Il paraît qu’on ne fait jamais mieux les choses que soi-même. C’est bien beau tout ça mais lorsqu’il s’agit de Super Mario, on a du mal à imaginer qu’on puisse faire mieux que Nintendo en la matière. Et pourtant, en 2015, Big N propose à son public de fabriquer ses propres niveaux de Super Mario et de les partager. Une intention qui en aura surpris plus d’un à l’époque mais qui s’est révélée payante puisque Super Mario Maker fut un des succès surprises de la fin de carrière de la Wii U. Quatre ans et un portage 3DS plus tard, l’éditeur de niveaux accessible à tous revient dans un second volet plus complet encore sur Switch. Et cette fois, je n’ai pas passé mon tour.
Malgré le grand succès qu’a remporté Super Mario Maker premier du nom, je n’ai de mon côté pas cédé aux appels de ce jeu. Connaissant mon cruel manque de créativité, je me suis toujours dit que l’avoir serait globalement vain. Que ce soit (pour ceux qui me viennent en tête) dans Advance Wars, le récent WarGroove ou je ne sais quel autre jeu incluant un éditeur de niveaux, je me suis toujours très vite lassé de ce mode. Pas à cause de lui mais principalement en raison de mon incapacité notable à concevoir quoi que ce soit de tangible et, surtout, de plaisant à jouer. J’ai donc volontiers fait l’impasse sur le 1er volet, sorti sur Wii U puis sur 3DS, et ce malgré donc les nombreux éloges le concernant.
Pour tout vous dire, c’était bien parti pour qu’il en soit de même cette année avec sa suite. Le jeu a pourtant su susciter mon envie et comme je ne suis absolument pas devenu un génie créatif entre temps, croyez bien que j’en suis le premier surpris. Je le suis d’autant plus que ce Super Mario Maker 2 m’a beaucoup plu. Je dois bien admettre également que ma session de jeu lors de Nintendo Paris 2019 a su m’afficher bien des qualités inhérentes au titre qui avaient de quoi piquer ma curiosité, sinon carrément me pousser à me lancer.

Bien quelle puisse avoir l’air un peu chargée au premier coup d’œil, l’interface est en fait très simple à prendre en main.
Le principe de base de Super Mario Maker 2 est pourtant le même que dans le précédent jeu : créer. Armé(e) de votre imagination, c’est à vous de composer vos propres niveaux de Super Mario Bros. avec les outils mis à disposition. Ceux-là sont évidemment compris dans un éditeur de niveaux très complet. Regorgeant de bien des éléments que les fans de la licence reconnaîtront sans mal, ce mode permet de les faire varier du tout au tout et, surtout, d’en faire ce que vous voulez. Que vous vouliez construire un niveau classique avec les embûches habituelles, libre à vous. Si vous êtes plutôt du genre à créer un mur de Goombas ailés tandis que d’énormes frères Marto font virevolter leurs projectiles sur des plateformes entourées par les flammes et sur lesquelles atterrissent sans discontinuer des Koopas parachutés, eh bien soit, vous pouvez le faire aussi. Le système est suffisamment bien fait pour permettre aussi de créer des pentes selon différents angles (ce qui constitue d’ailleurs une nouveauté par rapport au premier épisode), de placer un soleil ou une lune (laquelle permet de débloquer un fond nocturne pour vos niveaux), d’installer des blocs serpents, les fameux interrupteurs On/Off qui activent ou non certains blocs rouges et bleus, etc… La très grande variété d’outils présents dans cet éditeur offre un nombre de possibilités dont la seule limite sera finalement le nombre total de tuiles sur lesquelles les disposer et, accessoirement, la fertilité de votre imagination.
Au-delà des différents éléments de décor, items et ennemis dont nous disposons, Super Mario Maker 2 propose également de créer tout cela dans le style de Super Mario Bros., Super Mario Bros. 3, Super Mario World, New Super Mario Bros. U et, c’est la nouveauté, Super Mario 3D World. Hasard du calendrier, au moment de rédiger cette 50ème chronique consacrée à un jeu vidéo, je me rends compte que la première était consacrée à 3D World. Enfin bref, en s’appuyant sur ces opus emblématiques de la saga, ce jeu-ci offre aux joueurs et joueuses une belle palette de styles, chacun avec ses particularités et spécificités qui sont autant de propositions à exploiter lors de la conception des stages. Aisé à prendre en main, surtout si l’on prend le temps de suivre les quelques (rapides) leçons proposées in game, l’outil s’avère relativement intuitif même s’il sera assez logiquement plus simple à employer en mode portable plutôt qu’en mode salon. Ceci étant dit, la création à la manette n’est pas non plus fondamentalement rédhibitoire quoiqu’un peu plus lente.
L’autre pan de ce principe de base, c’est évidemment le partage. Car créer c’est bien mais si on ne devait jouer qu’à nos propres niveaux, on aurait vite fait de tourner en rond. Super Mario Maker 2 embarque donc logiquement un système de mise en ligne très simple : un titre, un court descriptif et c’est bon. Le jeu oblige le créateur/la créatrice à terminer le parcours de son propre niveau avant de le mettre en ligne, histoire d’être sûr qu’il peut être terminé dans les conditions établies par la personne qui l’a créé. Celles-ci sont assez variées et vont du banal mais tout bête « Atteignez l’arrivée » à la variante « sans subir de dégâts » en passant par « en ayant éliminé tant de Goombas » ou « sans effectuer de saut ».
Il faudra cependant être vigilant car il n’est pas toujours impossible de valider un niveau sans s’apercevoir qu’un point donné peut piéger un joueur définitivement et totalement le bloquer. C’était mon cas sur mon niveau sobrement intitulé Desert Map, où j’avais laissé sans m’en apercevoir un piège dont il était impossible de sortir. Le niveau pouvait être conclu si l’on ne tombait pas dedans, d’où la validation, mais si l’on se faisait avoir, il n’y avait plus qu’à recommencer. Dans ces cas-là, il est d’ailleurs assez dommage de constater qu’on ne peut pas modifier un niveau déjà publié en ligne. On est alors obligé d’aller chercher la sauvegarde dudit stage dans notre jeu, de modifier ce qui doit l’être, de le republier et de supprimer la précédente version. Une légère perte de temps qu’il n’aurait pourtant pas été difficile d’éviter par l’ajout d’un simple bouton « Modifier »…
Et tant qu’à faire évoquer un écueil, parlons du système so Nintendo de codes qui régit tout le partage en ligne. Chaque stage se voit en effet attribuer dès sa publication un code à 9 caractères qui permettra de le partager avec qui l’on voudra. Jusque là, rien à redire mais la chose prend une tournure presque désagréable quand on se rend compte qu’il est à 100 % nécessaire d’employer des codes pour retrouver un niveau particulier ou un(e) créateur/trice précis(e) ! Impossible par exemple d’effectuer une recherche par pseudo ou par titre ! Tout cela malgré un outil de recherche avancée qui permet pourtant d’assez bien affiner les critères, hormis les termes de recherche…

Les codes sont pratiques pour le partage mais pas pour la recherche fine.
Ici un niveau créé par Antharus.
Malgré le fait qu’il reste engoncé dans les vieilles mécaniques de Nintendo, l’aspect online n’a pas vraiment à rougir. Si l’on passe outre ces deux petits « soucis », il s’avère même très appréciable dans la forme. Au-delà de ça, son contenu à de quoi occuper ! Empli de niveaux aussi nombreux que variés, c’est un formidable étalages d’idées et de créativité qu’il nous est donné à voir. La chose peut d’ailleurs être appréhendée de différentes manières : découvrir les nouveautés, les stages les plus populaires du moment, etc… Mais je crois que ma préférence va au mode sans fin où, dans la difficulté de son choix, les créations se succèdent à l’infini. Et il n’est pas exagéré de parler d’infini car quand on voit à quel point le catalogue est déjà vaste et la manière dont il se remplit continuellement de niveaux inédits créés dans le monde entier, le total de stages disponibles semble virtuellement sans fin. Ce mode-ci peut amener son lot de frustrations, notamment lorsque l’on tombe sur l’énième reproduction au détail près du fameux niveau 1-1 du tout premier Super Mario Bros., mais cette avalanche incessante est un bon moyen de faire plein de chouettes découvertes, à privilégier en particulier si l’on ne sait pas trop par où commencer.
Tout cela, on le retrouvait dans les grandes largeurs dans Super Mario Maker premier du nom. Mais ce n°2 a un énorme atout dans sa manche : un mode histoire. C’est certainement ce qui a le plus joué dans le fait que j’ai cédé au moment d’envisager ou non l’achat de ce jeu. Ce mode histoire, je l’avais testé lors de Nintendo Paris donc, le mois dernier, et c’est là que j’ai pris conscience de tout son intérêt et de la façon dont il pouvait devenir un bel argument pour vendre Super Mario Maker 2.
Reprenant grosso modo l’idée sous-jacente du Défi des 10 Mario du premier opus, ce mode propose une centaine de niveaux à parcourir dans le cadre d’un pitch qui se joue comme toujours en quelques mots : alors que les Toads devaient retaper un peu le château de la Princesse Peach, voilà qu’ils le rasent. A Mario donc de remplir les missions proposées pour gagner des pièces et reconstruire ledit château. Tout ceci n’est au final qu’un joli prétexte pour donner un contenu déjà non-négligeable à qui débuterait tout juste sur le jeu et n’aurait pas encore jeté un œil du côté de l’online. De la centaine de niveaux proposés, on aurait bien tort de croire qu’ils vont s’apparenter à du Super Mario classique. Bien au contraire, ce mode histoire ressemble au final bien vite à un véritable exposé des possibilités offertes par l’éditeur de niveau du jeu. Chaque stage permettra de mettre en avant une idée, un concept ou plusieurs afin de montrer aux joueurs et joueuses ce qu’il est possible de faire une fois qu’ils/elles se lanceront dans la création. Laissées entre les mains des équipes de Nintendo, les opportunités du jeu dévoilent tous les fondements, faisant de cette histoire une sorte de tutoriel par la démonstration, vaste, riche et long. Cela donne lieu à des niveaux très originaux, loin du côté un peu conventionnel des Mario en 2D, et bourrés d’intelligence, de sens du level design et d’humour même. On sent en parcourant tous ces stages que l’on s’en est donné à cœur joie pour concevoir tout cela.
Et finalement, Super Mario Maker 2 fonctionne sur bien des plans, à commencer par son aspect créatif. Cœur du concept, l’éditeur de niveaux se veut si simple à prendre en main que même un type comme moi arrive à en sortir quelque chose d’à peu près correct. C’est jouable en tous cas, si j’en crois les « Cool » qui sont attribués à mes différentes créations en ligne. Même sans avoir préétabli quelque chose avant d’ouvrir l’éditeur, on peut facilement arriver devant lui et tâcher d’improviser un minimum pour, de fil en aiguille, composer un stage qui soit plaisant à parcourir. Il est quasi certain cependant que, dans un premier temps et pour une partie d’entre nous, nos créations ressemblent pour la plupart à des choses déjà vues par ailleurs. Sans nécessairement aller jusqu’à la feignantise de celles et ceux qui reproduisent jusqu’à l’écœurement le 1-1 du premier Super Mario Bros. comme je l’évoquais tout à l’heure, il n’y a pas de doute que telle séquence, tel piège mis en place dans nos premiers jets sera inspiré par des éléments déjà proposés par les œuvres passées de Nintendo.
Mais, avec le temps et la pratique, le jeu nous pousse presque sans faire quoi que ce soit à nous éloigner de nos références et à expérimenter. Il suffit parfois de tomber sur un item donné dans la boîte à outils pour envisager autre chose qui vienne ajouter du piment à notre création, sinon la redéfinir intégralement. Le mode histoire contribue également à cela et se pose comme une énorme source d’inspiration accessible dès les premières sessions de jeu. Une seule heure sur ce solo et c’est déjà tout un fourmillement d’idées qui prend corps dans notre imagination. En bref, la chose fonctionne parce que, sans trop nous prendre par la main, Super Mario Maker 2 sait nous accompagner dans son concept et nous indiquer, par à-coups finalement assez discrets et bienveillants, comment faire en sorte de s’amuser, autant en tant que joueur simple qu’en tant que créateur.

En réponse aux moult copies du 1-1 de Super Mario Bros., j’ai pour ma part refait le tout premier niveau de Sonic. Et toc !
Comme nous ne sommes pas seuls à jouer à Super Mario Maker 2, il faut bien se dire aussi que ce sont des milliers d’esprits créatifs qui bénéficient du même traitement. Le mode online ne nous contredit d’ailleurs pas : le nombre de niveaux d’ores et déjà mis en ligne par les joueurs et joueuses de par le monde est déjà plus que faramineux. Et il ne cesse d’augmenter ! Une expansion qui ne devrait pas s’arrêter de sitôt, d’autant que le nombre maximum de niveaux « upoadables » par personne vient d’être doublé, passant ainsi de 32 à 64 ! Je ne suis certes pas un grand matheux mais, pour autant que je sache, 64 multiplié par des milliers et des milliers, ça fait un sacré paquet de stages à parcourir. Le jeu en tire par conséquent une rejouabilité virtuellement infinie et un autre atout : même si l’on n’est pas trop créatif et que l’on n’a pas envie de s’y essayer, le jeu peut s’adresser à celles et ceux qui préfèrent découvrir les niveaux plutôt que les concevoir, sans aucun souci. En acquérant Super Mario Maker 2, cette frange du public s’offre une sorte de Super Mario Bros. Ultra Deluxe, riche d’un incalculable nombre de niveaux tous plus originaux les uns que les autres, nourris d’une ingéniosité folle et d’idées très intéressantes dont on se dit parfois que Nintendo ferait bien de garder un œil dessus.
L’une des plus grandes forces de ce jeu, c’est clairement sa communauté. Cumulez dans un même titre des fans avides de participer pleinement à l’univers vidéoludique qu’ils aiment + un éditeur de niveaux aussi complet qu’accessible et vous obtenez d’une certaine manière le spin off de Super Mario Bros. le plus dense et abouti possible. Une source intarissable de jeu, alimentée par l’aura qu’une licence trentenaire peut avoir sur ses amateurs et fans. Je vois finalement en Super Mario Maker 2 une double déclaration. D’abord celle, d’amour, des fans à la franchise et, d’autre part, une autre qui ressemble énormément à un immense remerciement chaleureux et généreux de Nintendo à son public. On ne se mentira pas non plus et l’on imagine bien qu’il y a derrière le concept-même de Super Mario Maker l’envie du développeur de couper court aux fangames qui pullulent sur internet et que Nintendo a très régulièrement dans le viseur. Mais le geste, si intéressé puisse-t-il être au fond, est là et il est loin d’être maladroit. La question qu’on est en droit de se poser cependant à l’aune de tous ces niveaux créés dans le monde entier, on se la posait avec un copain il y a quelques jours : comment Nintendo peut-il sortir un nouveau Mario 2D ? Une fois l’intégralité des outils (ou presque) mise entre les mains des joueurs et vu la qualité générale des stages construits sur la base de tout cela, le challenge est incommensurable pour Nintendo dans l’optique de publier un Mario 2D inédit. Il y a le risque de proposer un jeu dont on va se dire « Ah ouais m’enfin les niveaux faits par tel joueur sur Maker 2 étaient quand même plus cool ». En mettant le pan 2D de la licence à portée des joueurs et joueuses, Nintendo a sacrément intérêt à redoubler d’inventivité pour un éventuel prochain opus de la gamme. Vendre une énième New Super Mario Bros. ou quelque chose qui s’en approcherait ne sera pas suffisant loin de là.
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Super Mario Maker 2 est donc une très bonne surprise pour moi. Alors que je me pensais incapable de concevoir un quelconque niveau et que j’estimais par conséquent ne pas du tout être le public cible de ce titre, je me suis surpris à passer bien des heures à réfléchir à mes propres créations ou à parcourir inlassablement celles des autres. Le jeu s’avère extrêmement riche et complet, sans défaut majeur et, encore une fois, virtuellement infini. S’il « souffre » parfois de mécanismes un peu vieillots « à la Nintendo », il n’en demeure pas moins très plaisant à explorer et devrait assez facilement s’installer comme un indispensable de la Switch. Le jeu s’adressant aussi bien aux level designers en herbe qu’aux joueurs et joueuses « classiques », son public-cible est en réalité particulièrement large. Un très bon calcul de la part de Nintendo.
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