Si l’on n’est fan ni de The Legend of Zelda, ni de Pokémon, voici sans doute le jeu le plus attendu des propriétaires de Switch pour cette fin d’année 2019. Pas moins de 18 ans après sa première aventure solo dans un univers fantomatique, Luigi revient avec Luigi’s Mansion 3. Un troisième épisode qui fait suite à un précédent opus paru sur 3DS il y a quelques années et qui avait relativement divisé son public. A titre personnel, j’avais été un tout petit peu échaudé par ce volet sur console portable, aussi j’attendais cette suite avec autant d’impatience que de craintes. Car si je souhaitais ardemment retrouver Luigi’s Mansion, j’espérais aussi et surtout que ce troisième épisode allait être de meilleure facture.
Luigi’s Mansion, c’est l’histoire d’un petit spin off entré par la grande porte. Inattendu, le premier volet ce qui devint une trilogie est sorti en 2001-2002 (selon les régions du monde) en tant qu’éminent membre du line up de lancement de la GameCube. Point de Super Mario ou de Zelda pour soutenir la nouvelle machine (pire, en Europe, Sonic figure lui-même dans ces jeux de départ !) et c’est donc à Luigi que revient la tâche de porter haut les couleurs du Nintendo développeur à l’orée du XXIème siècle avec ce fantastique ersatz de SOS Fantômes sauce Royaume Champignon. Jouissant d’un succès d’estime, Luigi’s Mansion ne connaîtra de suite qu’en 2011 sur 3DS puis cette année donc sur Switch. Deux opus développés non par Nintendo mais par Next Level Games, studio également connu pour Mario Smash Football et sa suite ou encore un Metroid Prime – Federation Force dont je vous avoue volontiers que je n’ai jamais eu le courage de le terminer…

Une des nouveautés : la possibilité de frapper les fantômes au sol, sinon d’en prendre un pour taper sur les autres.
Annoncé en 2018, détaillé à l’E3 2019, ce troisième épisode m’avait laissé une assez bonne impression lorsque j’avais pu le tester durant Nintendo Paris 2019. J’avais alors eu le loisir de parcourir le niveau à la thématique médiévale et d’y affronter son boss, l’occasion donc de découvrir les nouveautés de gameplay et ce genre de choses. Pour mes impressions d’alors, je vous renvoie à l’article dédié au sujet. Ces nouveautés néanmoins, quelles étaient-elles ? La démo d’alors en présentait plusieurs, à commencer par la plus importante : Gluigi. Double de Luigi fait d’une sorte de slime ectoplasmique vert et invocable à l’envi, Gluigi était en réalité déjà apparu dans le remake sur 3DS du premier épisode, que l’on devait d’ailleurs à Grezzo (les gens derrière les remakes 3D d’Ocarina of Time et Majora’s Mask notamment). Enfin bref, globalement, Gluigi permet de franchir divers obstacles impossibles à passer pour Luigi (grilles, pics, tuyaux etc…) ou de prêter main-forte au peureux plombier lors de certains passages et/ou affrontements. A titre d’exemple, Gluigi pourra être utilisé pour activer un mécanisme tandis que Luigi sera de son côté en train d’utiliser ce dernier. Le niveau fait d’un studio de tournage sera d’ailleurs une très belle occasion d’employer ce double tout vert à de multiples reprises.
Autre élément de gameplay qui me semble inédit (je n’ai nul souvenir de les avoir déjà vues auparavant), les ventouses que Luigi peut envoyer sur des objets ou ennemis pour venir à bout des uns comme des autres. Vous l’aurez deviné, l’accessoire le plus connu des plombiers sera d’une grande utilité face à certains fantômes bien équipés ou bien pour révéler divers secrets. A part cela, rien de réellement neuf sous le Soleil puisque les autres éléments de jeu de Luigi’s Mansion 3 reposent essentiellement sur l’indéboulonnable Ectoblast, fidèle aspirateur à fantômes créé par le professeur K. Tastroff (lequel est également de retour), ou encore le Révéloscope, inauguré à l’occasion de Luigi’s Mansion 2 et permettant comme son nom l’indique si bien, de révéler des objets invisibles ou (moins évident à deviner cette fois) à extraire de certains tableaux masse de monnaie ou, tout bonnement, les fidèles amis de Luigi faits prisonniers par l’infâme Roi Boo, éternel antagoniste de la licence.
Mon idée n’est en tous cas pas ici de vous citer le moindre morceau de gameplay de Luigi’s Mansion 3 mais plutôt de vous en donner une vue d’ensemble. Et ce que l’on peut dire, c’est que cette dernière est finalement assez réduite. En effet, Luigi’s Mansion 3, à l’instar de ses prédécesseurs, repose sur un système de jeu aussi simple que peu varié. Ne voyez pas en cela un reproche de ma part à l’encontre du jeu car ce constat ne signifie nullement que la chose est mal faite. Tout au contraire, le fait que ce gameplay repose sur un nombre relativement limité d’éléments (à peine une demi-douzaine de features en gros) rend le tout redoutablement accessible et aisé à prendre en main.
Bien évidemment, il serait compréhensible de voir naître des craintes : et si tout était trop simple ? Pour pallier à cela, une seule (ou presque) solution : un game design général suffisamment intelligent pour que le jeu offre un challenge intéressant et constant « malgré » le peu d’actions réalisables par Luigi. Ce que je veux dire par là, c’est que ce nombre d’actions possibles peut bien être bas, si leur application se fait avec finesse d’un point de vue ludique, le pari peut être réussi. La promesse de Luigi’s Mansion 3 pourrait alors se résumer à celle d’une simplicité d’accès contrebalancée par le challenge proposé par ailleurs.

Les fantômes de magiciennes constituent un de ces pics de difficulté mais n’en sont pas pour autant insurmontables.
Il ne faut donc pas condamner ce titre avec pour seule justification que son gameplay est réduit mais il vaut bien mieux d’attendre de voir si le point que je viens de souligner juste avant se vérifie. Cela étant, on en viendra vite à penser que le jeu s’avère finalement assez facile, voire très. Avant de préciser tout cela, je tiens à ôter un doute qui pourrait déjà se manifester en vous à ce stade de la lecture : oui, Luigi’s Mansion 3 est un titre plaisant et je peux affirmer que je me suis bien amusé dessus. Ce soft offre dans son ensemble la même expérience que les deux précédents et il va de soi que si vous les aviez appréciés, il n’y a pas vraiment de raison pour que vous n’aimiez pas ce dernier-né de la série. Mais le fait est qu’il est globalement trop facile. Oh bien sûr, quelques « pics » de difficulté ponctuent l’aventure de Luigi dans cet hôtel hanté mais il n’y a jamais de quoi s’arracher les cheveux. Bien entendu, je n’attendais pas ici un jeu particulièrement corsé, cette série n’est absolument pas là pour ça. Mais tout de même, j’aurais espéré être un peu plus mis au défi. Somme toute, Nintendo semble surtout s’être mis en tête de proposer un jeu aussi familial que possible, prompt à être mis entre toutes les mains ou presque et permettant d’obtenir satisfaction immédiate par un seuil de difficulté relativement bas. Quant au challenge… Il existe, certes, mais les joueurs et joueuses un minimum expérimenté(e)s ne s’y retrouveront peut-être pas sur le long terme. Ainsi, les énigmes et autres puzzles dont regorgent abondamment le jeu (et cette abondance est cool) seront au mieux de petits casse-têtes sympathiques mais jamais ô grand jamais n’iront-ils faire appel à un maximum de jugeote. Luigi’s Mansion 3 s’enroule bien confortablement dans ses atours de jeu familial donc et n’ira, hélas, jamais beaucoup plus loin que cela.

Après la Game Boy puis la DS, c’est au tour de l’inattendu Virtual Boy d’inspirer le matériel de communication de Luigi et Tastroff avec le Virtual Boo. Le professeur l’utilisera hélas beaucoup pour nous donner des indications parfois évidentes et nous priver du plaisir de la réflexion.
Mais, ce constat fait, il convient malgré tout de reconnaître les qualités intrinsèques de ce titre. Car s’il ne révolutionne rien (était-ce seulement là son ambition ? Certainement que non), il arrive néanmoins à proposer une expérience ludique amusante et tout de même prenante qui réussit l’audacieux exploit de ne nullement se montrer lassante, ce qui était pourtant à craindre compte tenu de ce que je viens d’évoquer dans les paragraphes précédents. Ne parler que du manque de défi reviendrait en effet à occulter toute l’originalité que recèlent bon nombre des 17 étages de cet hôtel (lesquels correspondent peu ou prou aux différents niveaux du jeu).
Je pense ici par exemple au studio de tournage que j’évoquais brièvement plus haut ou à la suite médiévale, qui tire franchement bien parti des spécificités de gameplay de cet opus. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas pour rien que cette suite moyen-âgeuse était l’objet de la démo… Dans ces niveaux (et d’autres), level design et game design s’associent bien joliment pour offrir de chouettes séquences de jeu, certes aisées à franchir mais néanmoins plaisantes à parcourir car bien conçues et livrant des mécanismes que l’on se plait à actionner pour progressivement voir le bout du niveau. Et si les différents niveaux s’avèrent pour la plupart assez courts, cela permettra en contrepartie d’insuffler un sentiment de renouvellement, ou plutôt de dynamisme appréciable.

L’enchaînement des niveaux se fait par la récupération des boutons de l’ascenseur de l’hôtel, tous gardés par tout autant de boss.
Mais toute médaille a ses revers et si le fait de passer ainsi d’un niveau à l’autre confère au jeu une certaine vivacité, cela le rend également plutôt court. Sans forcer, c’est en à peine plus de 11 heures que je suis venu à bout de Luigi’s Mansion 3. Bien entendu, un jeu court ne signifie pas nécessairement que ce dernier pâtira de sa petite durée de vie et le récent remake de Link’s Awakening est là pour en attester, mais en l’occurrence, je ne peux m’empêcher de rester un tantinet sur ma faim. C’est toute l’équation de l’équilibre à trouver qui se pose ici et, surtout, qui fait que Luigi’s Mansion 3 pêche un peu en la matière. Si votre jeu a une durée de vie réduite, prodiguez-lui au moins un peu de panache pour contrebalancer, ou de challenge justement. A défaut de cela, cet opus-ci espère s’en tirer à bon compte avec sa seule (mais immense) sympathie ainsi que la maîtrise de son game design, lequel est irréprochable dans les propositions de base qu’il met en oeuvre. Mais ce n’est pas suffisant. Ça l’est sans doute pour donner lieu à un jeu agréable à parcourir, amusant de bout en bout malgré tout et apte à laisser un bon souvenir dans l’ensemble, je ne nie pas cela. Mais ça ne l’est en revanche pas pour donner lieu à une expérience ludique réellement exceptionnelle et encore moins progressiste.
Avec ce troisième volet, Nintendo et Next Level Games donnent un peu l’impression de se reposer sur les acquis des deux précédents : le premier pour les principes fondateurs qui régissent cependant avec habileté cette itération 2019 ; le deuxième ensuite pour quelques retours de features (le Révéloscope en premier lieu) et surtout le découpage en niveaux bien distincts et thématiquement marqués. D’ailleurs, quitte à autant jouer la carte des inspirations antérieures, je vous avoue que j’aurais sans conteste préféré que le premier jeu ait été favorisé. Le retour de la possibilité d’utiliser l’eau et le feu avec l’Ectoblast par exemple eut été une chouette idée tandis que le principe d’un établissement vaste dans lequel nous allons et venons à grands renforts d’allers et retours induits par le déroulé du scénario (à la Metroid en somme) m’aurait davantage enthousiasmé que cette succession d’étages où nous revenons certes parfois mais au prix d’une légère redondance. Dans cet ordre d’idées d’ailleurs, ce maudit Ectochat contribuera à l’impression de redite au sein même du jeu, sinon de remplissage maladroit.
Alors oui, je râle mais il ne faut pas prendre tout ceci pour une descente en règle. Non, Luigi’s Mansion 3 n’est pas parfait et oui, certains de ses partis-pris sont un chouïa regrettables. Mais au-delà de ça, il est un jeu dont la qualité reste sauve. Dire, comme je l’ai fait ici, que j’aurais préféré telles ou telles choses n’est qu’une façon d’exprimer des attentes qu’il n’a pas su satisfaire. Pour autant, ce n’est pas pour cela que ce titre n’est pas objectivement bon. Avec un tant soit peu de recul, il apparaît pétri de bonnes intentions et, mieux encore, il s’exécute parfaitement. « Nintendo seal of quality » oblige, il s’avère notamment être un jeu irréprochable sur le plan technique et dont les atours esthétiques ne méritent aucune réelle critique. Aussi, peut-être regrettera-t-on une partie de ses choix mais leur exécution est si bonne, si correcte, qu’on lui pardonne plus que volontiers.
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En conclusion, je pense que l’on peut dire de Luigi’s Mansion 3 que s’il n’est pas à la hauteur des ambitions auxquelles il aurait pourtant pu légitimement prétendre, il n’en est pas pour autant un jeu à clouer au piloris. Pas assez inventif, certes ; trop court, peut-être ; trop facile, éventuellement… Mais ce troisième volet de la série se livre à nous avec une assurance justifiée par l’exemplaire exécution de ses idées ainsi qu’une certitude : celle de passer un bon moment. Près de 20 ans après le premier épisode, Luigi’s Mansion 3 est tout sauf un ratage. Quant à Luigi, c’est toujours un aussi bon compagnon de mésaventures. Gageons que nous reprendrons bientôt avec lui cette réjouissante chasse aux fantômes !
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