Qu’il est doux d’être fan de Zelda ces dernières années. Après une succession d’excellents jeux dans la première moitié des années 2000, la suite de la décennie et le début de la suivante nous ont donné des titres sympas sans plus (Spirit Tracks, A Link Between Worlds), mal-aimés (Skyward Sword) voire carrément facultatifs (Tri-Force Heroes, dont on oublie souvent que, non, ce n’est pas un spin-off…). A compter de la fin des années 2010 en revanche, le retour en grâce est indéniable. Breath of the Wild puis Tears of the Kingdom auront apporté un souffle nouveau sur la licence tandis que le remake de Link’s Awakening aura permis d’apporter un coup de neuf bienvenu sur un des meilleurs épisodes 2D de la saga. Bien inspiré, Nintendo s’est de nouveau acoquiné avec le développeur Grezzo cette année pour produire Echoes of Wisdom, un opus où le studio réapplique la direction artistique qu’il avait conçue pour ce Link’s Awakening rénové mais avec un twist : nous y incarnons Zelda et non Link.
Un pas de côté qui fait écho à l’attention que semble vouloir porter Nintendo à ses icones féminines cette année. Un sujet que je tiens à aborder mais, compte tenu de la densité de ce dernier, nous le ferons en trois fois. Ce gros article sera donc décomposé en trois parties dont la première se tient sous vos yeux. Cette semaine, nous parlerons pour l’essentiel du jeu en lui-même, de ses qualités et défauts et de la manière dont il s’intègre dans l’historique de la licence. La semaine prochaine, la partie 2 permettra d’aborder la façon dont le personnage de Zelda a évolué au cours de son histoire, dépassant progressivement son statut initial de princesse en détresse. Enfin, dans deux semaines, la troisième partie nous permettra de dresser un parallèle avec les deux autres grandes figures féminines emblématiques de Nintendo : la princesse Peach et la chasseuse de primes Samus Aran.


– Avertissement –

En vue de parler de certains choix opérés dans le jeu, je vais devoir évoquer un ou deux points de scénario. Je vous invite donc à revenir lire ces lignes ultérieurement si vous n’avez pas encore fait Echoes of Wisdom et que vous ne voulez pas en connaître le moindre détail de l’aventure. 
Merci !

A bien y regarder, Echoes of Wisdom arrive dans un contexte particulier autour de la licence Zelda. Alors que le souvenir encore frais de Tears of the Kingdom demeure, entraînant avec lui le sentiment d’une immense satisfaction provoquée par ce dernier et son prédécesseur, Breath of the Wild, se rappelle également à nous celui du Link’s Awakening de 2019. Un remake de très bonne facture de l’un des épisodes les plus iconoclastes de la saga, originellement sorti sur Game Boy en 1993 (et mon premier Zelda, pour l’anecdote).

La sortie par alternance d’épisodes 2D développés par d’autres studios permettra à Nintendo de concentrer ses forces sur les épisodes 3D tout en occupant l’espace avec des sorties de jeux régulières.

Mais le plus amusant dans ce contexte, c’est que la stratégie de Nintendo donne l’impression de renouer avec la rythmique d’autrefois de la saga, sacralisée à partir d’Ocarina of Time et qui consistait à sortir en alternance un épisode 3D et un épisode 2D de la licence. Link’s Awakening DX, sur Game Boy Color, avait ainsi succédé à Ocarina of Time avant que n’arrive Majora’s Mask sur Nintendo 64, lequel fut suivi des Oracle of Ages/Seasons (également sur Game Boy Color), et ainsi de suite. Le fait que Nintendo joue sur deux marchés (celui des consoles domestiques et celui des consoles portables) lui permettait ainsi de rythmer la vie de sa série en lui donnant des respirations bienvenues, confiant même les épisodes 2D à des studios tiers. On pense évidemment à Capcom, qui fut en charge des Oracle mais également de Minish Cap sur Game Boy Advance, aux côtés de Flagship, filiale co-fondée par Capcom, Nintendo et Sega (la société a disparu en 2007).

On se doute que cette rythmique était un bon moyen de concentrer les efforts des équipes propres de Nintendo sur les épisodes 3D, lesquels ont constitué dès les opus sortis sur Nintendo 64 la priorité de la saga, chaque nouvel épisode sur console de salon devenant un événement à part entière, bien plus attendu en définitive que les jeux sur consoles portables, sans renier des grandes qualités de ces derniers.
A côté de cela, Nintendo publie à partir des années 2000 des spin off plus ou moins mineurs et à la qualité très variable d’un jeu à l’autre, de l’oublié (et oubliable) Tingle’s Rosy Rupeeland sur DS en 2006 aux deux Hyrule Warriors sur Wii U et Switch, sans oublier Link’s Crossbow Training sur Wii en 2007, pur jeu-sandwich conçu principalement pour vendre le motion gaming à un public qui demandait encore à être acquis. Des jeux annexes le plus souvent confiés à divers studios (Vanpool, Koei Tecmo…) dont l’intérêt sera surtout de voir si l’on peut sortir Zelda de son carcan habituel. Aussi, ne nous attardons pas sur ceux-là pour aujourd’hui.

Le cartographe le plus cringe de la profession.

A partir des années 2010, la stratégie s’émaille un peu, Nintendo éparpillant les efforts de développement autour de Zelda. Si la cohabitation d’épisodes 2D et 3D perdurera jusqu’à la mise à la retraite de la Nintendo 3DS en 2020, actant de facto la fin du marché nomade, l’entreprise a également investi le champ des remakes et portages dès 2011 en faisant s’enchaîner les ressorties d’Ocarina of Time, Majora’s Mask, The Wind Waker, Twilight Princess et enfin Skyward Sword sur ses différentes machines successives. Répliquant en cela la stratégie calibrée autour de Pokémon (qui voit ses anciennes versions faire l’objet de remakes depuis Rouge Feu et Vert Feuille sur Game Boy Advance en 2004), Nintendo a peut-être quelque peu enrayé la machine.
Car si la sortie d’un nouveau Zelda demeure un événement en soi, il serait un peu faux d’affirmer que la qualité a systématiquement été au top durant la majeure partie des années 2010. On repense en effet avec un goût plus ou moins amer à Tri Force Heroes, Skyward Sword et A Link Between Worlds. Pour des raisons diverses et selon des appréciations qui varieront d’une personne à l’autre*, les trois principaux jeux de la série ainsi sortis durant cette décennie n’étaient sans doute pas les meilleurs de l’histoire. C’est à tel point qu’en y regardant de plus près, ce sont les remakes sur 3DS et les ressorties en HD qui ont obtenu les meilleurs éloges durant cette période.

Skyward Sword avait en particulier été critiqué pour son motion gaming jugé approximatif et capricieux.

*Je continue de mon côté de penser que si Skyward Sword et
A Link Between Worlds étaient certes perfectibles (le 1er sur
son gameplay en motion gaming, l’autre sur son game design

plus général), l’un comme l’autre demeurent d’assez bons
épisodes de la saga

Une respiration, c’est sans doute de cela qu’avait besoin Zelda en fin de compte. A la fin des années 2010, le besoin est un peu devenu fatalité : annoncé sur une Wii U en piètre forme, le tant attendu nouvel épisode de la saga n’a de cesse d’être reporté pour finalement être annoncé à la fois sur Wii U et NX, alors future console bien mystérieuse de Nintendo, pour devenir un jeu de lancement de ladite console, entre temps rebaptisée Switch (éclipsant donc la version Wii U du titre, sortie tout de même mais avec discrétion, pour le plus grand bonheur des spéculateurs de tous horizons…). Alors je ne vais pas vous refaire le topo sur ce qu’il est advenu depuis 2017 concernant Zelda mais le fait est qu’avec Breath of the Wild puis Tears of the Kingdom, la licence a connu un sacré renouveau.
En parallèle, Nintendo semble être arrivé au bout de la démarche des portages HD. Avec la sortie de Skyward Sword HD en 2021, l’intégralité des Zelda 3D parus avant Breath of the Wild ont bénéficié d’une nouvelle sortie. Et si certains fans réclament encore et toujours l’arrivée sur Switch des versions HD de The Wind Waker et Twilight Princess (ils sont jusqu’ici exclusifs à la Wii U), Nintendo n’a plus parlé de quelconques portages depuis trois ans maintenant. Au lieu de cela, c’est à un autre type d’exercice que l’entreprise s’est livré, en compagnie de Grezzo, avec la sortie du remake de Link’s Awakening en 2019, comme mentionné plus haut.

Regardez moi cette mine ravie.

Avec ce jeu, Nintendo offre une autre forme de respiration à Zelda en jouant de nouveau la carte du recyclage mais à travers un autre exercice, à savoir celui de la refonte globale d’un ancien titre. Revu pour l’essentiel sur le pan visuel, avec cette esthétique façon diorama/plastique, Link’s Awakening ne venait pas renverser la table sur laquelle avait été composé son illustre prédécesseur mais lui conférait un écrin renouvelé, où le peu de nouveautés à proprement parler se faisait oublier derrière cette refonte graphique de toute beauté. Nulle surprise donc à voir Nintendo abattre une nouvelle carte avec Echoes of Wisdom en 2024. L’on aurait pourtant pu s’attendre à ce que la firme joue la facilité en faisant comme chez Pokémon et en œuvrant à toujours plus de remakes, la sortie de ce Link’s Awakening ayant largement relancé les rumeurs et envies autour d’une ressortie des Oracle of Ages/Seasons et, dans une moindre mesure, de Minish Cap (qui reste encore aujourd’hui une petite merveille visuelle, questionnant donc un petit peu plus la pertinence d’une refonte).
Mais Zelda n’est pas Pokémon et là où Game Freak et la Pokémon Company se sont évertués à vouloir tout ressortir (parfois pour des résultats pas loin d’être désastreux comme avec Diamant Etincelant et Perle Scintillante en 2021), Nintendo tache d’avoir de la suite dans les idées concernant cette autre série. En découle alors ce nouvel opus, inscrit dans la droite lignée de Link’s Awakening par son apparence et où la fameuse « école du gameplay » que l’on associe si souvent à la firme japonaise se cristallise dans l’envie d’à nouveau sortir la licence de ses habitudes : non seulement en y laissant le public incarner Zelda mais également en profitant de ce prétexte pour instaurer des mécaniques de jeu qui sortent de l’ordinaire.

Pour résumer à gros traits, Echoes of Wisdom a bien compris deux choses : le Link’s Awakening de 2019 a plu pour sa patte graphique et le tandem Breath of the Wild/Tears of the Kingdom a plu pour son décloisonnement et, plus largement, pour sa réinterprétation des systèmes les plus essentiels de Zelda. Deux points qui, de manière plus ou moins franche, résonnent dans ce nouvel épisode.

Je reste tout autant conquis par cette DA qu’il y a 5 ans.

Evidemment, la direction artistique saute aux yeux dès les premiers instants. Reprenant en intégralité ce qui avait fait le charme de son prédécesseur, Echoes of Wisdom se pare instantanément d’une bien jolie surcouche de classe qui aura su, comme Link’s Awakening il y a cinq ans, séduire le public dès les premières annonces. En jeu, l’élégance générale de cette esthétique fonctionne à merveille bien qu’elle soit toutefois un peu ternie par les difficultés techniques que le jeu rencontre parfois. Il s’agira pour l’essentiel de ralentissements, lesquels ne sont en définitive pas véritablement gênants au regard de la progression mais demeurent tout de même regrettables pour ce qu’ils viennent un peu gâcher le plaisir de la découverte visuelle du titre. Mais ne sortons pas les fourches pour autant, l’affaire se déroule tout de même assez bien même si ces chutes de framerate seront tout de même plus désagréables lorsqu’elles se produiront au cours d’un combat de boss. Du reste, plusieurs semaines après la fin de l’aventure, ce sera surtout le plaisir visuel mais également musical qui demeurera principalement en mémoire.
Car si l’on aura tôt fait de vanter les mérites de la patte d’Echoes of Wisdom, il faut également souligner l’impeccable atmosphère musicale dirigée par Hajime Wakai, riche d’une personnalité qui associera par exemple fermement le thème principal du jeu à ce dernier, mais qui saura aussi nouer de nombreux et jolis liens avec tout l’héritage sonore de la licence. Il faut dire aussi que Wakai n’en est pas à son coup d’essai sur Zelda, lui qui a notamment travaillé sur The Wind Waker, Skyward Sword, Breath of the Wild et Link’s Awakening. Hajime Wakai est un compositeur d’importance au regard de la licence, un des grands noms à glisser à côté de celui de Koji Kondo et dont Fanny Rebillard parle admirablement dans son ouvrage La Musique dans Zelda : Les Clefs d’un Epopée Hylienne, paru chez Third Editions en 2021.

Mais il va de soi que ce qui attire le plus l’attention dans ce nouveau Zelda, c’est bien sûr sa principale idée de gameplay. Quiconque connaît un minimum la série et Nintendo de manière plus générale sait que l’un des caps de l’entreprise repose sur la nécessité de sans cesse trouver LE truc qui va modifier la donne. The Legend of Zelda n’y échappe pas et, loin de vouloir s’enliser dans la répétition, la licence a constamment cherché à se renouveler dans les grandes ou dans les petites largeurs selon les cas (le contrôle du temps dans Majora’s Mask, le level design éclaté en îles-puzzles dans The Wind Waker, la rupture avec la linéarité dans A Link Between Worlds…).

Avec Echoes, le choix s’est porté sur une mécanique de duplication des objets et ennemis. Par l’intermédiaire d’un bâton magique, la princesse Zelda peut en effet enregistrer des échos d’objets en tous genres (tables, lits, rochers…) ainsi que des nombreux monstres qu’elle va croiser sur sa route. Ce faisant, elle pourra alors les employer soit pour contourner des obstacles, soit pour combattre. Car là réside une autre particularité du jeu : les combats ne se font pas à l’épée et au bouclier. Tout du moins est-ce vrai pour une grande partie du titre, l’attirail habituellement alloué à Link revenant finalement entre les mains de Zelda, mais se voulant toutefois secondaire (nous y reviendrons).

Tri est à Zelda ce que Navi fut à Link.

Toujours est-il que c’est autour de ces échos que la majeure partie du jeu fonctionne. Ce sont eux qui permettront, par leur accumulation ou leur usage pertinent, de franchir des ravins et rivières ou d’escalader des montagnes. Ce sont eux également qui combattront à notre place, Zelda pouvant envoyer des monstres en affronter d’autres par ce moyen. Ce sont eux enfin qui permettront de résoudre diverses énigmes dans les donjons ou en extérieur. La progression autour de cette mécanique se fait notamment par l’intermédiaire de Tri, petit personnage qui accompagne Zelda dans son aventure. C’est ce dernier qui permettra à l’héroïne d’envoyer les échos. Ceux-ci peuvent être déployés en fonction de la puissance de Tri, laquelle se manifeste par des petits triangles qui le suivent et que l’on aura tôt fait d’associer à ceux identifiés au-dessus de chaque écho. Un nombre qui pourra être progressivement augmenté à la faveur des failles dans lesquelles Zelda s’enfoncera pour sauver les congénères de Tri. A l’issue de chacun de ces segments, où l’usage des échos sera particulièrement mis en avant, le nombre de triangles augmente, permettant donc d’invoquer des échos plus puissants.

Un défaut sera toutefois ce menu déroulant horizontal pour changer d’écho, pratique au début, bien moins lorsque l’on commence à avoir plusieurs dizaines d’échos.

A mon sens, et en dépit des quelques uns qui s’évertueront à affirmer que la mécanique tourne vite en rond, soutenant qu’il suffit d’un lit et d’une table pour finir le jeu, je trouve l’idée vraiment intéressante. D’une part, j’aime beaucoup la logique de retourner les ennemis contre eux-mêmes en venant nous approprier leurs forces et faiblesses et en déterminant ce faisant quel sera le bon mob à envoyer au charbon face à tel ou tel monstre. J’aime cette idée pour ce qu’elle dit de la variété de confrontations dans lesquelles nous pouvons nous retrouver et des particularités sous-jacentes qu’elles impliquent pour chaque type d’ennemis (lesquelles se déclinent en définitive en multiples variantes). D’autre part, j’aime tout simplement l’esprit de débrouillardise et d’inventivité que cela implique. Car si les premiers échos à récolter le seront dans un ordre précis afin d’en comprendre les logiques (une fois encore avec un tutoriel déguisé comme The Legend of Zelda en offre tant dans son histoire*), la suite se fera pour l’essentiel au gré des trouvailles faites au cours d’un cheminement qui n’appartiendra qu’à nous. Car si des objectifs très clairs sont établis d’entrée de jeu, la liberté sera laissée à la personne qui tient la manette de démarrer par où bon lui semble.

*Un des meilleurs exemples à mon sens : toute la partie
d’Ocarina of Time qui se déroule dans la forêt Kokiri au début
du jeu. Du réveil de Link à la victoire contre Gohma à la fin du
premier donjon dans l’Arbre Mojo, l’intégralité du chapitre vise
à apprendre aux joueurs et joueuses les tenants et aboutissants
du titre, tout en intégrant cet apprentissage dans l’intrigue du jeu
et finalement en en masquant sa nature-même de tutoriel.

Là où je peux rejoindre les plus critiques en revanche, c’est sur le fait que Zelda finira tout de même par récupérer les capacités de Link, à savoir l’épée, l’arc et les bombes. Afin de ne pas court-circuiter son nouveau gameplay, Nintendo adjoint cependant à ceci une barre d’énergie qui limite l’utilisation de cet attirail. Une bonne chose en soi car il est évident que l’équipement du petit héros rend les affrontements bien plus aisés. Nintendo et Grezzo incitent alors leur public à ne pas se reposer uniquement sur ces fonctionnalités et les encouragent à faire preuve de cette débrouillardise que je mentionnais plus haut.

Nous aurions pu (et dû) nous en passer, au bénéfice de nouvelles mécaniques qui ne manquent pas de pertinence.

Reste que cette forme d’épéiste n’est en aucun cas mise véritablement de côté. Il est même possible de l’améliorer petit à petit en augmentant la barre d’énergie ou en renforçant l’ensemble de l’équipement auprès d’un PNJ. Par ailleurs, on constatera très vite que les affrontements principaux permettent d’obtenir de quoi recharger ladite barre d’énergie durant le combat. L’inclusion de ces mécaniques propres à Link dans le game design interroge alors. Grezzo et Nintendo avaient-ils peur que les joueurs et joueuses n’accrochent pas à ce nouveau gameplay ? Estimaient-ils que ce dernier n’était peut-être pas suffisant ? Ont-ils jugé que, licence oblige, il fallait nécessairement intégrer les armes habituelles dans le jeu ? Impossible de le dire en l’état mais je pense qu’il est dommage de ne pas avoir su penser le titre sans jamais parler d’épée et de bouclier.
Il eut été préférable, je crois, de concevoir les boss différemment finalement, avec des lieux et des patterns qui auraient véritablement souligné la pertinence des échos et de leur usage, plutôt que de les concevoir avec en tête la possibilité de les combattre « à l’ancienne ». N’auraient-ont pas pu envisager des boss qui fassent plus puzzle que combat ? Ou alors en redéfinissant « tout simplement » ce qu’est un combat de boss dans Zelda et en n’en faisant pas la même chose que dans tous les épisodes précédents ? Ce n’est sans doute pas grave en prenant un de recul sur la question, mais c’est dommage parce que, je le répète, ce gameplay d’échos fonctionne très bien et signe dès le départ la promesse d’une certaine ouverture dans la manière de jouer et, pourquoi pas, de ce gameplay émergeant cher à tant de joueurs et joueuses.

Concernant l’ouverture du titre en termes d’exploration, je la crois dans une grande mesure reprise des Breath of the Wild et Tears of the Kingdom. Non pas qu’aucun autre titre avant eux n’ait eu cette idée (on repense encore une fois à A Link Between Worlds) mais je trouve que l’exécution dans Echoes renvoie directement aux fondamentaux de ces deux jeux, y compris pour de simples questions d’assets visuels qui y font directement référence, notamment sur la carte du jeu. Par ailleurs, cette approche fait à mon sens partie de l’envie du jeu de mêler des éléments tirés des « Zelda 2D » (vue de dessus, vue de côté, construction des donjons en écrans qui se succèdent*…) à ceux des « Zelda 3D ». Ainsi la liberté laissée au public en matière de cheminement renverra pour l’essentiel à ces derniers, tout comme la verticalité du titre. En effet, le level design d’Echoes of Wisdom repose beaucoup sur cette verticalité, tant dans les donjons que dans l’overworld.

*A ce sujet, nous apprenions il y a quelque temps qu’à l’origine,
il était prévu de faire un jeu de création de donjons dans l’univers
de Zelda et non le titre auquel nous avons finalement eu droit. Nul
doute que le mini-jeu disponible dans le remake de Link’s Awakening
avait su donner des idées aux développeurs.

Que ce soit pour avancer, découvrir un secret ou atteindre un objet caché, la verticalité est très présente dans Echoes of Wisdom.

Ce choix de la verticalité, on le rattachera directement au game design ici mis en œuvre, lequel trouvera une concrétisation utile de sa logique d’échos dans le fait d’empiler avec astuce divers objets pour monter toujours plus haut. Tout cet aspect renoue à mon sens avec le sentiment qui ressortait de Breath of the Wild et Tears of the Kingdom, comme si l’on avait cherché à reprendre les mêmes logiques de construction du monde en vue d’une autre application : au lieu d’une vue à la troisième personne classique des jeux en monde ouvert, il s’agit ici de faire résonner cette dimension avec une vue de dessus rappelant furieusement les « Zelda 2D », qui trouvent ici un de leurs propres échos. On relativisera néanmoins car si l’inspiration reste similaire, nous ne sommes pas du tout sur des jeux de la même ampleur, ni de la même échelle et encore moins avec les mêmes ambitions. La tentative de décloisonner le Zelda « à l’ancienne » restera néanmoins appréciée et pertinente.

Si l’on n’ira certainement pas jusqu’à dire que Echoes of Wisdom est une petite révolution en soi, on appréciera fortement l’effort maintenu par Nintendo pour réinventer Zelda. S’attardant autant sur des questions esthétiques que de pur game design, les différentes équipes à la manœuvre sur la série depuis près de 10 ans maintenant font preuve d’une réflexion pertinente (et payante) sur ce qu’elle est et ce qu’elle peut être. Mais un aspect plus intéressant encore dans ce nouveau jeu repose dans le fait d’incarner la princesse. Prétexte à l’installation de ce gameplay différent, la mise au premier rang de cette dernière résulte d’une démarche qui s’est constituée progressivement, très lentement même. Une évolution dont a fait preuve la figure de la princesse Zelda et qui trouve ici une concrétisation forte quoique, nous le verrons prochainement, peut-être un peu bancale.


Très agréable surprise, tant pour ce qu’il propose sur le fond comme sur la forme, The Legend of Zelda – Echoes of Wisdom mérite bien des louanges. S’il n’est pas exempt de défauts techniques et si la structure générale du jeu (ouverte mais tout de même un peu fléchée et répétitive) l’empêchent sans doute de prétendre à être l’un des meilleurs épisodes de la licence, il en est sûrement l’un des plus malins. Son gameplay, même s’il se trouve contrasté par le retour des mécaniques classiques de la licence, ne manque pas d’intelligence et surprend par sa capacité à nous amener à nous creuser les méninges. A titre personnel, je trouve même cela plus intéressant que les constructions rendues possibles dans Tears of the Kingdom, que je peinais à mettre en application avec efficacité. Ici, les échos trouvent sans cesse une utilité et la possibilité d’en obtenir des versions améliorées rend le jeu à la fois pertinent sur le plan de la créativité et malin dans sa façon de graduer la courbe de difficulté.
Quant à l’incarnation de Zelda, à la fois prétexte au service de ce gameplay et concrétisation d’un vœu pieux des fans, elle arrive à un moment intéressant dans l’histoire de la licence et du personnage, et interroge sur le rapport qu’entretient Nintendo avec ses principales figures féminines. Rendez-vous la semaine prochaine pour évoquer ce sujet !

Accéder à la partie 2 du dossier

3 réponses à « « The Legend of Zelda – Echoes of Wisdom » : Nintendo, la princesse et les femmes – Pt.1 »

  1. Avatar de Autour de « The Legend of Zelda – Echoes of Wisdom » : Nintendo, la princesse et les femmes – Pt.3 – Dans mon Eucalyptus perché

    […] Retour à la première partie du dossierRetour à la deuxième partie du dossier […]

  2. […] toujours utiliser, de façon limitée, le traditionnel duo épée + bouclier, ce qui, selon d’autres joueurs (et moi) empêche d’être obligé à adopter une stratégie basée sur les Echos contre les […]

Répondre à Autour de « The Legend of Zelda – Echoes of Wisdom » : Nintendo, la princesse et les femmes – Pt.3 – Dans mon Eucalyptus perché Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Mémo

Concernant les travaux de mise en page du blog, seuls les articles les plus anciens sont désormais à retravailler.
N’hésitez pas à me signaler tout problème !

~ Gaëtan