appelle Annie) mais de celui de sa mère. Cette dernière a en effet prévu qu’Austin aurait deux fils après qu’elle soit morte. Enfin, la troisième prédiction est celle qui nous amène directement à notre sujet du jour : les filles d’Austin Wiggin monteront un groupe et deviendront célèbres !
Et le fait est que les deux premières prédictions se sont révélées exactes. Austin Wiggin a bel et bien épousé une femme aux cheveux blonds vénitien, nous laissant tout de même nous demander dans quelle mesure la connaissance de la prédiction faite par sa maman a influencé ses choix de vie… Puis la mère d’Austin Wiggin est décédée et ce dernier eut bel et bien deux fils par la suite, Austin III et Robert. Evidemment, la succession de ces réalisations a fait son bonhomme de chemin dans l’esprit d’Austin et ce dernier n’y a pas vu que de simples coïncidences. Pour lui, les prédictions de sa mère étaient donc vraies. Cela ne pouvait dire qu’une chose : ses filles allaient devenir célèbres par la musique ! Inutile donc de s’arrêter en si bon chemin et d’attendre que le destin fasse son œuvre, Austin va tout faire pour que la troisième prédiction de Wiggin mère se révèle à son tour exacte. Nous sommes en 1965*, Austin Wiggin retire les trois filles qui vont composer le groupe de l’école, fait le plein d’instruments et les envoie en cours de musique : les Shaggs viennent de naître.
*Et non en 1968 comme je le disais dans ma chronique
d’origine, il s’agit en fait là de leur première apparition live
Si vous vous demandiez d’où vient ce nom d’ailleurs, il a été choisi par Austin en référence au film de 1959 Quelle Vie de Chien ! (The Shaggy Dog en VO), comme la chanteuse du groupe nous l’apprend dans une interview pour Rolling Stone en 2016. Le terme shaggy faisant également référence à un style de coiffure relativement en vogue dans les 60s (il désigne alors une épaisse coupe aux cheveux longs et plutôt ébouriffés, donnant un style touffu à la tête de la personne qui arbore ladite coupe), Austin fera porter des franges à ses filles pour qu’elles se rapprochent de ce style et collent donc au nom du groupe. C’est avec cette coiffure qu’on les découvre sur la pochette du premier et dernier album de la formation, Philosophy of the World, sur lequel je reviendrai ensuite. Avant cela, quelques présentations s’imposent. Les Shaggs regroupent durant la majeure partie de leur existence trois des sœurs Wiggin : Dorothy (ou Dot pour les intimes), Betty et Helen. Dorothy peut être en quelque sorte vue comme la figure de proue du groupe puisque c’est elle qui écrit les chansons, chante et assure la guitare solo. Betty et Helen occupent respectivement les rôles de guitariste rythmique et de batteuse. De manière beaucoup plus anecdotique, il est arrivé qu’une quatrième frangine, Rachel, vienne tenir la basse dans cette petite formation familiale, comme c’est le cas sur le titre That Little Sports Car, issue de leur emblématique album. Et c’est toutes ensemble, sous la houlette de leur père, que ces adolescentes ont formé le plus incroyable des mauvais groupes de l’histoire. Car oui, les Shaggs sont terriblement mauvaises et c’est exactement ce qui, en plus des circonstances dans lesquelles le groupe a existé, a contribué à en faire une espèce de mythe.
Revenons d’ailleurs sur ces circonstances avant de parler véritablement de leur musique. Comme je le disais plus haut, l’idée de fonder le groupe vient directement du père Wiggin, obsédé par la prédiction faite par sa mère des années auparavant. En plus de cela, Austin Wiggin Jr. est un homme que l’on pourrait décrire comme désireux d’une vie meilleure. Ouvrier dans l’usine textile locale et ne récoltant donc qu’un salaire assez bas, Austin doit faire face à la nécessité de nourrir ses enfants, lesquels sont tout de même au nombre de 6 ou 7. Il me reste un doute concernant le nombre exact de fils et filles qu’Austin et Annie Wiggin ont eu car si l’article du New Yorker évoque le nombre de 7, je n’ai jamais trouvé que 6 prénoms (Dot, Betty, Helen, Rachel, Austin III et Robert) et jamais la moindre mention d’un ou une septième enfant désigné(e) nommément. Il n’est en tous cas pas tout à fait incompréhensible que cet homme se soit dit que réaliser la troisième prédiction de sa mère pourrait bien être une bonne idée : faire de ses filles des stars de la musique ne pourrait qu’être source d’un confort bien plus grand. Mais la motivation principale de ce père est encore ailleurs. Car plus encore que l’argent, c’est la reconnaissance qui lui manque. Austin Wiggin n’appréciait pas la petite place que lui et sa famille occupaient dans le petit écosystème de Fremont, il lui fallait plus. Il voulait prouver que ses enfants n’étaient pas simplement différents des autres mais bien qu’ils étaient meilleurs et qu’ils pouvaient se tailler une place de choix dans la société, en l’occurrence en tant qu’artistes reconnus.
Il faudra cependant attendre trois ans avant que les Shaggs ne fassent découvrir leur musique au public. En 1968 et après un long travail pour que Dot, Helen et Betty arrivent à tenir leurs morceaux, Austin Wiggin les inscrit à un concours de talent à Exeter, une petite ville à une trentaine de kilomètres de Fremont à vol d’oiseau. Ça y est, le moment est alors venu, les Shaggs vont se révéler au public et entamer leur ascension ! Austin Wiggin s’attend sans doute à ce que tel soit le résultat de ce premier concert censé dénicher de jeunes talents, lui qui estime après les avoir découverts à la télévision trois ans plus tôt que si les Beatles ont réussi à avoir du succès, il n’y a aucune raison pour que ses filles n’y arrivent pas à leur tour. Et pourtant, si, il y en a une énorme, colossale même : elles n’arrivent strictement à rien. Elles auront beau eu s’exercer encore et encore pendant trois ans, les trois sœurs Wiggin arrivent à peine à jouer de leurs instruments. Fatalement, le concert est une catastrophe, une partie du public jetant même leurs canettes de soda sur les pauvres adolescentes qui n’ont, en réalité, rien demandé à personne. Huées, les Shaggs sont désemparées mais l’incident n’est absolument pas venu ébranler la certitude d’Austin que tout ceci n’est que partie remise et que la gloire viendra. Pour lui, la seule réponse à apporter à cela c’est de s’entraîner encore et toujours. Après tout, ce n’est qu’un concert raté, le tout premier, et sans doute ses filles peuvent-elles encore progresser.
La même année, les Shaggs se produisent dans une maison de repos locale et reçoivent un « accueil poli de la part des résidents », pour reprendre les mots de Susan Orlean du New Yorker. Mieux encore, leur père réussit peu après à leur obtenir un concert hebdomadaire sur la scène de la mairie de Fremont ! Les Shaggs vont désormais pouvoir assurer une représentation chaque samedi soir dans leur ville natale. La famille se met en ordre de marche pour assurer l’affaire : les filles jouent ; Rachel, Robert et Austin III les rejoignent parfois sur scène ; la mère vend les places et les boissons (que les Wiggin se faisaient livrer chez eux chaque vendredi soir).
Sous la houlette d’Austin, les voilà qui deviennent une vraie petite famille du show business. Cependant, si les frangines Wiggin n’ont pas réussi à améliorer leur qualité de jeu en trois ans, peut-on sincèrement penser qu’elles vont réussir à le faire en quelques mois seulement ? Les concerts du samedi soir vont donc s’enchaîner, les uns après les autres, jusqu’en 1975 et jamais les Shaggs n’arriveront à récolter les moindres louanges. Lorsque le public vient à l’hôtel de ville pour assister au spectacle, de nombreux adolescents sont là, certes, mais c’est surtout parce qu’il n’y a pas grand-chose de plus à faire à Fremont. Ce n’est qu’une petite ville de l’Est des Etats-Unis, éloignée des grands axes de circulation et trop loin de Boston – la principale métropole à proximité – pour que qui que ce soit s’embête à s’y rendre le week-end ou ait même la possibilité de le faire. Alors la jeunesse de Fremont vient voir les Shaggs, rit d’elles, se moque… Quelques uns seront plus sympathiques que d’autres, notamment un jeune homme qui deviendra le mari d’Helen, mais la majorité vient voir les Shaggs comme on venait à la « foire aux monstres »… Evidemment, les jeunes filles Wiggin ne vivent pas l’expérience avec bonheur, mais nous y reviendrons. Le fait est en attendant que l’accueil plus que mitigé réservé à son groupe n’émousse en rien l’ambition d’Austin.
En Mars 1969, plusieurs mois après le début de leurs concerts, le patriarche emmène ses filles aux Fleetwood Studios de Revere, dans le Massachussetts voisin, au Nord de Boston. Jamais les filles Wiggin ne sont allées aussi loin de leur foyer et c’est sans doute là qu’elles prennent enfin un peu de plaisir dans cette histoire : les Shaggs leur permettent de sortir du microcosme étroit que représente leur maison. Elles sortent chaque samedi soir, s’évadent malgré tout le temps d’une soirée, et les voilà qui vont découvrir « la grande ville ». L’objectif de ce périple : enregistrer un album. Chez Fleetwood, on a l’habitude des petits groupes indépendants locaux, c’est même ce qu’ils enregistrent le plus souvent, à côté des fanfares d’écoles. Alors enregistrer un petit trio de filles de Fremont, sur le papier, ce n’est pas particulièrement exceptionnel. Seulement, après quelques accords, Bob Olive – l’ingénieur du son en charge de l’enregistrement – ne manque pas d’expliquer à Austin que ses filles ne sont peut-être pas prêtes à enregistrer. Le père n’en aura cure, l’enregistrement doit avoir lieu et ce doit être maintenant. « Je les veux tant qu’elles sont chaudes », dira-t-il. Dans son livre Songs in the Key of Z, le journaliste Irwin Chusid rapporte les propos du producteur Bobby Herne, présent pendant les sessions :

« Nous avons fermé les portes de la salle de contrôle et nous nous sommes écroulés au sol de rire. On s’est écroulés ! C’était horrible. Ils [les Wiggin, ndlr] ne savaient pas ce qu’ils faisaient, mais ils pensaient que c’était bon. Ils étaient complètement dans un autre monde. »
Bobby Herne, dans « Songs in the Key of Z » d’Irwin Chusid (2000)
Aussi invraisemblable que cela puisse paraître pour tout le monde alors (sauf pour les Wiggin finalement), l’album sera terminé et sortira enfin le 15 Juin 1969. Philosophy of the World, c’est son nom, devra cependant attendre de nombreuses années, sinon des décennies, pour atteindre un petit statut de légende. A l’époque, c’est plutôt un constat dans la continuité de la réputation des Shaggs qui est fait : rien ne va. Compositions, qualité du chant ou des instruments… Sur 12 titres tout de même, les filles Wiggin étalent toute leur absence de talent ou de savoir-faire dans des chansons dissonantes, brisant la plupart des règles de base de la musique. Notes cassées, changements de gammes sans aucune logique, rythme aux abonnés absents (le jeu de batterie d’Helen n’a aucun sens), Philosophy of the World est l’œuvre d’un groupe qui a mis tout ce qu’il pouvait pour faire quelque chose de bon mais sans jamais y parvenir. L’album peut en conséquence être vu comme un pur nanar de la musique. La légende ne s’arrête d’ailleurs pas qu’aux préoccupations purement artistiques puisqu’au moment de sa sortie, la quasi totalité des exemplaires du vinyle va disparaître. Le distributeur de Philosophy of the World va en effet s’éclipser avec 900 des 1 000 disques pressés. Aujourd’hui encore, on ne sait pas où il est parti, ni ce qu’il a pu faire de ces 900 vinyles. A-t-il voulu les faire disparaître parce qu’il refusait que son nom soit associé avec cette « œuvre » ? On ne pourra ici que s’égarer en hypothèses… Le fait est que, dans une sympathique cacophonie, les Shaggs s’expriment de la pire manière qui soit pour toute oreille un tant soit peu sensible à la musique.
Mais l’étonnement, à l’écoute de Philosophy of the World, ne se cantonne pas aux seules piètres qualités musicales. Parce qu’on pourrait parler pendant des heures du fait que les guitares sonnent tellement faux qu’on se demande si elles sont accordées, mais le son des Shaggs à proprement parler n’est qu’une facette de l’étrange aura qui plane dans cet album. Etrange, sinon inquiétante. Cet album, c’est véritablement un tout qui s’ouvre dès la pochette avec cette photo à la limite du glauque, où les trois filles Wiggin apparaissent avec ces sourires rigides dans lesquels on ressent sans nul doute leur malaise face à la situation. « Qu’est-ce qu’on fait là ? », semblent-elles nous demander, figées devant ce lugubre rideau verdâtre en haut duquel trône en lettres jaunes le nom du groupe et le titre de l’album, chacun dans une typographie différente. L’une est ronde – finalement assez 60s – et l’autre gothique, créant un contraste incompréhensible entre les deux lignes et brisant à elle seule toute velléité d’unité artistique qui aurait pu régir cette pochette. On est à peine surpris finalement d’entendre ces notes affreuses lorsque le disque est lancé, une fois que l’on est passé par cette étape de contemplation de l’objet. On imagine sans peine les doigts des deux pauvres guitaristes se tordre difficilement pour plaquer des accords qui, jamais ô grand jamais, ne seront réalisés correctement. Le caractère hanté de la photo de couverture de l’album se prolonge donc dans cette musique involontairement torturée et c’est un autre contraste qui va se faire jour à mesure que l’on s’enfonce dans cet univers musical.
Parce que si l’on passe outre les errances techniques majeures, il ressort de la musique des Shaggs une sorte de gaieté étonnante. Si l’on se concentre et que l’on cherche à imaginer ce que les chansons auraient donné si elles avaient été bonnes, on se rend compte qu’il aurait pu s’agir là de petites ballades pop tout à fait dans le ton de leur époque. Des morceaux comme le titre éponyme ou Who Are Parents? par exemple attestent de cela avec cette manière de monter doucement dans une espèce de légèreté qu’on retrouvera en fin de refrain sur Philosophy of the World (sur le « In this World! ») ou dans l’ensemble de cette deuxième chanson que je viens de mentionner, qui évoque (difficilement) des morceaux un peu vifs, rock si l’on veut. De cette alchimie impossible entre ces airs enjoués et cette incapacité à jouer convenablement qui ne sera toutefois pas un frein, on aurait presque envie de faire des Shaggs les représentantes d’un genre à elles, appelons-le « rock naïf ». Sous la plume de Dorothy, qui écrivait les paroles, le groupe évoque en effet à travers ces compositions qui pourraient être toutes douces – si elles n’étaient pas passées entre les griffes de Freddy Krueger – des thèmes légers et en définitive très adolescents comme l’envie d’avoir une jolie voiture (That Little Sports Car), le petit chat qui a disparu (My Pal Foot-Foot), l’amour (I’m So Happy When You’re Near), la musique et la radio (My Companion) ou même des choses plus existentielles dirons-nous comme la compréhension de ses propres sentiments (Why Do I Feel?). Bref, les Shaggs tentent, comme le voulait leur père au départ, de s’intégrer dans une scène musicale en pleine révolution et où la fracture entre les adultes et les plus jeunes aux Etats-Unis continue de se faire après avoir démarré lorsqu’Elvis Presley est monté sur scène pour les toutes premières fois. Nous sommes dans le temps des Beatles, des Rolling Stones ou des Beach Boys, à deux pas du summer of love. L’heure est à la révolte, à la liberté, à la revendication générationnelle !
Mais pas pour les Shaggs… Non, pas de rébellion en vue pour les filles Wiggin mais plutôt l’inverse. Si les frangines se prennent à rêver de voiture et d’amoureux, elles n’en demeurent pas moins les filles de leur père, lequel ne les a pas spécialement éduquées pour exprimer la moindre véritable envie de changer le monde. Il est très bien comme ça le monde, en fait, pourquoi voudrait-on voir tous ces cheveux longs partout et ces jupes trop courtes au goût d’Austin Wiggin ? Pourquoi donc se rebeller quand en vérité le respect dû à ses parents est une très bonne chose ? Voilà ce qui va transparaître derrière l’air tendre de Who Are Parents?, qui se révèle être un rappel fait à la jeunesse d’aimer et respecter ses aînés :

« Who are parents?
[Qui sont les parents ?]
Parents are the ones who really care
[Les parents sont ceux qui se soucient vraiment]
Who are parents?
[Qui sont les parents ?]
Parents are the ones who are always there
[Les parents sont ceux qui sont toujours là] »
Who Are Parents?, The Shaggs
De gauche à droite : Betty, Helen et Dorothy Wiggin,
circa 1969
Derrière la bonne foi qu’on peut de prime abord trouver à ces maladroites compositions, se dessine peu à peu autre chose, une sorte d’ombre qui plane continuellement sur l’album et qui n’est nulle autre que celle d’Austin Wiggin, père « à l’ancienne », comme le reconnaissent elles-mêmes ses filles. Un père qui, par l’éducation qu’il a donnée à sa progéniture, a conduit Dot à écrire ces textes qui se font presque l’écho d’un côté un peu réactionnaire qui ressortait chez Austin. C’est cette même ombre qui survole la chanson-titre de l’album, laquelle évoque le fait que les gens ne sont jamais contents de ce qu’ils ont et qu’on ne peut jamais satisfaire qui que ce soit en ce bas monde. Philosophy of the World est un album des Shaggs, au nom de leur père.
Au nom du père
Austin Wiggin est à lui seul l’explication concernant les Shaggs, leur régularité en concert, l’existence de l’album. Il explique aussi et surtout pourquoi, en dépit de tous les retours négatifs, ils se sont acharnés pendant des années. Obsédé par les prédictions de sa mère, il aura tout fait pour que ses filles deviennent les célébrités annoncées. C’est lui qui a contacté et obtenu auprès de la mairie le créneau du samedi soir toutes les semaines. C’est lui qui a emmené Dot, Helen et Betty en studio et leur a fait enregistrer un album alors même qu’on lui expliquait là-bas que ce n’était pas la meilleure idée du siècle. C’est lui encore qui, estimant que les choses ne vont pas assez vite, prendra appareil photo et caméra pour capter ses filles en train de jouer, caressant sans doute le fol espoir de faire diffuser tout cela à la télévision. C’est lui enfin qui les ramènera à Fleetwood Studios quelque temps plus tard pour une poignée de nouvelles chansons qui figureront sur Shaggs’ Own Thing, une compilation parue en 1982, après la séparation du groupe donc, et où l’on pouvait entendre des titres tirés de Philosophy of the World mais également une poignée de reprises dont celle, difficile évidemment, de Wipe Out, célèbre morceau de surf :
Enregistrés quelque part entre 1969 et 1975, ces nouveaux morceaux affichent des Shaggs ayant un petit peu progressé mais qui demeurent cependant terriblement malhabiles. Austin, lui, demeure toutefois aussi satisfait que possible. La perte d’une majorité des albums en 1969 ne l’a en rien refroidi et son projet ne quittera jamais son esprit.
Présenté comme strict et entêté, Austin est en réalité la seule raison pour laquelle les Shaggs existent. Car de l’aveu-même des filles, aucune d’entre elles n’avaient jamais envisagé faire de la musique. Nourri par cette fameuse prédiction – à laquelle il croyait dur comme fer, étant lui-même très superstitieux -, le père Wiggin a vu dans ce projet l’occasion non seulement d’offrir un avenir meilleur à sa famille, mais aussi de prendre une revanche personnelle sur sa place dans la société. Dans son article pour le New Yorker, Susan Orlean écrit : « Ce n’était pas un frimeur, mais il mourrait d’envie d’être remarqué – après tout, ce n’était qu’un solitaire grincheux qui avait peu à voir avec les autres habitants de la ville. […] Il était irrité par sa place dans le système social de Fremont ». C’est cette espèce de manque de reconnaissance, sinon de rancœur quand on fouille un peu, qui l’a poussé à engager ses filles dans cette direction. Aucune d’entre elles ne le voulait vraiment mais elles ont obéi, soumises en quelque sorte à l’autorité de ce père dont la parole était faite loi à la maison. Timides, rêvant au mieux de devenir secrétaires un jour, de se marier et d’avoir des enfants, Dot, Helen et Betty ont alors vu leur vie basculer sous le contrôle total d’Austin.

Les Shaggs passaient la très grande majorité de leur temps à répéter chez elles
Comme je le disais plus haut, il les a d’abord retirées de l’école pour qu’elles puissent s’exercer aussi souvent que possible. Il les inscrira à des cours par correspondance proposés par American Home School mais il était seul maître de leur emploi du temps, au sein duquel les cours n’avaient au final que très peu de place. Le quotidien des jeunes filles s’est en effet retrouvé rythmé par deux choses : la pratique musicale et les exercices physiques. En parallèle du travail sur les instruments et les textes, Austin a en effet imposé à ses filles un lourd programme d’entraînement fait de gymnastique et de musculation, sans doute pour les préparer à la dure vie de musiciennes en tournée… Susan Orlean établit l’agenda des Shaggs dans son reportage : entraînement musical le matin et l’après-midi, répétition des chansons avec Austin après le dîner et enfin, avant d’aller se coucher et selon les jours, le sport ou encore une heure de pratique sur les guitares et la batterie. Le groupe doit être la seule préoccupation de ses filles, aussi Austin va fermer leur monde plus encore qu’il ne l’était par le seul fait de vivre dans une petite ville un peu isolée et sans occupation comme Fremont. Et tant pis si les trois sœurs estiment que leur père est un peu fou en parlant de cette prophétie farfelue, elles préfèrent ne rien dire et obéir : « Sa mère était sa fierté et sa joie », précise Dot auprès de Rolling Stone. « Elle était le monde pour mon père ; nous ne voulions rien lui dire qui aurait pu lui faire penser qu’on parlait mal d’elle ». Profitant de cette absence de contestation, Austin aura le champ libre pour imposer leur vie à ses filles : il leur interdira purement et simplement d’avoir le moindre rendez-vous amoureux avant leurs 18 ans, tout comme il s’opposera dans une plus ou moins grande mesure à toutes leurs éventuelles amitiés naissantes. Quand on sait à quel point les sœurs Wiggin étaient moquées dans Fremont, on imagine à quel point cela pouvait être difficile. La quatrième sœur, Rachel, qui était restée au lycée quant à elle et rejoignait ponctuellement le groupe sur scène, y était régulièrement chahutée, pour ne pas dire harcelée, en raison des Shaggs.
Parallèlement, les rumeurs enflent dans la petite ville du New Hampshire, allant même jusqu’à lancer des histoires sur l’éventuelle intimité inappropriée d’Austin Wiggin avec ses filles. Ici, difficile de démêler le vrai du faux comme toujours, et tandis que Dot affirme que tout cela est faux, Helen a quant à elle dit que c’était effectivement arrivé une fois. Dans quelle mesure et de quelle manière, nous n’en saurons sans doute jamais rien : Helen Wiggin nous a quittés en 2006, à 59 ans, après des années de dépression. Cette dernière est vraisemblablement celle qui a le plus mal vécu l’expérience des Shaggs. Dans son interview à Rolling Stone, Dot estime qu’elle semblait n’en avoir pas grand-chose à faire, mais il faut garder en tête que c’est en secret qu’elle s’est mariée, consciente que son père – alors que les Shaggs étaient toujours actives – ne l’accepterait pas. Et elle avait raison de se méfier puisque le jour où elle a finalement pris son courage à deux mains pour le lui avouer, Austin est allé chercher son fusil avec la ferme intention de trouver ce mari caché ! C’est la police qui mettra Helen devant l’évidence : entre son mari et son père, il lui fallait choisir. Elle fera évidemment le choix de son compagnon, quittant ainsi la première le foyer familial. Austin ne lui parlera plus pendant des mois et les Shaggs connaîtront alors une pause qu’on imagine et espère salvatrice pour les jeunes filles. Nous sommes alors en 1975 et, quelque temps après l’incident, le groupe reprendra ses activités pour une courte période avant de connaître son terme avec le décès d’Austin. Le père Wiggin meurt en effet cette année-là d’une crise cardiaque, signant ainsi la fin des Shaggs.
Fin du groupe et début de la légende
On dit souvent que les grands artistes ne sont jamais reconnus alors qu’ils sont actifs, sinon de leur vivant. Visiblement, les mauvais non plus. L’histoire des Shaggs aurait pu s’arrêter avec le décès d’Austin Wiggin en 1975. Le groupe ne jouait de toute façon déjà plus à l’hôtel de ville, la municipalité ayant décidé quelque temps auparavant de ne plus rien organiser là-bas en raison de bagarres de plus en plus récurrentes et même de trafics de drogue. Hormis quelques concerts sur des fêtes locales ou à la maison de repos où elles sont débuté, les Shaggs commençaient à doucement s’éteindre même si Austin prévoyait vraisemblablement la sortie d’un deuxième album, d’où les fameux nouveaux enregistrements que j’évoquais plus haut. Mais le fait est qu’après sa mort, Helen, Dot et Betty ont vendu leur équipement – si ce n’est une guitare que Dot a gardé au cas où – et ont fini par toutes quitter la maison familiale comme Helen un peu plus tôt. Les Wiggin ne sont cependant jamais parties très loin, Dorothy et Betty ayant emménagé à Exeter tandis qu’Helen était partie à Epping. Les deux villes ne sont qu’à quelques kilomètres de Fremont. Petit monde que celui des Shaggs, encore et toujours.
La musique semble donc être définitivement derrière la famille Wiggin. Ne restera que la fierté et certainement l’aveuglement mensonger d’Austin Wiggin, dont le livret de Philosophy of the World demeure un ultime témoignage :
« Les Shaggs sont authentiques, pures, affectées par aucune influence extérieure. Leur musique est différente, elle est unique. […] Elles sont sœurs dans une grande famille où le respect et l’amour mutuels sont incroyablement hauts, dans une atmosphère qui les a encouragées à développer leur musique […]. Elles sont heureuses et aiment ce qu’elles font. Elles le font parce qu’elles aiment ça. »
Austin Wiggin dans le livret de l’album Philosophy of the World
Cependant, si l’histoire s’était véritablement arrêtée là, nous n’en parlerions sans doute pas aujourd’hui. Les Shaggs auraient sombré dans l’oubli le plus complet malgré leur surprenante histoire. Sauf qu’au début des années 1980, alors même que le groupe a stoppé net ses activités depuis quelques années déjà, Terry Adams et Tom Ardolino du groupe NRBQ (pour New Rythm and Blues Quartet) tombent sur Philosophy of the World dans une boutique de disques. Une aubaine en soi quand on se rappelle qu’il ne restait plus que 100 des 1 000 disques initialement pressés, comme nous le rappelle cet article du Boston Globe. A l’époque, les NRBQ viennent de fonder leur propre label, Red Rooster Records. Séduits par l’étrangeté de l’album, ils vont contacter les Shaggs et leur proposer de sortir une réédition de leur OVNI sur ce label, en collaboration avec Rounder pour la distribution. C’est ainsi qu’en 1980, le voici qui revient dans les bacs.
Cette ressortie va contribuer au petit culte qui s’est peu à peu formé autour des Shaggs. Car si l’album dans son pressage original était évidemment difficile à trouver, il aurait apparemment beaucoup circulé de mains en mains, notamment dans les milieux de musiciens. Certains y trouveront alors de quoi être satisfaits, une intention artistique totalement involontaire mais néanmoins bien présente. L’excentrique Frank Zappa ira même jusqu’à les considérer comme meilleures que les Beatles. Au début des années 1990, Kurt Cobain avouera lui aussi beaucoup apprécier les Shaggs. Ceux-là ont dû être ravis d’ailleurs car, non contents de donner une deuxième vie à cet album, Adams et Ardolino ont également plongé dans les fameux enregistrements jusqu’alors inédits réalisés au début des années 1970. Ils y feront le tri et permettront aux Shaggs de sortir leur second disque en 1982, la compilation Shaggs’ Own Thing que je mentionnais plus haut. Le tandem de NRBQ ne s’arrêtera pas là puisqu’en 1988 enfin, ils offriront une remastérisation aux deux disques, conférant à la carrière du groupe un troisième souffle toujours plus inattendu que les précédents.

Tom Ardolino (à gauche) et Terry Adams (à droite), les hommes qui ont redécouvert les Shaggs
Dans les années suivantes cependant, les Shaggs continueront malgré cet appui tombé de nulle part à n’être qu’un groupe assez peu connu, voire pas du tout en ce qui concerne le grand public. Elles ne se feront finalement véritablement un nom que dans des milieux artistiques attirés par ces étrangetés, des « connaisseurs » si l’on veut, le genre qui se refile des disques connus d’eux seuls et dénichés on ne sait où. La mention du groupe par Zappa ou Cobain n’y changera rien et tout ceci ne relèvera que de l’anecdote. Aussi les Shaggs conservent ce statut de groupe raté et méconnu jusqu’à la fin des années 1990 et au début des années 2000, quand le reportage dans le New Yorker et le livre d’Irwin Chusid (Songs in the Key of Z) finiront par paraître. Nous sommes à l’aube de l’ère d’internet et c’est bien ce nouveau moyen de communication qui viendra réellement établir le mythe des Shaggs. Avec le web, le groupe s’offre – sans le vouloir une fois de plus – sa quatrième vie. Celle-ci est marquée par le retour de leur musique en ligne, d’abord de manière très confidentielle puis plus accessible via des plateformes comme YouTube, où Philosophy of the World est écoutable en intégralité en deux clics. C’est sur la toile que leur réputation grandira et c’est de cette manière que je les ai personnellement découvertes, après qu’un collègue m’a parlé d’elles suite à sa propre écoute de l’album sur YouTube justement. Sans jamais cependant devenir un véritable phénomène sur internet, les Shaggs ont su capter une audience de cette manière, à tel point que d’aucuns y auront vu un groupe dont il faut entretenir l’héritage ou tout du moins raconter l’histoire.
Ce sera le cas par exemple avec la sortie en 2001 de l’album Better Than The Beatles: A Tribute to The Shaggs (en référence à la phrase de Frank Zappa donc) où plusieurs artistes se sont réunis pour réinterpréter à leur façon les titres du trio. Mêlant art brut et outsider music (musique faite par des autodidactes ou des musiciens dit « naïfs »), l’album-hommage rappelle qu’une petite partie de la scène musicale se réclame aujourd’hui des Shaggs, voyant en elles une inspiration étonnante. On s’interroge cependant sur le bon sens derrière l’envie de se réclamer d’un groupe dont l’existence-même ne fut qu’une contrainte et la musique un difficile accouchement. A côté de cela, on mentionnera également la comédie musicale The Shaggs: Philosophy of the World, qui visait au début des années 2010 à raconter l’histoire de ces trois filles et de leur père dans un spectacle assez bien accueilli par la critique par ailleurs. Enfin, comment ne pas évoquer ce projet de film consacré aux Shaggs dont on aura entendu parler à partir de 2012-2013 mais qui n’a finalement jamais vu le jour, même si l’idée semble continuer à passer de mains en mains dans les studios. Plusieurs actrices ont même été envisagées pour incarner les filles Wiggin, dont les sœurs Dakota et Elle Fanning courant 2013, ainsi que Elsie Fisher plus récemment (connue notamment pour avoir joué le rôle principal du film Eight Grade de Bo Burnham en 2018).
Pour Dot, Betty et Helen en tous cas, les Shaggs n’ont rien changé. Continuant de vivre leurs vies dans le New Hampshire, elles ne sont jamais devenues les célébrités rêvées par leur père et n’ont jamais cherché à le devenir après coup. Abandonnant la musique, les trois sœurs ont laissé tout cela derrière elle dès l’instant où Austin Wiggin est mort. Des années plus tard, ne restent finalement que quelques regrets évoqués par Betty et que Susan Orlean nous rapporte dans son reportage : « Nous avons manqué d’une vie sociale, nous avons manqué d’avoir des amis, nous avons manqué de tout sauf de notre musique et des exercices ». Ce n’était pas son fantasme, ajoute-t-elle même, elle qui rêvait seulement d’avoir une voiture et de partir loin de Fremont. Je le disais plus haut, Helen a quant à elle fini par tomber en dépression et si je ne peux rien affirmer sur le moment où la maladie l’a rattrapée (car je ne trouve aucune source sur le sujet), je me dis que la vie au sein des Shaggs n’a rien fait pour arranger sa situation. Seule Dot semble garder un souvenir assez bon de l’épisode, elle qui ne cache en rien le respect qu’elle portait à ses parents. Si elle comme Betty sont un tant soit peu amusées quand on les reconnaît ou qu’on leur parle du groupe, Dorothy reste la seule à garder un petit lien avec la musique, que ce soit en jouant de la clochette à l’église ou en montant au début des années 2010 le Dot Wiggin Band. Un groupe dont le ton rappelle directement celui des Shaggs avec des chansons plus ou moins naïves et farfelues (comme Banana Bike, écrite par Dot pour sa sœur Helen) mais cette fois-ci avec des musiciens expérimentés, bien que ces derniers conservent un jeu qui fait sans cesse écho à l’aura des Shaggs. Signé chez Alternative Tentacles Records (le label de Jello Biafra, des Dead Kennedys), le groupe a sorti son seul et unique album Ready! Get! Go! en 2013. Hormis cela, Betty et Dot participent très ponctuellement à quelques événements spéciaux, qu’il s’agisse de conventions (auxquelles Betty rechigne à se rendre, comme le confie Dot auprès de Rolling Stone) ou de concerts réunion comme en 1999 ou celui donné avec le Dot Wiggin Band au Solid Sound Festival de 2017.
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L’histoire commençait comme un conte de fées, avec des prédictions et un homme qui a lutté pour les réaliser. La réalité est finalement toute autre, se muant progressivement en l’étrange passage sur Terre d’un groupe dont aucune des membres ne voulait vraiment, formé par et pour leur père, tout ça pour ne jamais connaître le moindre véritable succès, ni de vraie estime. Les Shaggs n’avaient aucun talent, c’est un fait. On leur reconnaît, aux filles, la bonne foi dont elles ont fait preuve malgré tout en livrant ces compositions ratées mais néanmoins empreintes d’une sincérité certaine et d’une envie de bien faire, de satisfaire papa. On ne pourra s’empêcher de penser que la mort de ce dernier les aura libérées de cette pression constante, de ce dévouement continu mais jamais voulu à la musique. Malgré tout, on a envie de voir en les Shaggs le meilleur des mauvais groupes, le plus étonnant, le plus incroyable. A titre personnel, je garde une immense tendresse pour ces filles qui n’avaient rien demandé et qui se sont retrouvées dans cette galère et ont fait de leur mieux. Restent enfin en tête ces paroles tirées de la chanson Philosophy of the World et qui sonnent comme la signature du groupe : « Nous faisons de notre mieux / Nous essayons de plaire / Mais nous sommes comme les autres / Nous ne sommes jamais à l’aise ».
C’était une chouette histoire que tu nous avais raconté pendant le podcast.
Aujourd’hui j’en lis une bien plus tragique. Beaucoup d’empathie pour ces filles qui n’ont cessé d’être moquées… Merci pour cet article enrichi !
Oui, j’aurais préféré aussi rester sur la vision un peu plus légère que j’en avais à l’époque. Et en même temps, je ne peux pas m’empêcher de trouver cette histoire fascinante. Encore plus maintenant que je sais tout ça !
Mais comme toi, ça ne fait que renforcer ma tendresse pour les pauvres filles Wiggin.
Merci pour ton commentaire ! ❤